Sébastien Roch

Chapitre 6

 

 

La route de Vannes à Sainte-Anne n’est qu’unelongue tristesse. Elle donne l’impression des pays bibliques, desplaines désolées de l’Asie Mineure. On dirait que d’ancienssoleils, maintenant éteints, ont desséché, stérilisé, calciné cesol de cendre durcie et de fer pulvérisé, où ce qui pousse estsombre et chétif, où l’eau elle-même brûle comme un acide l’herberare, où ne florit que la fleur rouillée de l’âpre ajonc et de labrande, à peine rose. Instinctivement, sur les poussières mortes,on cherche l’empreinte des pas des prophètes, et la trace des longscheminements des pèlerins. C’est dans de semblables paysages quesaint Jean hurla ses imprécations.

Pour accomplir leurs mystères, les religionsont toujours choisi des lieux maudits et décriés ; elles n’ontpas voulu que, près de leur berceau, éclatât la joie de la naturequi déshabitue des Dieux. Il leur faut l’ombre, l’horreur des rocs,la détresse des terres infertiles, et les ciels sans soleil, lesciels couleur de sommeil, où les nuages qui passent perpétuent lerêve des patries futures et des repos éthérisés.

Au sortir des prairies et des culturessuburbaines, la route traverse des landes désertes, traverse desbois de pins solitaires, traverse de silencieuses gorges où, surles pentes arides, les roches s’éboulent. Ah ! qu’elles sonttristes les pierres, et qu’elle est inexprimable la mélancolie deces espaces mornes où l’on dirait que se sont taries les sources devie ! Tout y est plus petit, plus malingre, plus rabougriqu’ailleurs. Il semble que l’homme, les bêtes et les végétaux aientété arrêtés, dans leur croissance. Les arbres, fatigués de grandir,se nouent très bas en rachitiques bosses, et l’on voit des vieillesgens pareilles à des enfants flétris. Cela serre le cœur, inquiètel’imagination, et l’on comprend qu’à la misérable humanité, rivéepar des siècles de misère à cette inféconde glèbe, les légendesconsolatrices, les prières qui ouvrent la porte mystique desEspoirs, soient plus nécessaires que le pain. Parfois, ainsi que degraciles fleurs égarées au milieu des dures plantes de la lande,l’on rencontre, en chemin, de jeunes paysannes d’une beautéancienne, d’une pâleur liturgique de vitrail. Avec leurs coiffesaux ailes carrées, leurs fichus de couleur, qui découvrent lesonduleuses nuques, leurs robes de bure aux plis lourds de statue,elles vont, lentes, gothiques, évoquant un autre temps, le temps oùVan Eyck peignait ses vierges, et leur visage pacifique, et leurslongues mains jointes, et leur taille droite.

Sébastien suivit les rangs, très vague, sanssavoir qui le poussait, ni où il allait. Après quelques heures d’unsommeil de plomb, il s’était levé, avec une lourdeur dans lecerveau, une lourdeur dans les membres, quelque chose d’accablantqui ne lui laissait que le sentiment lointain d’unearrière-souffrance. Encore engourdi, il avait communiémachinalement, sans accorder à cet acte religieux, qui le troublaittant d’ordinaire, plus d’attention qu’à sa toilette… Il avait plu,pendant la nuit ; l’orage s’était fondu en aversesfurieuses ; une vapeur légère s’envolait des feuillages lavéset des verdures plus noires de la lande où, çà et là, des flaquesd’eau blanchissaient. L’air du matin, en dissipant les fuméespesantes qui obscurcissaient son cerveau, la marche, en dérouillantses articulations raidies, le rappelèrent à la conscience de laréalité et de la vie. Un à un, ses souvenirs se précisèrent :les couloirs, les escaliers nocturnes, la chambre et le carré dejour sinistre de la fenêtre. Ce fut un moment d’angoisse affreuse,un moment horrible, où toutes les angoisses de cette irréparablenuit, il les revécut avec un redoublement de douleur et de honte,de honte physique et de douleur morale… À dix pas, devant lui, lePère de Kern marchait, en dehors des rangs, son bréviaire sous lebras, le buste indolent et balancé, le profil très pâle, l’œil gaiet sans remords. Sans remords ! Cela lui parut une choseinconcevable. Il s’attendait à le voir accablé comme lui, lespaupières rougies de larmes, les épaules écrasées sous le poids durepentir. Peut-être l’eût-il aimé ainsi ; certainement, il eneût eu pitié. Eh bien, non… Il y avait dans tout son corps uneaisance, une liberté d’allures, un oubli qui lui firent une peineatroce. S’il était venu vers lui, attristé, contrit, suppliant,peut-être Sébastien l’eût-il repoussé ; peut-être luiaurait-il dit : « Non… laissez-moi. » Mais il eûtété content tout de même. Au contraire, pas une seconde le Père nel’avait regardé ; pas une seconde, il n’avait pensé àlui ; avec une joie visible, impénitente, comme si rien nes’était passé, comme s’il ne s’était accompli aucun crime, ilaspirait à pleines narines la brise matinale et les odeurs fraîchesqui montaient de la terre. Sébastien ne put supporter davantage lavue de ce prêtre, si cruelle et si odieuse. Pour l’éviter, ilsongea, un instant, à prétexter une maladie subite, et à rester là,seul, sur un talus, alors que les autres s’en iraient là-bas. Puisil baissa la tête, et silencieux, ahuri, pendant toute la route, ileut les yeux fixés sur le dos des élèves, marchant devant lui.

À mesure qu’ils avançaient, la route sepeuplait de pèlerins. Ils arrivaient à travers la lande, parbandes, de très loin, sortaient des gorges, débouchaient de toutesles sentes. Aux carrefours, c’étaient des voitures pleines àchavirer, des charretées joyeuses, s’attardant devant les cabarets,et mêlant les verres de cassis aux cantiques, déjà ivresd’eau-de-vie et d’eau bénite. Si Sébastien avait eu plus de libertéd’esprit, il se fût amusé à regarder les costumes de ces hommes, etles coiffes de ces femmes. L’histoire pittoresque de la Bretagnedéfilait toute, en menus chiffons de batiste, de mousseline et detulle. Hennins hautains, fanchons mutines, imposants diadèmes,tiares juives, bonnets sauvages de Tcherkesses, coquets toquets,elles passaient les filles de Saint-Pol, de Paimpol et deFouesnant, elles passaient aussi les Bigoudens de Pont-L’Abbé, dontl’étrange coiffe phallique se paillette de clinquant et debroderies barbares, et les pâles vierges de Quimperlé, si minces,si fragiles, si monastiques, et les hardies commères de Trégunc etde Concarneau, faites pour l’amour ; et les sardinières deDouarnenez, promptes à la riposte ordurière, sous le pauvre châlede veuve qui leur rétrécit les épaules ; et les pêcheuses degoémon de Plogoff, aux reins solides, aux flancs féconds. La landes’égayait de ces grands rubans flottants, de ces vivantes fleursprocessionnelles, de ces vols neigeux d’oiseaux voyageurs, quirompaient la solitude noire des plaines, la solitude grise du ciel,le silence obstiné des pierres solitaires. Et, l’air soufflant surles touffes d’ajonc apportait, avec des bruits traînants demélopée, des arômes de vanille, par quoi s’embellissait,s’attendrissait l’austère paysage. Mais Sébastien ne sentait rien,n’entendait rien, ne voyait rien. Bolorec marchait près de lui, lafigure en fête, les yeux brillants, les lèvres en train de chansonsnatales. Parmi les filles qui passaient, il reconnaissait celles deson pays, à leurs coiffes plates sur le haut de la tête, et dontles bords s’envolent au vent, comme des ailes. Et il disait,pinçant au bras Sébastien :

– Tiens, regarde donc… Elles sont de chezmoi… Ce sont elles qui dansent sur la lande, et qui chantent… tusais bien… qui chantent ?

Quand j’aurai quatorze ans,

Toute la nuit, je me divertirai

La ridé !

Avec mes amants

Avec mes galants.

Tout le jour aussi l’amour je ferai

La ridé !

Quand j’aurai quatorze ans

Avec mes galants

Avec mes amants

Qui sont jolis comme des goélands.

Mais Sébastien n’écoutait pas Bolorec quidisait encore :

– Regarde donc les gars, avec leursvestes blanches et leurs verts épis de mil qui tremblent sur leursgrands chapeaux… Ils sont de chez moi, aussi, les gars…

Et il reprenait, en balançant la tête,musicalement :

Quand j’aurai quatorze ans…

Aux approches de Sainte-Anne, il fallutralentir la marche et resserrer les rangs. La foule grossissait,arrêtée devant des boutiques où l’on vendait des médailles bénites,des scapulaires, des cœurs enflammés de Jésus, de petites imagesmiraculeuses de sainte Anne et de la Vierge. Près des boutiques,sur des feux de lande sèche, de bonnes femmes faisaient griller dessardines et débitaient d’innommées charcuteries aux passants. Uneodeur de cidre, d’alcool frelaté, s’aigrissait dans l’air, chargéde lourdes exhalaisons humaines. Couverts de vermines grouillantes,de fanges invétérées, soigneusement entretenues pour lespèlerinages, d’invraisemblables mendiants pullulaient etdemandaient la charité, sur des refrains de cantiques. Et des deuxcôtés de la route, sur les berges, des estropiés, des monstres,vomis d’on ne sait quelles morgues, déterrés d’on ne sait quellessépultures, étalaient des chairs purulentes, des difformités decauchemar, des mutilations qui n’ont pas de nom. Accroupis dansl’herbe ou dans la boue du fossé, les uns tendaient d’horriblesmoignons, tuméfiés et saignants ; d’autres, avec fierté,montraient leur nez coupé au ras des lèvres, et leurs lèvresdévorées par des chancres noirs. Il y en avait qui, sans bras, sansjambes, se traînaient sur le ventre, cherchaient à tirer des effetscomiques de leurs membres absents, hallucinants et hideux paradoxesde la nature créatrice. Des femmes, les mamelles mangées et taries,allaitaient des enfants hydrocéphales, tandis qu’une sorte de gnomeeffarant, à la tignasse rousse, aux yeux morts, sautillait sur despieds retenus dans d’énormes boulets de chair molle et dartreuse.Un instant, la file des élèves s’arrêta, et Sébastien vit à sadroite, couché sur un mètre de pierres, un tronçon de corps nu, unepoitrine tailladée à vif, cuirassée de pus luisant comme unearmure, un monstrueux ventre d’hydropique où remuaient, soulevéespar le mouvement respiratoire, des squames poissées, des plaies àfacettes, amas de viande corrompue et multicolore, si horriblesqu’il détourna la tête, très pâle, une nausée aux lèvres.

– Et pourtant, pensa Sébastien, je suisaussi repoussant que ces misérables. Moi aussi, je suis maintenantun objet d’horreur. Chaque place de mon corps est marquée d’unefange qui ne s’effacera plus…

Et tout haut, s’adressant à Bolorec d’une voixcraintive, suppliante :

– Est-ce que je te fais horreur, dis…Dis-moi si je te fais horreur ?…

À son tour, Bolorec n’écoutait pas. Aprèsavoir jeté un coup d’œil insensible sur les monstres étalés sur laberge, il cherchait, dans la foule, les gens de son pays, heureuxde les reconnaître, d’aspirer un peu de l’odeur de sa lande à lui,de revoir des coins de paysages préférés, tout pleins de saliberté, de ses haltes paresseuses et des arbres dont il avaitfouillé l’écorce et taillé les nœuds. Cette joie sereine, quiremettait dans les regards de son ami des lumières infiniesd’idiot, cet élan tranquille vers les souvenirs purs, causèrent àSébastien un véritable supplice. Il ne pourrait plus jamais laressentir cette délicieuse joie, il ne pourrait plus rien revoir,rien entendre, ni du passé, ni du présent, ni de l’avenir, il nepourrait plus rêver. Toujours serait présente l’ombre maudite, lasalissante, la dévorante image de sa perdition.

– Dis-moi donc si je te faishorreur ! répéta Sébastien.

Bolorec n’écoutait pas. Il murmurait, l’espritenvolé vers les plaines familières :

Quand j’aurai quatorze ans…

À cette époque, la fastueuse et laidebasilique qui, aujourd’hui, érige sur ce morceau de terre stérile,appauvri encore par cette opulence brutale, sa masse de pierretravaillée et sa géante tour, qu’écrase la statue colossale desainte Anne, n’existait pas. C’était, près du champ sacré deBocenno, une petite chapelle de village, humble et pauvre comme lesmalheureux qui venaient y prier. À peine si, basse et de crépiobscur, elle se distinguait des autres maisons qui l’entouraient.Sous ces voûtes primitives, aux charpentes apparentes et gauchies,il n’y avait point d’ors, point de marbres, point de bronzes, pointde colonnes orgueilleuses, ni d’autels insolents et parés,semblables à des lits de courtisane. Son seul luxe, sa seulerichesse, c’étaient les ex-voto naïfs qui couvraient les murs nus,les bateaux suspendus dans les nefs par des marins sauvés d’unnaufrage, et l’autel candide où, parmi les fleurs toujours fraîcheset les lumières des cierges jamais éteints, la sainte – une saintede plâtre doré – versait sur les fidèles l’illusion chère de sesmiracles et de ses bontés.

Sébastien ne put prier. Sur la même rangée quelui, dans la grande nef, entre les bancs, le Père de Kern étaitagenouillé, les coudes sur un prie-Dieu. Il ne le voyait pas, maisil le sentait là, et cette présence glaçait ses élans, empoisonnaitses ferveurs. La prière commencée ne s’achevait pas ; ellefuyait aussitôt, se dissipait, insaisissable, comme une fumée. Etpuis, il lui sembla que la sainte détournait de lui son regardpeint, mais qui savait tout. Alors, tant que dura l’office, il fixales yeux sur une frégate, une frégate qui se balançait au-dessus delui, dans l’air, au bout d’une chaînette. Cette frégate, avec sesmâts, ses voiles hissées, petite ainsi qu’un jouet d’enfant, luiparla de voyages lointains. Il aurait voulu partir, emporté par cesgentilles voiles, sur des flots inconnus, s’enfoncer loin, plusloin, mettre des mers, des continents, d’infranchissables montagnesentre lui et cet homme qui osait prier, qui pouvait prier, cethomme qu’il ne voyait pas et dont l’image était partout, emplissaittout, ses pensées, ses prières, et la lumière du ciel, et lemystère des bois, et l’âme rude de la lande, et les ténèbres de lanuit, et jusqu’aux prunelles de plâtre de la bonne mère sainteAnne. Longtemps aussi, il s’oublia à parcourir les ex-votosimplistes retraçant d’extraordinaires et consolantesaventures : des lions pacifiés, des morts ressuscités, despécheresses illuminées par la grâce. En sortant de la chapelle,sous le portail, dans une bousculade, Sébastien frôla le Père deKern, et cela lui causa comme une exaspération de la peau.

Après le déjeuner, qui fut servi dans le parcde la Chartreuse d’Auray, Sébastien, irrité des gaietés bruyanteset des joies déchaînées autour de sa tristesse, éprouva un besoinde solitude. La société de Bolorec, même, lui était pesante etpénible. Seul, il espéra se reconquérir. Il se retira assez loin deses camarades, sur une hauteur, et s’assit dans l’herbe, le doscontre un chêne qui le couvrait de son ombre. De là, il suivait lesmouvements des élèves. Les uns, fatigués de la course, s’étendirentà terre et dormirent, les autres se mirent à jouer. Rien de cequ’il avait vu, depuis le matin, n’était dans sa pensée. L’imagedes choses, que d’ordinaire il gardait si fortement empreinte danssa mémoire, s’effaçait sans laisser le moindre reflet. Il avaitdéjà oublié la chapelle, les fontaines miraculeuses, envahies parla foule pittoresque et confiante ; il avait oublié les gorgesdu Loch et la rivière bouillonnant sur des cailloux, en bas ;et la route aux pentes brusques que d’énormes rochers à tête desphinx surplombent, en haut ; il avait oublié le Champ desMartyrs, ses horizons tragiques et ses végétations palustres, quel’eau saumâtre brûle et décolore ; il avait oublié les calmesallées de la Chartreuse, ses cloîtres silencieux enfermant depetits jardins carrés et pleins de roses ; il avait oubliél’ossuaire avec son tombeau de marbre blanc et son trou béant, aufond duquel la lueur tremblante d’une lanterne éclaire lesossements recueillis des fusillés de Vannes et de Quiberon. Et iloubliait, ou plutôt, il ne percevait pas les sensations multiplesde la minute présente, ni la douceur du ciel, ni la détente du sol,ni le repos de cette nature odorante et charmée, ni le rêve decette atmosphère de forêt, si religieuse, si musicale, de cetteatmosphère qui semble être faite d’eau profonde, et dans laquelleerrent, ondoient, zigzaguent, frissonnent et se voilent lagentillesse des fleurs, les sémillants caprices des insectes, et lagrâce des feuilles solitaires qui, de temps en temps, se détachent,tournoient, tombent avec un froissement d’élytres. Aucuneimpression ne lui venait de cette paix embaumée, de ces formesremuantes, de cet évanouissement continu des êtres et des choses,en une sorte de transparence glauque, de transsonorité sous-marine.Rien, dans cette harmonie, n’affectait sa vue, son ouïe, sonodorat, lui qui aimait tant à rapprocher l’un de l’autre, la forme,le son, le parfum, à les douer d’une vie identique, d’une mentalitépareille, à les gonfler de son âme. Sa sensibilité était anéantie,son esprit avait sombré dans quelque chose de noir, de plus noirque l’ossuaire de la Chartreuse, et ses pensées étaient comme lesossements de ces vieux morts et les poussières logées aux cavitésde ces crânes vides.

Comme il restait là, sans bouger, il aperçut,tout d’un coup, entre les feuilles, le Père de Kern, se promenantavec Jean de Kerral. Celui-ci paraissait heureux, et le Pèreparlait, en faisant des gestes, ces gestes onctueux, cadencés,qu’il affectionnait lorsqu’il récitait des vers ou contait deshistoires, et que Sébastien connaissait tellement, qu’il eût puredire les vers au mouvement des gestes qui les scandait. Tous lesdeux, lentement, ils marchaient au bord de l’allée, Jean sautillantet très petit, le menton levé vers le Père, le Père balançant sonbuste mince et ses hanches fortes dessinées par la soutane. Parmoments, l’épaisseur du feuillage les cachait, ils reparaissaientensuite dans une éclaircie, auréolés de verdures. Sébastien, alors,se rappela les avoir vus ensemble, souvent ; il se rappelaaussi que Guy de Kerdaniel, Le Toulic, et bien d’autres, aimaient àle suivre, à l’écouter, à se pendre jalousement aux plis de sasoutane. Et il eut un soupçon de ce que le Père voulait d’eux… Oui,c’était pour cela !… De si loin, il ne pouvait entendre ce quedisait le Père à Jean de Kerral, mais il le savait par cœur celangage fleuri, engourdissant, qu’il avait subi, qui l’avaitconduit dans cette chambre, où Jean irait, où il était allé,peut-être. « Oh ! petite âme inquiète, dans laquelle jelis ! » Sans doute, il lui répétait les mêmes choses, desa voix douce ; il lui parlait de son âme, des tendresses deson âme, des extases de son âme… son âme toujours ! Et,simultanément, il éprouva un sentiment bizarre et violentd’affliction, de pitié envers ces petites victimes, auquel se mêlade l’étonnement, de la jalousie, et aussi de l’admiration détestéepour ce prêtre attirant et damné… Jalousie de quoi ?admiration de quoi ?… Il n’en savait rien. Sébastien chercha,au fond de sa mémoire, à retrouver des circonstances précises,particulières, indubitables, qui pussent changer, en certitudesabsolues, ses soupçons encore hésitants. Une multitude de détailsoubliés, une quantité de petits faits incompris lui revinrent,auxquels, jusque-là, ignorant de ces choses, il n’avait prêtéaucune attention.

Oui, c’était pour cela !… Il s’expliquades dessous de conduite, des bienveillances qui n’avaient pas duré,des préférences et des protections qui changeaient. Il se souvintqu’une nuit, ayant été souffrant et forcé de se lever, il avait vu,en rentrant au dortoir, une ombre sortir de la cellule de Jean,proche de la sienne. Mais cette ombre, inquiète sans douted’apercevoir quelqu’un marchant dans le couloir, s’était aussitôtreglissée dans la cellule. Était-ce bien la cellule de Jean ?…Oui, car en approchant, il avait remarqué que les rideaux qui lafermaient était encore agités d’un léger flottement. Cette ombreétait-elle bien celle du Père de Kern ? Oui. Quoique celadatât de plusieurs mois et malgré la furtivité de cette apparition,il la reconnaissait maintenant à sa découpure sur le fond éclairédu dortoir. Il aurait dû attendre, épier l’ombre derrière sesrideaux, coller son oreille contre la cloison. Ne croyant pas aumal, il n’avait songé à rien de tout cela, et il s’était dit qu’ilavait été trompé par une erreur de ses sens, que cette ombren’était qu’une ombre, non pas même l’ombre d’un homme, mais l’ombred’une chose, mise en mouvement, peut-être, par un coup d’air sur lalampe. Oui, c’était pour cela ! C’était pour cela encore que,au bain, le Père de Kern s’écartait toujours avec Jean, qu’il luiapprenait à nager, qu’il le soutenait sur l’eau, avec un plaisirvisible et coupable. Les souvenirs affluaient, en foule, déchirant,un à un, les voiles hypocrites, arrachant les masques menteurs.Chaque action, chaque parole, chaque geste du Père, il les ramenaità une intention de luxure. Ses bienveillances, ses indulgences, illes entachait d’intérêts ignobles et d’impuretés. Son imagination,en proie à l’idée fixe du mal, englobait tous ses camarades dans unmartyre commun. N’avaient-ils pas, les malheureux comme lui-même,le stigmate affreux de ce baiser de prêtre, la marque de cettemonstrueuse étreinte ? Les figures pâles, les minessouffreteuses, les démarches molles, les grands yeux dolents dansdes paupières meurtries ne disaient-ils pas l’infamie de cedévoreur de petites âmes, le crime de ce tueur d’enfants ? Etpris d’un besoin de se justifier en universalisant sa honte, poussépar une rage de remuer des souillures certaines et des ordurestangibles, il matérialisait ses doutes, dramatisait ses hypothèses,en évocations d’images et de scènes lubriques, dont la salissanteobsession l’affola.

Bientôt autour de lui, le bois s’enferma demurs épais, le jour se transforma en nuit sombre. Il reconnut lachambre terrible, le lit, au fond, blanchâtre et bas, pareil à unsépulcre, et la livide clarté de la fenêtre, où l’ombre mauditepassa et repassa. Il vit Jean, Guy, Le Toulic, tous les élèves,l’un après l’autre, entrer, se débattre, se livrer, déjà domptés,aux vices impubères ; il entendit leurs sanglots, leurs cris,amortis sous les bâillons et les poings furieux ; leursappels, leurs rires, leurs chocs, étouffés dans les oreillersfroissés ; et ce fut une mêlée horrible de petits corps nus,de petites gorges râlantes, un bruit de chairs piétinées, demembres rompus, quelque chose de sourd, de rauque, comme unmeurtre. L’hallucination se continua. D’autres figures envahirentla chambre, en chantant. Échevelées, ivres, barbouillées deliqueurs puantes, elles dansaient des danses obscènes, l’entourantde rires diaboliques, d’impudiques grimaces, le frôlant de contactsqui brûlaient comme du feu : « Nous reconnais-tu !Nous sommes tes petites années, tes années d’ignorance et depureté. Comme tu nous as ennuyées, si tu savais ! Et que nousétions laides !… Regarde comme nous sommes gentilles,maintenant que le Père de Kern nous a révélé le plaisir ! Nousne voulons plus de toi… Il nous attend… Adieu ! »D’autres apparurent. Elles étaient débraillées, la gorge nue et luisoufflaient au visage des bouffées de cigarette : « Noussommes tes prières, tes poésies, tes extases !… Oh ! làlà !… Nous en avons assez d’être des âmes, et nous allons aurendez-vous que nous a donné le Père de Kern !…Adieu ! » Elles faisaient des gestes onaniques,montraient de frénétiques sexes : « Et moi ?…Pourquoi m’as-tu fui ? Pourquoi repoussais-tu malèvre ? » C’était Marguerite. « Allons, viens avecmoi. Je sais un endroit où les fleurs enivrent comme l’haleine dema bouche, où les fruits sont plus savoureux que la pulpe de machair. Là, je t’apprendrai des choses que tu ignores, des belleschoses que m’a apprises le Père de Kern, et qui font claquer lesdents de plaisir. Regarde-moi. Suis-je belle ainsi ? »Elle levait sa jupe, lui tendait à baiser son corps prostitué etcouvert d’immondes souillures : « Et puis, nous irons, lesoir, dans les bois ; nous nous cacherons dans des chambresobscures ; je te ferai un lit de tout ce qui est doux etmoelleux, et je me renverserai sur toi… tiens !… Tu ne veuxpas ?… » Elle l’attirait, pâmée, les mains hardies, labouche sifflante, les yeux renversés sous les paupièresbattantes : « Je te donnerai de volupté tout ce qu’encontient le monde, et tu mourras de mes caresses… Non ? Alors,je retourne au Père de Kern… Adieu ! »

Sébastien haletait. Il fit le geste de retenirMarguerite qui fuyait ; mais ses mains n’étreignirent que levide. Et le vide se repeupla de formes chastes, de clartéstranquilles. Il regarda autour de lui, devant lui. Le jour étaitcharmant ; le bois s’enfonçait dans des profondeurs noyées depaisibles mystères. À ses pieds une digitale issait de l’herbe, safrêle tige chargée de clochettes pourprées. Partout, entre lesfeuilles, les élèves couraient, se poursuivaient, montaient auxarbres. Avait-il donc dormi ? Avait-il donc rêvé, toutéveillé ? Rêvait-il toujours ? Il se frotta les yeux. Deslambeaux de ce rêve salissaient encore la calme résurrection decette nature immaculée. Encore, il lui restait, de ce rêve maldissipé, dont les impudentes images s’effaçaient à peine, dessensations étranges et des voluptés douloureuses : une couléede feu dans ses veines ; une chaleur intolérable dans sapoitrine ; un gonflement de ses muscles, soulevés par il nesavait quelles irruptions intérieures ; l’attente vague,désirée et redoutée, d’une défaillance de tout son être. Ah !comme il eût voulu tremper son corps dans un bain d’eau glacée, serouler sur des choses froides. Il arracha, rageusement, un paquetde mousse fraîche, s’en frotta le visage, en aspira l’âcre odeur demucre et de terre mouillée.

– Pourquoi êtes-vous seul, ainsi, loin detout le monde, mon cher enfant ?

Au son de cette voix connue, Sébastien seretourna vivement, les mains à plat sur le sol, prêt à se lever,prêt à fuir. Le Père de Kern était debout, à sa gauche, appuyécontre le tronc du chêne, le regard plongeant sur lui. Ilmordillait une brindille de bruyère.

– Vous vous étiez endormi ?… Vousétiez las ?… Souffrez-vous ? lui demanda-t-il,tendrement.

D’abord, Sébastien ne répondit pas… Puis,soudain, les joues enflammées, la gorge serrée de colère :

– Allez-vous-en ! cria-t-il… Ne meparlez pas… Ne me parlez plus jamais… Ou bien, je dirai… Oui, jedirai que… je dirai… Allez-vous-en !…

– Voyons, mon cher enfant, calmez-vous…Vous êtes absous, et vous m’avez pardonné… Je suis simalheureux !

Ces paroles entrecoupées de silences,tombaient sur la peau de Sébastien comme des gouttes d’huilebrûlante…

– Non… Non… Ne me parlez pas… plusjamais… parce que…

Et, d’un bond, se redressant, il s’enfuit,leste, dans la bruyère et sous les branches, pareil à un jeunechevreuil.

L’heure était venue de repartir. On regagna lecollège, par les traverses. Derrière Sébastien et Bolorec, quimarchaient silencieux, Jean de Kerral bavardait avec uncompagnon.

– Tu sais qu’il y a eu un miracle, cematin, à Sainte-Anne ? disait Jean… un très grandmiracle ?… C’est le Père de Kern qui m’a raconté cela… Il y atrois jours, un Belge, c’est-à-dire un homme de la Belgique, arriveà Sainte-Anne, dans une auberge… Quoique malade, il avait fait laroute à pied. En entrant dans l’auberge, il meurt… L’aubergisteenvoie chercher un prêtre, puis un médecin. Le Belge était bienmort. Alors, le prêtre adresse une prière à sainte Anne et s’en va.Le matin, où on allait le mettre en bière, le Belge se lève toutdroit, et dit : « J’étais mort, mais je suisressuscité. » Et il demande à manger. Voilà ce qui s’étaitpassé… Pendant que le Belge était mort, un voleur, un impie étaitentré dans sa chambre, et après avoir fouillé ses vêtements, ilavait pris le porte-monnaie du mort, et, à la place de l’argentqu’il contenait, avait déposé une toute petite médaille de sainteAnne… Il croyait faire une bonne farce, cet impie, tu comprends. Ehbien, à la minute même où le Belge ressuscitait, le voleur mourait…Et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que les sous volés au Belgeétaient devenus des pièces blanches, et les pièces blanches, deslouis d’or… Ça fait qu’il est très riche, maintenant, le Belge.

– Je connais quelque chose de bien plusbeau, répliquait le compagnon. L’année dernière, arrive àSainte-Anne, du fond de la Perse, un Persan. Naturellement, il neparlait ni le français, ni le breton… Et on ne savait pas ce qu’ilvoulait… Alors quelqu’un eut l’idée de lui mettre sur la langue unemédaille de sainte Anne bénite par l’archevêque de Rennes. Et toutde suite ce Persan s’est mis à parler breton… Je l’ai vu, moi… Ilest maintenant portier du séminaire… Qu’est-ce que tu as demandé,toi, à notre mère sainte Anne ?

– Moi, répliquait Kerral, j’ai demandé ànotre mère sainte Anne de faire revenir Henri V, parce qu’onrendrait à papa ses vingt-cinq mille francs, qu’on fourrerait enprison le clerc d’huissier, et qu’on reprendrait à son père laferme des biens nationaux… Et toi ?

– Moi, j’ai demandé à notre bonne mèresainte Anne, d’avoir le premier prix de gymnastique.

Ils parlèrent ensuite de saint Tugen, quiguérit de la rage, et de saint Yves qui ressuscite les marins.

Du sommet de la côte de Ponsal, à gauche, versVannes, la vue s’étend. C’est un pays sombre dont les terrainsondulent, coupés de ravins profonds, plantés de bois farouches quiont l’air d’être là en embuscade. Les champs sont entourés detalus, hauts comme des forteresses. À droite, la lande descend versles estuaires des rivières de Baden et d’Auray, noire, sillonnée detranchées naturelles dans les parties plates, défendue par desreplis de terrain en épaulement et des rochers qui se dressentmenaçants, ainsi que des citadelles.

Jean dit, changeant brusquement laconversation, et indiquant d’un geste circulaire lepaysage :

– Comme on les canarderait,hein ?

– Qui ça ?

– Les bleus, donc… Oh ! je voudraisêtre officier, et qu’ils reviennent… J’en tuerais… j’entuerais !

Et, passant à une autre idée, il interpellaBolorec qui marchait péniblement devant lui, les semelles lourdes,les hanches désunies.

– Qu’est-ce que tu as demandé à notrebonne mère sainte Anne, toi ?

Bolorec haussa les épaules, dédaignant de seretourner.

– M…, fit-il… Voilà ce que j’aidemandé.

Alors, Jean, très triste, gémit :

– C’est très mal, tu sais… C’est unsacrilège… Je t’aime bien… Mais tu mériterais que j’aille répétercela au Père de Kern…

Ils se turent. Tout le long de la colonne, lescauseries, animées au départ, cessèrent peu à peu. La journée avaitété fatigante. Maintenant les pas traînaient sur le sol, pluspesants, les épaules se penchaient en avant cassées par la marche.Et le retour s’acheva dans le silence.

Sébastien n’avait pu recouvrer le calme moral,ni éteindre les ardeurs qui lui brûlaient le corps. Le poison étaiten lui, parcourait toute sa chair, s’insinuait au profond de sesmoelles, ravageait son âme, ne lui laissant pas une minute de répitphysique, pas une minute de paix mentale, par quoi il pût ressaisirles lambeaux de sa raison qui l’abandonnait. Les hallucinations lepoursuivaient ; il glissait dans d’affolants vertiges. Ilavait beau, par une survie de la conscience, par un rappelintermittent de son courage, résister à l’envahissement intérieurde ces flammes, se défendre contre l’engourdissement progressif dece poison, il se sentait, à chaque seconde, plus ébranlé en sesorganes et vaincu davantage dans sa volonté. Il essaya des’intéresser aux choses qui défilaient devant lui, mais les chosesne lui renvoyèrent que d’impures images. Il ferma les yeux ;mais, dans l’ombre, les images se multiplièrent, se précisèrent.Elles passaient de gauche à droite, cyniques, solitaires ou partroupes obscènes, disparaissaient, se renouvelaient sans cesse,plus nombreuses et plus harcelantes. Il voulut prier, implorerJésus, la Vierge, sainte Anne, dont le sourire enfante lesmiracles, et Jésus, la Vierge, sainte Anne, ne se représentèrentque sous des formes d’irritantes nudités, d’abominables tentationsqui venaient à lui, se posaient sur lui, enfonçaient dans son crâneet sous sa peau des griffes aiguës, déchireuses.

Au moins, s’il avait pu parler, s’il avait pus’épancher dans le cœur d’un ami véritable, se vider du secretaffreux qui l’étouffait, le dévorait ? Vingt fois, il l’eutsur les lèvres, comme une nausée, ce secret ; vingt fois, ilfut sur le point de le confesser, de le crier à Bolorec. La hontele retint, l’insouciance déconcertante, l’ironique grossièreté deson ami le découragèrent. Hanté par cette idée fixe que Bolorecsavait peut-être quelque chose, et, dans l’espoir que celui-cil’interrogerait le premier, il se borna seulement à lui demander,de nouveau :

– Est-ce que je te fais horreur ?…Dis-moi si je te fais horreur ?

– Tu m’embêtes ! répondit Bolorec,qui s’était assombri, depuis qu’il ne voyait plus voleter dansl’air les blanches coiffes des femmes de son pays.

Vainement aussi, il s’efforça de s’abstrairede ce milieu trop proche de sa faute, trop directement mêlé à sonpéché, et de retrouver les calmes sensations, et les calmes figuresd’autrefois. Il pensa à Pervenchères, à l’enfant tranquille, fortet gai, qu’il avait été jadis : aux routes parcourues, à laforêt, si souvent visitée, à la rivière si pleine d’écrevisses. Ilse rappela son père et son éloquence comique, et la solennitébouffonne de ses gestes, et son chapeau, dont la soie s’usait,chaque année, un peu plus, et qui, lorsqu’il en était coiffé, luidonnait l’air d’une caricature ancienne ; il se rappela encoreFrançois Pinchard et sa triste échoppe, la tante Rosalie et sarigidité de cadavre, sur le grand lit blanc autour duquelveillaient les vieilles harpies. Mais heureux ou attristés, joyeuxou funèbres, tous ces souvenirs se dérobèrent. Une image, une seuleimage les dominait, les absorbait, Marguerite. Non pas même laréelle Marguerite de là-bas, déjà si troublante et si mystérieuse,avec son sarrau froncé et sa courte jupe de fillette ; mais laMarguerite de son rêve, dans le bois, la Marguerite du Père deKern, dévêtue, violée, violatrice, le monstre impudique et pâmé auxlèvres qui distillent le vice, aux mains qui damnent. Alors,désespéré de chasser ces obstinées images, insensiblement,inconsciemment, il s’abandonna, tout à fait, à elles. La honte deles voir, le remords de les écouter, la terreur d’en sentir lesfrôlements ardents, d’en respirer les érotiques souffles, tout celas’évanouit ; il se reprocha, ensuite, d’avoir si durementrepoussé le Père de Kern, regretta la chambre, conçut l’espoir d’yretourner, d’y rester, d’y savourer les voluptés violentes quibouillonnaient dans son corps. Il se plut à imaginer d’audacieuxrendez-vous avec Marguerite, les caresses futures, les enlacements,les formes ignorées de son sexe.

– Sais-tu comment c’est fait, toi, lesfemmes ? demanda-t-il à Bolorec.

Et Bolorec, bougon, mais non étonné de cettequestion imprévue, répondit, la bouche pâteuse :

– C’est fait comme tout le monde.Seulement, elles ont du poil sous les bras.

– Dis donc ? Tu n’as jamais…

Il n’acheva pas sa phrase. Et il désira lavenue de la nuit, afin d’être seul, entre les cloisonssilencieuses, seul avec les images.

 

Le lendemain, après le réveil sonné, lesrideaux de Sébastien restèrent fermés. Rien ne bougea dans lacellule. En faisant sa ronde, le Père de Kern s’en aperçut, lesouvrit, et il vit l’enfant, en chemise, agenouillé devant son lit,et qui dormait profondément. Il avait dû être surpris dans uneprière, par le sommeil, car ses mains jointes n’étaient pas tout àfait désenlacées. Sa tête reposait, inclinée sur le drap, mouilléde larmes fraîches.

– Pauvre petit ! se dit le prêtre,le cœur traversé d’un grand remords.

Il ne voulut point l’éveiller, afin qu’enouvrant les yeux, Sébastien ne rencontrât pas sa figure détestée.Doucement, il referma les rideaux. Un frère passait.

– Recouchez cet enfant, ordonna-t-il… Ilest malade… Et dites-lui qu’il dorme bien…

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