LE FLAMBEAU AGATHA CHRISTIE

— Que se passe-t-il dans cette maison ?

M. Raddish ne s’attendait pas à cette attaque.

— Évidemment, les maisons ont toujours un petit côté lugubre quand elles ne sont pas meublées, hasarda-t-il.

— Ne me racontez pas de sornettes. Le loyer est ridiculement bas pour une telle maison – symbolique, en fait. Il doit y avoir une raison à cela. Je présume que la maison est hantée ?

M. Raddish sursauta légèrement, mais garda le silence.

Mme Lancaster l’examinait d’un œil perçant. Au bout de quelques instants, elle reprit :

— Bien entendu, tout cela est absurde. Personnellement, je ne crois pas aux fantômes, et ce n’est certainement pas pour ce genre de bêtises que je renoncerais à la maison. Néanmoins, les domestiques sont généralement très crédules et influençables. C’est pourquoi je vous saurais gré de me dire exactement ce qui est censé hanter cette maison.

— Je… euh… je l’ignore totalement, balbutia l’autre.

— Je suis certaine du contraire, dit calmement la dame. Je ne peux pas prendre la maison sans savoir. De quoi s’agit-il ? D’un meurtre ?

— Oh non ! s’écria M. Raddish, scandalisé par l’idée même d’une éventualité aussi peu conforme à la réputation du quartier. C’est… Il y a… Ce n’est qu’un enfant.

— Un enfant ?

— Oui. Je ne connais pas l’histoire exacte, expliqua-t-il avec réticence. Il existe bien sûr une quantité de versions différentes. Je crois qu’il y a une trentaine d’années un homme appelé Williams s’est installé au n°19. Personne ne savait rien de lui. Il n’avait pas de domestiques, pas davantage d’amis et il ne sortait guère de jour. Cet homme avait un enfant, un petit garçon. Il n’était pas ici depuis plus de deux mois lorsqu’il est monté à Londres. À peine avait-il mis le pied dans la métropole qu’il a été reconnu comme étant recherché par la police. Je ne sais pas de quel délit on l’accusait. Mais il devait s’agir de quelque faute grave, car plutôt que de se laisser attraper, il s’est tué d’un coup de feu. Pendant ce temps, son fils était resté tout seul dans la maison. Il avait un peu de nourriture et attendait le retour de son père. Hélas, on lui avait appris à ne jamais sortir de la maison, sous aucun prétexte, et à n’adresser la parole à personne. C’était un petit être faible, souffreteux, et jamais il n’eût rêvé désobéir sur ce point. La nuit, les voisins – qui ignoraient que le père s’était absenté – l’entendaient sangloter dans l’affreuse solitude de cette grande maison vide.

M. Raddish marqua un temps d’arrêt.

— Et… euh… il a fini par mourir de faim, conclut-il du même ton que s’il avait annoncé qu’il s’était mis à pleuvoir.

— Et le fantôme de cet enfant est censé hanter la maison ?

— Mais ce n’est guère sérieux, dit précipitamment M. Raddish. On n’a jamais rien vu. Certaines personnes – c’est ridicule, bien sûr – ont simplement prétendu avoir entendu l’enfant pleurer.

Mme Lancaster se dirigea vers la porte.

— La maison me plaît beaucoup. Je ne trouverai rien d’aussi bien pour ce prix-là. Je vais y réfléchir. Je vous tiendrai au courant.

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