Le Petit Chose

Chapitre 5GAGNE TA VIE

SARLANDE est une petite ville des Cévennes,bâtie au fond d’une étroite vallée que la montagne enserre departout comme un grand mur. Quand le soleil y donne, c’est unefournaise ; quand la tramontane souffle, une glacière …

Le soir de mon arrivée, la tramontane faisaitrage depuis le matin ; et quoiqu’on fût au printemps, le petitChose, perché sur le haut de la diligence, sentit, en entrant dansla ville, le froid le saisir jusqu’au cœur.

Les rues étaient noires et désertes… Sur laplace d’armes, quelques personnes attendaient la voiture, en sepromenant de long en large devant le bureau mal éclairé.

À peine descendu de mon impériale, je me fisconduire au collège, sans perdre une minute. J’avais hâte d’entreren fonctions.

Le collège n’était pas loin de la place ;après m’avoir fait traverser deux ou trois larges ruessilencieuses, l’homme qui portait ma malle s’arrêta devant unegrande maison, où tout semblait mort depuis des années.

« C’est ici », dit-il, en soulevantl’énorme marteau de la porte…

Le marteau retomba lourdement, lourdement… laporte s’ouvrit d’elle-même… Nous entrâmes.

J’attendis un moment sous le porche, dansl’ombre. L’homme posa sa malle par terre, je le payai, et il s’enalla bien vite… Derrière lui, l’énorme porte se referma lourdement,lourdement… Bientôt après, un portier somnolent, tenant à la mainune grosse lanterne, s’approcha de moi.

«Vous êtes sans doute un nouveau ?» medit-il d’un air endormi.

Il me prenait pour un élève…

« Je ne suis pas un élève du tout. Jeviens ici comme maître d’étude ; conduisez-moi chez leprincipal… » Le portier parut surpris ; il souleva sacasquette et m’engagea à entrer une minute dans la loge. Pour lequart d’heure, M. le principal était à l’église, avec lesenfants. On me mènerait chez lui dès que la prière du soir seraitterminée, Dans la loge, on achevait de souper. Un grand beaugaillard à moustaches blondes dégustait un verre d’eau-de-vie auxcôtés d’une petite femme maigre, souffreteuse, jaune comme un coinget emmitouflée jusqu’aux oreilles dans un châle fané.

«Qu’est-ce donc, monsieur Cassagne ?demanda l’homme aux moustaches.

– C’est le nouveau maître d’étude, répondit leconcierge en me désignant… Monsieur est si petit que je l’avaisd’abord pris pour un élève.

– Le fait est, dit l’homme aux moustaches, enme regardant par-dessus son verre, que nous avons ici des élèvesplus grands et même plus âgés que monsieur… Veillon l’aîné, parexemple.

– Et Crouzat, ajouta le concierge.

– Et Soubeyrol… », fit la femme.

Là-dessus, ils se mirent à parler entre eux àvoix basse le nez dans leur vilaine eau-de-vie et me dévisageant ducoin de l’œil… Au-dehors on entendait la tramontane qui ronflait etles voix criardes des élèves récitant les litanies à lachapelle.

Tout à coup une cloche sonna ; un grandbruit de pas se fit dans les vestibules.

« La prière est finie, me ditM. Cassagne en se levant ; montons chez leprincipal. » Il prit sa lanterne, et je le suivis.

Le collège me sembla immense… D’interminablescorridors, de grands porches, de larges escaliers avec des rampesde fer ouvragé…, tout cela vieux, noir, enfumé… Le portier m’appritqu’avant 89 la maison était une école de marine, et qu’elle avaitcompté jusqu’à huit cents élèves, tous de la plus grandenoblesse.

Comme il achevait de me donner ces précieuxrenseignements, nous arrivions devant le cabinet du principal…M. Cassagne poussa doucement une double porte matelassée, etfrappa deux fois contre la boiserie.

Une voix répondit :« Entrez ! » Nous entrâmes.

C’était un cabinet de travail très vaste, àtapisserie verte. Tout au fond, devant une longue table, leprincipal écrivait à la lueur pâle d’une lampe dont l’abat-jourétait complètement baissé.

« Monsieur le principal, dit le portieren me poussant devant lui, voilà le nouveau maître qui vient pourremplacer M. Serrières.

– C’est bien », fit le principal sans sedéranger.

Le portier s’inclina et sortit. Je restaidebout au milieu de la pièce, en tortillant mon chapeau entre mesdoigts.

Quand il eut fini d’écrire, le principal setourna vers moi, et je pus examiner à mon aise sa petite facepâlotte et sèche, éclairée par deux yeux froids, sans couleur. Lui,de son côté, releva, pour mieux me voir, l’abat-jour de la lampe etaccrocha un lorgnon à son nez.

« Mais c’est un enfant !s’écria-t-il en bondissant sur son fauteuil. Que veut-on que jefasse d’un enfant !» Pour le coup le petit Chose eut une peurterrible ; il se voyait déjà dans la rue, sans ressources… Ileut à peine la force de balbutier deux ou trois mots et de remettreau principal la lettre d’introduction qu’il avait pour lui. Leprincipal prit la lettre, la lut, la relut, la plia, la déplia, larelut encore, puis il finit par me dire que, grâce à larecommandation toute particulière du recteur et à l’honorabilité dema famille ; il consentait à me prendre chez lui, bien que magrande jeunesse lui fît peur. Il entama ensuite de longuesdéclamations sur la gravité de mes nouveaux devoirs ; mais jene l’écoutais plus. Pour moi, l’essentiel était qu’on ne merenvoyât pas ; j’étais heureux, follement heureux. J’auraisvoulu que M. le principal eût mille mains et les lui embrassertoutes.

Un formidable bruit de ferraille m’arrêta dansmes effusions. Je me retournai vivement et me trouvai en face d’unlong personnage, à favoris rouges, qui venait d’entrer dans lecabinet sans qu’on J’eût entendu : c’était le surveillantgénéral.

Sa tête penchée sur l’épaule, à l’Ecce homo,il me regardait avec le plus doux des sourires, en secouant untrousseau de clefs de toutes dimensions, suspendu à son index. Lesourire m’aurait prévenu en sa faveur, mais les clefs grinçaientavec un bruit terrible – frinc ! frinc ! frinc ! –qui me fit peur.

« Monsieur Viot, dit le principal, voicile remplaçant de M. Serrières qui nous arrive. »

M. Viot s’inclina et me sourit le plusdoucement du monde. Ses clefs, au contraire, s’agitèrent d’un airironique et méchant comme pour dire : «Ce petit homme-làremplacer M. Serrières ! allons donc ! allonsdonc ! » Le principal comprit aussi bien que moi ce queles clefs venaient de dire, et ajouta avec un soupir :

« Je sais qu’en perdantM. Serrières, nous faisons une perte presque irréparable (iciles clefs poussèrent un véritable sanglot…) : mais je suis sûrque si M. Viot veut bien prendre le nouveau maître sous satutelle spéciale, et lui inculquer ses précieuses idées surl’enseignement, l’ordre et la discipline de la maison n’auront pastrop à souffrir du départ de M. Serrières.

Toujours souriant et doux, M. Viotrépondit que sa bienveillance m’était acquise et qu’il m’aideraitvolontiers de ses conseils ; mais les clefs n’étaient pasbienveillantes, elles. Il fallait les entendre s’agiter et grinceravec frénésie ; « Si tu bouges, petit drôle, gare àtoi. » «Monsieur Eyssette, conclut le principal, vous pouvezvous retirer. Pour ce soir encore, il faudra que vous couchiez àl’hôtel… Soyez ici demain à huit heures… Allez… » Et il mecongédia d’un geste digne.

M. Viot, plus souriant et plus doux quejamais, m’accompagna jusqu’à la porte ; mais, avant de mequitter, il me glissa dans la main un petit cahier.

« C’est le règlement de la maison, medit-il. Lisez et méditez… ».

Puis il ouvrit la porte et la referma sur moi,en agitant ses clefs d’une façon… frinc ! frinc !frinc ! Ces messieurs avaient oublié de m’éclairer… J’errai unmoment parmi les grands corridors tout noirs, tâtant les murs pouressayer de retrouver mon chemin. De loin en loin, un peu de luneentrait par le grillage d’une fenêtre haute et m’aidait àm’orienter. Tout à coup, dans la nuit des galeries, un pointlumineux brilla, venant à ma rencontre… Je fis encore quelquespas ; la lumière grandit, s’approcha de moi, passa à mescôtés, s’éloigna, disparut. Ce fut. comme une vision ; mais,si rapide qu’elle eût été, je pus en saisir les moindresdétails.

Figurez-vous deux femmes, non, deuxombres…

L’une vieille, ridée, ratatinée, pliée endeux, avec d’énormes lunettes qui lui cachaient la moitié duvisage ; l’autre, jeune, svelte, un peu grêle comme tous lesfantômes, mais ayant – ce que les fantômes n’ont pas en général –une paire d’yeux, très grands et si noirs, si noirs… La vieilletenait à la main une petite lampe de cuivre ; les yeux noirs,eux, ne portaient rien… Les deux ombres passèrent près de moi,rapides, silencieuses, sans me voir, et depuis longtemps ellesavaient disparu que j’étais encore debout, à la même place, sousune double impression de charme et de terreur, Je repris ma route àtâtons, mais le cœur me battait bien fort, et j’avais toujoursdevant moi, dans l’ombre, l’horrible fée aux lunettes marchant àcôté des yeux noirs…

Il s’agissait cependant de découvrir uni gîtepour la nuit ; ce n’était pas une mince affaire. Heureusement,l’homme aux moustaches, que je trouvai fumant sa pipe devant laloge du portier, se mit tout de suite à ma disposition et meproposa de me conduire dans un bon petit hôtel point trop cher, oùje serais servi comme un prince. Vous pensez si j’acceptai de boncœur.

Cet homme à moustaches avait l’air très bonenfant ; chemin faisant, j’appris qu’il s’appelait Roger,qu’il était professeur de danse, d’équitation, d’escrime et degymnastique au collège de Sarlande, et qu’il avait servi longtempsdans les chasseurs d’Afrique. Ceci acheva de me le rendresympathique.

Les enfants sont toujours portés à aimer lessoldats.

Nous nous séparâmes à la porte de l’hôtel avecforce poignées de main, et la promesse formelle de devenir unepaire d’amis.

Et maintenant, lecteur, un aveu me reste à tefaire.

Quand le petit Chose se trouva seul dans cettechambre froide, devant ce lit d’auberge inconnu et banal, loin deceux qu’il aimait, son cœur éclata, et ce grand philosophe pleuracomme un enfant. La vie l’épouvantait à présent ; il sesentait faible et désarmé devant elle, et il pleurait, il pleurait…Tout à coup, au milieu de ses larmes, l’image des siens passadevant ses yeux ; il vit la maison déserte, la familledispersée, la mère ici, le père là-bas… Plus de toit ! plus defoyer ! et alors, oubliant sa propre détresse pour ne songerqu’à la misère commune, le petit Chose prit une grande et bellerésolution : celle de reconstituer la maison Eyssette et dereconstruire le foyer à lui tout seul. Puis, fier d’avoir trouvé cenoble but à sa vie, il essuya ces larmes indignes d’un homme, d’unreconstructeur de foyer, et sans perdre une minute, entama lalecture du règlement de M. Viot, pour se mettre au courant deses nouveaux devoirs.

Ce règlement, recopié avec amour de la propremain de M. Viot, son auteur, était un véritable traité, diviséméthodiquement en trois parties ! 1° Devoirs du maître d’étudeenvers ses supérieurs ; 2° Devoirs du maître d’étude enversses collègues ; 3° Devoirs du maître d’étude envers lesélèves.

Tous les cas y étaient prévus, depuis lecarreau brisé jusqu’aux deux mains qui se lèvent en même temps àl’étude ; tous les détails de la vie des maîtres y étaientconsignés, depuis le chiffre de leurs appointements jusqu’à lademi-bouteille de vin à laquelle ils avaient droit à chaquerepas.

Le règlement se terminait par une belle pièced’éloquence, un discours sur l’utilité du règlement lui-même ;mais, malgré son respect pour l’œuvre de M. Viot, le petitChose n’eut pas la force d’aller jusqu’au bout, et – juste au plusbeau passage du discours – il s’endormit…

Cette nuit-là, je dormis mal. Mille rêvesfantastiques troublèrent mon sommeil… Tantôt, c’était les terriblesclefs de M. Viot que je croyais entendre, frinc !frinc ! frinc ! ou bien la fée aux lunettes qui venaits’asseoir à mon chevet et qui me réveillait en sursaut ;d’autres fois aussi les yeux noirs – oh ! comme ils étaientnoirs ! – s’installaient au pied de mon lit, me regardant avecune étrange obstination…

Le lendemain, à huit heures, j’arrivai aucollège.

M. Viot, debout sur la porte, sontrousseau de clefs à la main, surveillait l’entrée des externes. Ilm’accueillit avec son plus doux sourire.

« Attendez sous le porche, me dit-il,quand les élèves seront rentrés, je vous présenterai à voscollègues. » J’attendis sous le porche, me promenant de longen large, saluant jusqu’à terre MM. les professeurs quiaccouraient, essoufflés. Un seul de ces messieurs me rendit monsalut ; c’était un prêtre, le professeur de philosophie,« un original » me dit M. Viot… Je l’aimai tout desuite, cet original-là.

La cloche sonna. Les classes se remplirent…Quatre ou cinq grands garçons de vingt-cinq à trente ans, malvêtus, figures communes, arrivèrent en gambadant et s’arrêtèrentinterdits à l’aspect de M. Viot.

« Messieurs, leur dit le surveillantgénéral en me désignant, voici M. Daniel Eyssette, votrenouveau collègue. » Ayant dit, il fit une longue révérence etse retira, toujours souriant, toujours la tête sur l’épaule, ettoujours agitant les horribles clefs.

Mes collègues et moi nous nous regardâmes unmoment en silence.

Le plus grand et le plus gros d’entre eux pritle premier la parole : c’était M. Serrières, le fameuxSerrières, que j’allais remplacer.

« Parbleu ! s’écria-t-il d’un tonjoyeux, c’est bien le cas de dire que les maîtres se suivent, maisne se ressemblent pas. » Ceci était une allusion à laprodigieuse différence de taille qui existait entre nous. Où en ritbeaucoup, beaucoup, moi le premier ; mais je vous assure qu’àce moment-là, le petit Chose aurait volontiers vendu son âme audiable pour avoir seulement quelques pouces de plus.

« Ça ne fait rien, ajouta le grosSerrières en me tendant la main ; quoiqu’on ne soit pas bâtipour passer sous la même toise, on peut tout de même vider quelquesflacons ensemble. Venez avec nous, collègue…, je paie un punchd’adieu au café Barbette ; je veux que vous en soyez…, on feraconnaissance en trinquant. » Sans me laisser le temps derépondre, il prit mon bras sous le sien et m’entraîna dehors.

Le café Barbette, où mes nouveaux collègues memenèrent, était situé sur la place d’armes. Les sous-officiers dela garnison le fréquentaient, et ce qui frappait en y entrant,c’était la quantité de shakos et de ceinturons pendus auxpatères…

Ce jour-là, le départ de Serrières et sonpunch d’adieu avaient attiré le ban et l’arrière-ban des habitués…Les sous-officiers auxquels Serrières me présenta en arrivant,m’accueillirent avec beaucoup de cordialité. À vrai dire, pourtant,l’arrivée du petit Chose ne fit pas grande sensation, et je fusbien vite oublié, dans le coin de la salle où je m’étais réfugiétimidement… Pendant que les verres se remplissaient, le grosSerrières vint s’asseoir à côté de moi ; il avait quitté saredingote et tenait aux dents une longue pipe de terre sur laquelleson nom était en lettres de porcelaine. Tous les maîtres d’étudeavaient, au café Barbette, une pipe comme cela.

« Eh bien, collègue, me dit le grosSerrières, vous voyez qu’il y a encore de bons moments dans lemétier… En somme, vous êtes bien tombé en venant à Sarlande pourvotre début. D’abord l’absinthe du café Barbette est excellente etpuis, là-bas, à la boîte, vous ne serez pas trop mal. » Laboîte, c’était le collège.

«Vous allez avoir l’étude des petits, desgamins qu’on mène à la baguette. Il faut voir comme je les aidressés ! Le principal n’est pas méchant ; les collèguessont de bons garçons : il n’y a que la vieille et le pèreViot…

– Quelle vieille ? demandai-je entressaillant.

– Oh ! vous la connaîtrez bientôt. Àtoute heure du jour et de la nuit, on la rencontre rôdant par lecollège, avec une énorme paire de lunettes… C’est une tante duprincipal, et elle remplit ici les fonctions d’économe. Ah !la coquine ! si nous ne mourons pas de faim, ce n’est pas desa faute.» Au signalement que me donnait Serrières, j’avais reconnula fée aux lunettes et malgré moi je me sentais rougir. Dix fois,je fus sur le point d’interrompre mon collège et de luidemander : « Et les yeux noirs ?» Mais je n’osaipas. Parler des yeux noirs au café Barbette ! ‘.

En attendant, le punch circulait, les verresvides s’emplissaient, les verres remplis se vidaient ; c’étaitdes toasts, des oh ! oh ! des ah ! ah ! desqueues de billard en !.’air, des bousculades, de gros rires,des calembours, des confidences…

Peu à peu, le petit Chose se sentit moinstimide. Il avait quitté son encoignure et se promenait par le café,parlant haut, le verre à la main.

À cette heure, les sous-officiers étaient sesamis ; il raconta effrontément à l’un d’eux qu’il appartenaità une famille très riche et qu’à la suite de quelques folies dejeune homme, on l’avait chassé de la maison paternelle ; ils’était fait maître d’étude pour vivre mais il ne pensait pasrester au collège longtemps…

Vous comprenez, avec une famille tellementriche !…

Ah ! si ceux de Lyon avaient pul’entendre à ce moment-là.

Ce que c’est que de nous, pourtant !Quand on sut au café Barbette, que j’étais un fils de famille enrupture de ban, un polisson, un mauvais drôle, et non point, commeon aurait pu le croire, un pauvre garçon condamné par la misère àla pédagogie, tout le monde me regarda d’un meilleur œil. Les plusanciens sous-officiers ne dédaignèrent pas de m’adresser laparole ; on alla même plus loin : au moment de partir,Roger, le maître d’armes, mon ami de la veille, se leva et porta untoast à Daniel Eyssette. Vous pensez si le petit Chose fut fier. Letoast à Daniel Eyssette donna le signal du départ. Il était dixheures moins le quart, c’est-à-dire l’heure de retourner aucollège.

L’homme aux clefs nous attendait sur laporte.

«Monsieur Serrières, dit-il à mon groscollègue que le punch d’adieu faisait trébucher, vous allez, pourla dernière fois, conduire vos élèves à l’étude ; dès qu’ilsseront entrés, M. le principal et moi nous viendrons installerle nouveau maître. » En effet, quelques minutes après, leprincipal M. Viot et le nouveau maître faisaient leur entréesolennelle à l’étude.

Tout le monde se leva.

Le principal me présenta aux élèves en undiscours un peu long, mais plein de dignité ; puis il seretira suivi du gros Serrières que le punch d’adieu tourmentait deplus en plus. M. Viot resta le dernier. Il ne prononça pas dediscours, mais ses clefs, frinc ! frinc ! frinc !parlèrent pour lui d’une façon si terrible, frinc !frinc ! frinc ! si menaçante, que toutes les têtes secachèrent sous les couvercles des pupitres et que le nouveau maîtrelui-même n’était pas rassuré.

Aussitôt que les terribles clefs furentdehors, un tas de figures malicieuses sortirent de derrière lespupitres ; toutes les barbes de plumes se portèrent auxlèvres, tous ces petits yeux brillants, moqueurs, effarés, sefixèrent sur moi, tandis qu’un long chuchotement courait de tableen table.

Un peu troublé, je gravis lentement les degrésde ma chaire ; j’essayai de promener un regard féroce autourde moi, puis, enflant ma voix, je criai entre deux grands coupssecs frappés sur la table :

«Travaillons, messieurs, travaillons !»C’est ainsi que le petit Chose commença sa première étude.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer