La Dégringolade, Tome 1

VI

C’était le deux décembre 1851, un mardi.

Après une nuit d’agonie, passée à prier prèsdu cadavre de l’homme qu’elle avait tant et uniquement aimé,Mme Delorge, sur les huit heures du matin, envoyaKrauss lui chercher un fiacre et partit.

Souvent son mari lui avait parlé du généralBedeau, comme du plus brave et du plus loyal soldat del’armée ; elle avait eu occasion de le voir, et même de lerecevoir à sa table en Afrique…

C’est donc chez le général Bedeau, rue del’Université, qu’elle se fit conduire tout d’abord…

Et pendant que sa voiture roulait lentement lelong de la route de Versailles et du quai de Passy, elles’inquiétait de la façon dont elle se présenterait au général et dece qu’elle lui dirait pour l’intéresser plus vivement à sacause…

Un choc assez violent interrompit sesréflexions… Le fiacre venait de s’arrêter court, à la hauteur dupont d’Iéna.

Surprise de ce brusque arrêt, et aussi d’ungrand bruit qu’elle entendait, elle se pencha à la portière, pouren reconnaître la cause…

C’était de l’artillerie qui défilait au grandtrot.

Il y avait bien trois ou quatre batteries, quivenaient de l’École militaire, qui traversaient le pont et qui,tournant à droite, remontaient le quai de Billy.

De sa place, Mme Delorgedistinguait très bien les canons et les lourds caissons, et lessoldats drapés dans leurs longs manteaux bleus. Des officiers, lesabre à la hanche, galopaient tout le long de la colonne, criantleurs commandements d’une voix qui dominait le fracas desroues…

Cependant le torrent s’étant écoulé, le fiacrese remit en route, mais non pour longtemps ; car, vers lemilieu du quai de la Conférence, il s’arrêta de nouveau, etMme Delorge entendit son cocher échanger desinjures avec quelqu’un qu’elle ne pouvait voir.

Abaissant donc la glace de devant :

– Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle aucocher.

Il y a, répondit cet homme, que les voituresne passent pas. Regardez plutôt à votre gauche.

Elle regarda, et tout le long duCours-la-Reine jusqu’à la place de la Concorde, et de tous lescôtés dans les Champs-Élysées, elle vit, rangés en ligne, desrégiments de grosse cavalerie, carabiniers, cuirassiers etdragons.

– Tant et si bien, gronda le cocher,qu’il nous faut retourner sur nos pas pour aller passer la Seine aupont d’Iéna. Comme c’est régalant !…

Et faisant volter son cheval à grands coups defouet, il le lança au galop en jurant :

Que le diable emporte les revues !

Mme Delorge, elle aussi,croyait à une revue, et si elle s’en inquiétait, c’est qu’elle ydécouvrait une raison de ne pas trouver le général Bedeau chezlui.

Et, en effet, toute la garnison de Paris étaiten mouvement.

Tout le long des quais de la rive gauche, destroupes étaient échelonnées, et trois régiments de ligne au moinsétaient massés sur l’esplanade des Invalides et autour du palais duCorps législatif.

De là pour la voiture de telles difficultésd’avancer, que Mme Delorge la fit arrêter, etdescendit, résolue à gagner à pied la rue de l’Université…

Mais à mesure qu’elle avançait, elles’étonnait de ce grand déploiement de forces. Le quartier ne luiparaissait pas avoir sa physionomie accoutumée. Elle trouvait auxpassants une figure et des allures étranges. De distance endistance, des pelotons de sergents de ville veillaient. Enfin, aucoin de toutes les rues, des groupes se formaient devant desaffiches imprimées sur papier blanc…

Si étrangère qu’elle fût toujours restée auxintérêts et aux passions politiques de cette époque troublée,Mme Delorge ne pouvait plus ne pas comprendre qu’ilse passait ou qu’il allait se passer quelque chosed’extraordinaire.

Mais que lui importait ! La douleur vraieest égoïste. Et il était impossible qu’elle discernât une relationquelconque entre cette agitation qu’elle remarquait et la mort deson mari.

Tout entière à la préoccupation de la démarchequ’elle tentait, elle avançait sans détourner la tête de ce pasroide et hâtif qui décèle un intérêt de vie ou de mort.

– Que vais-je dire ? pensait-elle.Par où commencerai-je ?…

Cependant, au coin de la rue de Bellechasse etde la rue de l’Université, force lui fut de s’arrêter.

Le carrefour était absolument obstrué par unefoule compacte, au milieu de laquelle un homme d’un certain âgeparlait avec la plus extrême véhémence.

Instinctivement elle approcha, écoutant. Desgens, la face empourprée de fureur, s’exclamaient :

– C’est un crime inouï !

– C’est monstrueux !

– Arrêter un tel citoyen…

Ces derniers mots frappèrent la malheureusefemme, et se penchant vers un vieillard debout près d’elle, qui nesemblait pas le moins irrité :

– Qui donc a-t-on arrêté ?interrogea-t-elle.

– Bedeau, madame, le généralBedeau ! répondit le bonhomme d’un accent terrible.

Elle faillit tomber à la renverse. Puis l’idéeabsurde lui venant que peut-être ce vieux se moquait :

– Ce n’est pas possible !fit-elle.

Et cependant, répliqua-t-il c’est vrai. Bedeaua été saisi ce matin comme un vil malfaiteur, dans son lit, par sixagents de police sous les ordres d’un commissaire, et traîné deforce, ou plutôt porté jusqu’à un fiacre qui stationnait devant laporte. Il se débattait furieusement, et criait à pleine voix :« À la trahison ! Je suis le général Bedeau !… Àl’aide, citoyens ! On arrête le vice-président de l’Assembléenationale !… »

– Oui, c’est exact, approuva un voisin,j’y étais… Et j’ai entendu le commissaire de police crier aucocher : « À Mazas !… »

Il n’eut pas le temps d’en dire davantage.

Un peloton de sergents de ville venait dedéboucher de la rue du Bac, et arrivait au pas de course, l’épée àla main.

En un clin d’œil, l’attroupement s’éparpilladans toutes les directions, et c’est à grand’peine queMme Delorge réussit à se réfugier sous une portecochère.

Mais la malheureuse femme s’était armée detrop d’énergie pour qu’une première déception, si terrible qu’ellefût, la décourageât.

Le général Bedeau lui manquait, soit ! Legénéral Lamoricière lui restait, et demeurait à deux pas.

Elle se remit donc en route, remonta la rue deBellechasse jusqu’à la rue Saint-Dominique, et bientôt arriva ruede Las-Cases.

Là tout était calme, silencieux, désert…Personne, sinon un factionnaire, l’arme au bras, à chaqueextrémité.

La porte du numéro 11 étaitentrebâillée ; Mme Delorge la poussa etentra…

Sous la voûte, au pied de l’escalier, unevieille femme, la portière évidemment, causait avec deux locatairesde la maison, deux hommes jeunes encore.

Mme Delorge s’avança, et d’unevoix troublée :

– Le général Lamoricière ?demanda-t-elle.

Les autres, à ce nom, reculèrent, l’examinantd’un air de défiance, et enfin la portière répondit :

– Arrêté !…

Cette fois, Mme Delorge duts’appuyer au mur, pour ne pas tomber…

– Quoi ! lui aussi ?balbutia-t-elle…

– Oui, lui… ce matin, au petit jour. Ilsétaient toute une bande pour le prendre, et, comme il appelait àl’aide, ils l’ont menacé de lui mettre un bâillon…

Les yeux de la portière flamboyaient, ets’exaltant au son de ses paroles :

– Quand ils se sont présentés,continua-t-elle, ils ont commandé à mon mari de les conduire àl’appartement du général… Plus souvent !… Il a vu le coup toutde suite, et de toutes ses forces il s’est mis à crier :« Au voleur ! » Et savez-vous ce qui estarrivé ?…

Elle ouvrit brusquement la porte de sa loge,et montrant dans le lit un pauvre diable qui geignait à fendrel’âme :

– Voilà, poursuit-elle, l’état où lesbrigands l’ont mis. Ils étaient plus de dix après lui, quivoulaient le tuer, et ils lui ont traversé la cuisse d’un coupd’épée. Mais, minute ! Cela ne se passera pas ainsi, et nousverrons s’il n’y a plus de justice en France…

Voyant l’affreuse émotion deMme Delorge, les deux locataires pensèrent qu’elledevait être parente de l’illustre homme de guerre, et s’approchantd’elle :

– Mais rassurez-vous, madame, luidirent-ils, le général ne court aucun danger ; personnen’oserait toucher un cheveu de sa tête. Il n’est d’ailleurs pas leseul arrêté : Cavaignac, Changarnier, Charras, M. Thiersdoivent être à Mazas, à cette heure…

Sans plus les écouter,Mme Delorge s’élança dehors.

Ce qui arrivait, c’était l’écrasement detoutes ses espérances. À qui s’adresserait-elle, qui l’aiderait àse faire rendre justice, si les meilleurs et les plus dignesétaient ainsi jetés en prison !…

Cependant elle atteignait le palais du Corpslégislatif. Tout autour de la place, des troupes étaient rangées,l’arme au pied. Sous le portique, elle apercevait comme une mêléeconfuse de soldats et de bourgeois.

Près d’elle, une voix dit :

– Quoi ! les représentantsaussi !…

– Les représentants surtout !répondit une autre voix.

Ainsi, c’étaient les représentants du peupleque les soldats chassaient du palais ! Quelques-uns sedébattaient, refusaient d’avancer, et on les poussait, la crossedans les reins.

Deux ou trois essayèrent de haranguer lestroupes. Ils furent aussitôt enveloppés et entraînés par la rue deBourgogne.

Perdue dans cette mêlée,Mme Delorge cherchait à se dégager et à gagner lesquais, lorsqu’un homme vint à elle, qu’elle reconnut pour unreprésentant du peuple qu’elle avait vu plusieurs fois avec sonmari.

Il était fort rouge, agité d’un tremblementnerveux, et c’est d’un accent rauque qu’il lui demanda, sans mêmela saluer :

– C’est bien à madame la générale Delorgeque j’ai l’honneur de parler ?

– Oui, monsieur…

– Eh bien ! madame, vous voyez cequi se passe… Le président de la République égorge cette Républiquequ’il avait juré de protéger et de défendre… Il dissout l’Assembléeà coups de baïonnettes… Et penser qu’il a trouvé des généraux pourêtre complices d’un tel forfait… Mais le général Delorge, l’honneuret la loyauté mêmes, n’en est pas, lui, n’est-ce pas, madame ?Sait-il ce qui arrive ?… De grâce, courez le prévenir, qu’ilvienne, qu’il vienne bien vite…

– Le général Delorge est mort,monsieur !…

– Mort ! balbutia comme un écho lereprésentant atterré…

Et transporté de rage :

– Mais nous le vengerons ! madame,continua-t-il. Pauvre Delorge !… C’est qu’il n’était pas deceux qu’on achète, lui !… Mais justice sera faite… Ce coupd’État n’est qu’une tentative insensée qui ne doit pas, qui ne peutpas réussir !…

Mme Delorge rencontrait-elledonc un de ces hommes courageux et inflexibles que le crime révolteet qui se dévouent jusqu’à l’oubli d’eux-mêmes à la juste cause dufaible et de l’opprimé ?…

Elle l’espéra… Mais lui, sans attendreseulement sa réponse, la quitta ; et bientôt elle l’aperçut aumilieu d’un groupe d’habits noirs, gesticulant avec une véhémencecroissante…

Pourtant elle essaya de le rejoindre. Unremous de la foule la repoussa bien loin. À ses côtés, des jeunesgens criaient :

– La Constitution est violée !…Louis Bonaparte s’est mis hors la loi !…

Et encore :

– Courons, c’est à la mairie du dixièmeque les représentants vont se réunir…

Éclairée par les événements et aussi par lesparoles du représentant, Mme Delorge commençait àentrevoir, croyait-elle, les raisons qui avaient armé lesmeurtriers de son mari.

À ce complot, préparé de longue main et dansl’ombre, et qui éclatait en ce moment au grand jour, il avait fallubien des complices. Un mot prononcé la veille eût tout faitéchouer. Ce mot, le général avait dû le savoir, soit qu’il l’eûtdeviné ou surpris, soit qu’un complice le lui eût étourdimentconfié.

Donc, Mme Delorge voyait sadestinée liée à celle du coup d’État.

Qu’il échouât !… Ah ! les vengeurslui arriveraient en foule.

Qu’il réussît, au contraire ! Jamais sansdoute justice ne serait faite…

Mais un soudain souvenir l’arracha brusquementà ses sombres méditations.

L’enterrement du général devait avoir lieu àtrois heures, il était près de midi… et elle se trouvait à unelieue de sa maison.

À cette pensée, la fatigue qui l’accablaitdisparut, et c’est avec une hâte convulsive qu’elle regagnal’endroit où elle avait laissé son fiacre. Mais il n’y était plus.Les troupes qui s’étaient massées sur l’esplanade des Invalidesavaient forcé le cocher de s’éloigner, et ce n’est qu’après delongues recherches qu’elle le retrouva sur le quai d’Orsay.

– Rue Sainte-Claire, à Passy,commanda-t-elle en s’élançant dans la voiture, et vite, surtout,bien vite…

C’était facile à commander, impossible àexécuter au milieu de l’incessant mouvement des troupes de toutesarmes qui s’alignaient le long des quais, qui gardaient les pontsou se formaient en carré sur la place de la Concorde.

Le cocher lança bien son cheval, mais à peineengagé dans la grande allée des Champs-Élysées, il fut contraint del’arrêter.

Le président de la République, le princeLouis-Napoléon Bonaparte, s’avançait à cheval, entouré d’unnombreux état-major doré sur toutes les coutures.

Instinctivement, Mme Delorgeavança la tête à la portière, et au premier rang, à cheval, plushautain que jamais, elle reconnut le comte de Combelaine…

Alors, une soudaine et foudroyante inspirationl’éclaira… Une colère terrible charria tout son sang à son cerveau…Et roidissant le bras dans la direction de cet homme :

– C’est lui !… s’écria-t-elle, c’estlui !…

Mais ce cri désespéré devait se perdre commeen un désert dans l’émotion d’un tel moment. Personne ne se trouvapour le relever.

Personne… hormis l’homme qu’il accusait.

M. de Combelaine se pencha sur soncheval, ses yeux rencontrèrent ceux de Mme Delorge,et elle crut surprendre sur ses lèvres le sourire ironique ettriomphant du coupable sûr de l’impunité.

Et pourquoi non !

Si là-bas, sur la place du palais Bourbon,l’issue du coup d’État semblait encore douteuse, ici, près del’Élysée, tout présageait une victoire.

Le prince, entouré de son escorte piaffante etdorée, souriait, et bien au-dessus du roulement des tambours et desfanfares des clairons, s’élevaient les acclamations des soldats.Déjà, aux cris de « Vive le président ! » semêlaient des cris bien autrement significatifs de « Vivel’empereur !… »

Autour d’elle, dans la foule qui se pressaitsur le trottoir, Mme Delorge ne découvrait que desvisages consternés ou stupéfaits. Les imprécations étaient rares. Àpeine quelques sceptiques osaient-ils rappeler à demi-voix lesentreprises avortées de Boulogne et de Strasbourg.

– C’est fini ! murmura lamalheureuse femme, c’est fini !…

Déjà le triomphant cortège était passé. Lecocher reprit sa course, et vingt minutes plus tard il s’arrêtaitdevant la villa de la rue Sainte-Claire.

Debout près de la grille, Kraussattendait.

Apercevant sa maîtresse :

– Ah ! madame, s’écria le digneserviteur, que vous est-il arrivé !… Nous étions tous, ici,dans une inquiétude mortelle. M. Ducoudray voulait partir àvotre recherche ; nous ne savions que faire…

C’est qu’il était deux heures. C’est que lesemployés des pompes funèbres étaient arrivés. Déjà la porte étaittendue de draperies noires…

– Où est… mon mari ? demanda lapauvre femme…

Krauss suffoquait… Pour la dixième fois depuisla veille, il frémit de cette crainte que la raison de sa maîtressene résistât pas à tant d’effroyables assauts.

– Hélas ! balbutia-t-il, on aapporté la bière, et… moi-même, j’ai enseveli mon général. Simadame voulait me croire…

– C’est bien !…interrompit-elle.

Et toujours de ce même pas d’automate quiépouvantait tant l’honnête Krauss, l’œil fixe et sec, elle gravitl’escalier…

Le cercueil du général était au milieu de lachambre, posé sur deux tréteaux et recouvert d’une draperie noireavec une grande croix blanche. Auprès, étaient les deux prêtres quiavaient veillé le corps, et M. Ducoudray.

– Que tout le monde se retire, commandaMme Delorge d’un accent qui ne souffrait pas deréplique, et qu’on m’amène mon fils…

On obéit, et elle demeura seule, debout,devant ce cercueil où en même temps que la dépouille mortelle deson mari on avait scellé sa vie à elle, son bonheur et toutes sesespérances…

Elle se maudissait de ne s’être pas trouvée làpour ensevelir de ses mains l’homme qu’elle avait tant aimé, etelle frissonnait d’un désir immense, impérieux, irrésistible, de levoir une fois encore, la dernière.

Certainement elle allait donner l’ordre dedéclouer la bière, quand elle se sentit tirer par sa robe.

C’était son fils, c’était Raymond, qui venaitd’entrer, et qui blême, le visage décomposé, la poitrine gonflée desanglots, lui disait :

– Mère, c’est moi. Tu m’as appelé, que meveux-tu ? Je t’en prie, parle-moi !…

Elle lui prit la main, et l’attirant près ducercueil :

– Si je t’ai fait venir, ô mon fils,prononça-t-elle, c’est qu’il ne faut pas que jamais le souvenir dece moment affreux s’efface de ta mémoire… Tu n’étais qu’un enfanthier, le coup terrible qui nous frappe doit faire de toi un homme…Tu as désormais à remplir un devoir sacré…

Le malheureux la regardait d’un air de stupeurprofonde.

– On t’a dit, poursuivit-elle, je t’aidit moi-même que ton père a été tué en duel… C’est faux, tout me leprouve. Ton père, le vaillant et loyal soldat, a étéassassiné ! et je connais le meurtrier… Oui, je suis prête àjurer, sur mon salut éternel, que je le connais…

Elle respira avec effort, et reprit, enlaissant tomber lourdement chacune de ses paroles :

– Les circonstances sont telles, monfils, que tout sera mis en œuvre, sans doute, pour étouffer lavérité. Il se peut que le coupable paraisse tout à coup hors denotre portée. N’importe ! ton père, Raymond, doit être vengé.C’est à cette œuvre que je vais consacrer ma vie. Peut-être ysuccomberai-je. Alors tu seras là… Jure-moi, mon fils, que ton pèresera vengé, que tu consacreras à cette cause sainte tout ce que tuauras de force, d’intelligence et d’énergie… Jure que tu renonces àt’appartenir tant que le lâche assassin n’aura pas étépuni !…

D’un geste solennel, Raymond étendit la mainau-dessus du cercueil, et dit :

– Je le jure !…

Mme Delorge n’eut pas le tempsd’ajouter une syllabe.

Des pas lourds ébranlaient l’escalier, deshommes vêtus de la sinistre livrée des pompes funèbres parurent àla porte de la chambre, disant entre eux :

– Voilà le cercueil à descendre…Mâtin ! il n’a pas l’air léger !

Ils s’approchaient, insoucieux de leur besognelugubre, tout en échangeant ces réflexions, et déjà ils enlevaientla draperie noire…

Oh ! alors, véritablement,Mme Delorge sentit son cœur se briser et sa raisonvaciller… Folle de douleur, elle se jeta contre le cercueil, ens’écriant :

– Non ! vous ne l’emporterez pas, jevous le défends…

Mais c’était la convulsion suprême de sadouleur, ses bras presque aussitôt se détendirent, ses yeux sefermèrent, sa tête se renversa en arrière et elle roula inaniméesur le tapis…

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