Au pays des brumes

Chapitre 5Nos envoyés spéciaux font une expérience remarquable

Malone était assis dans le fumoir du Clublittéraire. Il avait devant lui, sur sa table, les impressionsmanuscrites d’Enid, elles étaient très pénétrantes et trèssubtiles ; il s’efforçait de les amalgamer avec les siennes.Autour du feu un groupe discutait ferme. Le bruit des conversationsne dérangeait pas le journaliste, le sentiment qu’il appartenait àun monde affairé stimulait à la fois son cerveau et sa plume.Toutefois, comme le groupe aborda bientôt les problèmes psychiques,il lui fut difficile de s’abriter au sein de ses propresréflexions ; aussi se cala-t-il dans son fauteuil pourécouter.

Polter, le célèbre romancier, était au nombredes disputeurs. Homme brillant, il utilisait trop souvent lafinesse de son esprit à repousser des vérités d’évidence et àdéfendre des positions impossibles uniquement par amour de ladialectique. Pour l’instant, il était en train de disserter devantun auditoire admiratif, sinon entièrement docile.

– La science, disait-il, nettoieprogressivement le monde des vieilles toiles d’araignées de lasuperstition. Le monde était quelque chose comme une antiquemansarde empoussiérée ; voici qu’à présent le soleil de lascience s’y projette, l’inonde de lumière, la poussière se déposegraduellement sur le plancher.

Non sans malice, quelqu’unl’interrompit :

– Par science, vous entendez naturellement deshommes comme sir William Crookes, sir Oliver Lodge, sir WilliamBarrett, Lombroso, Richet, etc. ?

Polter n’avait pas l’habitude d’êtrecontredit.

– Non, monsieur, je n’entends rien d’aussiabsurde ! répondit-il. Aucun nom, si éminent soit-il, ne peutprétendre à s’identifier avec la science tant qu’il relève d’uneinsignifiante minorité de savants.

– Tant qu’il fait figure d’excentrique, ensomme ! confirma Pollifex, un artiste qui renvoyaithabituellement la balle à Polter.

Mais l’interrupteur, un certain Millworthy,journaliste très indépendant, n’allait pas se laisser réduire sivite au silence :

– En son temps, Galilée fit figured’excentrique, insista-t-il. Et Harvey un amateur de paradoxeslorsqu’il décrivit, sous les rires moqueurs, la circulation dusang.

– Pour le moment, c’est la circulation et letirage de la Daily Gazette qui sont en jeu, dit Marrible,l’humoriste du club.

– Je ne peux pas imaginer pourquoi on s’occupede choses pareilles en dehors des tribunaux correctionnels !renchérit Polter. Il y a là une dispersion d’énergie, une erreur dedirection de la pensée humaine entraînée vers des chemins qui nemènent nulle part. Nous ne manquons pas de matériaux d’évidence àexaminer. Voilà notre travail ; poursuivons-le et ne nous enlaissons pas distraire.

Atkinson, le chirurgien, faisait partie ducercle ; jusque-là il avait écouté en silence, mais il sedécida à intervenir.

– Je pense que les savants devraient consacrerplus de temps aux problèmes psychiques.

– Moins ! répliqua Polter.

– Moins que rien, alors ? Ils lesignorent. Récemment, j’ai eu une série d’exemples de rapportstélépathiques que je désirais soumettre à la Société royale. Moncollègue Wilson, zoologue, avait aussi une communication à lire.Nous sollicitâmes en même temps l’autorisation de parler : àlui elle fut accordée, et à moi refusée. Sa communication avaitpour titre : « Le système reproductif dubousier. »

Un éclat de rire général salua cetteprécision.

– Normal ! fit Polter. L’humble bousierest, au moins, un fait. Dans le psychisme, il n’y a pas defaits.

– Vous avez sûrement une base solide pour uneopinion aussi définitive ! susurra le malicieux Millworthyd’une voix de velours. J’ai peu de temps pour lire, pourriez-vousm’indiquer lequel des trois livres du Dr Crawford vous merecommanderiez ?

– Je n’ai jamais rien lu de ce type-là.

Millworthy simula un étonnement véhément.

– Comment, mon cher ! Jamais rienlu ?… Mais c’est une autorité en la matière, la seule,l’unique autorité ! Si vous avez besoin de simples expériencesde laboratoire, prenez ses livres. Jamais rien lu ?… Autantdicter la loi en zoologie sans avoir jamais lu Darwin !

– Il ne s’agit pas d’une science !protesta Polter.

– Ce qui réellement n’est pas de la science,déclara Atkinson non sans chaleur, c’est de dicter la loi sur desproblèmes que vous n’avez pas étudiés ! C’est par de telsprocédés que j’ai été conduit au spiritisme ; j’ai comparécette ignorance dogmatique avec la sérieuse recherche de la véritéqu’ont engagée les grands spirites. Beaucoup d’entre eux ontréfléchi pendant vingt ans de leur vie avant de conclure.

– Mais leurs conclusions sont sans valeur,puisqu’elles confirment une opinion déjà arrêtée.

– Mais chacun d’eux a lutté longtemps avantd’arrêter son opinion ! J’en connais plusieurs, tous onthésité avant d’être convaincus.

Polter haussa les épaules.

– Ma foi, ils peuvent bien avoir leursrevenants si cela leur fait plaisir, pourvu qu’ils me laissent lespieds solidement fixés au sol.

– Ou enlisés dans la boue, dit Atkinson.

– Je préférerais, repartit Polter, être enlisédans la boue avec des gens sains d’esprit plutôt que flotter dansl’air avec des fous ! Je connais aussi quelquesspirites ; selon moi, on peut les classer en deux catégorieségales : des fous et des coquins.

Malone avait écouté avec intérêt d’abord,ensuite avec une indignation grandissante. Brusquement il pritfeu.

– Écoutez-moi, Polter ! s’écria-t-iltournant son fauteuil vers le cercle. Ce sont des sots dans votregenre qui freinent le progrès du monde. Vous admettez que vousn’avez rien lu sur les problèmes psychiques et je jurerais bien quevous n’en avez rien vu non plus ! Pourtant vous utilisez votrecrédit et votre réputation pour tomber à bras raccourcis sur desgens qui, quels qu’ils soient par ailleurs, sont assurément trèssérieux et très réfléchis.

– Oh ! s’exclama Polter. Je ne savais pasque vous étiez allé aussi loin. Vous n’osez pas parler ainsi dansvos articles. Vous êtes donc spirite ! À vous lire, on ne lecroirait pas !

– Je ne suis pas spirite mais je me piqued’être un journaliste honnête, ce que vous n’avez jamais été. Voustraitez les spirites de fous ou de coquins, mais, pour autant queje sache, vous n’êtes pas digne de cirer les souliers de certainsadeptes du spiritisme.

– Allons, allons, Malone ! crièrent deuxou trois voix.

Mais Polter se dressa sur ses pieds.

– Ce sont des hommes comme vous qui font de ceclub un désert ! s’écria-t-il en se dirigeant vers la porte.Jamais je ne reviendrai ici pour me faire insulter.

– Vous avez gagné, Malone !

– J’avais envie de lui botter le derrière pourqu’il sorte plus vite. De quel droit foulerait-il impunément auxpieds les sentiments et les croyances d’autrui ? Il a réussimieux que beaucoup d’entre nous et il s’imagine qu’il nous fait ungrand honneur en venant parmi nous !

– Cher vieil Irlandais ! dit Atkinson enreposant sa main sur l’épaule de Malone. « Calme-toi,calme-toi, esprit inquiet ![4] ».Mais je voulais vous dire un mot. En réalité, j’attendais dans cegroupe pour ne pas vous déranger.

– Dérangé ! Je l’ai étésuffisamment ! s’exclama Malone. Comment aurais-je putravailler, avec ce maudit âne qui s’est mis à braire à mesoreilles ?

– Écoutez ! J’ai obtenu de Linden, lemédium célèbre dont je vous ai parlé, une place pour le Collègepsychique ce soir. J’ai eu une invitation supplémentaire. Est-ceque cela vous intéresserait de venir ?

– Naturellement !

– En réalité, j’ai deux invitationssupplémentaires. Si Polter n’avait pas été si offensant tout àl’heure, je lui aurais proposé de nous accompagner. Linden passevolontiers sur les sceptiques, mais il ne tolère pas les railleurs.Qui pourrions-nous emmener ?

– Mlle Challenger ! Voussavez que nous travaillons ensemble.

– Parfait. Vous la préviendrez ?

– Entendu.

– C’est à sept heures. Au Collège psychique.Vous connaissez l’endroit, près de Holland Park.

– Oui, j’ai l’adresse. Eh bien !d’accord. Mlle Challenger et moi-même nous seronslà-bas à sept heures.

Voici donc nos envoyés spéciaux sur unenouvelle aventure psychique. Ils commencèrent par prendre Atkinsonchez lui, dans Wimpole Street, puis ils traversèrent la ville endirection de Holland Park. Leur taxi les arrêta devant unemajestueuse demeure victorienne, un peu en retrait. Une domestiquebien stylée les fit entrer dans le vestibule dont le parquet ciréet le linoléum impeccable brillaient sous la lumière tamisée d’unegrande lampe à abat-jour coloré ; une statuette en marbreblanc miroitait dans un angle. Enid se dit que cet établissementétait bien tenu, aménagé avec goût, et qu’à sa tête il y avaitsûrement une direction capable. La direction revêtit l’aspect d’uneaimable dame écossaise qui les accueillit dans le vestibule etsalua M. Atkinson comme un vieil ami. Elle fut présentée auxjournalistes sous le nom de Mme Ogilvy. Maloneavait déjà entendu raconter comment cette dame et son mari avaientfondé et organisé cet institut remarquable – le véritable centred’expériences psychiques de Londres – sans regarder aux frais ni autravail.

– Linden et sa femme sont en haut, ditMme Ogilvy. Il semble croire que les conditionssont favorables. Les autres sont dans le salon. Voulez-vous lesrejoindre quelques instants ?

Pour assister à la séance, il y avait dumonde. Certains, vieux étudiants en choses psychiques, témoignaientd’un calme intérêt. D’autres, des débutants, regardaient autourd’eux avec des yeux excités et se demandaient ce qui allait sepasser. Près de la porte se tenait un homme de grande taille, à labarbe rousse et au visage ouvert, c’était Algernon Mailey. Il serrala main aux nouveaux arrivants.

– Une deuxième expérience, monsieurMalone ? Je pense que vous avez fait un compte rendu trèséquitable de la dernière. Vous êtes encore un néophyte, mais vousvoilà derrière les portes du temple. Avez-vous peur, mademoiselleChallenger ?

– Si vous êtes assis auprès de moi, je croisque je n’aurai pas peur, répondit-elle.

Il rit.

– Bien sûr, une séance de matérialisation estdifférente de toute autre, plus impressionnante en un sens. Vous latrouverez très instructive, Malone, parce qu’elle comporte desphotographies psychiques et des sujets de cet ordre. D’ailleurs,vous devriez tâcher d’obtenir un portrait psychique.

– J’ai toujours cru que cela au moins était dutrucage.

– Au contraire ! Je dirais que c’est lemieux établi de tous les phénomènes, celui qui laisse une preuvepermanente. J’ai subi l’épreuve une bonne douzaine de fois dans desconditions différentes… Le seul inconvénient n’est pas qu’ilpourrait se prêter au trucage, mais qu’il permettrait à desjournalistes malintentionnés d’en faire une exploitationsensationnelle… Vous n’en voyez pas ici, n’est-ce pas ?

– Non, personne de la presse.

– La grande et jolie femme, là-bas, est laduchesse de Rossland. Puis voici lord et lady Montnoir, près dufeu. Ce sont vraiment de bonnes gens, qui comptent parmi les trèsrares représentants de l’aristocratie à avoir montré pour notreaffaire du sérieux et du courage moral. Cette dame bavarde, c’estMlle Badley, qui ne vit que pour les séances, unefemme du monde blasée en quête de sensations nouvelles ; on lavoit toujours, on l’entend toujours et elle est toujours aussivide… Je ne connais pas les deux hommes ; quelqu’un m’a assuréqu’ils étaient chercheurs à l’Université. Cet homme corpulent avecla dame en noir est sir James Smith, ils ont perdu deux fils à laguerre. Le personnage grand et sombre est un homme étrange quis’appelle Barclay et qui habite, je crois, une pièce du collèged’où il sort rarement pour une séance.

– Et l’homme aux lunettesd’écailles ?

– C’est un âne pompeux qui s’appelleWeatherby. Il fait partie de ceux qui se tiennent aux confins de lafranc-maçonnerie ; il ne parle que sous forme de murmuresindistincts et il respecte les mystères là où ils n’existent pas.Le spiritisme, avec ses mystères aussi réels que redoutables, luiparaît une doctrine vulgaire parce qu’elle console les pauvresgens ; mais il aime lire des articles sur le rite écossais.Son prophète est Eliphas Levi.

– Ce doit être un homme fort cultivé !dit Enid.

– Surtout fort idiot. Mais… Hello ! Voicides amis communs.

Les deux Bolsover venaient d’arriver. Rien detel que le spiritisme pour faire sauter les barrièressociales ! La femme de ménage qui possède un pouvoir psychiques’y révèle supérieure au millionnaire qui l’emploie. Instantanémentles Bolsover et les aristocrates fraternisèrent. La duchesse étaiten train de chercher à se faire inviter dans le groupe« familial » de l’épicier, lorsqueMme Ogilvy entra avec un air effaré.

– Je crois que tout le monde est là, dit-elle.Il est l’heure de monter.

La pièce réservée pour la séance était unechambre vaste et confortable, avec des chaises disposées en cercleet un divan tendu de rideaux qui servait de cabinet noir. Le médiumet sa femme attendaient. M. Linden avait de gros traits doux,une charpente solide, des yeux bleus rêveurs et des cheveuxfilasses bouclés qui grimpaient en pyramide vers le sommet de latête, mais il ne portait ni la barbe ni des favoris ni unemoustache ; il avait dépassé la quarantaine. Sa femme étaitlégèrement plus jeune ; elle avait le regard aigu et maussaded’une ménagère fatiguée ; lorsqu’elle regardait son mari, elleétait toute adoration. Son rôle consistait à expliquer, et àveiller aux intérêts du médium quand il était inconscient.

– Les assistants feront bien de prendre leursplaces, dit Linden. Si vous pouvez alterner les sexes, celavaudrait mieux. Ne croisez pas les genoux, vous interrompriez lecourant. Pour le cas où vous auriez une matérialisation, ne vous ensaisissez pas : vous pourriez me blesser.

Les deux chercheurs de l’Université seregardèrent d’un air entendu. Mailey le remarqua.

– Il a tout à fait raison, dit-il. J’ai vudeux cas d’hémorragie dangereuse chez un médium, provoquésjustement par ce motif.

– Pourquoi ? demanda Malone.

– Parce que l’ectoplasme est tiré du médium.Il revient sur lui comme une bande élastique claquée. S’il passe àtravers la peau, le médium n’a qu’un bleu. Par une membranemuqueuse, il saigne.

– Et si l’ectoplasme ne passe nulle part, iln’a rien du tout ! fit l’un des chercheurs avec un petitrire.

– Je voudrais expliquer en quelques mots laméthode qui va être utilisée, déclara Mme Ogilvyquand chacun fut assis. M. Linden n’entre pas dans le cabinetnoir. Il est assis à côté ; et puisqu’il tolère une lamperouge, vous pourrez constater par vous-mêmes qu’il ne quitte passon siège. Mme Linden est assise de l’autre côté.Elle est là pour diriger et expliquer. Tout d’abord, nous voudrionsque vous consentiez à visiter le cabinet noir. L’un d’entre vousfermera la porte et gardera la clé.

Le cabinet se révéla être une simple tente,isolée du mur et installée sur une plate-forme solide. Leschercheurs furetèrent, cognèrent sur le plancher : tout semblastable.

– À quoi sert ce cabinet noir ? s’enquitMalone à voix basse.

– De réservoir et de condensateur pour lavapeur ectoplasmique qui s’échappe du médium ; autrement, ellese répandrait dans toute la pièce.

– On a dit également qu’il servait à d’autresfins, murmura l’un des chercheurs, qui avait entendu l’explicationde Mailey.

– C’est exact, répondit Mailey avecphilosophie. C’est pourquoi je suis partisan des plus grandesprécautions, et j’approuve cette supervision par lesassistants.

– Ma foi, si le médium se tient à l’extérieur,je ne vois pas comment il pourrait y avoir supercherie…

Les deux chercheurs opinèrent.

Donc le médium était assis d’un côté de lapetite tente, et sa femme de l’autre. L’électricités’éteignit ; seule une petite ampoule rouge près du plafondprojeta sa lumière pâlotte sur les silhouettes rassemblées ;les yeux s’accommodèrent ; chacun fut bientôt à même de suivreles détails.

– M. Linden commencera par un peu delecture, annonça Mme Linden.

Avec ses mains croisées sur son ventre et sonair de propriétaire, elle ressemblait à un mannequin de cire. Enids’en amusa.

Linden, qui n’était pas en transe, débuta parde la clairvoyance qui ne se révéla pas fameuse. Il pouvait sefaire que l’influence combinée de divers types d’assistants fûtdéroutante. C’est en tout cas l’excuse qu’il s’accorda quandplusieurs de ses descriptions ne furent authentifiées par personne.Mais Malone fut davantage choqué par celles qui furentreconnues ; les mots étaient littéralement mis dans la bouchedu médium ; certes, la faute en incombait plus à la passiondes intéressés qu’à la rouerie de Linden, mais il n’en était pasmoins déconcerté.

– Je vois un jeune homme avec des yeux brunset une moustache tombante.

– Oh ! chéri ! chéri ! Es-turevenu ? s’écria Mlle Badley. Oh ! il aun message ?

– Il vous envoie toute sa tendresse et il nevous oublie pas.

– Oh ! mais bien sûr ! C’esttellement ce que ce cher enfant aurait dit lui-même !…

Et elle ajouta pour la société, enminaudant :

– Mon premier amour ! Il ne manque jamaisde venir. M. Linden l’a amené ici je ne sais combien defois.

– Il y a sur la gauche un jeune garçon enkaki. Sur sa tête je vois un signe : ce pourrait être unecroix de Saint-André.

– Jim ! C’est certainement Jim !cria lady Smith.

– Oui. Il fait un signe d’assentiment.

– Et la croix de Saint-André est probablementune hélice, dit sir James. Il était dans l’armée de l’air.

Malone et Enid étaient plutôt mécontents decette méthode. Mailey ne dissimula pas sa désapprobation.

– Ce n’est pas bon ! chuchota-t-il àEnid. Mais attendez un peu ! Vous aurez mieux !

Il y eut ensuite plusieurs bonnesreconnaissances, puis quelqu’un ressemblant à Summerlee fut décrità l’intention de Malone. Mais le journaliste n’en tint pas compte,car Linden avait pu se trouver parmi les spectateurs deMme Debbs.

– Attendez ! ne cessait de lui répéterMailey.

– Le médium va maintenant tenter dematérialiser, déclara Mme Linden. Si des formesextérieures apparaissent, je vous prie de ne pas les toucher, saufsi on vous le demande. Victor vous dira si vous pouvez le faire.Victor est le contrôle du médium.

Le médium s’était affaissé sur sachaise ; il se mit à respirer par de longues, profondesaspirations sifflantes et il expulsait l’air entre ses lèvresrapprochées. Finalement, il donna l’impression d’avoir sombré dansle coma, son menton reposait sur sa poitrine. Puis il parla, d’unevoix qui parut mieux modulée et plus cultivée qu’auparavant.

– Bonsoir à tous ! fit la voix.

Un murmure général répondit :

– Bonsoir, Victor !

– Je crains que les vibrations ne soient pastrès harmonieuses. L’élément sceptique est représenté ici ;mais comme il n’est pas prédominant, nous espérons avoir néanmoinsde bons résultats. Martin Lightfoot fait tout ce qu’il peut.

– C’est le contrôle indien, chuchotaMailey.

– Je crois que vous m’aideriez si vous mettiezen route le tourne-disque. Un cantique serait préférable ;mais je n’élève aucune objection contre de la musique séculière.Donnez-nous ce que vous préférez, madame Ogilvy.

On entendit le frottement d’une aiguille quiavait du mal à trouver son sillon. Et puis Conduis-nous, DouceLumière s’ébaucha sur le gramophone. L’assistance se joignitau chant, sans enthousiasme. Alors Mme Ogilvy leremplaça par Ô Dieu, notre Espérance dans le passé.

– Il leur arrive de changer eux-mêmes lesdisques, dit Mme Ogilvy. Mais ce soir, il n’y a pasassez d’énergie.

– Oh ! si, fit la voix. Il y a assezd’énergie, madame Ogilvy ! Mais nous voudrions la conserverpour les matérialisations. Martin dit qu’elles sont en train de secomposer.

À cet instant, le rideau de face du cabinetnoir commença à s’agiter. Il se gonflait comme une voile sous unfort vent. D’ailleurs, tous les assistants reçurent une impressionde froid.

– Il fait très frais, murmura Enid, enfrissonnant.

– Ce n’est pas une impression subjective,répondit Mailey. M. Harry Price l’a mesurée sur desthermomètres. Et aussi le professeur Crawford.

– Mon Dieu ! cria une voixstupéfaite.

Cette exclamation émanait du fameux amateur demystères, il se trouvait soudain aux prises avec un vrai mystère.En effet, les rideaux du cabinet s’étaient écartés, et unesilhouette humaine s’était glissée silencieusement dehors. Lemédium se profilait nettement d’un côté, etMme Linden, qui avait sauté sur ses pieds, del’autre. Entre eux, cette petite silhouette noire, hésitante,semblait terrifiée par sa propre situation.Mme Linden lui parla pour la rassurer.

– N’ayez pas peur, ma chère. Tout va bien.Personne ne vous fera du mal.

Elle expliqua à la société :

– C’est quelqu’un qui n’était jamais revenusur la terre. Naturellement, tout lui paraît très étrange. Aussiétrange que si nous avions été brusquement transportés dansl’au-delà… Tout va bien, ma chère. Vous prenez des forces, je vois.Bien !

La silhouette se déplaçait, s’avançait. Chacunétait cloué sur place, avec le regard fixe.Mlle Badley fut secouée d’un petit rire hystérique.Weatherby s’était adossé à son fauteuil, hoquetant de frayeur. NiMalone ni Enid n’avaient peur, mais la curiosité les dévorait.C’était une chose extraordinaire que d’entendre le fracas de la viedans la rue toute proche, et en même temps d’avoir sous les yeux unpareil spectacle.

Lentement, la silhouette faisait le tour del’assistance. Elle arriva tout près d’Enid, entre l’endroit del’apparition et la lumière rouge. Enid se pencha ; elle vitclairement sa forme extérieure : c’était la forme d’une femmepetite, assez âgée, avec des traits aigus, bien dessinés.

– C’est Suzanne ! criaMme Bolsover. Oh ! Suzanne, ne me reconnais-tupas ?

La silhouette fit demi-tour et esquissa unsigne de tête.

– Oui, ma chérie, c’est ta sœur Suzanne !cria M. Bolsover. Je ne l’ai jamais vue qu’en noir. Suzanne,parlez-nous !

Elle secoua la tête.

– Ils parlent rarement quand ils viennent pourla première fois, dit Mme Linden, dont l’air blasé,vaguement commercial, contrastait avec l’émotion intense du cercle.Je crains qu’elle ne puisse pas tenir longtemps… Ah !voilà ! Elle est partie.

La silhouette avait disparu. Elle avait marchéà reculons vers le cabinet, mais les observateurs eurentl’impression qu’elle s’était enfoncée dans le plancher avantd’avoir atteint les tentures. En tout cas, elle était partie.

– Un disque, s’il vous plaît ! commandaMme Linden.

Tout le monde se détendit. Les assistants serejetèrent au fond de leurs chaises avec un soupir. Le phonographediffusa un air entraînant. Tout à coup, les rideaux s’écartèrent etune deuxième silhouette apparut.

C’était une jeune fille, avec des cheveuxflottants. Elle avança rapidement vers le centre du cercle avec uneassurance parfaite.

Mme Linden eut un petit riresatisfait.

– Maintenant, vous allez avoir quelque chosede bon ! dit-elle. Voici Lucile.

– Bonsoir, Lucile ! s’écria la duchesse.Je vous ai vue le mois dernier, vous rappelez-vous ? Lorsquevotre médium est venu à Maltraver Towers.

– Oui, oui, madame, je me souviens de vous.Vous avez un petit garçon, Tommy, qui vit avec nous. Non,non ! Il n’est pas mort, madame ! Nous sommes beaucoupplus vivants que vous. Nous disposons de tous les jeux possibles,nous nous amusons beaucoup !

Elle parlait un anglais parfait, sur un timbreaigu.

– Voulez-vous que je vous montre ce que nousfaisons là-bas ?

Elle se mit à danser avec grâce, tout ensifflant aussi mélodieusement qu’un oiseau.

– Cette pauvre Suzanne ne pourrait pas enfaire autant. Suzanne ne sait pas danser. Mais Lucile sait seservir d’un corps bien composé…

– Vous souvenez-vous de moi, Lucile ?demanda Mailey.

– Je me souviens de vous, monsieur Mailey. Ungros homme avec une barbe rousse.

Pour la deuxième fois de sa vie, Enid dut sepincer pour se convaincre qu’elle ne rêvait pas. Cette gracieusecréature, qui était-elle ? Une réelle matérialisationectoplasmique, utilisée pour l’instant en guise de machine destinéeà exprimer l’âme d’une morte ? Une illusion des sens ?Une fumisterie frauduleuse ? Lucile était venue s’asseoir aucentre du cercle. Elle n’avait certainement rien de commun avec lavieille petite dame en noir. Elle était nettement plus grande etblonde. D’ailleurs, le cabinet avait été visité, examinéméticuleusement. Toute supercherie était impossible… Alors, c’étaitdonc vrai ? Mais si c’était vrai, que de nouvellesperspectives ! Ne s’agissait-il pas de la plus grande affairedu monde entier ?

Pendant qu’Enid réfléchissait, Lucile s’étaitmontrée si naturelle et la situation apparaissait tellement normaleque les membres les plus nerveux de l’assistance s’étaient relaxés.La jeune fille répondait gaiement aux questions qui l’assaillaientde tous côtés.

– Où habitiez-vous, Lucile ?

– Je ferais peut-être mieux de répondre à saplace pour économiser l’énergie, interrompitMme Linden. Lucile a été élevée dans le Dakota duSud, aux États-Unis, et elle a quitté la terre à l’âge de quatorzeans. Nous avons vérifié quelques-unes de ses déclarations.

– Êtes-vous contente d’être morte,Lucile ?

– Contente si je ne pense qu’à moi, oui.Triste pour maman.

– Est-ce que votre mère vous a revuedepuis ?

– Ma pauvre maman est comme une boîte fermée,dont Lucile ne peut pas soulever le couvercle.

– Êtes-vous heureuse ?

– Oh ! oui ! Tellement, tellementheureuse !

– Est-il juste que vous puissiezrevenir ?

– Si ce n’était pas juste, Dieu lepermettrait-il ? Il faut être bien méchant pour poser unepareille question !

– Quelle était votre religion ?

– J’étais catholique romaine.

– Est-ce la bonne religion ?

– Toutes les religions sont bonnes si ellesvous rendent meilleurs !

– Ainsi, le choix n’a pas d’importance.

– Ce qui est important, c’est ce que font lesgens dans la vie quotidienne, mais pas ce qu’ils croient.

– Dites-nous-en davantage, Lucile !

– Lucile n’a pas beaucoup de temps. D’autresveulent venir. Si Lucile dépense trop d’énergie, les autres enauront moins. Oh ! que Dieu est bon et juste ! Vous,pauvres gens de la terre, vous ne savez pas combien il est bon etjuste, parce qu’en bas tout est gris. Mais tout est gris pour votrebien. Tout est gris pour que vous puissiez saisir votre chance degagner les merveilles qui vous attendent. Mais dans l’au-delà, onpeut à peine dire combien il est merveilleux !

– L’avez-vous vu ?

– Le voir ? Comment peut-on voirDieu ! Non, non, il se tient autour de nous, en nous, en toutechose, mais nous ne le voyons pas. Mais j’ai vu le Christ.Oh ! il est glorieux ! Glorieux !… Maintenant, aurevoir…

Elle se tourna vers le cabinet noir ets’enfonça dans les ombres.

C’est alors que Malone vécut une expériencesensationnelle. La silhouette d’une femme petite, brune, assezronde, émergea lentement du cabinet. Mme Lindenl’encouragea, puis désigna le journaliste.

– C’est pour vous. Vous pouvez rompre lecercle. Venez vers elle.

Malone avança et regarda l’apparition de face.Il était frappé d’une terreur mystérieuse. Quelques centimètres lesséparaient. Cette tête forte, ces formes solides, trapues, luiétaient familières ! Il approcha encore son visage, il latouchait presque. De tous ses yeux il la fixait. Les traits presquefluides semblaient se modeler comme sous les doigts d’un sculpteurinvisible.

– Maman ! cria-t-il. Maman !

Instantanément, la silhouette leva les brasdans un geste de joie. Ce mouvement dut détruire son équilibre,elle disparut.

– Elle n’était jamais encore revenue. Elle nepouvait pas parler, expliqua Mme Linden. C’étaitvotre mère.

À demi assommé, Malone regagna son siège.C’est seulement quand ces choses-là vous arrivent que vous enréalisez toute la force… Sa mère ! Depuis dix ans aucimetière, et cependant debout près de lui. Pouvait-il jurer quec’était sa mère ? Non, il ne pouvait pas le jurer. Était-ilmoralement certain que c’était sa mère ? Oui, il avait unecertitude morale. Il se découvrit rompu.

Mais d’autres merveilles le divertirentbientôt. Un homme jeune avait surgi du cabinet, s’était avancé versMailey et s’était arrêté devant lui.

– Hullo ! Jock ! Cher vieuxJock ! s’écria Mailey qui ajouta pour la société : monneveu. Il vient toujours quand je suis avec Linden.

– L’énergie diminue, dit le garçon d’une voixclaire. Je ne pourrai pas rester longtemps. Je suis bien content devous voir, mon oncle. Vous savez, nous pouvons voir très nettementdans cette lumière, même si vous, vous ne pouvez pas.

– Oui, je sais que vous en êtes capables.Dis-moi, Jock, je voulais t’informer que j’avais prévenu ta mèreque je t’avais vu. Elle m’a répondu que son Église lui avait apprisque c’était faux.

– Je sais. Et que j’étais un démon. Oh !c’est moche, moche ! Toutes ces croyances pitoyables vont êtrebalayées, heureusement !

Sa voix se cassa dans un sanglot.

– Ne la blâme pas, Jock. Elle le croit debonne foi.

– Oh ! non, je ne la blâme pas ! Unjour, elle sera plus savante. Car le temps approche où la véritésera manifeste ! Et toutes ces Églises corrompues serontchassées de la terre avec leurs doctrines cruelles et leurscaricatures de Dieu !

– Attention, Jock ! Tu devienshérétique…

– L’amour, mon oncle ! L’amour !Cela seul compte. Qu’importe la religion, du moment que vous êtesdoux, pitoyable, désintéressé comme l’était le Christ.

– Avez-vous vu le Christ ? interrogeaquelqu’un.

– Pas encore. Peut-être le verrai-je.

– Il n’est donc pas dans le ciel ?

– Il y a beaucoup de ciels. Je suis dans unciel très modeste, mais qui tout de même est glorieux.

Pendant ce dialogue, Enid avait penché la têteen avant. Ses yeux s’étaient habitués à la lumière et elledistinguait mieux. Le garçon qui se tenait debout à un mètre d’ellen’était pas un être humain. Elle en était sûre, absolument !Et cependant, les différences étaient très subtiles. Il y avait enlui quelque chose, dans son teint bizarre, blanc-jaune, quicontrastait avec les visages de ses voisins ; mais aussiquelque chose, dans la curieuse rigidité de son maintien, qui étaitbien d’un homme sur ses gardes.

– Allons, Jock ! dit Mailey, dis quelquesmots à la société, sur ta vie par exemple.

L’apparition baissa la tête, exactement commel’aurait fait un enfant intimidé.

– Oh ! je ne peux pas, mononcle !

– Allons, Jock ! Nous t’écoutons. Nousaimons t’entendre.

– Enseignez au monde ce qu’est la mort !commença l’apparition. Dieu veut que le monde sache ce qu’elle est.Voilà pourquoi il nous permet de revenir. La mort n’est rien. Ellene vous transforme pas davantage que si vous changiez de pièce etque vous passiez dans la chambre voisine. Vous ne pouvez pas croireque vous êtes mort. Je ne le croyais pas moi-même. Je ne l’ai cruque lorsque j’ai rencontré le vieux Sam, que je connaissais et dontj’étais sûr qu’il fût mort. Puis je suis revenu pour maman, maiselle n’a pas voulu me recevoir.

– N’en aie pas de chagrin, cher Jock !fit Mailey. Elle acquerra la sagesse.

– Enseignez la vérité ! Enseignez-la àtous ! Oh ! c’est tellement plus important que tous lessujets de discussion entre les hommes ! Si pendant une seulesemaine les journaux donnaient autant d’importance aux phénomènespsychiques qu’aux matches de football, tout le monde saurait. Orc’est l’ignorance qui triomphe…

Les spectateurs distinguèrent une sorted’éclair vers le cabinet noir, mais le jeune garçon avaitdisparu.

– L’énergie est tombée à zéro, dit Mailey.Pauvre gosse ! Il a tenu jusqu’au bout. Il a toujours tenujusqu’au bout. Même devant la mort.

Il y eut une longue interruption. Les disquestournèrent de nouveau. Puis les rideaux s’agitèrent. Quelque choseen émergea. Mme Linden sauta sur ses pieds etchassa l’apparition. Pour la première fois, le médium s’agita dansson fauteuil et gémit.

– Qu’est-ce qui se passe, madameLinden ?

– Il était à demi formé, répondit-elle. Le basdu visage n’était pas matérialisé. Peut-être que certains d’entrevous auraient eu peur. Je crois que ce soir nous n’aurons rien deplus. L’énergie est très bas.

Elle avait raison. Progressivement les lampesfurent rallumées. Le médium avait le visage blanc et le frontmoite ; sa femme s’empressa autour de lui, elle déboutonna soncol et lui passa de l’eau froide sur la figure. La société sedisloqua en petits groupes qui discutaient passionnément de cequ’ils venaient de voir.

– N’était-ce pas sensationnel ? s’écriaitMlle Badley. Excitant au possible, je trouve !Quel dommage que nous n’ayons pas pu voir la tête à demimatérialisée !

– Merci bien ! Pour ma part, j’en ai vuassez, déclara l’amoureux des mystères. J’avoue que cette séance aété un peu trop forte pour mes nerfs !

M. Atkinson se trouvait près deschercheurs. Il leur demanda ce qu’ils en pensaient.

– J’ai vu mieux à la réunion de Maskelyne,répondit l’un deux.

– Oh ! allons, Scott ! dit ledeuxième. Vous n’avez pas le droit de penser cela. Vous avezreconnu que le cabinet noir était à l’abri de toutesupercherie !

– Chez Maskelyne aussi, le comité avaitreconnu que le cabinet n’était pas truqué.

– Oui, mais c’était chez Maskelyne. Linden n’apas de local particulier. Ici, il n’est pas chez lui.

– Populus vult decipi, réponditl’autre chercheur en haussant les épaules. Quant à moi, je réservemon jugement.

Il s’éloigna avec la dignité de l’homme quin’entend pas être dupe ; son compagnon courut pour lerejoindre, et leur discussion se poursuivit jusque dans la rue.

– Avez-vous entendu ? demanda Atkinson.Il existe une certaine catégorie de chercheurs psychiques qui sontrésolument incapables d’admettre une preuve. Ils se torturent lacervelle pour trouver une échappatoire. Chaque fois que l’espècehumaine fait un pas en avant, ces intellectuels se mettentridiculement à l’arrière-garde.

– Non, fit Mailey en riant. Ce sont lesévêques qui sont prédestinés à marcher en queue. Je les imaginetous, mitres et crosses, s’ingéniant à demeurer parmi les derniersà atteindre la vérité spirituelle.

– Vous exagérez ! protesta Enid. Vousêtes trop injuste ! Ce sont de braves gens.

– Mais oui ! Ce sont tous de braves gens.Seulement, ils constituent un cas physiologique : des gensâgés, dont la vieille cervelle est sclérosée, impuissante àenregistrer de nouvelles impressions. Ils ne sont pas fautifs, maisle fait est là… Vous êtes bien silencieux, Malone !

Malone était en train de penser à la petitesilhouette trapue et brune qui avait ébauché un geste de joie quandil lui avait parlé. C’est avec cette image dans la tête qu’ilquitta le salon des miracles pour descendre dans la rue.

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