Fernande

Chapitre 2

 

C’était au château de Fontenay-aux-Roses queClotilde avait été élevée ; mais celui qui eût vu en 1835cette élégante propriété, et qui l’eût comparée à ce qu’elle étaittrois ans auparavant, ne l’eût certes pas reconnue, et, si levicomte de Montgiroux fût revenu à la vie, il eût eu grand’peine àretrouver dans la moderne villa le moindre vestige de son anciennedemeure. Le parterre, symétriquement dessiné et entouré de petitescharmilles de buis nain, avait fait place à une vaste pelouse, aubout de laquelle on voyait glisser, sur une eau bien pure, deuxbeaux cygnes argentés. Les hautes murailles dont les espaliersfournissaient autrefois à l’office d’admirables fruits,n’interceptaient plus la vue de la campagne, et avaient cesséd’emprisonner les habitants ; mais, à leur place, des sauts deloups et des haies vives défendaient un ravissant jardin, où, dureste, les maraudeurs n’auraient eu que des fleurs à cueillir. Sansdoute on n’était plus chez soi, comme le disaient encorequelquefois, en visitant les jeunes mariés, les vieux amateurs dela clôture patriarcale et des habitations françaises dansl’acception du XVIIIème siècle ; mais, en revanche,on était aussi chez les autres, puisque l’œil, ne rencontrant plusde barrière, s’étendait du jardin sur les prés, et des prés sur leschamps. Des massifs de verdure pour masquer les lieux découverts,des corbeilles de fleurs pour animer les endroits arides, plus deberceaux factices, mais des points de vue admirablement ménagés,une entente parfaite du site, dessiné par un paysagiste, voilà ceque l’art du jardinage moderne avait, en dépit des partisans de LeNôtre, créé sous la direction de Maurice de Barthèle, qui avaitimpitoyablement sacrifié l’abricot, la pêche et le brugnon à la vuede la tour de Montlhéry, qui se détachait à cette heure sur le fondbleu de la plaine, et à l’aspect des maisons blanches éparses dansla verte vallée.

De son côté, la maison avait subi desmodifications non moins importantes : elle avait cesséd’offrir l’aspect patrimonial de ce que l’on appelait autrefois unchâteau, pour prendre l’apparence d’une charmante villa ornée d’unperron sur lequel on montait à travers une double rangée de fleurstoujours fraîches et sans cesse renouvelées dans leurs vases deporcelaine du Japon. Ce perron conduisait à une antichambre dans legoût de la renaissance, avec des vitraux armoriés, tapissée d’uncuir de Cordoue de couleur sombre relevé d’arabesques d’or, etéclairée le soir par une lampe gothique d’un charmant modèle, etqui descendait, à l’aide de trois chaînes dorées du milieu de sonplafond, tandis que de chaque côté de cette lampe pendaient deuxrécipients pareils destinés à recevoir des fleurs. Cetteantichambre était percée de trois portes intérieures,conduisant : la première, dans une salle à manger d’où l’onpassait dans un salon, puis dans un cabinet de travail ; laseconde, dans une salle de billard qui communiquait à uneserre ; la troisième, dans un corridor qui régnait dans toutela longueur de la maison, et que l’architecte avait maintenu dansune largeur assez considérable pour en faire une espèce de galerieoù l’on avait accroché les portraits de famille. Cette galerieétait percée de portes qui donnaient dans toutes les pièces durez-de-chaussée.

Dans la salle à manger, lambrissée en bois dechêne et tendue de damas vert, on ne s’était occupé que duconfortable : on y était bien assis, la table était longue etlarge, des dressoirs d’une forme simple étaient couverts de piècesd’argenterie et de porcelaines de Chine. L’art avait entièrementcédé la place au bien-être. Seulement, quatre tableaux de chasse deGodefroy Jadin formaient les quatre dessus de porte.

Le salon était meublé à l’anglaise, avec desdivans, de grands fauteuils à la Voltaire, des causeuses et destournedos. Il était tendu de damas violet à fleurs bleues, et dumilieu du plafond pendait un lustre gigantesque exécuté par Girouxsur un dessin de Feuchères ; les meubles et les rideauxétaient pareils à la tenture du salon.

La salle de billard avait la forme d’une tentegothique ; les quatre panneaux principaux étaient remplis pardes trophées d’armes de quatre siècles. Des portières élégantesséparaient seules ces différentes pièces les unes des autres.

En procédant à la résurrection de la maison deFontenay, Maurice de Barthèle avait réservé pour chambre à coucherà sa jeune femme celle qu’avait habitée sa bisaïeule, et qui, grâceau génie conservateur de la famille, était demeurée telle qu’elleavait été décorée sous le règne de madame de Pompadour. C’était unegrande pièce carrée avec une alcôve large comme une chapelleordinaire, enfermant un lit immense placé en retour. Aux anciennestapisseries, qui étaient de satin rose et argent, on avaitsubstitué seulement des tentures nouvelles qui se rapprochaientautant que possible du goût de l’époque ; toutes les mouluresexistaient, on n’avait eu qu’à les redorer ; tous les meublesétaient complets, on n’avait eu qu’à les recouvrir ; lesdessus de porte de Boucher s’étaient conservés intacts, et l’onn’avait eu qu’à les revernir à neuf ; de charmantes consolessculptées et d’un rococo enragé, s’élevaient à tous lesangles ; de délicieuses étagères de bois de rose remplissaientles intervalles des fenêtres ; chaises et fauteuils roulaientsur d’épais tapis, qui semblaient sous le pied la pelouse dujardin. Bref, cette chambre, toute dans le goût duXVIIIème siècle, semblait l’appartement de quelqueprincesse qui, endormie par une méchante fée en 1735, se seraitréveillée cent ans après.

D’un côté de cette chambre était un secondsalon donnant sur l’appartement destiné à madame de Barthèle, et del’autre la chambre de Maurice, séparée de celle de sa femme par ungrand cabinet de toilette seulement.

Cette chambre de Maurice était dans unsentiment aussi sévère que celle de Clotilde était dans un goûtmaniéré. C’était une chambre de garçon dans toute l’acception dumot : un grand lit de fer sans rideaux, une peau de tigrejetée au pied du lit sur un tapis d’une seule couleur, une armoirepleine de fusils de chasse numérotés, une table chargée d’yatagansarabes, de pistolets grecs, de crids malais, de sabres deDamas ; les murailles couvertes de tableaux de Delacroix et deDecamps, d’aquarelles de Boulanger et de Bonnington ; unecheminée ornée de statuettes de Barre et de Feuchères, au milieu delaquelle s’élevait, sur une pendule, un magnifique groupe deBarye ; derrière le lit, à la portée de la main, un bénitierde mademoiselle Fauveau ; – tels étaient les ornements decette retraite toute masculine, au fond de laquelle une portières’ouvrait sur un cabinet de toilette tendu en simple coutil.C’était une espèce de campement établi d’abord par Maurice, sous leprétexte plausible de ne pas réveiller sa femme les matinées dechasse, mais, au fait, dans le but d’assurer sa liberté.

Ajoutons qu’un escalier de service, dont demoelleux tapis avaient fait un escalier de maître, sourd à souhait,communiquait avec le cabinet de toilette.

Mais, depuis qu’il était malade, Mauricen’avait plus de volonté en face de sa mère et de sa femme, et onl’avait établi dans la grande chambre Louis XV, ou, chaque soir,dans l’alcôve même, on dressait un petit lit pour Clotilde. On yavait de plus transporté le piano ; de sorte que, pour lemoment, il n’y avait pas d’autre salon que cette chambre, danslaquelle madame de Barthèle et Clotilde avaient concentré toutesleurs affections d’abord, et, avec toutes leurs affections, toutesleurs habitudes.

Ce fils chéri de sa mère, ce mari pour lequelsa jeune femme paraissait si constamment attentive, Maurice deBarthèle enfin, auquel il faut bien que nous en arrivions pour lefaire, autant qu’il sera en nous, connaître de nos lecteurs, venaitd’entrer dans sa vingt-septième année. C’était un de ces hommesque, de toute façon, le sort a traités en enfants gâtés, en leurdonnant à la fois un grand nom et une grande fortune, plus ladistinction, que ne donnent souvent ni la fortune ni le nom. Eneffet, il était difficile de voir un homme plus simplement grandseigneur que ne l’était Maurice de Barthèle. La chose la plusordinaire, portée par lui, prenait à l’instant même un cachetd’aristocratie parfaite. Ses chevaux étaient les mieux soignés, sesvoitures les plus élégantes, ses gens les mieux habillés de toutParis. Habile à tous les exercices du corps, il montait à chevalcomme Daure et Makensie, était de première force à l’épée etcoupait, à vingt-cinq pas, une balle sur la lame d’un couteau.

Maître de sa fortune depuis sept ans, libre deses actions depuis sa majorité, il avait joui à son loisir de cettevie dévorante de Paris, sans que jamais une volonté étrangère fûtvenue porter obstacle à la sienne, et cependant, hâtons-nous de ledire, sans que jamais la plus scrupuleuse rigidité eût eu unreproche à faire à sa conduite : en effet, vivant dans unmonde d’élite, lié d’amitié avec des jeunes gens qui avaient un nomà faire respecter et une position sociale à soutenir, le respectdes convenances et le sentiment de sa dignité personnelle l’avaientpréservé des désordres où, depuis la révolution de 1830, quelquesjeunes hommes de distinction s’étaient follement jetés, comme pourse dédommager de la contrainte où ils avaient vécu dans lesdernières années du règne de Charles X.

Aussi Maurice de Barthèle, homme à la modedans ce monde au-dessus de la mode, dans l’acception vulgaire quel’on donne à ce mot, était-il remarqué partout où il paraissait,non point par cette régularité typique que l’on admire dans lesarts, mais par ce charme individuel, mais par cette expressionparticulière bien supérieure au point de vue du sentiment, et quifait qu’on se sent attiré comme malgré soi vers celui qui lespossède. Son visage avait cette pâleur fraîche et mate qui fait ladistinction des hommes bruns ; ses beaux cheveux noirs et sabarbe aux reflets bleuâtres encadraient admirablement sonvisage ; sa main et son pied, ces deux signes de race, étaientcités pour leur délicate petitesse ; enfin il y avait quelquechose de si vague et de si mélancolique dans l’expressionhabituelle de son regard, et dans le sourire distrait quil’accompagnait, et ce regard, au contraire, lançait une telleflamme lorsque l’animation succédait chez lui au repos, que l’idéede comparer Maurice à qui que ce fût n’était encore venue àpersonne. Lui cependant, bon, simple, bienveillant, semblait êtrele seul qui ignorât sa supériorité.

Sans être ni un savant ni un artiste, Mauricen’était étranger ni à aucune science, ni à aucun art. Il savaitassez de physique et de chimie pour discuter une question médicaleavec les Thénard et les Orfila. Sans être artiste, dans l’acceptiondu mot, qui indique toujours une certaine supériorité pratique, ilpouvait, à l’aide du crayon, rendre sa pensée ou pratique, unsouvenir. Entièrement étranger en apparence à la politique, il luiétait cependant mille fois arrivé, lorsqueM. de Montgiroux, entouré de ses honorables collègues del’une ou l’autre chambre, exposait dans le salon de madame deBarthèle, une question du moment, d’éclairer tout à coup, d’unautre groupe où il était, cette question d’un mot si brillant,qu’elle demeurait en lumière jusqu’à ce que la routine tracassièrede deux ou trois honorables l’eussent, en la tirant par en basreplongée dans l’obscurité. Quelques ministres demi-apostats, qui,jeunes gens, avaient partagé les opinions politiques de Maurice deBarthèle, opinions qui n’avaient rien de haineux ni d’exclusif,avaient voulu faire de lui, tantôt un officier, tantôt undiplomate, tantôt un conseiller d’État ; mais il avaittoujours refusé, disant que son attachement à la famille déchueétait une espèce de culte doux et religieux qui n’admettait pas demélange ; ce qui n’empêchait pas que, lorsque Maurice deBarthèle se trouvait, comme il lui arrivait souvent, dans quelquesalon de la haute aristocratie avec celui de nos princes qui, àcette époque, était le seul à qui son âge permit déjà d’y aller, ilne rendit hautement toute justice à son esprit et à son courage, ettout respect à son nom et à son rang. Or, c’étaient là des marquesde goût que le prince que nous venons de désigner, appréciait fort.Aussi, à Chantilly ou à Versailles, aux courses ou au camp, Mauricede Barthèle était-il toujours de sa part l’objet d’une attentionpersonnelle et particulière, que, de son côté, celui-ci savaitadmirablement apprécier.

Nous l’avons dit, en épousant Clotilde,Maurice n’avait éprouvé pour elle qu’un sentiment purementfraternel, et le mariage était non seulement, à ses yeux, une miseà la loterie, une chance de félicité, mais encore un moyen naturelde faire cesser la vie d’aventures qui l’entraînait dans sontourbillon en lui laissant le vide du cœur. Cependant Maurice avaittrouvé un avantage à ses relations avec les femmes qu’il avaitconnues jusqu’alors, c’était de sentir la différence qui sépare lagrande expérience de l’extrême naïveté. L’affection que sa femmelui portait s’était donc présentée à lui avec un parfum de chastetéet de fraîcheur jusqu’alors inconnu. Accoutumé à la voir presquechaque jour, ses yeux jusque là s’étaient portés sur elle sans riendétailler, mais, quand ils furent unis solennellement, quand leprêtre eut parlé à Clotilde de ses devoirs et à Maurice de sesdroits l’idée de la possession passa de sa tête à son cœur ;un désir craintif et timide le conduisit à l’analyse, et l’analyselui fit découvrir, dans celle qui était destinée à devenir lacompagne de sa vie, des grâces naturelles, des qualités acquises,une aménité si réelle et si douce, que le jeune homme éprouva unenchantement inattendu, et que, pour un moment, il eut desillusions à ce point qu’il se crut amoureux de sa femme. Or, enamour, nous défions le théologien le plus subtil d’établir ladifférence qu’il y a entre être amoureux et croire qu’on l’est. Aureste, la vie nouvelle que menait Maurice prolongeant son erreur,bientôt les caprices d’un homme qui se range succédèrent àl’étourdissement des premières impressions. À son retour d’Italie,Maurice avait retrouvé le château rebâti et le jardin replanté surles dessins qu’il avait faits. C’est alors qu’il avait mis l’anciengarde-meuble de la famille au pillage et les meilleurs tapissiersde Paris en œuvre pour loger son bonheur : il avait commencépar l’hôtel de la rue de Varennes, où il avait tout bouleversé,tant il était heureux de détruire le passé pour édifier l’avenir.Le temps ne lui suffisait pas pour tout voir, tout approuver, toutchoisir et tout acheter. Encouragé par sa mère, sa grande fortune,en lui permettant de satisfaire à tous ses caprices, entretenait lasérénité et les illusions de son âme. L’hôtel achevé, le tour de lamaison de Fontenay était venu. Maurice en avait fait la charmantevilla que nous avons vue, de sorte que, sur trois années demariage, deux années et demie s’étaient passées en voyages, enconstructions et en félicité, sans que le plus léger nuage eûtobscurci le ciel pur et presque brillant de leur horizonconjugal.

Clotilde était parfaitement heureuse. Pendantles six derniers mois surtout qui s’étaient écoulés, les soins,sinon l’amour de Maurice, avaient paru redoubler pour elle. Sessorties étaient plus fréquentes, il est vrai ; mais, à chaqueretour, il lui rapportait quelques chinoiserie de Gansberg, quelquecharmante aquarelle achetée chez Susse, quelque merveilleux bijourêvé par Marlé. D’ailleurs, les prétextes ne manquaient pas. Ilfallait aller faire des armes chez lord S… ; on était invité àchasser à Couvray avec le comte de L… ; on dînait en garçonsau café de Paris avec le duc de G… ou le comte de B… ; puis,brochant sur le tout, venait le Jockey Club, cet éternel etmerveilleux complice des amants qui se détachent ou des maris quis’ennuient. Clotilde acceptait toutes ces excuses, qu’elle nedemandait même pas. Sa vie s’écoulait douce, paisible, uniforme,sans langueur et sans émotion, sans soupçon et sans ennui. Quand ilfallait aller dans le monde, son mari n’était-il pas toujours làpour l’y conduire ? et dans le monde ne paraissait-il pastoujours le même Maurice qu’elle avait connu galant etempressé ? Toutes les femmes qui l’entouraient lui portaientenvie en la voyant si belle et en la croyant si aimée. Madame deNeuilly, sa cousine la plus cruelle et la plus implacablerévélatrice de tous ces petits secrets qui torturent le cœur d’unefemme, ne la venait-elle pas voir tous les quinze jours sans avoirjamais trouvé l’occasion de lui dénoncer un mauvais procédé de sonmari ? Clotilde, comme nous l’avons dit, était doncparfaitement heureuse.

De son côté, madame de Barthèle ne voyait plusune fois le comte de Montgiroux, qu’elle ne s’applaudit avec lui dece parti plein de sagesse qu’ils avaient pris de marier les deuxjeunes gens.

On en était donc arrivé à ce point de félicitéintérieure que l’on sentait qu’elle ne pouvait plus croître,lorsqu’on s’aperçut, du jour au lendemain, d’un immense changementdans le caractère de Maurice. Il devint rêveur, puismélancolique ; puis il tomba dans un marasme profond, qu’iln’essaya pas même de combattre, et que ne purent dissiper ni lessoins de sa mère ni les caresses de sa femme. Bientôt cet étatd’atonie donna d’assez vives inquiétudes pour qu’on envoyâtchercher le médecin. Le docteur vit du premier coup dans ce maltoute la gravité qui existe dans les maladies dont le malade neveut pas guérir. Il ne cacha point à madame de Barthèle qu’unegrave affection morale était le principe de cette maladie. Madamede Barthèle interrogea le baron de Barthèle, homme du monde, commeelle eût interrogé Maurice écolier, croyant, comme toutes lesmères, que son enfant ne devait point avoir de secret pourelle ; mais Maurice, au grand étonnement de la baronne avaitgardé son secret, tout en niant, il est vrai, que ce secretexistât. Enfin, il en était arrivé à ce point que son état donnâtles graves inquiétudes que nous avons entendu madame de Barthèleexprimer au comte de Montgiroux dès le commencement de cettehistoire, inquiétudes que le grave pair de France, nous sommesforcé de l’avouer, n’avait peut être point partagées avec toute lasympathie que lui commandaient cependant les liens secrets quil’unissaient à la famille.

En effet, depuis son arrivée àFontenay-aux-Roses et la prière que lui avait faite madame deBarthèle de lui consacrer toute sa journée et la matinée dulendemain, le comte paraissait fort préoccupé. Il est vrai quecette préoccupation pouvait aussi bien lui venir de la maladie deMaurice que d’une cause étrangère, mais cela à des yeux étrangersseulement, et il est évident que cette préoccupation, qui n’avaitpas tout à fait échappé à madame de Barthèle lui eût été bienautrement visible, sans la préoccupation personnelle dans laquelleelle-même était plongée.

Arrivée au salon, elle fit donc asseoir lecomte, et, revenant aux inquiétudes maternelles qui pour le moments’étaient emparées de son esprit, sans cependant pouvoir en chasserentièrement la légèreté qui lui était naturelle :

– Je vous disais donc, mon ami,continua-t-elle, que Clotilde est un ange. Nous avons véritablementbien fait de marier ces enfants. Si vous saviez quels soinstouchants elle prodigue à son mari ! et lui, notre Maurice,comme il est attendri de ces soins ! comme sa voix est émuequand il la remercie ! avec quel accent profond il lui dit enprenant ses deux mains dans les siennes : « BonneClotilde, je vous afflige, pardonnez-moi !… » Oh !maintenant, ces mots qu’il répétait sans cesse sontexpliqués ; ce pardon qu’il demandait, nous savons pour quellefaute.

– Mais, moi, repritM. de Montgiroux, j’ignore tout, et, comme vous m’avezfait rester pour me l’apprendre, j’espère, chère amie, que vousvoudrez bien maîtriser vos émotions et mettre un peu d’ordre dansvos pensées, afin de les suivre jusqu’au bout.

– Oui, vous avez raison, reprit madame deBarthèle ; je vais droit au fait. Écoutez-moi donc.

La recommandation était aussi inutile que lapromesse était dérisoire.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer