Scène III
Créon,Pollux,Cléone
Créon
Que font nos deux amants, Cléone ?
Cléone
La princesse,
Seigneur, près de Jason reprend sonallégresse ;
Et ce qui sert beaucoup à soncontentement,
C’est de voir que Médée est sansressentiment.
Créon
Et quel dieu si propice a calmé soncourage ?
Cléone
Jason, et ses enfants, qu’elle vous laisse engage.
La grâce que pour eux madame obtient devous
A calmé les transports de son espritjaloux.
Le plus riche présent qui fût en sapuissance
À ses remerciements joint sareconnaissance.
Sa robe sans pareille, et sur qui nousvoyons
Du Soleil son aïeul briller mille rayons,
Que la princesse même avait tantsouhaitée,
Par ces petits héros lui vient d’êtreapportée,
Et fait voir clairement les merveilleuxeffets
Qu’en un cœur irrité produisent lesbienfaits.
Créon
Eh bien, qu’en dites-vous ? Qu’avons-nousplus à craindre ?
Pollux
Si vous ne craignez rien, que je vous trouve àplaindre !
Créon
Un si rare présent montre un esprit remis.
Pollux
J’eus toujours pour suspects les dons desennemis.
Ils font assez souvent ce que n’ont pu leursarmes ;
Je connais de Médée et l’esprit et lescharmes,
Et veux bien m’exposer au plus crueltrépas,
Si ce rare présent n’est un mortel appas.
Créon
Ses enfants si chéris qui nous serventd’otages,
Nous peuvent-ils laisser quelque sorted’ombrages ?
Pollux
Peut-être que contre eux s’étend satrahison,
Qu’elle ne les prend plus que pour ceux deJason,
Et qu’elle s’imagine, en haine de leurpère,
Que n’étant plus sa femme, elle n’est plusleur mère.
Renvoyez-lui, seigneur, ce don pernicieux,
Et ne vous chargez point d’un poisonprécieux.
Cléone
Madame cependant en est toute ravie,
Et de s’en voir parée elle brûle d’envie.
Pollux
Où le péril égale et passe le plaisir,
Il faut se faire force, et vaincre sondésir.
Jason, dans son amour, a trop decomplaisance
De souffrir qu’un tel don s’accepte en saprésence.
Créon
Sans rien mettre au hasard, je sauraidextrement
Accorder vos soupçons et son contentement.
Nous verrons dès ce soir, sur unecriminelle,
Si ce présent nous cache une embûchemortelle.
Nise, pour ses forfaits destinée à mourir,
Ne peut par cette épreuve injustementpérir ;
Heureuse, si sa mort nous rendait ceservice,
De nous en découvrir le funesteartifice !
Allons-y de ce pas, et ne consumons plus
De temps ni de discours en débatssuperflus.