La Femme de cire

Chapitre 6 ÀLA MORGUE DE BELLEVUE-HOSPITAL.

L’événement ayant fait grand bruit, grâce auxjournaux parus à midi, les abords de la morgue étaient envahis parune foule immense qu’une vingtaine de policemen contenaientdifficilement.

Le corps était déjà exposé ; lesimpatients se bousculaient pour satisfaire leur curiosité.

Nous ne ferons pas ici la description de lamorgue centrale de New-York : elle ressemble absolument àcelle de Paris, que nous avons exactement dépeinte dans unprécédent récit : le N° 13 de la rueMarlot.

D’ailleurs, ces sortes d’établissements sontfatalement voués à une architecture uniforme dans tous les pays. Siexcentriques qu’ils soient, les Anglais eux-mêmes n’ont pas encoresongé à mettre au concours la construction d’une morgue.

En Amérique, ainsi qu’en France, la partievisible de ces tristes lieux se compose d’une grande pièce éclairéepar le haut et divisée en deux par un large vitrage.

D’un côté, les morts étendus sur leurs lits depierre inclinés et faisant face à la foule ; de l’autre, lesvivants qui, presque tous, viennent à cette horrible maisnécessaire exhibition comme à un spectacle.

Du reste, ainsi que le vestibule d’un théâtre,la portion de la salle ouverte au public a deux portes garnies detambours, afin que, du dehors, on ne puisse rien voir. On entre parune de ces portes et on sort par l’autre.

Les jours où l’exposition cause une viveémotion, lorsqu’il s’agit de la victime d’un crime, des policemenfont faire la queue à la foule, toujours comme au spectacle, et onfait au cadavre exposé les honneurs du milieu de la salle. On isoledes autres son lit glacé, on le place bien en vue ; de mêmeque, sur une affiche, on met en vedette la pièce qui fait recette,la great attraction !

C’est ainsi que les choses se passaient aumoment où l’énorme Kelly descendait de sa voiture à la porte deBellevue-Hospital.

Le corps trouvé dans la rivière quelquesheures auparavant par les matelots occupait le milieu de la salled’exposition ; à un mètre à peine du vitrage devant lequeldéfilaient les curieux.

Complètement nu, tel qu’il avait été tiré del’eau, sauf un tablier de cuir qui le recouvrait depuis les seinsjusqu’aux genoux, ce cadavre était celui d’une femme de vingt-cinqans à peine, qui avait du être remarquablement belle.

D’une taille au-dessus de la moyenne, deformes riches sans exagération, ses épaules, ses bras et ses jambesétaient admirablement modelés. Ses mains étaient petites ; sespieds moins grands que ceux d’une fillette de quinze ans. Autour desa tête se déroulaient ses longs cheveux blonds.

Ses traits étaient à peine défigurés. Saphysionomie ne trahissait aucune lutte douloureuse, sauf peut-êtreautour de la bouche dont la lèvre supérieure était un peucontournée. Bien qu’ils fussent ouverts, il était difficile depréciser la couleur de ses yeux, car ils commençaient à devenirvitreux, mais on pouvait deviner que ces prunelles éteintes avaienteu des regards charmants, de même que ce corps de femme, auxteintes plombées, avait tressailli de désirs et de voluptés.

C’était là ce que se disaient ces gens qui leparcouraient cyniquement des yeux, la plupart avec plus decuriosité que de pitié, et les policemen n’activaient pas sanspeine cet horrible défilé de la foule, pour laquelle la noyéerestait une inconnue.

Au même moment, le chef de police recevait dudocteur O’Nell son rapport et, après être allé jeter un coup d’œilindifférent sur la morte, il retournait à son bureau.

Là, confortablement installé dans son grandfauteuil de cuir, il se mit à parcourir le travail du médecinlégiste.

Ce document s’exprimait ainsi :

« Le corps soumis à mon examen et dontj’ai fait l’autopsie aujourd’hui mercredi, est celui d’une femme devingt-deux à vingt-cinq ans, qui n’a jamais été mère, mais quin’était pas vierge.

» Malgré son état parfait deconservation, il me serait impossible de dire à deux ou trois joursprès le temps de son séjour dans l’eau, car l’usage que la vivantedevait faire de l’arsenic, ainsi que bon nombre de femmesaméricaines, dans le but d’entretenir la fraîcheur de leur teint etl’ampleur de leurs formes, retarde, on le sait, d’une façon notablela décomposition des cadavres.

» Ce que je puis affirmer, c’est que lecorps n’est pas celui d’une noyée. En effet, j’ai constaté qu’iln’y a pas trace d’écume dans le larynx. Les poumons sontcongestionnés, mais ils ne sont pas augmentés de volume ni dedensité. Or, l’absence d’une mousse écumeuse dans les voiesaériennes est la preuve incontestable que la mort n’est pas due àla submersion.

» Cette femme avait cessé de vivrelorsqu’elle a été jetée à l’eau.

» À quel genre de mort a-t-ellesuccombé ? Il m’est impossible de le préciser. Ce n’est ni àla strangulation ni à l’empoisonnement. Le cou n’offre aucunemarque de violence, et l’examen chimique de l’estomac, du foie etdes intestins n’a pas démontré jusqu’ici la présence dans cesorganes d’une substance vénéneuse ; mais il faut attendreplusieurs jours encore pour avoir sur ce point spécial unecertitude absolue.

» Nulle blessure, nulle contusion sur lecorps, sauf au-dessus du genou droit la trace bleuâtre de la corderetenant au cadavre le baril de goudron qui, dans l’idée dumeurtrier, devait maintenir sa victime au fond de l’eau.

» C’est, au contraire, ce baril degoudron, défoncé par la fermentation ou par le choc, qui a faitflotter le corps plus tôt que cela ne se serait produit.

» Cette femme était bien conformée, d’uneconstitution robuste, sans aucune affection organique. Elle avaitgrand soin d’elle-même et était d’habitudes élégantes. Cela se voità l’examen de sa chevelure, à ses pieds et à ses mains.

» J’ai remarqué qu’il manque à sadenture, fort belle, la seconde canine de droite, et que le lobeinférieur de son oreille gauche porte la cicatrice d’une déchiruredéjà ancienne.

» Pour me résumer, je pense que cettefemme, surprise pendant son sommeil, a dû succomber à l’inhalationde quelque narcotique puissant : éther ou chloroforme.Toutefois, je n’ai découvert dans les organes aucun désordre denature à asseoir mon hypothèse d’une façon absolue. Trois ou quatreheures s’étaient écoulées entre la mort et le dernier repas de lavictime.

» Signé : O’NELL.

» Chirurgien en chef à Bellevue-Hospital. »

– Oh ! oh ! tout cela estcurieux, murmura le gros Kelly ; lorsque cette femme serareconnue, master Young se mettra en campagne. Si on ne la reconnaîtpas, alors ce sera l’affaire de ce cher William Dow.

Master Young, comme l’appelait familièrementle chef de la police métropolitaine, était le capitaine desdétectives. William Dow, que désignait si affectueusement Kelly,était ce personnage étrange et mystérieux que nos lecteursconnaissent déjà par le rôle qu’il a joué dans leN° 13 de la rue Marlot.

Moins de deux ans avant l’époque où se passece récit, William Dow était un des médecins les plus distingués,les plus riches et les plus honorables de Philadelphie ; mais,un jour, il avait brusquement quitté cette ville pour venirs’installer à New-York.

Là, il s’était lié avec le chef de la policeet, peu à peu, était devenu un de ses auxiliaires ; maisauxiliaire volontaire, désintéressé et fort utile.

Déjà plusieurs fois, il avait obtenu desrésultats merveilleux, cela sans bruit, à l’aide de ses seulsmoyens, de son intelligence, de son courage, de sa persistance, deson énergie.

Pourquoi cet avatar de docteur enpolicier ?

C’était un mystère pour tout le monde, mêmepour M. Kelly. Nous le révélerons quelque jour.

En attendant, revenons à l’honorable chef dela police métropolitaine de New-York.

Il avait sonné son secrétaire et lui avaitdonné l’ordre de faire venir le capitaine Young.

Celui-ci parut quelques minutes plus tard.

C’était un grand gaillard d’une quarantained’années, bâti comme un colosse, brave comme un lion, mais d’uneintelligence médiocre et d’un entêtement de mulet. Lorsqu’il étaitsur une mauvaise piste, il s’y acharnait, quoi qu’on fît pour leremettre dans le droit chemin.

Si l’administration lui conservait son poste,c’est qu’il était précieux pour un coup de main, c’est que personnen’avait plus d’intrépidité dans une lutte corps à corps.

Les pick-pockets et les malfaiteurs de laville et de l’État de New-York le craignaient lui seul plus quetoute sa brigade. Quand il s’élançait à la tête de quelques-uns deses hommes, dans un des quartiers les plus dangereux de la grandecité, au milieu d’une rixe ou d’une révolte d’ouvriers, c’était unsauve-qui-peut général.

Mais dès qu’il s’agissait de quelque délicatemission, d’une de ces recherches qui exigent de la finesse, duflair, de la patience, master Young ne faisait plus que dessottises ; le gibier lui glissait entre les mains.

Il était alors enchanté de voir apparaîtrel’intelligent William Dow, dont il était bien un peu jaloux, maisil avait du moins le bon esprit de reconnaître sa supériorité.

– Capitaine, dit Kelly, en donnant àYoung le rapport du coroner de Saint-Vincent, lisez cela etmettez-vous en campagne. Il s’agit de la noyée trouvée près duwharf 32, en face de Shakespeare’s tavern. Faites surveillerl’établissement de Bright et battez tous les mauvais lieux desquais. Il est probable que c’est là quelque fille dont lesvêtements et les bijoux ont tenté les assassins.

– Je vais donner des instructions à meshommes, répondit le détective en prenant les papiers.

– N’oubliez pas de placer quelques agentsintelligents à la Morgue et aux abords de l’hôpital.

– C’était mon intention, monsieur.

– De plus, il sera bon de mettre un devos agents en faction sur le wharf même, en costume de gardien. Lesmalfaiteurs résistent difficilement au désir de revoir les lieux deleur forfait, et bien que la femme n’ait certainement pas été jetéeà l’eau là où elle a été trouvée, il pourrait se faire que lesintéressés vinssent rôder de ce côté. Surtout, tenez-moi au courantdes moindres incidents qui se produiront à l’égard de cetteaffaire. Si le corps n’est reconnu ni aujourd’hui ni demain, jeverrai à prendre certaines mesures. Allez, capitaine !

Young salua militairement et sortit pourexécuter ces ordres.

Quant à l’honorable chef de la police,attirant à lui d’autres dossiers, il se remit au travail, sanssonger plus longtemps au cadavre devant lequel la foule, de plus enplus nombreuse, continuait à défiler.

La nuit vint sans que la noyée eût étéreconnue et les portes de la Morgue se fermèrent ; maisl’événement fut la conversation du soir de la ville entière, etShakespeare’s tavern ne désemplit pas.

Le lendemain au point du jour, plus de dixmille personnes se pressaient aux abords de Bellevue-Hospital et àhuit heures la lugubre visite recommença.

Tout à coup, vers midi, un des curieuxs’écria :

– Mais, je la reconnais, c’est miss AdaRicard ! Oui, c’est bien elle !

– Ada Ricard ? interrogèrent lesassistants.

Sans lui laisser le temps de répondre à quique ce fût, les agents en surveillance à la Morgue se précipitèrentvers celui qui, le premier, avait prononcé ce nom et l’entraînèrentau greffe.

Quoiqu’un peu ému, cet individu étaitd’ailleurs assez calme et paraissait n’avoir rien à redouter.

C’était un homme d’une trentaine d’années,correctement vêtu. Il avait l’air d’un domestique de bonnemaison.

– Vous reconnaissez la morte ? luidemanda le greffier, auquel l’un des détectives avait fait part dece qui venait de se passer.

– Oui, monsieur, réponditl’inconnu ; je le crois du moins. Il me semble bien que c’estmiss Ada Ricard, qui demeurait au n° 17 de la 23erue Est.

– Que faisait cette dame ?

– Lorsque j’étais à son service, elleétait la maîtresse de Thomas Cornhill. J’ai quitté la maison à lamort de celui-ci, il y a quatre ou cinq mois.

– Votre nom ?

– Robert Fowl ; j’étais le cocher demiss Ada.

– Alors vous vous rappelez bien sestraits ?

– Sans aucun doute.

– Et vous êtes certain de lareconnaître !

– Pour en être absolument certain, ilfaudrait que je la visse de plus près. Vous sentez bien que j’aiété surpris.

– Cela se comprend. Je vais donnerl’ordre qu’on tire les rideaux.

