AGATHA CHRISTIE L’AFFAIRE PROTHERO

— 19 h 05. J’ai été prévenu voilà dix minutes, à 7 heures moins 5. Le corps a été découvert aux alentours de 7 heures moins le quart. J’ai cru comprendre que vous aviez été appelé aussitôt. Disons que votre examen a eu lieu à moins 10… Nous avons l’heure du crime à la seconde près !

— Il m’est impossible de garantir l’heure à la seconde près, intervint Haydock. Je ne puis donner qu’une heure approximative.

— Ça ira, docteur. Ça ira très bien.

— Au sujet de cette pendulette…, glissai-je.

— Si vous voulez bien m’excuser, je vous interrogerai quand je le jugerai bon. Le temps presse et j’exige que l’on se taise.

— Oui, mais je voudrais juste vous dire…

— Que l’on se taise ! répéta l’inspecteur en me jetant un coup d’œil féroce.

J’obéis tandis qu’il continuait à scruter le bureau.

— Pourquoi s’était-il assis là ? grogna-t-il. Pensait-il écrire un mot ? Ah, ah ! Qu’est-ce donc ?

Il brandit avec jubilation une feuille de papier ; sa satisfaction était si grande qu’il nous laissa approcher pour lire avec lui.

C’était une page du carnet à en-tête du presbytère qui portait au recto l’heure du message, 18 h 20, et disant : Cher Clement ; Je suis navré de ne pouvoir attendre davantage mais je dois…

Le dernier mot s’achevait par un gribouillage illisible.

— C’est clair comme de l’eau de roche, claironna l’inspecteur Flem, rayonnant. Il s’est assis à la table pour rédiger son message ; un ennemi est entré sans bruit par la porte-fenêtre et l’a tué pendant qu’il écrivait. Que voulez-vous de plus ?

— Je dois préciser que…, commençai-je.

— Laissez-moi passer, s’il vous plaît. Je veux vérifier s’il y a des empreintes de pas.

Il marcha à quatre pattes jusqu’à la porte-fenêtre grande ouverte.

— Je pense qu’il faut que vous sachiez…, m’obstinai-je.

L’inspecteur se releva et déclara sans colère, quoique d’un ton ferme :

— Nous verrons cela après. Je vous serais reconnaissant de sortir de cette pièce. Sortez, s’il vous plaît.

Nous nous laissâmes mettre à la porte comme des gamins.

Une éternité semblait s’être écoulée mais il n’était pourtant que 7 heures et quart.

— Si c’est comme ça, fit Haydock, quand cet imbécile arrogant aura besoin de moi, vous lui direz de passer à mon cabinet. Bonsoir.

— Madame est rentrée, m’annonça Mary sortie un instant de sa cuisine. (Les yeux écarquillés, elle paraissait bouleversée.) Elle est arrivée il y a cinq minutes.

J’allai au salon rejoindre une Griselda mi-effrayée, mi-excitée, et lui racontai toute l’affaire. Elle m’écouta avec attention.

— Le message porte 18 h 20, dis-je pour conclure. Et la pendulette est arrêtée sur 18 h 22.

— Vous ne lui avez donc pas dit que votre pendulette avançait d’un quart d’heure ?

— Non, je ne le lui ai pas dit. D’ailleurs, il ne m’en a pas laissé le loisir. J’ai fait tout ce que je pouvais, mais…

Quelque chose chiffonnait Griselda.

— Mais, Len, ce détail rend toute l’affaire invraisemblable ! Car lorsque la pendulette marquait 18 h 20, il n’était en réalité que 18 h 05, et, à 18 h 05, le colonel Protheroe n’était pas encore arrivé au presbytère !

6

Nous nous perdîmes en conjectures sur le casse-tête de la pendulette, sans résultat. Griselda était d’avis que je renouvelle mes efforts pour en parler à l’inspecteur Flem, mais je m’y refusai absolument.

L’inspecteur s’était inexplicablement comporté avec moi comme le pire des mufles. J’espérais bien avoir l’occasion, dans un avenir proche, de faire valoir mon opinion et de lui mettre le nez dans son erreur. Je ne me ferais pas faute alors de lui reprocher gentiment de ne m’avoir point écouté.

Je m’attendais à le revoir avant qu’il ne quitte le presbytère mais, à notre vive surprise, il était parti, comme nous l’apprîmes par Mary, non sans avoir fermé mon bureau à clef et ordonné que nul n’y pénètre.

Griselda se proposa d’aller à Old Hall.

— Anne Protheroe doit être aux cent coups… avec la police et tout. Peut-être pourrais-je faire quelque chose pour elle.

J’approuvai son projet généreux et elle partit, après que je lui eus dûment recommandé de me téléphoner si elle pensait que je pusse être de quelque utilité pour réconforter Mrs et miss Protheroe.

Étant donné les circonstances, je jugeai préférable de prévenir les professeurs de catéchisme, qui devaient venir à 8 heures moins le quart pour la préparation de la leçon hebdomadaire, que la réunion était remise.

Après quoi mon neveu revint d’une partie de tennis et se déclara ravi que le meurtre ait eu lieu au presbytère.

— Qui aurait cru qu’on se trouverait sous les feux de la rampe dans une affaire de meurtre ! J’ai toujours rêvé d’être le héros d’une histoire de ce genre. Pourquoi la police a-t-elle fermé la porte de votre bureau ? N’auriez-vous pas une autre clef ?

Je refusai tout net de me prêter à ce petit jeu et Dennis renonça à contrecœur à son projet. Après m’avoir soutiré tous les détails possibles, il sortit dans le jardin en quête d’empreintes de pas.

— Encore heureux que la victime ait été ce vieux Protheroe que personne ne pouvait sentir, fit-il remarquer.

Son cynisme enjoué me heurta mais je songeai que mon jugement sur lui était peut-être un peu sévère, car après tout, une histoire de meurtre est un don du ciel à son âge. En effet, quoi de plus excitant qu’une affaire criminelle avec un vrai cadavre, servi sur un plateau ? Il y a là de quoi combler un jeune homme jouissant d’une bonne santé mentale. Que signifie la mort pour un garçon de seize ans ?

Griselda rentra au presbytère au bout d’une heure. Elle était arrivée à Old Hall sur les talons de l’inspecteur venu annoncer le décès du colonel à Anne Protheroe.

Lorsqu’il apprit que Mrs Protheroe avait vu son mari pour la dernière fois au village à 6 heures moins le quart et qu’elle ne pouvait apporter aucune lumière sur l’affaire, l’inspecteur avait pris congé en annonçant qu’il reviendrait le lendemain pour un entretien approfondi.

— Il s’est montré très correct, dit Griselda à contrecœur.

— Comment Mrs Protheroe a-t-elle pris les choses ? demandai-je.

— Bien, je crois. Elle a gardé son calme… Mais il faut dire qu’il ne lui arrive pas souvent de le perdre.

— C’est vrai. Je ne vois pas Anne Protheroe piquer une crise de nerfs.

— Vous pensez bien qu’elle était sous le choc ! Elle s’est montrée très reconnaissante de ma visite et m’a vivement remerciée, quoique je n’aie rien pu faire pour elle.

— Et Lettice ?

— Elle jouait au tennis chez des amis et n’était pas encore rentrée. (Après un silence, Griselda ajouta 🙂 J’ai trouvé Anne Protheroe bizarre, Len, très bizarre.

— Peut-être était-ce le choc ?

— Je n’en doute pas, mais… (Griselda fronça des sourcils perplexes 🙂 Mais ce n’était pas cela. Disons qu’elle m’a paru moins bouleversée qu’effrayée.

— Effrayée ?

— Oui. Sans vouloir le montrer, bien sûr, ou plutôt sans s’apercevoir que cela se voyait. C’est son regard étrange et inquiet qui la trahissait ; j’ai fini par me demander si elle n’avait pas une idée de l’identité du criminel. Elle m’a demandé je ne sais combien de fois s’il y avait un suspect.

— Vraiment ? fis-je, pensif.

— Elle ne s’est jamais départie de son calme, mais je voyais bien qu’elle était bouleversée. Plus que je ne l’aurais cru car, après tout, ce n’est pas comme si elle avait été très attachée au colonel ; je crois même qu’elle le détestait.

— Il se peut que nos sentiments soient altérés par la mort, dis-je.

— Peut-être avez-vous raison, Len.

Dennis rentra du jardin surexcité car il avait découvert une empreinte de pas dans une plate-bande ; d’après lui, la police ne l’avait même pas remarquée alors qu’il s’agissait d’un élément capital.

Je dormis très mal. Au matin, Dennis était sur le pont bien avant l’heure du petit déjeuner pour « étudier les derniers développements de l’affaire », comme il disait.

Néanmoins, ce ne fut pas lui mais Mary qui nous assena la nouvelle la plus sensationnelle.

À peine étions-nous assis autour du petit déjeuner qu’elle se rua dans la pièce, le visage en feu.

— On a peine à le croire, mais le boulanger vient de me le dire : ils ont arrêté le jeune Mr Redding, fit-elle sans cérémonie, comme à son habitude.

— Arrêté Lawrence ! s’écria Griselda qui n’en croyait pas ses oreilles. C’est impossible ! Il doit s’agir d’une erreur.

— Y a pas d’erreur, madame, reprit Mary sur un ton d’exultation sauvage. Mr Redding s’est rendu de son plein gré ; c’est le tout dernier événement de la soirée. Il est allé les trouver, il a jeté son pistolet sur la table et il a dit comme ça : « C’est moi qui l’ai tué. »

Elle nous regarda tour à tour, hocha vigoureusement la tête et se retira, pas mécontente de l’effet produit.

Griselda et moi nous entre-regardâmes.

— C’est impossible ! s’exclama mon épouse. Il n’aurait jamais fait ça. (Devant mon silence, elle insista 🙂 Len, vous ne pensez pas qu’il a pu faire une chose pareille, n’est-ce pas ?

Je ne pus me résoudre à lui répondre et restai sans rien dire, l’esprit en effervescence.

— Il faut qu’il soit devenu fou, reprit-elle. Complètement fou. Ou alors… peut-être étaient-ils en train de regarder le revolver, et le coup est parti ?

— Il ne semble pas que les choses se soient passées ainsi.

— Mais il doit s’agir d’un accident ! Il n’y a pas l’ombre d’un mobile. Pouvez-vous me dire quelle raison aurait eue Lawrence de tuer le colonel Protheroe ?

J’avais les moyens de répondre à cette question sans détour, mais je tenais à protéger Anne Protheroe. Il y avait peut-être une chance infime de ne pas mêler son nom à cette affaire.

— Avez-vous oublié qu’ils s’étaient disputés ?

— Pour l’affaire du maillot de bain ? Oui, mais c’était idiot. Et même si Lettice et Lawrence s’étaient fiancés en secret, était-ce une raison pour assassiner le père Protheroe ?

— Nous ne connaissons pas tous les détails de l’affaire, Griselda.

— Vous le croyez donc coupable, Len ! comment pouvez-vous ? Faites-moi confiance, je suis sûre que Lawrence n’aurait jamais porté la main sur Protheroe.

— Je vous ai dit que je l’avais rencontré non loin du presbytère. Il était comme fou.

— Oui, mais… Oh ! c’est impossible…

— Et il y a la pendulette, continuai-je. Lawrence a pu l’arrêter sur 18 h 22 pour se forger un alibi. D’ailleurs l’inspecteur Flem est tombé en plein dans le piège.

— Ça ne tient pas, Len. Lawrence savait que notre pendulette avançait. Il disait toujours : « Voilà pourquoi le pasteur est à l’heure. » Il n’aurait pas commis l’erreur de l’arrêter à 18 h 22. Il aurait choisi une heure vraisemblable… 7 heures moins le quart, par exemple.

— Il ne pouvait pas savoir à quelle heure le colonel Protheroe devait arriver au presbytère, et il avait peut-être oublié que notre pendulette avançait.

Griselda n’était pas d’accord.

— Ce sont des détails qui comptent si vous tuez quelqu’un.

— Comment le savez-vous, ma chérie ? Cela ne vous est jamais arrivé.

Avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre, une ombre s’étira sur la table du petit déjeuner et la voix aimable de notre voisine, miss Marple, se fit entendre :

— Pardonnez mon indiscrétion, mais en ces tristes circonstances…

Nous protestâmes poliment et l’invitâmes à entrer par la porte-fenêtre tandis que je lui avançais une chaise. Son teint était animé et elle semblait passablement agitée.

— Quel malheur ! Pauvre colonel Protheroe ! Certes, il n’était guère sympathique et pas très populaire, mais c’est tout de même bien triste. Et l’on m’a dit qu’il avait été tué dans votre bureau ? (J’acquiesçai et elle se tourna vers ma femme 🙂 Mais notre cher pasteur était absent à ce moment-là ?

J’expliquai ce qui m’était arrivé.

— Mr Dennis n’est pas avec vous, ce matin ? demanda encore miss Marple en regardant autour d’elle.

— Il joue les détectives amateurs, répondit Griselda. Il a découvert une empreinte de pas dans une plate-bande du jardin, et a dû courir l’annoncer à la police.

— Oh ! ma chère, quelle affaire ! Ainsi Mr Dennis a son idée de l’identité du meurtrier ? Il est vrai que nous avons tous notre petite idée.

— Pensez-vous que ce soit si évident ? demanda Griselda.

— Que non, ma chère. Pas du tout. Chacun a sa petite idée, c’est tout ce que je veux dire. Mais ce qui compte, ce sont les preuves. Ainsi, j’ai moi-même mon idée sur l’identité du criminel, mais je dois avouer que je n’ai pas l’ombre d’une preuve. Et il faut faire très attention à ce que l’on dit en pareille situation, sous peine de se voir accusé de diffamation ; n’est-ce pas là le terme qu’on utilise ? Pour ma part, je me montrerai très prudente avec l’inspecteur Flem. Il voulait me voir ce matin, il vient de se décommander par téléphone ; ce ne serait plus nécessaire, selon lui.

— Depuis l’arrestation, probablement, dis-je.

— L’arrestation ? (Miss Marple se pencha vers nous, rose de curiosité.) J’ignorais qu’il y avait eu une arrestation.

Il est si rare que miss Marple soit la dernière informée que j’aurais parié qu’elle connaissait déjà la nouvelle.

— Nous nous étions mal compris, dis-je. Eh bien, Lawrence Redding a été arrêté.

— Lawrence Redding ? (Miss Marple était stupéfaite.) Je n’aurais jamais cru…

Mon épouse l’interrompit avec véhémence :

— Moi non plus ! Et je n’y crois pas. Même depuis qu’il a avoué.

— Avoué ? répéta miss Marple. Vous dites qu’il a avoué ? Oh ! mon Dieu ! Je me suis bien trompée… Ah ! ça, oui.

— À mon avis, il s’agit d’un accident, poursuivit Griselda. N’est-ce pas, Len ? Le fait qu’il se soit rendu est là pour le confirmer.

— Il s’est rendu, dites-vous ? fit miss Marple dans un sursaut.

— Oui.

— Ah ! soupira la vieille demoiselle, soulagée. Je préfère cela, vraiment.

Je la regardai, interloqué.

— Je pense qu’il a agi sous l’emprise du remords, dis-je.

— Du remords ? demanda miss Marple, étonnée à son tour. Mais, cher pasteur, vous ne croyez tout de même pas qu’il est coupable !

J’étais de plus en plus ébahi :

— Mais puisqu’il a avoué…

— C’est bien la preuve qu’il n’a rien à voir à l’affaire.

— Eh bien, j’ai peut-être l’esprit obtus mais je ne suis pas de votre avis. Si vous n’avez tué personne, je ne vois pas pourquoi vous iriez vous mettre un crime sur le dos.

— Il avait ses raisons d’agir ainsi. On a toujours une raison, n’est-ce pas ? Les jeunes gens d’aujourd’hui ont la tête si près du bonnet ! Et ils sont toujours enclins à envisager le pire… N’est-ce pas, ma chère ? ajouta-t-elle en se tournant vers ma femme.

— Je… je ne sais pas, dit Griselda. Je ne sais plus que penser. Je ne vois pas ce qui a pu pousser Lawrence à ce geste insensé.

— Vous auriez dû voir son visage, hier soir… commençai-je.

Et, cédant aux instances de miss Marple, je décrivis mon retour à la maison, tandis qu’elle m’écoutait avec attention.

— Il m’arrive d’être parfaitement idiote, dit-elle quand j’eus achevé mon récit, et je ne vois pas toujours les choses comme elles sont en réalité, mais je ne saisis pas votre point de vue. Il me semble à moi qu’un jeune homme qui tue l’un de ses semblables de sang-froid peut difficilement s’en trouver bouleversé après coup. Le meurtrier qui a prémédité son coup peut commettre de petites erreurs et paraître un peu troublé, mais je doute qu’il soit en proie à l’agitation que vous décrivez. Il est certes difficile de se mettre à sa place mais je ne crois pas, quant à moi, que je me mettrais dans pareil état.

— Que savons-nous des circonstances exactes ? objectai-je. Peut-être se sont-ils disputés, et le coup est parti malencontreusement. Ensuite Lawrence aura pris peur. Je pencherais plutôt pour cette version des faits.

— Cher Mr Clement, quelle que soit la version que l’on préfère, les faits sont là, n’est-ce pas ? Et à mon avis les choses ne se sont pas passées comme vous le pensez. Votre bonne affirme que Mr Redding n’est pas resté plus de deux minutes au presbytère, pas assez, donc, pour qu’éclate une dispute comme celle que vous évoquez. Et si j’en crois ma propre bonne, le colonel Protheroe a été tué d’une balle dans la tête, tirée dans son dos, alors qu’il écrivait une lettre…

— C’est vrai, dit Griselda. Il écrivait un mot pour dire qu’il ne pouvait attendre plus longtemps. Son message était daté de 18 h 20 et la pendulette arrêtée sur 18 h 22. Ce détail nous chiffonne, Len et moi.

Puis mon épouse fit état de notre habitude consistant à avancer la pendulette d’un quart d’heure.

— Comme c’est curieux, dit miss Marple. Mais le message me paraît plus curieux encore. Je veux dire que…

Elle s’interrompit et leva les yeux sur Lettice Protheroe, plantée dans l’embrasure de la porte-fenêtre. La jeune fille entra et fit un signe de tête dans notre direction en murmurant un « B’jour ».

Elle se laissa tomber sur une chaise et dit d’un ton plus animé que de coutume :

— J’ai entendu dire qu’on avait arrêté Lawrence.

— Oui, dit Griselda. Ç’a été un véritable choc pour nous.

— Je n’avais jamais pensé que mon père pourrait être assassiné un jour. (Il était évident qu’elle mettait un point d’honneur à ne pas paraître affectée.) Pareille idée a dû traverser la tête à plus d’un, j’en suis sûre. Il m’est même arrivé à moi d’en avoir envie.

— Voulez-vous prendre quelque chose ? demanda Griselda.

— Non, merci. Je venais juste voir si vous n’aviez pas trouvé mon béret dans le coin… Un drôle de petit béret jaune. Il me semble l’avoir oublié dans le bureau du pasteur, l’autre jour.

— Si c’est le cas, il y est toujours, dit Griselda. Ce n’est pas Mary qui l’aurait rangé.

— Je vais aller voir, dit Lettice en se levant. Désolée de vous déranger, non seulement j’ai perdu mon béret mais ma tête avec.

— C’est dommage, mais vous ne pouvez aller le chercher tout de suite, dis-je. L’inspecteur a fermé mon bureau à clef.

— Quelle barbe ! Peut-être pourrais-je passer par la fenêtre ?

— Il n’en est pas question ! D’ailleurs, elle est fermée de l’intérieur. Et puis, que feriez-vous d’un béret jaune en la circonstance, Lettice ?

— Vous pensez au deuil et tout ça ? Je me fiche bien du deuil. C’est une tradition dépassée. Mais pour Lawrence, quelle barbe, là aussi ! (Elle resta plantée là, pensive, et vaguement ennuyée.) C’est de ma faute… C’est cette histoire de maillot de bain… Comme c’est stupide !

Griselda ouvrit la bouche mais, curieusement, ne souffla mot.

Un curieux petit sourire étira les lèvres de Lettice.

— Eh bien, je vais rentrer pour annoncer à Anne que Lawrence a été arrêté, dit-elle doucement.

Et elle ressortit comme elle était venue.

— Pourquoi m’avez-vous fait du pied sous la table ? demanda aussitôt Griselda à miss Marple.

La vieille demoiselle sourit.

— Vous brûliez de parler, ma chère, mais bien souvent mieux vaut laisser les choses suivre leur cours naturel. À mon sens, cette jeune fille n’est pas aussi distraite qu’elle veut bien le faire croire. Elle a une idée en tête, et elle s’y tient.

Après un coup frappé à la porte, Mary fit irruption dans la pièce.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Griselda. Mary, tâchez de vous souvenir que vous n’avez pas à frapper avant d’entrer. Je vous l’ai déjà dit.

— Je croyais que vous étiez occupés, dit Mary. Le colonel Melchett est là. Il veut voir le pasteur. (Le colonel Melchett est le chef de police de notre district, aussi me levai-je sur-le-champ.) J’ai pensé que vous n’aimeriez pas que je le fasse poireauter dans le couloir, alors je l’ai mis au salon. Faut-il que je débarrasse ?

— Cela peut attendre, dit Griselda. Je sonnerai.

Je la vis se tourner vers miss Marple comme je quittais la pièce.

7

Le colonel Melchett, chef de la police du comté, est un sémillant petit homme aux cheveux roux, aux yeux bleus et au regard pénétrant, connu en outre pour ses reniflements intempestifs.

— Bonjour, pasteur, dit-il. Sale affaire, hein ? Pauvre Protheroe. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il m’était très sympathique… Je ne l’aimais guère et je crois que je n’étais pas le seul dans ce cas… Sale affaire pour vous aussi. J’espère que votre dame n’a pas été trop tourneboulée. (Je le rassurai sur ce point et il poursuivit 🙂 Tant mieux ! Tant mieux ! Mais on n’aime pas beaucoup voir survenir ce genre de drame sous son propre toit. Je dois vous avouer que je suis stupéfait ! Qui aurait pu le croire ? Ce jeune Redding… Accomplir son forfait sans se soucier le moins du monde de l’embarras dans lequel il allait mettre les gens !

Je me retins de rire car je voyais bien que le colonel Melchett ne trouvait rien de cocasse dans l’idée qu’un criminel pût avoir ce genre de scrupules.

— Je ne vous cacherai pas que je suis resté comme deux ronds de flan quand j’ai appris que notre jeune artiste était allé se livrer, fit-il en se laissant tomber sur une chaise.

— Comment cela s’est-il passé, exactement ? m’enquis-je.

— Hier soir, sur le coup de 10 heures, il s’est amené, il a jeté son revolver sur le bureau et a fait : « C’est moi ! C’est moi qui l’ai tué. » Comme je vous le dis !

— A-t-il donné quelque raison à son geste ?

— Il n’a pas dit grand-chose. Bien sûr il a été sommé de faire une déclaration mais il nous a ri au nez, et s’est borné à raconter qu’il était allé au presbytère pour vous voir et qu’il y avait trouvé Protheroe. Ils auraient eu des mots et il aurait tiré sur le colonel. Quant à la raison de leur dispute, motus et bouche cousue. Entre nous, Clement, vous n’auriez pas une petite idée ? Les langues vont bon train… Protheroe lui avait interdit sa porte, paraît-il. C’est ça ? Il en avait après la jeune fille, hein ? Nous ne voulons pas la mêler à cette histoire plus qu’il ne sera nécessaire, par égard pour tout le monde, mais qu’est-ce qu’il y a eu, au juste ?

— Tout ce que je puis vous affirmer, c’est que cela n’a rien à voir avec Lettice ; mais je ne peux pas en dire plus, pour le moment.

— Je préfère savoir ça, fit-il en se levant. Ah ! les cancans… Il y a trop de femmes, dans ce coin. Eh bien, il faut que j’y aille. Je dois voir Haydock. Il faisait sa tournée mais il a dû rentrer à présent. Je vous dirai franchement que je suis peiné pour Redding. Il m’a toujours fait l’effet d’être un bon petit gars. Pour sa défense, on pourra toujours évoquer le contrecoup de la guerre, un traumatisme ou je ne sais quoi, surtout s’il n’a pas de mobile sérieux. J’y vais. Vous m’accompagnez un bout de chemin ?

— Avec plaisir, dis-je en me levant pour sortir avec lui.

Le Dr Haydock habite la maison voisine. Sa bonne nous informa qu’il venait de rentrer et nous fit passer au salon, où le médecin était attablé devant des œufs au bacon fumants.

— Pardonnez-moi, dit-il après nous avoir salués amicalement. J’ai été appelé pour un accouchement. J’ai passé la soirée sur votre affaire ; voilà la balle, ajouta-t-il en montrant une petite boîte sur la table.

— Calibre vingt-cinq ? fit Melchett en l’examinant.

Haydock acquiesça :

— C’est aux enquêteurs que je dois fournir tous les détails techniques mais je peux vous assurer que la mort a été presque immédiate. Faut-il être fou ! Pourquoi ce geste fatal ? Ce qui est incroyable, c’est que personne n’ait entendu le coup de feu.

— Je suis bien de votre avis, renchérit Melchett.

— La fenêtre de la cuisine donne de l’autre côté de la maison, dis-je. Si les portes du bureau, de l’office et de la cuisine sont fermées, je doute que quiconque puisse entendre le moindre bruit. Et n’oubliez pas que Mary était seule à cette heure-là.

— Hum ! grommela Melchett. C’est quand même bizarre. Je me demande si cette vieille demoiselle… Comment l’appelez-vous, déjà ? Miss Marple… ne l’aurait pas entendu, elle. La porte-fenêtre de votre bureau était ouverte.

— Vous avez raison ! s’exclama Haydock.

— Je ne crois pas, dis-je à mon tour. Elle était au presbytère il y a un instant, et elle n’aurait pas manqué de nous le dire, croyez-moi.

— Peut-être n’y a-t-elle pas fait attention… elle aura cru à un bruit de pot d’échappement. (Je fus frappé par la bonne humeur presque indécente du Dr Haydock ; il me sembla même qu’il s’évertuait à cacher sa mine réjouie.) Le revolver était peut-être muni d’un silencieux ; ce qui expliquerait que personne n’ait rien entendu.

— Ce n’est pas l’opinion de Flem, intervint Melchett. Il a interrogé Redding à ce sujet. Le jeune homme a commencé par ne rien comprendre à la question, puis il a nié formellement. Pourquoi ne le croirait-on pas ?

— En effet ! Le pauvre diable !

— Un fichu crétin, oui ! s’exclama le colonel Melchett. Excusez-moi, Clement, mais que dire d’autre ? Qui pourrait croire qu’il a assassiné quelqu’un ?

— A-t-il un mobile ? demanda Haydock en avalant une dernière gorgée de café avant de repousser sa chaise.

— Il prétend qu’une dispute a éclaté entre eux, qu’il s’est énervé et qu’il a tiré sur le colonel.

— Vous préféreriez un homicide involontaire, hein ? fit le Dr Haydock, perplexe. Mais cela ne tient pas debout. Il est arrivé par-derrière et lui a logé une balle dans la tête pendant que l’autre était assis en train d’écrire. Que devient votre dispute dans ces conditions !

— En tout cas, ils n’ont pas eu le temps de se disputer, dis-je en me souvenant des paroles de miss Marple. Se rendre à mon bureau, tuer le colonel, mettre les aiguilles de la pendulette sur 18 h 22 et repartir par le même chemin lui aurait pris tout le temps qu’il est resté au presbytère. Je n’oublierai jamais son visage lorsque je l’ai vu dans le chemin, ni la manière dont il m’a dit « Vous voulez voir Protheroe… Oh ! pour ça, oui, vous le verrez ! » Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille, j’aurais dû soupçonner ce qui venait de se passer…

— Qu’entendez-vous par « ce qui venait de se passer » ? Quand Redding a-t-il tué Protheroe, à votre avis ? me demanda Haydock en me regardant fixement.

— Quelques minutes avant que je n’arrive au presbytère.

— Impossible ! Tout à fait impossible, s’écria le médecin avec conviction. Il était mort depuis plus longtemps !

— Écoutez, mon vieux, vous avez dit vous-même que vous estimiez que la mort remontait approximativement à une demi-heure ! s’écria le colonel Melchett.

— Une demi-heure, trente-cinq minutes ou vingt-cinq minutes, vingt minutes, peut-être, mais pas moins, ça non ! Sinon le corps aurait été encore chaud quand je l’ai examiné.

Nous nous regardâmes. Haydock était devenu livide et avait vieilli d’un seul coup. Je me demandais ce qui lui arrivait.

— Mais dites-moi, Dr Haydock, fit le colonel qui avait retrouvé sa langue, si Redding admet avoir tué Protheroe à 7 heures moins le quart…

Haydock se leva d’un bond.

— Je vous dis que c’est impossible, rugit-il. Si Redding prétend qu’il a tué Protheroe à 7 heures moins le quart, il ment ! Enfin, quoi ! Je suis médecin, non ? Je sais ce que je dis. Le sang avait commencé à figer.

— Si Redding ment…, commença Melchett pour s’interrompre aussitôt. Nous ferions mieux de filer au poste pour le voir, conclut-il.

8

C’est en silence que nous nous rendîmes au poste de police, mais, troublé, Haydock traîna derrière pour me chuchoter à l’oreille :

— Je préfère vous dire que je n’aime pas cela du tout. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette histoire.

Le moins que l’on puisse dire est qu’il était très contrarié.

L’inspecteur Flem nous reçut au poste et nous ne tardâmes pas à voir Lawrence Redding.

En dépit de sa pâleur et de ses traits tirés, il était calme, très calme même, compte tenu des circonstances.

Melchett renifla.

— Écoutez, Redding, grommela-t-il, nerveux. J’ai cru comprendre que vous aviez déclaré à l’inspecteur Flem vous être rendu au presbytère vers 7 heures moins le quart ; là, vous avez trouvé Protheroe, vous vous êtes disputé avec lui, vous lui avez tiré dessus et vous êtes reparti. Je n’ai pas lu votre déclaration mais c’est en substance sa teneur.

— En effet.

— J’ai quelques questions à vous poser. On vous a déjà dit que vous pouviez choisir de vous taire. Votre avocat…

— Je n’ai rien à cacher, l’interrompit Lawrence. J’ai tué Protheroe.

— Si vous le dites ! renifla Melchett. Pouvez-vous m’expliquer par quel hasard vous aviez un revolver sur vous ?

— Je l’avais dans ma poche, fit Lawrence après une brève hésitation.

— Vous vous étiez muni d’un revolver pour vous rendre au presbytère ?

— Oui.

— Peut-on savoir pourquoi ?

— J’avais l’habitude de le porter sur moi.

J’avais encore perçu une hésitation dans sa voix : il mentait, bien évidemment.

— Pourquoi avoir retardé la pendulette ? poursuivit Melchett.

— La pendulette ? répéta Lawrence, perplexe.

— Oui. Les aiguilles marquaient 18 h 22.

Son visage refléta une terreur subite.

— Ah ! oui. Je les ai touchées, en effet.

— Où avez-vous tiré sur le colonel Protheroe ? intervint Haydock.

— Dans le cabinet de travail du pasteur.

— Je veux savoir dans quelle partie du corps ?

— Oh ! je… Dans la tête, je crois. Oui. C’est cela : dans la tête.

— Vous n’en êtes pas sûr ?

— Si vous le savez, à quoi bon me le demander ?

C’était une bien piètre fanfaronnade. Il y eut du bruit au-dehors et un agent de police se présenta nu-tête une lettre à la main :

— C’est pour le pasteur. Urgent ! fit-il.

Je déchirai l’enveloppe et lus :

S’il vous plaît… Venez ! Je vous en supplie ! Je ne sais que faire. Ce qui se passe est terrible. J’ai à vous parler. Pouvez-vous venir tout de suite ? Avec qui vous voulez. Anne Protheroe.

J’adressai un coup d’œil à Melchett qui saisit l’allusion et nous sortîmes en même temps que les deux policiers. J’eus tout juste le temps d’entrevoir le visage de Lawrence Redding ; ses yeux étaient fixés sur la lettre que je tenais à la main, et jamais homme n’avait eu un regard empreint d’une si grande angoisse et d’un désespoir plus profond.

L’image d’Anne Protheroe s’effondrant sur mon sofa et s’exclamant : « Je suis désespérée » me revint en mémoire, et je me sentis moi-même envahi d’une peine immense. Je commençais à comprendre pourquoi Lawrence Redding s’était accusé du crime. Était-ce possible ? Melchett et Flem étaient en conférence.

— Avez-vous des détails sur les allées et venues de Redding au cours de l’après-midi ? Il y a tout lieu de penser qu’il a tué Protheroe plus tôt qu’il ne le prétend. Renseignez-vous sur ce point.

Le colonel se tourna vers moi et je lui tendis sans un mot la lettre d’Anne Protheroe. Il la lut et fit une moue étonnée, puis il me jeta un regard perçant avant de me demander :

— C’est à cela que vous pensiez ce matin, hein ?

— Oui, mais ce matin, je ne me sentais pas le droit de parler. À présent, je crois que c’est mon devoir.

Et je lui racontai ce qui s’était passé dans mon bureau, ce fameux soir.

Le colonel Melchett et l’inspecteur Flem échangèrent quelques mots, puis nous nous mîmes en route pour Old Hall avec le Dr Haydock.

Un maître d’hôtel vint nous ouvrir avec, dans son attitude, une pointe d’ennui très étudiée.

— Bonjour, dit le colonel Melchett. Voulez-vous faire dire à Mrs Protheroe que nous sommes ici et que nous voudrions la voir ? Nous aurons également quelques questions à vous poser.

Le maître d’hôtel fit diligence et revint bientôt nous informer qu’il avait délivré notre message. Melchett l’interrogea sur la journée précédente et lui demanda si le colonel avait déjeuné chez lui.

— Oui, monsieur.

— Était-il comme à l’ordinaire ?

— Autant que je m’en souvienne, oui, monsieur.

— Que s’est-il passé après le déjeuner ?

— Mrs Protheroe est allée s’allonger et le colonel s’est enfermé dans son bureau. Mrs Lettice a pris son cabriolet pour se rendre à une partie de tennis. J’ai servi le thé pour le colonel et Madame à 4 heures et demie, au salon. La voiture était commandée pour 5 heures et demie. M. le pasteur a téléphoné aussitôt après leur départ. (Il s’inclina vers moi.) Et je lui ai dit qu’ils étaient en route pour le village.

— Hum ! fit le colonel Melchett. Quand Mr Redding est-il paru ici pour la dernière fois ?

— Mardi après-midi, monsieur.

— J’ai cru comprendre qu’il avait eu des mots avec le colonel…

— En effet, monsieur. Le colonel m’a ordonné d’éconduire Mr Redding à l’avenir.

— Auriez-vous entendu leur dispute ? demanda le colonel Melchett d’un ton brusque.

— Le colonel Protheroe avait une bonne voix, monsieur, surtout lorsqu’il était en colère. Je n’ai pu m’empêcher de saisir quelques bribes.

— Assez pour comprendre de quoi il retournait ?

— Il s’agissait du portrait que Mr Redding faisait de miss Lettice, monsieur.

— Avez-vous vu le jeune homme lorsqu’il a quitté la maison ? grogna Melchett.

— Oui, monsieur. C’est moi qui l’ai reconduit.

— Était-il en colère ?

— Non, monsieur. Si je puis me permettre, il m’a même semblé trouver la chose plaisante.

— Ah ! Et il ne s’est pas présenté à la porte, hier ?

— Non, monsieur.

— Quelqu’un d’autre est-il venu ?

— Personne n’est venu hier, monsieur.

— Et avant-hier ?

— Mr Dennis Clement nous a fait une visite l’après-midi, ainsi que le Pr Stone. Et il y a eu une dame, le soir, monsieur.

— Une dame ? fit Melchett en sursautant. Qui était-ce ?

Le maître d’hôtel chercha en vain le nom de la dame. Il ne l’avait jamais vue auparavant. Oui, elle avait donné son nom, et lorsqu’il lui avait annoncé que tout le monde était à table, elle avait répondu qu’elle attendrait. Il l’avait donc fait passer dans le petit salon.

Elle avait demandé à voir le colonel Protheroe et non pas Madame. Le maître d’hôtel avait prévenu le colonel et celui-ci s’était rendu dans le petit salon aussitôt après le déjeuner.

Combien de temps était-elle restée ? Environ une demi-heure, pensait-il. C’était le colonel qui l’avait reconduite. Ah ! Voilà, le nom lui était revenu, il s’agissait de Mrs Lestrange.

Nous fûmes tous trois fort surpris.

— Voilà qui est très curieux, dit Melchett.

Mais nous ne pûmes nous étendre davantage car, à cet instant, un message nous parvint : Mrs Protheroe était disposée à nous recevoir.

Elle était couchée, pâle et le regard fiévreux. Elle arborait une expression de sombre détermination qui m’inquiéta.

— Merci d’être venu si vite, dit-elle en me regardant. Je vois que vous avez saisi mon message et que vous êtes venu accompagné. (Après une courte pause, elle reprit 🙂 Mieux vaut en finir, n’est-ce pas ? (Elle eut un pauvre sourire pathétique.) Je pense que c’est à vous que je devrais parler, colonel Melchett. Voilà, c’est moi qui ai tué mon mari.

— Chère Mrs Protheroe…, dit courtoisement Melchett.

— Vous devez me croire ! Sans doute vous l’ai-je avoué un peu crûment, mais je ne suis pas de celles qui font des scènes. Je le haïssais depuis longtemps et, hier, je l’ai tué. (Elle s’abandonna contre ses oreillers et ferma les yeux.) C’est tout. Il ne vous reste qu’à m’arrêter et à m’emmener. Je vais me préparer aussitôt que je le pourrai. Pour le moment, je ne me sens pas très bien.

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