Chapitre 8
Je pense à toi…, bien d’autres souvenirs, d’autres tableauxsurgissent devant moi, et partout c’est toi, sur tous les cheminsde ma vie, c’est toi que je rencontre. Parfois, je vois un vieuxjardin russe couché sur la pente d’une colline, éclairé desderniers rayons du soleil couchant de l’été. Derrière les peupliersargentés paraît le toit de bois d’une gentilhommière avecraccroche-cœur fluet de la fumée vermeille qui monte d’une blanchecheminée. La porte de la palissade est entrebâillée, comme pousséepar une main hésitante, et moi je reste là, j’attends, je regardecette palissade, le sable de l’allée dans le jardin ;j’admire, je m’attendris, toutes mes sensations me paraissentextraordinaires, neuves, tout semble baigné d’une sorte de mystèretendre et lumineux ; je crois déjà entendre le bruissementd’un pas rapide ; je resté là, tendu, léger comme un oiseauqui vient de replier ses ailes, mais qui est prêt à s’élancer denouveau ; mon cœur brûle, mon cœur frissonne de crainte et dejoie devant le bonheur tout proche, devant le bonheur qui vole versmoi.