Du côté des morts, il existe à la Morgue deNew-York de grands rideaux de serge verte dont on couvre le vitragedans des circonstances identiques à celle qui se produisait.

Afin de n’avoir pas besoin de le déplacerlorsqu’il est reconnu, on isole le corps de la foule en laissanttomber les tentures.

C’est ce qu’un des employés courut faireimmédiatement.

Quelques secondes après, pendant que lescurieux, privés de leur spectacle, se livraient à toutes lessuppositions et murmuraient un peu, le greffier, le directeur etFowl pénétrèrent dans la salle d’exposition et s’approchèrent ducadavre.

– Oh ! oui, c’est bien elle, ditavec une certaine émotion le cocher, en se penchant sur le visagede la noyée. Pauvre femme !

– Vous avez dit : miss Ada ?demanda le greffier.

– Miss Ada Ricard,oui ! Du reste, j’ai un moyen de m’enassurer ; j’ai souvent remarqué, lorsque miss Ada riait, etelle était fort gaie, qu’il lui manquait une dent du côtédroit.

– Et celle-ci a une dent de moins àdroite, affirma le directeur de la Morgue, en désignant du doigt labouche de la morte, dont la lèvre supérieure, un peu relevée,permettait justement de constater le fait indiqué par Fowl, faitque le docteur O’Nell avait déjà signalé dans son rapport.

– C’est bien elle alors, c’est bienelle ! murmura l’ancien domestique de la courtisane.

Convaincu que cet homme ne pouvait se tromper,le greffier le conduisit dans son bureau, et après avoir pris sesnom et prénoms, ainsi que l’adresse de la victime, il télégraphiaaussitôt ces renseignements à M. Kelly.

– Ada Ricard, s’écria le chef de policeaprès avoir lu la dépêche ; mais c’est cette fille dont lepesant Saunders voulait que je m’occupasse, il y a huit jours. Onla lui avait donc vraiment enlevée !

Appelant son secrétaire, il lui ordonnad’inviter l’honorable fabricant de biscuits à passer immédiatementà son cabinet.

Nous savons l’effet qu’avait produit cetteinvitation sur l’impressionnable Yankee, et nous savons dans quelétat d’épouvante il avait bégayé à son cocher, en sortant de chezM. Kelly et en remontant en voiture :

– À l’hôpital de Bellevue !

C’est que le chef de la police lui avait ditsans nul ménagement :

– On me signale comme étant Ada Ricardune femme qui a été retirée de la rivière hier matin. Elle estexposée à la Morgue ; allez voir si c’est bien elle. Vous nevous y tromperez pas, vous !

Et l’infortuné Saunders, sans oser prononcerun mot, était parti.

Lorsqu’il arriva à la porte de l’hospice, ilfut épouvanté à la vue de tout ce monde que les policemenrepoussaient, car depuis la déclaration de Fowl, les rideaux de lasalle d’exposition n’avaient pas été relevés.

Il descendit cependant de voiture, et quand ileut balbutié à l’un des agents le motif qui l’amenait, cet hommelui fit livrer passage.

Saunders franchit rapidement la galeriepublique, mais lorsqu’il atteignit la porte du greffe, il sentitque ses jambes se dérobaient sous lui.

Sans un bras qui le soutint au même instant,il serait tombé à terre.

Pour remercier celui qui le secourait si àpropos, le gros homme se retourna. Alors il étouffa un cri deterreur.

Il reconnaissait à ses côtés, lui mettant lamain sur l’épaule, comme à un criminel, le terrible capitaineYoung.

– Entrez, monsieur Saunders, entrez, luidit de sa voix rude le chef des détectives, qui connaissait de vuele fabricant de biscuits et savait ce qu’il venait faire à laMorgue. Cet homme s’est peut-être trompé, tandis que vous…

Tout en lui donnant un faible espoir, cestrois mots de Young rappelèrent au malheureux les dernières parolesque lui avait adressées M. Kelly avec une espèce d’ironiesinistre : « Vous ne vous y tromperez pas,vous ! » et il s’élança tête baissée dans le greffe, puisde là, suivi de l’administrateur, du capitaine Young et de deux outrois autres personnes, dans la salle d’exposition.

Mais arrivé sur le seuil de cet horrible lieu,et quand il aperçut ce corps immobile qu’on disait être celui decelle qu’il avait tant aimée, de celle dont il se reprochait lamort, il porta ses mains à son front, se voila les yeux et sespieds se scellèrent aux dalles humides.

– Allons, du courage, avancez ! luidit l’administrateur de la Morgue.

Le pauvre Saunders, appelant à son aide toutce qui lui restait d’énergie, se jeta en avant ; mais, dèsqu’il se trouva face à face avec le cadavre, il poussa un criinarticulé et tomba à genoux en murmurant :

– Ada, mon Ada, pardon !Malheureux ! c’est moi qui l’ai tuée !

Et il s’affaissa sur le sol.

– Par saint Georges ! gronda lecapitaine Young sans dissimuler sa satisfaction, nous faisons coupdouble ! Nous trouvons, en même temps, le nom de la victime etle meurtrier.

Il ajouta en s’adressant à deux agents quil’accompagnaient :

– Holà ! vous autres, surveillez-moice gros gaillard-là. Lorsqu’il aura repris connaissance, vous leconduirez à l’office central. Je vais, moi, prévenirM. Kelly.

Les policemen soulevèrent Saunders et leportèrent dans le greffe.

– Pardon, mon cher capitaine, dit à cemoment à Young un personnage que celui-ci n’avait pas aperçu, vousallez peut-être bien vite en besogne.

– Tiens, c’est vous, monsieur Dow !répondit le chef des détectives. Comment pensez-vous que je vaistrop vite ? Vous n’avez donc pas entendu l’aveu involontaireet spontané de cet individu ?

C’était en effet William Dow, que nous n’avonspas besoin de représenter à nos lecteurs. Ayant, ainsi que tout lemonde, entendu parler de la noyée, il était à la Morgue en simplecurieux, lorsqu’il avait aperçu le capitaine et Saunders au momentoù ils pénétraient dans le greffe.

Il les avait suivis là, puis dans la salled’exposition, où, toujours froid, calme, observateur, ainsi quenous l’avons connu, il avait assisté à la scène que nous venons deraconter.

– Ce que vous appelez l’aveu de l’ancienamant de miss Ada, répondit-il à Young, ne prouve rien. J’ai peineà croire que ce gros homme-là ait tué sa maîtresse. Or, c’est unnégociant honorable, fort riche, et l’arrêter sur un soupçon estpeut-être imprudent.

– Que faire alors ? demanda ledétective visiblement embarrassé.

– Si c’est un conseil que vous medemandez ?…

– Absolument.

– Eh bien ! moi, à votre place, jeferais reconduire chez lui M. Saunders, qui me paraît menacéd’une attaque d’apoplexie. S’il n’est pas le meurtrier, c’est untémoin important. Ne le tuez pas avant qu’il vous ait dit tout cequ’il sait ou pense sur cet étrange événement.

– Vous avez raison, monsieur Dow,toujours raison.

Le long Young s’élança dans le bureau oùSaunders commençait à reprendre connaissance.

– Ada, pauvre Ada ! balbutia-il enjetant autour de lui des regards effarés.

Puis il ajoutait à demi-voix :

– Oh ! ce colonel, je letuerai ! Il est cause de tout. Ce n’est pas moi, messieurs, cen’est pas moi ! Je l’aimais trop. Oh ! les misérablesmasques, les Indiens !

– Vous voyez, il bat la campagne, murmuraWilliam Dow à l’oreille du chef des détectives.

Et, se rapprochant du négociant, il luidit :

– Allons, monsieur, du courage. C’est unmalheur, mais que voulez-vous y faire ? Un homme doit avoirplus d’énergie. Il faut maintenant trouver l’assassin. Retournezchez vous, le magistrat chargé de l’affaire vous interrogeralorsqu’il sera temps. Voulez-vous que je vous accompagne ?

– Oui, monsieur, oui, bégaya Saunders, enfaisant un effort pour se lever.

William Dow le soutint par le bras, et,sortant tous deux du greffe, ils traversèrent la foule, quiconnaissait déjà le nom de la noyée et s’écarta respectueusementdevant celui qu’elle prenait pour le père ou l’un des prochesparents de la victime.

Le jeune homme aida le fabricant de biscuits àmonter dans sa voiture, y prit place auprès de lui, et ilspartirent.

Le capitaine Young, lui, sauta dans un cabpour aller rendre compte à M. Kelly de ce dont il venaitd’être témoin.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer