Le Blocus

IV

Tout cela, Fritz, n’était que le commencementde bien d’autres misères.

C’est le lendemain qu’il aurait fallu voir laville, quand les officiers du génie, vers onze heures, eurent passél’inspection des remparts, et que le bruit se répandit tout à coupqu’il fallait soixante-douze plates-formes dans l’intérieur desbastions, trois blockhaus à l’épreuve de la bombe, pour trentehommes chaque, à droite et à gauche de la porte d’Allemagne, dixpalanques crénelées, formant réduit de place d’armes, pour quarantehommes, quatre blindages sur la grande place de la mairie, pourabriter chacun cent dix hommes ; et quand on apprit que lesbourgeois seraient forcés de travailler à tout cela, – de fournireux-mêmes les pelles, les pioches et les brouettes, – et lespaysans d’amener les arbres avec leurs propres chevaux !

Sorlé, Sâfel et moi, nous ne savions pas mêmece que c’étaient qu’un blindage et des palanques ; nousdemandions au vieil armurier Bailly, notre voisin, à quoi celapouvait servir ; il riait et disait :

– Vous l’apprendrez, voisin, quand vousentendrez ronfler les boulets et siffler les obus. C’est trop longà expliquer. Vous verrez plus tard. On s’instruit à tout âge.

Pense à la figure que faisaient lesgens !

Je me rappelle que tout le monde courait surla place, où notre maire, le baron Parmentier, prononçait undiscours. Nous y courûmes comme les autres. Sorlé me tenait aubras, et Sâfel à la basque de ma capote.

Là, devant la mairie, toute la ville, hommes,femmes, enfants, formés en demi-cercle, écoutaient dans le plusprofond silence, et quelquefois tous ensemble se mettaient àcrier : Vive l’Empereur !

Parmentier, – un grand homme sec, en habitbleu-de-ciel à queue de morue et cravate blanche, l’écharpetricolore autour des reins, – au haut des marches du corps degarde, et les membres du conseil municipal derrière lui, sous lavoûte, criait :

– Phalsbourgeois ! l’heure est venuede montrer votre dévouement à l’Empire. L’année dernière, toutel’Europe marchait avec nous, aujourd’hui toute l’Europe marchecontre nous. Nous aurions tout à redouter, sans l’énergie et lapuissance de la nation. Celui qui ne ferait pas son devoir en cemoment serait traître à la patrie. Habitants de Phalsbourg, montrezce que vous êtes. Rappelez-vous que vos enfants sont morts par latrahison des alliés. Vengez-les ! – Que chacun obéisse àl’autorité militaire, pour le salut de la France, etc…

Rien que de l’entendre, cela vous donnait lachair de poule, et je m’écriais en moi-même :

« Maintenant, l’esprit-de-vin n’a plus letemps d’arriver, c’est clair… Les alliés sont enroute ! »

Elias, le boucher, et Kalmes Lévy, le marchandde rubans, se trouvaient près de nous. Au lieu de crier comme lesautres : Vive l’Empereur ! ils se disaient entreeux :

– Bon ! nous ne sommes pas barons,nous ! Les barons, les comtes et les ducs n’ont qu’à sedéfendre eux-mêmes. Est-ce que leurs affaires nousregardent ?

Mais tous les anciens soldats, etprincipalement ceux de la République, le vieux Goulden l’horloger,Desmarets l’Égyptien, des êtres qui n’avaient plus de cheveux surla tête, ni même quatre dents pour tenir leur pipe, ces êtresdonnaient raison au maire et criaient :

– Vive la France ! Il faut sedéfendre jusqu’à la mort !

Comme plusieurs regardaient Kalmes Lévy detravers, je lui dis à l’oreille :

– Tais-toi, Kalmes ! au nom du ciel,tais-toi ! ils vont te déchirer !

Et c’était vrai, ces vieux lui lançaient descoups d’œil terribles ; ils devenaient tout pâles, et leursjoues frissonnaient.

Alors Kalmes se tut, et sortit même de lafoule pour retourner chez lui. Mais Elias attendit jusqu’à la findu discours, et dans le moment où toute cette masse redescendait lagrande rue, en criant : Vive l’Empereur ! il neput s’empêcher de dire au vieil horloger :

– Comment, vous, monsieur Goulden, unhomme raisonnable, et qui n’avez jamais rien voulu de l’Empereur,vous allez maintenant le soutenir, et vous criez qu’il faut sedéfendre jusqu’à la mort ! Est-ce que c’est notre métier, ànous, d’être soldats ? Est-ce que nous n’avons pas assezfourni de soldats à l’Empire, depuis dix ans ? Est-ce qu’iln’en a pas assez fait tuer ? Faut-il encore lui donner notresang, pour soutenir des barons, des comtes, des ducs ?…

Mais le vieux Goulden ne le laissa pas finir,et se retourna comme indigné :

– Écoute, Elias, lui dit-il, tâche de tetaire ! Il ne s’agit pas maintenant de savoir lequel a raisonou tort, il s’agit de sauver la France. Je te préviens que si, parmalheur, tu veux décourager les autres, cela tournera mal pour toi.Crois-moi, va-t’en !

Déjà plusieurs vieux retraités nousentouraient, Elias n’eut que le temps d’enfiler son allée enface.

Depuis ce jour, les publications, lesréquisitions, les corvées, les visites domiciliaires pour lesoutils, pour les brouettes, se suivaient sans interruption. Onn’était plus rien chez soi, les officiers de place prenaientautorité sur tout, on aurait dit que tout était à eux. Seulement,ils vous donnaient des reçus.

Tous les outils de mon magasin de fer étaientsur les remparts ; heureusement j’en avais vendu beaucoupavant, car ces billets, à la place de marchandises, m’auraientruiné.

De temps en temps le maire faisait undiscours, et le gouverneur, un gros homme bourgeonné, témoignait sasatisfaction aux bourgeois : cela remplaçait lesécus !

Quand mon tour arrivait de prendre la piocheet de mener la brouette, je m’étais arrangé avec Carabin, le scieurde long, qui me remplaçait pour trente sous. Ah ! quellemisère !… on ne verra jamais de temps pareil.

Pendant que le gouverneur nous commandait, lagendarmerie était toujours dehors pour escorter les paysans. Lechemin de Lutzelbourg ne formait qu’une seule ligne de voitures,chargées de vieux chênes, qui servaient à construire lesblockhaus : ce sont de grandes guérites, faites de troncsd’arbres entiers croisés par le haut et recouverts de terre. C’estplus solide qu’une voûte ; les obus et les bombes peuventpleuvoir là-dessus sans rien ébranler au-dessous, comme je l’ai vupar la suite.

Et puis ces arbres servaient à faire deslignes de palissades énormes, taillées en pointes et percées detrous pour tirer : c’est ce qu’on appelle palanques.

Je crois encore entendre les cris des paysans,les hennissements des chevaux, les coups de fouet, et tout ce bruitqui ne finissait ni jour ni nuit.

Ma seule consolation était depenser :

« Si les eaux-de-vie arrivent maintenant,elle seront bien défendues ; les Autrichiens, les Prussiens etles Russes ne les boiront pas ici. »

Sorlé, chaque matin, croyait recevoir lalettre d’envoi.

Un jour de sabbat, nous eûmes la curiositéd’aller voir les ouvrages des bastions. Tout le monde en parlait,et Sâfel à chaque instant venait me dire :

– Le travail avance… On remplit les obusdevant l’arsenal… On sort les canons… on les monte sur lesremparts.

Nous ne pouvions pas retenir cet enfant ;il n’avait plus rien à vendre sous la halle, et se serait tropennuyé chez nous. Il courait la ville et nous rapportait lesnouvelles.

Ce jour-là donc, ayant appris quequarante-deux pièces étaient en batterie, et qu’on continuaitl’ouvrage sur le bastion de la caserne d’infanterie, je dis à Sorléde mettre son châle et que nous irions voir.

Nous descendîmes d’abord jusqu’à la porte deFrance. Des centaines de brouettes remontaient la rampe du bastion,d’où l’on voit la route de Metz à droite et celle de Paris àgauche.

Là-haut, des masses d’ouvriers, soldats etbourgeois, élevaient un tas de terre en forme de triangle, d’aumoins vingt-cinq pieds de haut sur deux cents de long et de large.– Un officier du génie avait découvert, avec sa lunette, que de lacôte en face on pouvait tirer sur ce bastion, et voilà pourquoitout ce monde travaillait à mettre deux pièces au niveau de lacôte.

Partout ailleurs on avait fait de même.L’intérieur de ces bastions, avec leur plate-forme, était fermétout autour à la hauteur de sept pieds, comme des chambres. Rien nepouvait y tomber que du ciel. Seulement, dans le gazon étaientcreusées d’étroites ouvertures, qui s’élargissaient en dehors enforme d’entonnoirs ; la gueule des canons, élevée sur desaffûts immenses, s’allongeait dans ces ouvertures ; on pouvaitles avancer et les reculer, les tourner dans toutes les directions,au moyen de gros leviers passés dans des anneaux à l’arrière-traindes affûts.

Je n’avais pas encore entendu tonner cespièces de 48, mais rien que de les voir en batterie sur leursplates-formes, cela me donnait une idée terrible de leur force.Sorlé elle-même disait :

– C’est beau, Moïse, c’est très bienfait !

Elle avait raison car à l’intérieur desbastions tout était propre, pas une mauvaise herbe nerestait ; et sur les côtés s’élevaient encore de grands sacsremplis de terre, pour mettre les canonniers à l’abri.

Mais que de travail perdu ! Et quand onpense que chaque coup de ces grosses pièces coûte au moins unlouis, que d’argent dépensé pour tuer ses semblables !

Enfin les gens travaillaient à cesconstructions avec plus d’enthousiasme qu’à la rentrée de leurspropres récoltes. J’ai souvent pensé que si les Français mettaientautant de soins, de bon sens et de courage aux choses de la paix,ils seraient le plus riche et le plus heureux peuple du monde. Oui,depuis des années, ils auraient dépassé les Anglais et lesAméricains. Mais quand ils ont bien travaillé, bien économisé,quand ils ont ouvert des chemins partout, bâti des pontsmagnifiques, creusé des ports et des canaux, et que la richesseleur arrive de tous les côtés, tout à coup la fureur de la guerreles reprend, et dans trois ou quatre ans ils se ruinent en grandesarmées, en canons, en poudre, en boulets, en hommes, etredeviennent plus misérables qu’avant. Quelques soldats sont leursmaîtres et les traitent de haut en bas : – Voilà leurprofit !

Au milieu de tout cela, les nouvelles deMayence, de Strasbourg, de Paris, arrivaient par douzaines ;on ne pouvait pas traverser la rue sans voir passer une estafette.Toutes s’arrêtaient devant la maison Bockholtz, près de la ported’Allemagne, où demeurait le gouverneur. On faisait cercle autourdu cheval, l’estafette montait ; puis le bruit se répandait enville que les alliés se concentraient à Francfort, que nos troupesgardaient les îles du Rhin, que les conscrits de 1803 à 1814étaient rappelés, que ceux de 1815 formeraient des corps de réserveà Metz, à Bordeaux et à Turin ; que les députés allaient seréunir, ensuite qu’on leur avait fermé la porte au nez, et caetera,et caetera !

Il arrivait aussi des espèces decontrebandiers du Graufthâl, de Pirmasens et de Kaiserslautern,Frantz-Sépel le manchot en tête, et d’autres gens des villagesenvironnants, qui répandaient en cachette les proclamationsd’Alexandre, de François-Joseph et de Frédéric-Guillaume, disant« qu’ils ne faisaient pas la guerre à la France, mais àl’Empereur seul, pour l’empêcher de désoler plus longtempsl’Europe. » Ils parlaient de l’abolition des droits réunis etdes impositions de toute sorte. Les gens, le soir, ne savaient plusque penser.

Mais un beau matin tout devint plus clair.C’était le 8 ou le 9 décembre, je venais de me lever, et je tiraisma culotte, quand j’entends le roulement du tambour au coin de lagrande rue.

Il faisait déjà froid, malgré cela j’ouvre lafenêtre, et je me penche pour entendre les publications :Parmentier dépliait son papier, le fils Engelheider continuait sonroulement, et les gens s’assemblaient.

Ensuite Parmentier lut que le gouverneur de laplace prévenait les habitants de se rendre à la mairie, de huitheures du matin à six heures du soir, sans faute, pour recevoirleurs fusils et leurs gibernes, et que ceux qui n’arriveraient paspasseraient au conseil de guerre.

Voilà, c’était la fin, le bouquet ! Toutce qui pouvait encore marcher était en route, et les vieux devaientdéfendre les places fortes : des hommes sérieux, desbourgeois, des gens habitués à vivre chez eux, tranquillement, àsonger aux affaires ; maintenant ils devaient monter sur lesremparts, et risquer tous les jours de perdre leur vie.

Sorlé me regardait sans rien dire, etl’indignation m’empêchait aussi de parler. Ce n’est qu’au bout d’unquart d’heure, après m’être habillé, que je dis :

– Prépare la soupe. Moi, je vais prendreà la mairie mon fusil et ma giberne.

Alors elle s’écria :

– Moïse, qui jamais aurait cru que tuserais forcé de te battre à ton âge ? Ah ! mon Dieu, quelmalheur !

Et je lui répondis :

– C’est la volonté de l’Éternel.

Ensuite je sortis dans une grande désolation.Le petit Sâfel me suivait.

Comme j’arrivais au coin de la halle, Burguetdescendait déjà l’escalier de la mairie, qui fourmillait demonde ; il avait son fusil sur l’épaule et se mit à dire enriant :

– Eh bien, Moïse, nous allons doncdevenir des Machabées dans nos vieux jours !

Sa bonne humeur me rendit du courage et je luirépondis :

– Burguet, comment peut-on prendre desgens raisonnables, des pères de famille, pour aller se faireexterminer ? Je ne puis pas le comprendre ; non, cela n’apas de bon sens.

– Hé ! fit-il, quevoulez-vous ? faute de grives, on prend des merles.

Et comme ses plaisanteries ne me faisaient pasrire, il dit :

– Allons Moïse, ne vous désolez pas, toutceci n’est qu’une simple formalité. Nous avons assez de troupespour faire le service actif de la place, nous n’aurons que desgardes à monter. S’il faut faire des sorties, repousser desattaques, ce n’est pas vous qu’on prendra ; vous n’êtes pasd’âge à courir, à faire le coup de baïonnette, que diable !…Vous êtes tout gris et tout chauve. Rassurez-vous !

– Oui, lui répondis-je, c’est bien vrai,Burguet, je suis cassé, peut-être plus encore que vous necroyez.

– Cela se voit bien, dit-il. Mais allezprendre votre fusil et votre giberne.

– Est-ce que nous n’irons pas demeurer àla caserne ? lui demandai-je.

– Non, non, s’écria-t-il en riant touthaut, nous vivrons tranquillement chez nous.

Alors il me serra la main, et j’entrai sous lavoûte de la mairie. L’escalier était encombré de monde, et l’onentendait crier les noms.

C’est là, Fritz, qu’il fallait voir les minesdes Robinot, des Gourdier, des Mariner, de ce tas de couvreurs, derémouleurs, de peintres en bâtiments, – de gens qui tous les joursen temps ordinaire, vous tiraient la casquette pour avoir un peud’ouvrage, – c’est là qu’il fallait les voir se redresser, vousregarder par-dessus l’épaule d’un air de pitié, souffler dans leursjoues, et crier :

– C’est toi, Moïse ! tu vas faire undrôle de troupier. Hé ! hé ! hé ! on va te couperles moustaches à l’ordonnance !

Et d’autres sottises pareilles.

Oui, tout était changé : ces anciensbraves étaient nommés d’avance sergents, sergents-majors, caporaux,et nous autres nous n’étions plus rien. La guerre bouleverse tout,les premiers deviennent les derniers, et les derniers deviennentles premiers. Ce n’est plus de bon sens qu’il s’agit, c’est dediscipline ; celui qui récurait votre plancher la veille,parce qu’il était trop bête pour gagner sa vie d’une autre façon,devient votre sergent, et s’il vous dit que le blanc est noir, ilfaut lui donner raison.

Enfin, ce jour-là, comme j’attendais depuisune heure, on appela : – Moïse ! et je montai.

La grande salle en haut était pleine demonde ; chacun criait :

– Moïse ! viendras-tu, Moïse ?Ah ! le voilà !… c’est la vieille garde… Regardez ça…comme c’est bâti !… Tu seras porte-drapeau, Moïse ; tuvas nous conduire à la victoire !

Et ces imbéciles riaient, en se donnant descoups de coude. Moi, je passais sans leur répondre, ni même lesregarder.

Dans la chambre du fond, où l’on tire à laconscription, le gouverneur Moulin, le commandant Petitgenet, lemaire, le secrétaire de la mairie Frichard, le capitained’habillement Rollin, et six ou sept autres vieux retraités,criblés de rhumatismes ramassés dans les cinq parties du monde,étaient réunis en conseil, les uns assis, les autres debout.

Ces vieux se mirent à rire en me voyantentrer. Je les entendis qui se disaient entre eux :

– Il est encore solide celui-là !…Oui, c’est du propre.

Ainsi de suite. – Je pensais :

– Dites ce qu’il vous plaira, vous ne meferez pas croire que vous avez vingt ans, ni que vous êtesbeaux.

Mais je me taisais.

Tout à coup le gouverneur, qui causait dans uncoin avec le maire, se retourna, son grand chapeau de travers, etdit en me regardant :

– Que voulez-vous qu’on fasse d’unepareille patraque ? Vous voyez bien qu’il ne peut pas se tenirsur ses jambes.

Alors, malgré tout, je fus content et je memis à tousser.

– Bon, bon, dit-il, vous pouvez retournerchez vous, soigner votre rhume.

J’avais déjà fait quatre pas du côté de laporte, lorsque le secrétaire de la mairie, Frichard,s’écria :

– C’est Moïse !… le juif Moïse,colonel, qui a fait partir ses deux garçons pour l’Amérique, sonaîné serait au service.

Ce gueux de Frichard m’en voulait, parce quenous avions le même commerce de vieux habits sous la halle, et queles paysans me donnaient presque toujours la préférence ; ilm’en voulait à mort, et c’est pour cela qu’il se mit à medénoncer.

Aussitôt le gouverneur me cria :

– Halte, un instant… Ah ! vieuxrenard…, ah ! vous envoyez vos garçons en Amérique pour lessauver de la conscription !… C’est bon ! qu’on lui donneson fusil, sa giberne et son sabre.

L’indignation contre Frichard me suffoquait.J’aurais voulu parler, mais le gueux riait en continuant d’écrireau bureau ; c’est pourquoi je suivis le gendarme Werner dansla salle à côté, pleine de fusils, de sabres et de gibernes.

Werner lui-même me pendit une giberne et unsabre en croix sur le dos, et me remit un fusil endisant :

– Va, Moïse, et tâche de répondretoujours à l’appel.

Je descendis à travers la foule, tellementindigné que je n’entendais plus les éclats de rire de lacanaille.

En rentrant chez nous, je racontai à Sorlé, cequi venait de m’arriver, elle m’écoutait toute pâle. Au bout d’uninstant, elle me dit :

– Ce Frichard est l’ennemi de notre race,c’est un ennemi d’Israël ; je le sais, il nous déteste !Mais à cette heure, Moïse, ne dis rien, ne lui montre pas tacolère, il serait trop content. Seulement, plus tard, tu tevengeras ! Il faut une occasion. Et, si ce n’est pas toi, ceseront tes enfants, tes petits-enfants ; ils sauront tous ceque le misérable a fait contre leur grand-père… Ils le sauront.

Elle fermait ses mains, et le petit Sâfelécoutait.

C’est tout ce qu’elle pouvait me dire demieux. Je pensais aussi comme elle, mais ma colère était si grande,que j’aurais donné la moitié de mon bien pour ruiner legueux ; durant tout ce jour, et même pendant la nuit, jem’écriai plus de vingt fois :

– Ah ! le brigand… j’étais dehors…On m’avait dit : « Allez ». Et c’est lui qui mecause ces misères !

Tu ne peux pas te figurer, Fritz, combien j’enai toujours voulu depuis à cet homme. Jamais, ni ma femme ni moi,n’avons oublié ce qu’il a fait contre nous, jamais mes enfants nel’oublieront.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer