Le Château dangereux

Chapitre 13Le Secret.

Lorsque les portes de la geôle furentouvertes, on put voir un cachot qui alors interdirait aux victimestoute espérance d’évasion ; mais dans lequel un adroit coquindes temps modernes ne daignerait pas même rester plusieurs heures.Il était facile de voir, pour peu qu’on y prêtât attention ;que les larges anneaux par lesquels les fers étaient réunisensemble et attachés au corps du prisonnier, ne se tenaient que parune rivure si faible, que frottés avec un acide corrosif oupatiemment usés avec un morceau de grès, les fers pouvaient êtreaisément séparés les uns des autres, et leur but devenir ainsitout-à-fait inutile. Les serrures aussi, énormes et en apparencetrès solides, étaient si grossièrement faites, qu’un captif même depeu d’adresse pouvait par des moyens semblables lever les obstaclesqu’elles opposaient à son évasion.

Le jour ne pénétrait dans ce cachot souterrainqu’à midi, et par une ouverture qu’on avait à dessein rendueoblique, de manière à exclure les rayons du soleil, tandis qu’ellen’arrêtait ni le vent ni la pluie. La doctrine qu’un prisonnierdoit être regardé comme innocent jusqu’à ce qu’il soit déclarécoupable par ses pairs n’était pas admise dans ces temps de forcebrutale, et on lui accordait seulement une lampe et quelque autresoulagement à sa misère si sa conduite était tranquille, et s’il neparaissait pas disposé à causer au geôlier le moindre embarras enessayant de s’échapper. Telle était la cellule où était renferméBertram, à qui pourtant la douceur de caractère et sa résignationavaient valu tels adoucissemens à son destin que pouvait luiaccorder le geôlier. On lui avait permis d’emporter dans sa prisonle vieux volume des poésies de Thomas-le-Rimeur, dont la lecturecharma les instans de sa solitude, ainsi que tout ce qu’il fallaitpour écrire, et tels autres moyens de passer le temps quepermettait son séjour dans une chambre taillée au milieu du roc,outre les talens qu’il devait à sa profession de ménestrel. Il levala tête de dessus la table, lorsque les chevaliers entrèrent, legouverneur disant au jeune chevalier :

« Comme vous paraissez croire que vousconnaissez le secret de ce prisonnier, je vous laisse le soin, sirAymer de Valence, de l’engager à nous le dire, de la manière quevous jugerez la plus convenable. Si cet homme ou son fils ont étéinjustement maltraités, mon devoir sera de les indemniser… chosequi, je crois, ne sera point fort difficile. »

Bertram leva les yeux et regarda le gouverneuren face, mais ne lut rien sur son visage qui indiquât qu’il fûtmieux informé qu’auparavant du secret pour lequel lui-même setrouvait en prison. Mais lorsqu’il tourna les yeux vers sir Aymer,sa contenance parut l’éclaircir, et le regard qu’ils échangèrentfut un regard d’intelligence.

« Vous avez donc mon secret, dit-il, etvous savez quelle est la personne qui prend le nomd’Augustin ? »

Sir Aymer répondit par un coup d’œilaffirmatif ; tandis que le gouverneur, regardantalternativement et d’un air furieux le prisonnier et le chevalierde Valence, s’écriait :

« Sir Aymer de Valence, si vous êtesvraiment chevalier et chrétien, si vous avez un honneur à conserveren ce monde, et une ame à sauver après votre mort, je vous commandede me dire ce que signifie tout ce mystère ! Il se peut quevous pensiez vraiment avoir à vous plaindre de moi… dans ce cas, jesuis prêt à vous satisfaire comme le peut un chevalier. »

Le ménestrel ajouta au même moment :

« Je commande à ce chevalier, par son vœude chevalerie, de ne divulguer aucun secret relatif à une personnenoble et honorable, avant qu’il ne me donne la preuve certainequ’il n’agit absolument que d’après le consentement de cettepersonne. »

« Que ce billet lève vos scrupules,répliqua sir Aymer en mettant la lettre d’Augusta entre les mainsdu ménestrel ; quant à vous, sir John de Walton, loin deconserver le moindre sentiment de la mésintelligence qui peut avoirexisté entre nous, je suis entièrement disposé à l’ensevelir dansl’oubli, comme provenant d’une suite de méprises qu’aucun morteln’aurait pu éviter… et ne vous offensez pas, mon cher sirJohn ; si je proteste, sur ma foi de chevalier, que j’aicompassion du chagrin que ce billet doit probablement, je pense,vous causer, et que si mes grands efforts peuvent vous être de lamoindre utilité pour démêler cet écheveau embrouillé, je vous lesdévouerai avec autant d’ardeur que je l’ai jamais fait de ma vie.Ce fidèle ménestrel doit voir maintenant qu’il ne lui est paspossible d’hésiter à découvrir un secret que, je n’en doute pas,sans l’écrit que je viens de lui remettre, il aurait gardé avec uneinébranlable discrétion. »

Sir Aymer mit alors dans la main de de Waltonun billet dans lequel, avant de quitter le couvent de Sainte-Bride,il avait exposé l’interprétation qu’il donnait à ce mystère ;et le gouverneur eut à peine le temps de lire le nom qu’ilcontenait, avant que le même nom fût prononcé tout haut par Bertramqui, en même temps, passa au gouverneur la lettre que lui avaitremise le chevalier de Valence.

La plume blanche qui flottait au dessus de latoque du chevalier, toque d’étiquette qu’on portait au lieu decasque dans l’intérieur d’une forteresse, n’était pas d’une teinteplus pâle que ne le fut le visage du chevalier lui-même à lanouvelle inattendue et étrange que la dame qui était, suivant laphrase chevaleresque, reine de ses pensées et maîtresse de sesactions, et à qui, même dans des temps moins bizarres, il aurait dûporter la plus profonde reconnaissance pour le choix généreuxqu’elle avait fait en sa faveur, était la même personne qu’il avaitmenacée de violences personnelles, et soumise à des rigueurs, à desaffronts qu’il n’aurait pas même pu se résoudre à infliger à ladernière des femmes.

Cependant sir John de Walton parut d’abord necomprendre qu’à peine les nombreuses et tristes conséquences quinaîtraient probablement de cette malheureuse complicationd’erreurs. Il prit le papier des mains du ménestrel, et tandis queses yeux, à l’aide de la lampe, erraient sur les caractères sansparaître en comprendre distinctement le sens, de Valence craignitmême qu’il ne perdît l’usage de ses facultés.

« Pour l’amour du ciel, sir John, luidit-il ; soyez homme, et supportez avec une fermeté mâle cesnouvelles inattendues… Je suis tenté de croire qu’il ne s’est rienpassé dans cette affaire, qu’un esprit d’homme pouvait empêcher.Cette belle lady, j’aime à l’espérer, ne peut être ni beaucoupblessée, ni profondément offensée d’une suite de circonstances quisont la conséquence naturelle de votre envie d’accomplirscrupuleusement un devoir dont doit dépendre la réalisation detoutes les espérances qu’elle vous a permis de concevoir. Au nom deDieu, reprenez courage, sir John ; qu’on ne puisse pas direque la crainte du dédain d’une belle a pu abattre à un tel point lecourage du plus hardi chevalier de l’Angleterre ; soyez ce queles hommes vous ont appelé : « Walton l’Intrépide. »Au nom du ciel, voyons du moins si la belle est offensée, avant deconclure qu’elle l’est irrévocablement. À la faute de quidevons-nous attribuer la source de toutes ces erreurs ?Assurément, sauf tout le respect qu’on lui doit, c’est au capricede la dame elle-même, qui a engendré un tel nid de méprises. Pensezdonc en homme, en soldat. Supposez que vous-même ou moi, voulantéprouver la fidélité de nos sentinelles, ou pour toute autreraison, bonne ou mauvaise, nous essayions de pénétrer dans cedangereux château de Douglas, sans donner le mot d’ordre auxgardes : aurions-nous le droit de blâmer les soldats defaction si, ne nous reconnaissant pas, ils nous refusaientbravement l’entrée, nous faisaient prisonniers et nousmaltraitaient même en repoussant notre attaque, pour obéir auxordres que nous leur avons nous-mêmes donnés ? Où est ladifférence entre ces sentinelles et vous, sir John de Walton, danscette curieuse affaire, qui, par le ciel ! servirait plutôt desujet aux vers légers de cet excellent barde, que de texte à un laitragique ? Allons, quittez cet air, sir John de Walton ;soyez colère, si vous le voulez, contre la belle qui a commis, untel acte de folie, ou contre moi qui suis allé et venu toute lanuit pour remplir ma maudite commission de niais, et qui ai abîmémon meilleur cheval, quoique j’ignore absolument comment je pourraim’en procurer un autre avant que je me sois réconcilié avec mononcle de Pembroke ; ou enfin, si vous désirez être tout-à-faitabsurde dans votre colère, dirigez-la contre ce digne ménestrel, àcause de sa rare fidélité, et punissez-le d’une conduite pourlaquelle il mérite plutôt une chaîne d’or. Mettez-vous en fureur,si bon vous semble, mais chassez ce sombre désespoir du front d’unhomme, du front d’un chevalier. »

Sir John de Walton fit un effort pour parler,et y parvint avec quelque peine.

« Aymer de Valence, dit-il, irriter unfurieux, c’est jouer avec sa propre vie. » Et il se tut.

« Je suis content que vous puissiez aumoins parler ainsi, répliqua le jeune homme ; car je neplaisantais pas lorsque je vous disais que j’aimerais mieux vousvoir en colère contre moi, que rejetant tout le blâme de cetteaffaire sur vous-même. Il serait courtois, je pense, de remettreimmédiatement ce ménestrel en liberté ; cependant, dansl’intérêt de sa maîtresse, je le supplierai en tout honneur d’êtrenotre hôte jusqu’à ce que lady Augusta de Berkely nous fasse lemême honneur, et de nous aider à découvrir l’endroit où elle s’estréfugiée… Bon ménestrel, continua-t-il, vous m’entendez, et vous neserez pas surpris, je pense, de vous trouver, avec le respect etles traitemens convenables, retenu pendant un court espace de tempsdans ce château de Douglas ? »

« Vous semblez, sire chevalier, répliquale ménestrel, ne pas tant considérer le droit de faire ce que vousdevez, que posséder le pouvoir de faire ce que vous voulez. Il fautdonc nécessairement que je me rende à votre prière, puisque vousavez la puissance de la convertir en un ordre. »

« Et j’espère, continua de Valence, que,quand vous et votre maîtresse vous serez réunis, nous jouirons dubienfait de votre intercession pour qu’elle nous pardonne ce quenous avons fait qui a pu lui déplaire, attendu que nos attentionsavaient un but absolument contraire. »

« Permettez-moi, dit sir John de Walton,de dire un seul mot : Je t’offrirai une chaîne d’or assezpesante pour balancer le poids des fers dont tu es encore chargé,comme signe de mon regret de t’avoir condamné à souffrir tantd’indignités. »

« En voici assez, sir John, dit deValence : ne promettons rien de plus jusqu’à ce que ce digneménestrel ait vu que nous sommes disposés à tenir nos promesses.Suivez-moi par ici, et je vous communiquerai en particulier desnouvelles qu’il vous est important de connaître. »

En parlant ainsi, il entraîna sir John hors ducachot, et envoyant chercher le vieux chevalier, sir Philippe deMontenay, sénéchal du château, il lui ordonna d’élargirsur-le-champ le ménestrel, de le bien traiter sous tous lesrapports, mais d’empêcher, quoique avec toute marque de respect,qu’il sortît du château sans être accompagné d’une personnesûre.

« Et maintenant, sir John, dit-il, il mesemble que vous êtes un peu malhonnête de ne pas m’offrir àdéjeûner, après la nuit que j’ai employée à vos affaires. Un verrede muscat ne serait pas, je crois, une mauvaise préparation pourconsidérer ensuite la marche à suivre dans ces conjoncturesdifficiles.

« Tu sais, répondit de Walton, que tupeux te faire servir tout ce que tu voudras, pourvu, toujours, quetu m’instruises sans perdre de temps de ce que tu sais encoretouchant la volonté de la belle contre qui nous avons tous péché sigravement, et moi, hélas ! sans espérance depardon ! »

« Croyez-moi, dit le chevalier deValence, j’espère que la belle ne me garde pas rancune, puisqu’ellea expressément déclaré ne pas m’en vouloir. Ses termes, vous levoyez, sont précis, et vous pouvez lire vous-même… « Ellepardonne volontiers au pauvre sir Aymer de Valence d’avoir commisune erreur dont elle-même a été la cause ; ce sera toujoursavec plaisir qu’elle le reverra comme ami ; de plus elle nesongera jamais à cette histoire de quelques jours que pour en rireet s’en amuser. » Tels sont expressément les termes dont elles’est servie. »

« Oui, répliqua sir John de Walton ;mais ne voyez-vous pas que son coupable amant est expressémentexclu de l’amnistie qu’elle accorde à l’offenseur moinscriminel ? Ne faites-vous aucune attention au dernierparagraphe ? » Il prit la lettre d’une main tremblante,et en lut la fin d’une voix agitée : « Tenez, le voici« Tout rapport doit désormais cesser entre lui et le prétenduAugustin. » Expliquez-moi comment ces mots pourraient avoir unautre sens que celui de ma condamnation et de la rupture d’un pactequi emporte destruction de toutes les espérances de sir John deWalton. »

« Vous êtes un peu plus âgé que moi, sirechevalier, répondit de Valence, et, je ne le nierai pas, beaucoupplus sage et plus expérimenté ; je soutiendrai néanmoins qu’iln’y a point lieu d’adopter l’interprétation que vous semblez vousêtre mise dans la tête par rapport à cette lettre, sans supposerpréalablement que la belle qui l’a écrite avait la tête un peudérangée… Voyons, ne tressaillez pas ; quittez cet air égaré,ne mettez pas la main sur votre épée : je n’affirme point quetel soit le cas. Je vous répète qu’aucune femme jouissant de saraison n’aurait pardonné à une connaissance ordinaire de s’êtrecomportée envers elle avec une impolitesse et une malhonnêteté quin’étaient pas dans son intention, durant le cours d’une certainemascarade, et en même temps rompu d’une manière définitive etirrévocable avec l’amant auquel sa foi était engagée, quoique sonerreur, en commettant aussi l’offense, n’ait été ni plus grossièreni plus prolongée que celle de l’individu indifférent à sonamour. »

« Ne blasphémez pas, dit sir John deWalton, et pardonnez-moi si, pour rendre justice à la vérité et àl’ange que je crains d’avoir à jamais perdu, je vous montre ladifférence qu’une fille pleine de dignité et de sentimens noblesdoit faire entre une offense commise par une personne ordinaire, etune autre offense précisément du même genre, dont se rend coupableun individu qui est tenu par la plus imméritée des préférences, parles plus généreux bienfaits et par toute chose qui puisse produirel’affection humaine, à songer et à réfléchir avant d’agir dansaucun cas où il est possible qu’elle soit intéressée. »

« Maintenant, sur mon honneur !répliqua sir Aymer de Valence, je suis charmé de vous entendreessayer du raisonnement, quoique ce ne soit qu’une manièredéraisonnable de raisonner pourtant, puisque vous avez pour but dedétruire vos espérances, d’anéantir toutes vos chances debonheur ; mais si, dans le cours de cette affaire, je me suisconduit à votre égard de manière à donner non seulement augouverneur, mais encore à l’ami, quelque motif de déplaisir, jeréparerai actuellement ma faute, sir John de Walton, en essayant devous convaincre, en dépit de votre mauvaise logique. Mais voicivenir le muscat et le déjeûner : prenez-vous quelque chose, oucontinuerons-nous sans nous exposer aux influences dumuscat ? »

« Pour l’amour du ciel, répliqua deWalton, fais comme tu voudras, pourvu que tu me dispenses de tonbabil, bien intentionné cependant. »

« Oh ! vous ne me ferez pas renoncerà ma vigoureuse argumentation, dit de Valence en riant et en seversant une coupe pleine de vin ; si vous avouez que vous êtesvaincu, je consentirai à attribuer cette victoire à la forceinspiratrice de cette joyeuse liqueur. »

– « Comme il te plaira ; maisfinis-en avec un argument que tu ne peux comprendre. »

– « Je nie cette inculpation,répliqua le jeune chevalier en s’essuyant les lèvres, après avoiravalé sa grande coupe ; écoutez donc, Walton-l’Intrépide, unchapitre de l’histoire des femmes, que vous ne connaissez pas aussibien que je le désirerais. Vous ne pourriez nier que, soit à tortsoit à raison, votre lady Augusta, se soit aventurée plus loin avecvous qu’il n’est ordinaire dans la mer des affections ; ellevous a hardiment choisi lorsque vous n’étiez encore connu d’elleque comme une fleur de la chevalerie anglaise… En vérité, je l’aimepour sa franchise… mais c’était un choix que les personnes plusfroides de son sexe prétendraient peut-être avoir le droitd’appeler téméraire et précipité. Voyons, ne vous offensez pas, jevous prie ; je suis loin de le penser ou de le dire ; aucontraire, je soutiendrai de ma lance, contre tous les favorisd’une cour, que son choix de sir John de Walton est sage etgénéreux, que sa conduite est pareillement franche et noble. Maiselle-même doit sans doute assez craindre d’injustes interprétationsde sa conduite ; crainte qui peut la porter vraisemblablementà saisir parfois une occasion de montrer à son amant une rigueurextraordinaire et inaccoutumée, pour balancer la franchise un peusingulière des encouragemens qu’elle a pu lui donner aucommencement de leurs relations. Même, il peut être aisé à un amantde prendre si bien parti contre lui-même, en raisonnant comme vousle faites, quand vous oubliez votre bon sens, qu’il peut devenirdifficile pour la femme d’échapper à un argument dont il a étélui-même assez fou pour augmenter la force ; et alors, commeune fille qu’on prend trop vite au mot lors d’un premier refus,elle ne pourra sans doute pas se conduire d’une manière qui soitd’accord avec ses propres sentimens, ni rétracter une sentencerendue avec le consentement de la partie dont elle détruit lesespérances. »

« Je t’ai écouté, de Valence, répliqua legouverneur du château de Douglas, et il ne m’est pas difficiled’admettre que ces tiens préceptes peuvent servir de charte à plusd’un cœur féminin, mais non à celui d’Augusta Berkely. Sur mavie ! je déclare que j’aimerais mieux être privé du mérite deces quelques exploits chevaleresques qui m’ont acquis, dis-tu, uneréputation enviable, qu’agir avec insolence en m’appuyant sur cesexploits, comme si je disais que ma place dans le cœur de cettedame m’est trop fermement assurée pour que je puisse en êtreexpulsé par le succès d’un homme plus digne, ou par ma premièreoffense envers l’objet de mon attachement. Non ; elle seuleaurait le pouvoir de me persuader qu’une bonté même égale à celled’un saint qui intercède auprès de Dieu me rendra dans sesaffections une place que j’y ai très indignement perdue, par unestupidité qui n’est comparable qu’à celle des brutes. »

« Si vous pensez ainsi, dit sir Aymer deValence, je n’ai plus qu’un mot à ajouter ; excusez-moi si jele prononce péremptoirement : la dame, comme vous dites etdites bien, doit être l’arbitre suprême dans cette question. Mesargumens ne vont pas jusqu’à insister pour que vous réclamiez samain, qu’elle y consente ou non ; mais, pour connaître sadécision, il faut que vous sachiez d’abord où elle est, ce dont jene puis malheureusement vous informer. »

« Comment ! que voulez-vousdire ! s’écria le gouverneur, qui alors seulement commença àcomprendre l’étendue de son malheur ; où s’est-elle enfuie, etavec qui ? »

« Elle s’est enfuie, que je sache,répondit de Valence, pour aller chercher un amant plus hardi quecelui qui est si disposé à interpréter tout air de froideur commeun coup mortel porté à ses espérances ; peut-êtrecherche-t-elle Douglas-le-Noir, ou quelque autre héros du Chardon,pour récompenser, avec ses terres, ses titres et sa beauté, cesvertus d’entreprise et ce courage dont John de Walton fut jadis cruêtre doué. Mais, sérieusement, il se passe autour de nous deschoses étranges. J’en ai vu assez la nuit dernière, en me rendant àSainte-Bride, pour devenir soupçonneux de tout le monde. Je vous aienvoyé comme captif le vieux Fossoyeur de l’église deDouglas : il a refusé de répondre à plusieurs questions quej’ai jugé convenable de lui adresser ; mais nous enreparlerons une autre fois. L’évasion de cette dame ajoute beaucoupaux dangers qui entourent ce fatal château. »

« Aymer de Valence, répliqua de Waltond’un ton solennel et animé, le château de Douglas sera défendu,comme nous y avons réussi jusqu’à présent, pour déployer sur sescréneaux la large bannière de Saint-George. Advienne de moi ce quevoudra le sort durant ma vie ; je mourrai l’amant fidèled’Augusta de Berkely, quand même je ne pourrais plus vivre comme lechevalier de son choix. Il y a des cloîtres et desermitages… »

« Oui, parbleu, il y en a, repartitAymer, et de plus des ceintures de chanvre et des chapelets dechêne ; mais il ne nous faut pas songer à tout cela avantd’avoir découvert où est lady Augusta, et quelles sont sesintentions dans cette affaire. »

« Vous dites bien, répliqua deWalton ; cherchons ensemble par quels moyens nous pourrons,s’il est possible, découvrir l’endroit d’une retraite tropprécipitée, par laquelle ma dame m’a fait injure, si elle supposaitque ses ordres n’eussent pas été religieusement obéis, dans le casoù elle en eût honoré le gouverneur du pays de Douglas, ou toutautre individu qui est sous son commandement. »

« À présent, reprit Valence, vous parlezcomme un vrai fils de la chevalerie. Avec votre permission, je vaisdemander qu’on nous fasse venir le ménestrel. Sa fidélité à samaîtresse a été remarquable, et dans l’état où sont les choses ilnous faut prendre tout de suite les mesures qui nous sontnécessaires pour trouver le lieu où elle s’est réfugiée. »

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