Mémoires de Vidocq – Tome II

CHAPITRE XXI

On me ramène à Douai. – Recours en grâce. – Ma femme se marie.– Le plongeon dans la Scarpe. – Je voyage en officier. – La lecturedes dépêches. – Séjour à Paris. – Un nouveau nom. – La femme qui meconvient. – Je suis marchand forain. – Le commissaire de Melun. –Exécution d’Herbaux. – Je dénonce un voleur ; il me dénonce. –La chaîne à Auxerre. – Je m’établis dans la capitale. – Deuxéchappés du bagne. – Encore ma femme. – Un recel.

À peine avais-je mis le pied dans le préau,que le procureur-général Rauson, que mes évasions réitérées avaientirrité contre moi, parut à la grille, en s’écriant : « Ehbien ! Vidocq est arrivé ? Lui a-t-on mis les fers ?– Eh ! monsieur, lui dis-je, que vous ai-je donc faitpour me vouloir tant de mal ? Parce que je me suis évadéplusieurs fois ? est-ce donc un si grand crime ? Ai-jeabusé de cette liberté qui a tant de prix à mes yeux ?Lorsqu’on m’a repris, n’étais-je pas toujours occupé de me créerdes moyens honnêtes d’existence ? Oh ! je suis moinscoupable que malheureux ! Ayez pitié de moi, ayez pitié de mapauvre mère ; s’il faut que je retourne au bagne, elle enmourra ! »

Ces paroles et l’accent de vérité avec lequelje les prononçai, firent quelque impression surM. Rauson : il revint le soir, me questionna longuementsur la manière dont j’avais vécu depuis ma sortie de Toulon, etcomme à l’appui de ce que je disais, je lui offrais des preuvesirrécusables, il commença à me témoigner quelque bienveillance.« Que ne formez-vous, me dit-il, une demande en grâce, ou toutau moins en commutation de peine ? Je vous recommanderai augrand juge. » Je remerciai le magistrat de ce qu’il voulaitbien faire pour moi ; et, le même jour, un avocat de Douai,M. Thomas, qui me portait un véritable intérêt, vint me fairesigner une supplique qu’il avait eu la bonté de rédiger.

J’étais dans l’attente de la réponse,lorsqu’un matin on me fit appeler au greffe : je croyais quec’était la décision du ministre qu’on allait me transmettre.Impatient de la connaître, je suivis le porte-clefs avec laprestesse d’un homme qui court au-devant d’une bonne nouvelle. Jecomptais voir le procureur-général, c’est ma femme qui s’offre àmes regards ; deux inconnus l’accompagnent. Je cherche àdeviner quel peut être l’objet de cette visite, lorsque, du ton leplus dégagé, Mme Vidocq me dit : « Jeviens vous faire signifier le jugement qui prononce notredivorce : comme je vais me remarier, il m’a fallu remplircette formalité. Au surplus, voici l’huissier qui va vous donnerlecture de l’acte. »

Sauf ma mise en liberté, on ne pouvait rienm’annoncer de plus agréable que la dissolution de ce mariage ;j’étais à jamais débarrassé d’un être que je détestais. Je ne saisplus si je fus le maître de contenir ma joie, mais à coup sûr maphysionomie dut l’exprimer, et si, comme j’ai de fortes raisons dele croire, mon successeur était présent, il put se retirerconvaincu que je ne lui enviais nullement le trésor qu’il allaitposséder.

Ma détention à Douai se prolongeaithorriblement. J’étais à l’ombre depuis cinq grands mois, et rienn’arrivait de Paris. M. le procureur général m’avait témoignébeaucoup d’intérêt, mais l’infortune rend défiant, et je commençaià craindre qu’il m’eût leurré d’un vain espoir, afin de medétourner de m’enfuir jusqu’au moment du départ de la chaîne :frappé de cette idée, je revins avec ardeur à mes projetsd’évasion.

Le concierge, le nommé Wettu, me regardantd’avance comme amnistié, avait pour moi quelques égards ; nousdînions même fréquemment tête à tête dans une petite chambre, dontl’unique croisée donnait sur la Scarpe. Il me sembla qu’au moyen decette ouverture, qu’on avait négligé de griller, sur la fin durepas, un jour ou l’autre, il me serait facile de lui brûler lapolitesse ; seulement il était essentiel de m’assurer d’undéguisement, à la faveur duquel, une fois sorti, je pourrais medérober aux recherches. Je mis quelques amis dans ma confidence, etils tinrent à ma disposition une petite tenue d’officierd’artillerie légère, dont je me promettais bien de faire usage à lapremière occasion. Un dimanche soir, j’étais à table avec leconcierge et l’huissier Hurtrel ; le Beaune avait mis cesmessieurs en gaieté ; j’en avais fait vernir force bouteilles.« Savez-vous, mon gaillard, me dit Hurtrel, qu’il n’aurait pasfait bon vous mettre ici, il y a sept ans. Une fenêtre sansbarreaux ! Peste ! je ne m’y serais pas fié.– Allons donc, papa Hurtrel, il faudrait être de liège, luirépliquai-je, pour se risquer à faire le plongeon de si haut ;la Scarpe est bien profonde pour quelqu’un qui ne sait pas nager.– C’est vrai, observa le concierge » ; et laconversation en resta là ; mais mon parti était pris. Bientôtil survint du monde, le concierge se mit à jouer, et au moment oùil était le plus occupé de sa partie, je me précipitai dans larivière.

Au bruit de ma chute, toute la société courutà la fenêtre, tandis que Wettu appelait à grands cris la garde etles porte-clefs pour se mettre à ma poursuite. Heureusement lecrépuscule permettait à peine de distinguer les objets ; monchapeau, que j’avais d’ailleurs jeté à dessein sur la rive, fitcroire que j’étais immédiatement sorti de la rivière, pendant queje continuai à nager dans la direction de la porte d’eau,sous laquelle je passai avec d’autant plus de peine, que j’étaistransi de froid, et que mes forces commençaient à s’épuiser. Unefois hors la ville, je gagnai la terre ; mes vêtements,trempés d’eau, pesaient plus de cent livres ; je n’en pris pasmoins ma course, et ne m’arrêtai qu’au village de Blangy, situé àdeux lieues d’Arras. Il était quatre heures du matin ; unboulanger qui chauffait son four, fit sécher mes habits, et mefournit quelques aliments. Dès que je fus restauré, je me remis enroute, et me dirigeai vers Duisans, où restait la veuve d’un anciencapitaine de mes amis. C’était chez elle qu’un exprès devaitm’apporter l’uniforme que l’on s’était procuré pour moi à Douai. Jene l’eus pas plutôt reçu, que je me rendis à Hersin, où je ne mecachai que peu de jours chez un de mes cousins. Des avis, qui meparvinrent fort à propos, m’engagèrent à déguerpir : je susque la police, convaincue que j’étais dans le pays, allait ordonnerune battue ; elle était même sur la voie de ma retraite ;résolu à lui échapper, je ne l’attendis pas.

Il était clair que Paris seul pouvait m’offrirun refuge : mais pour aller à Paris, il était nécessaire derevenir sur Arras, et si je passais dans cette ville, j’étaisinfailliblement reconnu. J’avisai donc au moyen d’éluder ladifficulté : la prudence me suggéra de monter dans la carrioled’osier de mon cousin, qui avait un excellent cheval, et était lepremier homme du monde pour la connaissance des chemins detraverse. Il me répondit, sur sa réputation de parfait conducteur,de me faire tourner les remparts de ma cité natale ; il nem’en fallait pas davantage, mon travestissement devant faire lereste. Je n’étais plus Vidocq, à moins qu’on n’y regardât de tropprès ; aussi en arrivant au pont de Gy, vis-je sans tropd’effroi, huit chevaux de gendarmes attachés à la porte d’uneauberge. J’avoue que je me fusse bien passé de la rencontre, maiselle se présentait face à face, et ce n’était qu’en l’affrontantqu’elle pouvait cesser d’être périlleuse. « Allons !dis-je à mon cousin, c’est ici qu’il faut payer de toupet ;pied à terre, et vite, vite, fais-toi servir quelque chose.Aussitôt il descend et se présente dans l’auberge avec cette allured’un luron dégourdi, qui ne redoute pas l’œil de la brigade.– Eh bien ! lui dirent les gendarmes, est-ce ton cousinVidocq que tu conduis ? – Peut-être, répondit-il enriant, regardez-y. » Un gendarme s’approcha en effet de lacarriole, mais plutôt par un simple mouvement de curiosité quepoussé par un soupçon. À la vue de mon uniforme, il portarespectueusement la main au chapeau. « Salut, capitaine »me dit-il, et bientôt après il monta à cheval avec ses camarades.« bon voyage, leur cria mon cousin, en faisant claquer sonfouet ; si vous l’empoignez, vous nous l’écrirez. – Vaton train, reprit le maréchal-des-logis qui commandait le peloton,nous savons le gîte, et le mot d’ordre est Hersin : demain, àcette heure, il sera coffré. »

Nous continuâmes notre route fortpaisiblement ; cependant il me vint une crainte : desinsignes militaires pouvaient m’exposer à quelques chicanes quiauraient pour moi un résultat désagréable. La guerre de Prusseétait commencée, et l’on voyait peu d’officiers à l’intérieur, àmoins qu’ils n’y fussent ramenés par quelque blessure. Je medécidai à porter le bras en écharpe : c’était à Iéna quej’avais été mis hors de combat, et si l’on m’interrogeait, j’étaisprêt à donner sur cette journée, non seulement tous les détails quej’avais lus dans les bulletins, mais encore tous ceux que j’avaispu recueillir, en entendant une foule de récits vrais ou mensongersfaits par des témoins, oculaires ou non. Au total, j’étais ferrésur ma bataille d’Iéna, et je pouvais en parler à tout venant avecconnaissance de cause : personne n’en savait plus long quemoi : je m’acquittai parfaitement de mon rôle à Beaumont, oùla lassitude du cheval, qui avait fait trente-cinq lieues en unjour et demi, nous obligea de faire halte. J’avais déjà pris languedans l’auberge, lorsque je vis un maréchal-des-logis de gendarmesaller droit à un officier de dragons, et l’inviter à exhiber sespapiers. Je m’approchai à mon tour du maréchal-des-logis et je lequestionnai sur le motif de cette précaution. « Je lui aidemandé sa feuille de route, me répondit-il, parce que quand toutle monde est à l’armée, ce n’est pas en France qu’est la place d’unofficier valide. – Vous avez raison mon camarade ! »lui dis-je, il faut que le service se fasse ; et en mêmetemps, pour qu’il ne lui prît pas la fantaisie de s’assurer sij’étais en règle, je l’invitai à dîner avec moi. Pendant le repas,je gagnai tellement sa confiance, qu’il me pria, quand je serais àParis, de m’occuper de lui faire obtenir son changement derésidence. Je promis tout, et il était content ; car, afin dele servir, je devais user de mon crédit, qui était très grand, etde celui des autres, qui l’était encore davantage. En général, onn’est pas chiche de ce qu’on n’a pas. Quoi qu’il en soit, lesflacons se vidaient avec rapidité, et mon convive, dansl’enthousiasme d’une protection qui lui venait si à propos,commençait à me tenir de ces discours sans suite, précurseurs del’ivresse, lorsqu’un gendarme lui remit un paquet de dépêches. Ilrompit les bandes d’une main incertaine, et voulut essayer de lire,mais ses yeux obscurcis ayant rendu inutile toute tentative de cegenre, il me pria de le suppléer dans ses fonctions ; j’ouvreune lettre, et les premiers mots qui frappent mes regards sontceux-ci : Brigade d’Arras. Je parcours de la vue,c’était l’avis de mon passage à Beaumont ; on ajoutait que jedevais avoir pris la diligence du Lion d’argent. Malgrémon trouble, je lus le signalement en le dénaturant :« Bon ! bon ! dit le très sobre et très vigilantmaréchal-des-logis, la voiture ne passe que demain matin, on s’enoccupera », et il voulut recommencer à boire sur de nouveauxfrais, mais ses forces trompèrent son courage ; on fut obligéde l’emporter dans son lit, au grand scandale de toutel’assistance, qui répétait avec indignation : « Unmaréchal-des-logis ! un homme gradé ! se mettre dans desétats pareils ! »

On pense bien que je n’attendis pas le réveilde l’homme gradé ; à cinq heures, je pris place dans ladiligence de Beaumont, qui le même jour me conduisit sans encombreà Paris, où ma mère, qui n’avait pas cessé d’habiter Versailles,vint me rejoindre. Nous demeurâmes ensemble quelques mois dans lefaubourg Saint-Denis, où nous ne voyions personne, à l’exceptiond’un bijoutier, nommé Jacquelin, que je dus, jusqu’à un certainpoint, mettre dans ma confidence, parce qu’à Rouen il m’avait connusous le nom de Blondel. Ce fut chez Jacquelin que jerencontrai une dame de B…, qui tient le premier rang dans lesaffections de ma vie. Madame de B…, ou Annette, car c’est ainsi queje l’appelais, était une assez jolie femme, que son mari avaitabandonnée par suite de mauvaises affaires. Il s’était enfui enHollande, et depuis long-temps il ne lui donnait plus de sesnouvelles. Annette était donc entièrement libre ; elle meplut ; j’aimai son esprit, son intelligence, son boncœur ; j’osai le lui dire ; elle vit d’abord, sans tropde peine, mes assiduités, et bientôt nous ne pûmes plus existerl’un sans l’autre. Annette vint demeurer avec moi ; et, commeje reprenais l’état de marchand de nouveautés ambulant, il futdécidé qu’elle m’accompagnerait dans mes courses. La premièretournée que nous fîmes ensemble fut des plus heureuses. Seulement,à l’instant où je quittais Melun, l’aubergiste chez lequel j’étaisdescendu m’avertit que le commissaire de police avait témoignéquelque regret de n’avoir pas examiné mes papiers, mais que ce quiétait différé n’était pas perdu, et qu’à mon prochain passage, ilse proposait de me faire une visite. L’avis me surprit ; ilfallut que j’eusse été déjà désigné comme suspect. Aller plus loin,c’était peut-être me compromettre : je rabattis aussitôt surParis, me promettant bien de ne plus faire d’excursion tant que jen’aurais pas réussi à rendre moins défavorables les chances qui seréunissaient contre moi.

Parti de très grand matin, j’arrive de bonneheure au faubourg Saint-Marceau : à mon entrée, j’entends descolporteurs hurler cette finale : qui condamne deuxparticuliers très connus à être fait mourir aujourd’hui en place deGrève. J’écoute : il me semble que le nom d’Herbaux arésonné à mon oreille ; Herbaux, l’auteur du faux qui a causétous mes malheurs ! J’écoute plus attentivement encore, maisavec un saisissement involontaire, et cette fois le crieur, dont jeme suis approché, répète la sentence avec des variantes :Voici l’arrêt du tribunal criminel du département de la Seine,qui condamne à la peine de mort les nommés Armand Saint-Léger,ancien marin, né à Bayonne, et César Herbaux, forçat libéré, né àLille, atteints et convaincus d’assassinat, etc.

Il n’y avait plus à en douter : lemisérable qui m’avait perdu allait porter sa tête sur l’échafaud.L’avouerai-je ? ce fut une impression de joie que jeressentis, et pourtant je frémissais. Tourmenté de nouveau dans monexistence, agité d’inquiétudes sans cesse renaissantes, j’eussevoulu anéantir cette population des prisons et des bagnes, qui,après m’avoir lancé dans l’abîme, pouvait m’y maintenir par sescruelles révélations. On ne s’étonnera donc pas de l’empressementavec lequel je courus au Palais de Justice, afin de m’assurer parmoi-même de la vérité : il n’était pas encore midi, et j’eustoutes les peines du monde à arriver jusqu’à la grille, auprès delaquelle je pris position, en attendant l’instant fatal.

Quatre heures sonnent enfin. Le guichets’ouvre : un homme paraît le premier dans la charrette… ;c’est Herbaux. La figure couverte d’une pâleur mortelle, il afficheune fermeté que dément l’agitation convulsive de ses traits. Ilaffecte de parler à son compagnon, qui déjà est hors d’état del’entendre. Au signal du départ, Herbaux, d’un front qu’ils’efforce de rendre audacieux, promène ses regards sur lafoule ; ses yeux rencontrent les miens… Il fait unmouvement ; son teint s’anime… Le cortège a passé. Je restaiaussi immobile que les faisceaux de bronze auxquels je m’étaisattaché, et je me serais sans doute encore long-temps oublié danscette attitude, si un inspecteur du Palais ne m’eût enjoint de meretirer. Vingt minutes après, une voiture chargée d’un panierrouge, et escortée par un gendarme, traversa au trot lePont-au-Change, se dirigeant vers le cimetière des condamnés.Alors, le cœur serré, je m’éloignai, et regagnai le logis enfaisant les plus tristes réflexions.

J’ai appris depuis que, pendant sa détention àBicêtre, Herbaux avait exprimé le regret de m’avoir fait condamnerinnocent. Le crime qui avait conduit ce scélérat à l’échafaud étaitun assassinat commis de complicité avec Saint-Léger sur une dame dela place Dauphine. Ces deux misérables s’étaient introduits chezleur victime, sous le prétexte de lui donner des nouvelles de sonfils, qu’ils avaient vu, disaient-ils, à l’armée.

Quoiqu’en définitive l’exécution d’Herbaux nedût avoir aucune influence directe sur ma position, elle meconsterna : j’étais épouvanté de m’être trouvé en contact avecdes brigands, destinés au bourreau ; mes souvenirs meravalaient à mes propres yeux ; je rougissais en quelque sorteen face de moi-même ; j’aurais souhaité perdre la mémoire, etmener une démarcation impénétrable entre le passé et le présent,car, je ne le voyais que trop, l’avenir était dans la dépendance dupassé, et j’étais d’autant plus malheureux qu’une police à qui iln’est pas toujours donné d’agir avec discernement, ne me permettaitpas de m’oublier. Je me voyais de nouveau à la veille d’être traquécomme une bête fauve. La persuasion qu’il me serait interdit dedevenir honnête homme me livrait presque au désespoir :j’étais silencieux, morose, découragé. Annette s’en aperçut ;elle demanda à me consoler ; elle proposait de se dévouer pourmoi ; elle me pressait de questions ; mon secretm’échappa : je n’ai jamais eu lieu de m’en repentir.L’activité, le zèle et la présence d’esprit de cette femme medevinrent très utiles. J’avais besoin d’un passe-port ; elledétermina Jacquelin à me prêter le sien ; et, pour me mettre àmême d’en faire usage, celui-ci me donna, sur sa famille et sur sesrelations, les renseignements les plus complets. Muni de cesinstructions, je me remis en voyage, et parcourus toute laBasse-Bourgogne. Presque partout il me fallut montrer que j’étaisen règle : si l’on eût comparé l’homme avec le signalement, ileût été facile de découvrir la fraude ; mais nulle part on neme fit d’observation ; et, pendant plus d’un an, à quelquesalertes près qui ne valent pas la peine d’être ici mentionnées, lenom de Jacquelin me porta bonheur.

Un jour que j’avais déballé à Auxerre, en mepromenant tranquillement sur le port, je rencontrai le nomméPaquay, voleur de profession, que j’avais vu à Bicêtre, où ilsubissait une détention de six années. Il m’eût été fort agréablede l’éviter, mais il m’accosta presque à l’improviste ; et,dès les premières paroles qu’il m’adressa, je pus me convaincrequ’il ne serait pas prudent d’essayer de le méconnaître. Il étaittrès curieux de savoir ce que je faisais ; et comme j’entrevisdans sa conversation qu’il se proposait de m’associer à des vols,j’imaginai, pour me débarrasser de lui, de parler de la policed’Auxerre, que je lui représentai comme très vigilante, et parconséquent très redoutable. Je crus observer que l’avis faisaitimpression ; je chargeai le tableau, jusqu’à ce qu’enfin,après m’avoir écouté avec une très inquiète attention, il s’écriatout à coup : « Diable ! il paraît qu’il ne fait pasbon ici ; le coche part dans deux heures ; si tu veux,nous détalerons. – C’est cela, lui répondis-je ; s’ils’agit de filer, je suis ton homme. » Puis, sur ce, je lequittai, après avoir promis de le rejoindre aussitôt que j’auraisterminé quelques préparatifs qui me restaient à faire. C’est une sipitoyable condition que celle du forçat évadé, que, s’il ne veutpas être dénoncé, ou être impliqué dans quelque attentat, il esttoujours réduit à prendre l’initiative, c’est-à-dire à se fairedénonciateur. Rendu à l’auberge, j’écrivis donc la lettre suivanteau lieutenant de gendarmerie, que je savais être à la piste desauteurs d’un vol récemment commis dans les bureaux de ladiligence.

« MONSIEUR,

Une personne qui ne veut pas être connue, vousprévient que l’un des auteurs du vol commis dans les bureaux desmessageries de votre ville, va partir, à six heures, par le coche,pour se rendre à Joigny, où l’attendent probablement ses complices.Afin de ne pas le manquer, et de l’arrêter en temps utile, ilserait bon que deux gendarmes déguisés montassent avec lui dans lecoche ; il est important que l’on s’y prenne avec prudence, etqu’on ne perde pas de vue l’individu, car c’est un homme fortadroit. »

Cette missive était accompagnée d’unsignalement si minutieusement tracé, qu’il était impossible de s’yméprendre. L’instant du départ arrivé, je me rends sur les quais enprenant des chemins détournés, et de la fenêtre d’un cabaret, où jem’étais posté, j’aperçois Paquay qui entre dans le coche :bientôt après s’embarquent les deux gendarmes, que je reconnais àcertaine encolure que l’on conçoit, mais qu’on ne saurait analyser.Par intervalles, ils se passent mutuellement un papier sur lequelils jettent les yeux ; enfin leurs regards s’arrêtent sur monhomme, dont le costume, contre l’habitude des voleurs, était unemauvaise enseigne. Le coche démarre, et je le vois s’éloigner avecd’autant plus de plaisir, qu’il emporte tout à la fois Paquay, sespropositions et même ses révélations, si, comme je n’en doutaispas, il avait eu la fantaisie d’en faire.

Le surlendemain de cette aventure, tandis quej’étais en train de faire l’inventaire de mes marchandises,j’entends un bruit extraordinaire, je mets la tête à lafenêtre : c’est la chaîne, que conduisent Thiéry et sesargouzins ! À cet aspect si terrible et si dangereux pour moi,je me retire brusquement, mais dans mon trouble je casse uncarreau ; soudain tous les regards se portent de cecôté ; j’aurais voulu être aux entrailles de la terre. Cen’est pas tout, pour mettre le comble à mon inquiétude, quelqu’unouvre ma porte, c’est l’aubergiste du Faisan, MadameGelat. « Venez donc, M. Jacquelin, venez doncvoir passer la chaîne, me crie-t-elle !… Oh ! il y along-temps qu’on n’en a pas vu une si belle !… ils sont aumoins cent cinquante, et de fameux gaillards encore !…Entendez-vous comme ils chantent ? » Je remerciai monhôtesse de son attention, et, feignant d’être occupé, je lui disque je descendrais dans un moment. « Oh ! ne vous pressezpas, me répondit-elle, vous avez le temps,… ils couchent ici dansnos écuries. Et puis, si vous souhaitez causer avec leur chef, onva lui donner la chambre à côté de la vôtre. » Le lieutenantThiéry, mon voisin ! À cette nouvelle, je ne sais pas ce quise passa dans moi ; mais je pense que si Madame Gelat m’eûtobservé, elle aurait vu mon visage pâlir et tous mes membress’agiter comme par une espèce de tressaillement. Le lieutenantThiéry, mon voisin ! Il pouvait me reconnaître, me signaler,un geste, un rien pouvait me trahir : aussi me donnais-je biengarde de me montrer. La nécessité d’achever mon inventairelégitimait mon manque de curiosité. Je passai une nuit affreuse.Enfin, à quatre heures du matin, le départ de l’infernal cortège mefut annoncé par le cliquetis des fers : je respirai.

Il n’a pas souffert celui qui n’a pas connudes transes pareilles à celles dans lesquelles me jeta la présencede cette troupe de bandits et de leurs gardiens. Reprendre des fersque j’avais brisés au prix de tant d’efforts, cette idée mepoursuivait sans cesse : mon secret, je ne le possédais passeul, il y avait des forçats par le monde, si je les fuyais, je lesvoyais prêts à me livrer : mon repos, mon existence étaientmenacés partout, et toujours. Un coup d’œil, le nom d’uncommissaire, l’apparition d’un gendarme, la lecture d’un arrêt,tout devait exciter et entretenir mes alarmes. Que de fois j’aimaudit les pervers qui, trompant ma jeunesse, avaient souri àl’élan désordonné de mes passions, et ce tribunal qui, par unecondamnation injuste, m’avait précipité dans un gouffre dont je nepouvais plus secouer la souillure, et ces institutions qui fermentla porte au repentir !… J’étais hors de la société, etpourtant je ne demandais qu’à lui donner des garanties ; jelui en avais donné, j’en atteste ma conduite invariable à la suitede chacune de mes évasions, mes habitudes d’ordre, et ma fidélitéscrupuleuse à remplir tous mes engagements.

Maintenant il s’élevait dans mon espritquelques craintes au sujet de ce Paquay, dont j’avais provoquél’arrestation ; en y réfléchissant, il me sembla que danscette circonstance j’avais agi bien légèrement ; j’avais lepressentiment de quelque malheur : ce pressentiment seréalisa. Paquay, conduit à Paris, puis ramené à Auxerre pour uneconfrontation, apprit que j’étais encore dans la ville ; ilm’avait toujours soupçonné de l’avoir dénoncé, il prit sa revanche.Il raconta au geôlier tout ce qu’il savait sur mon compte. Celui-cifit son rapport à l’autorité, mais ma réputation de probité étaitsi bien établie dans Auxerre, où je faisais des séjours de troismois, que, pour éviter un éclat fâcheux, un magistrat dont jetairai le nom me fit appeler et m’avertit de ce qui se passait. Jen’eus pas besoin de lui confesser la vérité, mon trouble la luirévéla tout entière ; je n’eus que la force de lui dire :« Ah ! monsieur ! je voulais être honnêtehomme ! » Sans me répondre, il sortit et me laissaseul ; je compris son généreux silence. En un quart d’heurej’eus perdu de vue Auxerre, et, de ma retraite, j’écrivis àAnnette, pour l’instruire de cette nouvelle catastrophe. Afin dedétourner les soupçons, je lui recommandai de rester encore unequinzaine de jours au Faisan, et de dire à tout le mondeque j’étais allé à Rouen pour y faire des emplettes, ce termeexpiré, Annette devait me rejoindre à Paris ; elle y arriva eneffet le jour que je lui avais indiqué. Elle m’apprit que lelendemain de mon départ, des gendarmes déguisés s’étaient présentésà mon magasin pour m’arrêter, et que ne m’ayant pas trouvé, ilsavaient dit qu’on ne s’en tiendrait pas là, et qu’on finirait parme découvrir.

Ainsi on allait continuer lesrecherches : c’était là un contre-temps qui dérangeait tousmes projets : signalé sous le nom de Jacquelin, je me visréduit à le quitter et à renoncer encore une fois à l’industrie queje m’étais créée.

Il n’y avait plus de passe-port, quelque bonqu’il fût, qui pût me mettre à l’abri dans les cantons que jeparcourais d’ordinaire ; et dans ceux où l’on ne m’avaitjamais vu, il était vraisemblable que mon apparition insoliteéveillerait des soupçons. La conjoncture devenait terriblementcritique. Quel parti prendre ? c’était là mon uniquepréoccupation, lorsque le hasard me procura la connaissance d’unmarchand tailleur de la cour Saint-Martin : il désirait vendreson fonds. J’en traitai avec lui, persuadé que je ne serais nullepart plus en sûreté qu’au cœur d’une capitale, où il est si aisé dese perdre dans la foule. En effet, il s’écoula près de huit moissans que rien vînt troubler la tranquillité dont nous jouissions,ma mère, Annette et moi. Mon établissement prospérait : chaquejour il prenait de l’accroissement. Je ne me bornais plus, commemon prédécesseur, à la confection des habits ; je faisaisaussi le commerce des draps, et j’étais peut-être sur le chemin dela fortune, quand tout pour un matin, mes tribulationsrecommencèrent.

J’étais dans mon magasin ; uncommissionnaire se présente et me dit que l’on m’attend chez untraiteur de la rue Aumaire ; je présume qu’il s’agit dequelque marché à conclure, je me rends aussitôt dans l’endroitindiqué. On m’introduit dans un cabinet, et j’y trouve deuxéchappés du bagne de Brest : l’un d’eux était ce Blondy, qu’ona vu diriger la malheureuse évasion de Pont-à-Luzen :« Nous sommes ici depuis dix jours, me dit-il, et nous n’avonspas le sou. Hier, nous t’avons aperçu dans un magasin ; nousavons appris qu’il était à toi, et ça m’a fait plaisir, je l’ai dità l’ami… Maintenant nous ne sommes plus si inquiets, car on teconnaît, tu n’es pas homme à laisser des camarades dansl’embarras.

L’idée de me voir à la merci de deux banditsque je savais capables de tout, même de me vendre à la police, nefût-ce que pour me faire pièce, quitte à se perdre eux-mêmes, étaitaccablante. Je ne laissai pas d’exprimer combien j’étais satisfaitde me trouver avec eux ; j’ajoutai que n’étant pas riche, jeregrettais de ne pouvoir disposer en leur faveur que de cinquantefrancs : ils parurent se contenter de cette somme, et, en mequittant, il m’annoncèrent qu’ils étaient dans l’intention de serendre à Châlons-sur-Marne, où ils avaient, disaient-ils, desaffaires. J’eusse été trop heureux qu’ils se fussent pourtoujours éloignés de Paris, mais, en me faisant leurs adieux, ilsme promettaient de revenir bientôt, et je restais effrayé de leurprochain retour. N’allaient-ils pas me considérer comme leur vacheà lait, et mettre un prix à leur discrétion ? Ne seraient-ilspas insatiables… ? Qui me répondrait que leurs exigences seborneraient à la possibilité ? Je me voyais déjà le banquierde ces messieurs et de beaucoup d’autres, car il était à présumerque, suivant la coutume usitée parmi les voleurs, si je me lassaisde les satisfaire, ils me repasseraient à leurs connaissances pourme rançonner sur de nouveaux frais ; je ne pouvais être bienavec eux que jusqu’au premier refus ; parvenu à ce terme, ilétait hors de doute qu’ils me joueraient quelque méchant tour. Avecde tels garnements à mes trousses, on comprendra que je n’étais pasà mon aise ! Il s’en fallait que ma situation fût plaisante,elle fut encore empirée par une bien funeste rencontre.

On se souvient, ou on ne se souvient pas, quema femme, après son divorce, avait convolé à de secondesnoces : je la croyais dans le département du Pas-de-Calais,tout occupée de faire son bonheur et celui de son nouveau mari,lorsque dans la rue du Petit-Carreau, je me trouvai nez à nez avecelle ; impossible de l’éviter, elle m’avait reconnu. Je luiparlai donc, et, sans lui rappeler ses torts à mon égard, comme ledélâbrement de sa toilette me montrait de reste qu’elle n’était pasdes plus heureuses, je lui donnai quelque argent. Peut-êtreimagina-t-elle alors que c’était là une générosité intéressée,cependant il n’en était rien. Il ne m’était pas même venu à lapensée que l’ex-dame Vidocq pût me dénoncer. À la vérité en meremémoriant plus tard nos anciens démêlés, je jugeai que mon cœurm’avait tout-à-fait conseillé dans le sens de la prudence ; jem’applaudis alors de ce que j’avais fait, et il me parut trèsconvenable que cette femme, dans sa détresse, pût compter sur moipour quelques secours ; détenu ou éloigné de Paris, je n’étaisplus à même de soulager sa misère. Ce devait être pour elle uneconsidération qui devait la déterminer à garder le silence, je lecrus du moins ; on verra plus tard si je m’étais trompé.

L’entretien de mon ex-femme était une charge àlaquelle je m’étais résigné, mais cette charge, je n’en connaissaispas tout le poids. Une quinzaine s’était écoulée depuis notreentrevue ; un matin, on me fait prier de passer rue del’Échiquier : je m’y rends, et au fond d’une cour, dans unrez-de-chaussée assez propre quoique médiocrement meublé, je revoisnon seulement ma femme, mais encore, ses nièces et leur père, leterroriste Chevalier, qui venait de subir une détention de sixmois, pour vol d’argenterie : un coup d’œil suffit pour meconvaincre que c’était une famille qui me tombait sur les bras.Tous ces gens-là étaient dans le plus absolu dénuement ; jeles détestais, je les maudissais, et pourtant je n’avais rien demieux à faire que de leur tendre la main. Je me saignai pour eux.Les réduire au désespoir, c’eût été me perdre, et plutôt que derevenir en la puissance des argouzins, j’étais résolu à faire lesacrifice de mon dernier sou.

À cette époque, il semblait que le mondeentier se fût ligué contre moi ; à chaque instant il mefallait dénouer les cordons de ma bourse, et pour qui ? pourdes êtres qui, regardant ma libéralité comme obligatoire, étaientprêts à me trahir aussitôt que je ne leur paraîtrais plus uneressource assurée. Quand je rentrai de chez ma femme, j’eus encoreune preuve du malheur attaché à la condition de forçat évadé,Annette et ma mère étaient en pleurs. En mon absence, deux hommesivres m’avaient demandé, et sur la réponse que je n’y étais pas,ils s’étaient répandus en invectives et en menaces, qui ne melaissaient aucun doute sur la perfidie de leurs intentions. Auportrait que me fit Annette de ces deux individus, il me fut aiséde reconnaître Blondy et son camarade Duluc. Je n’eus pas la peinede deviner leurs noms ; d’ailleurs ils avaient donné uneadresse avec injonction formelle d’y porter quarantefrancs, c’était plus qu’il ne fallait pour me mettre sur lavoie ; car, à Paris, il n’y avait qu’eux capables de m’intimerun pareil ordre. Je fus obéissant, très obéissant ; seulement,en payant ma contribution à ces deux coquins, je ne pus m’empêcherde leur faire observer qu’ils avaient agi fort inconsidérément.« Voyez le beau coup que vous avez fait, leur dis-je, on nesavait rien à la cassine et vous avez mangé lemorceau ! (vous avez tout dit) ma femme, qui al’établissement en son nom, va peut-être vouloir me mettre à laporte, et alors il me faudra gratter les pavés (vivre dansla misère). – Tu viendras grinchir (voler) avec nous,me répondirent les deux brigands. »

J’essayai de leur démontrer qu’il vautinfiniment mieux devoir son existence au travail que d’avoir sanscesse à redouter l’action d’une police, qui, tôt ou tard, enveloppeles malfaiteurs dans ses filets. J’ajoutai que souvent un crimeconduit à un autre ; que tel croit risquer le carcan, quicourt tout droit à la guillotine, et la conclusion de mon discoursfut qu’ils feraient sagement de renoncer à la périlleuse carrièrequ’ils avaient embrassée.

« Pas mal ! s’écria Blondy, quandj’eus achevé ma mercuriale… Pas mal ! Pourrais-tu pas enattendant nous indiquer quelque cambriole à rincer(quelque chambre à dévaliser) ? C’est que, vois-tu, noussommes comme Arlequin, nous avons plus besoin d’argent qued’avis. » Et ils me quittèrent en me riant au nez. Je lesrappelai pour leur protester de mon dévouement, et les priai de neplus reparaître à la maison. « Si ce n’est que çà, me ditDuluc, on s’en abstiendra. – Eh ! oui, l’on s’enabstiendra, répéta Blondy, puisque çà déplaît à madame. »

Ce dernier ne s’abstint pas long-temps. Dès lesurlendemain, à la tombée de la nuit, il se présenta à mon magasin,et demanda à me parler en particulier. Je le fis monter dans machambre. « Nous sommes seuls » me dit-il, en faisant d’uncoup d’œil la revue du local ; et quand il se crut assuréqu’il n’y avait pas de témoins, il tira de sa poche onze couvertsd’argent et deux montres d’or, qu’il posa sur le guéridon :« Quatre cents balles (francs) tout cela… ce n’estpas cher… les bogues d’orient et lablanquette (les montres d’or et l’argenterie). Allons,aboule du carle (compte-moi de l’argent). – Quatrecents balles, répondis-je tout troublé par une aussi brusquesommation, je ne les ai pas. – Peu m’importe. Vabloquir (vendre). – Mais si l’on veut savoir… !– Arrange-toi ; il me faut du poussier (de lamonnaie), ou si tu aimes mieux, je t’enverrai des chalands de lapréfecture… Tu entends ce que parler veut dire… Du poussier, et pastant de façons. »

Je ne l’entendais que trop bien… Je me voyaisdéjà dénoncé, privé de l’état que je m’étais fait, reconduit aubagne… Les quatre cents francs furent comptés.

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