Les Mystères du peuple – Tome I

Chapitre 1

 

Les Gaulois il y a dix-neuf cents ans.– JOEL, le laboureur, chef (oubrenn) de la tribu de Karnak. –GUILHERN, fils de Joel. – Rencontre qu’ils font d’unvoyageur. – Étrange façon d’offrir l’hospitalité. – Joel, étantaussi causeur que le voyageur l’est peu, parle avec complaisance deson fameux étalon, TOM-BRAS, et de son fameuxdogue de guerre, DEBER-TRUD, le mangeurd’hommes. – Ces confidences ne rendant pas le voyageurplus communicatif, le bon Joel parle non moins complaisamment deses trois fils, GUILHERN, le laboureur,MIKAËL, l’armurier, et ALBINICK, le marin,ainsi que de sa fille HÊNA, la vierge de l’île deSên. – Au nom d’Hêna, la langue duvoyageur se délie. – On arrive à la maison de Joel.

 

Celui qui écrit ceci se nomme JOEL, lebrenn de la tribu de Kanak ; il est fils deMarik, qui était fils de Kirio, fils deTiras, fils de Gomer, fils de Vorr, filsde Glenan, fils d’Erer, fils de Roderik,choisi pour être chef de l’armée gauloise qui, il y a deux centsoixante-dix-sept ans, fit payer rançon à Rome.

Joel (pourquoi ne le dirait-il pas ?)craignait les dieux, avait le cœur droit, le courage ferme etl’esprit joyeux ; il aimait à rire, à conter, et surtout àentendre raconter, en vrai Gaulois qu’il était.

Au temps où vivait César[31](que son nom soit maudit), Joel demeurait à deux lieuesd’Alrè[32], non loin de la mer et de l’île deRoswallan, près la lisière de la forêt de Karnak, la plus célèbreforêt de la Gaule bretonne.

Un soir, le soir du jour qui précédait celuioù Hêna, sa fille… sa fille bien aimée lui était née… il yavait dix-huit ans de cela… Joel et son fils aîné, Guilhern, à latombée du jour, retournaient à leur maison, dans un chariot traînépar quatre de ces jolis petits bœufs bretons dont les cornes sontmoins grandes que les oreilles. Joel et son fils venaient de porterde la marne dans leurs terres, ainsi que cela se fait à lasaison d’automne, afin que les champs soient marnés pourles semailles de printemps. Le chariot gravissait péniblement lacôte de Craig’h, à un endroit où le chemin très-montueuxest resserré entre de grandes roches, et d’où l’on aperçoit au loinla mer, et plus loin encore l’île de Sen, île mystérieuseet sacrée.

– Mon père, – dit Guilhern à Joel, –voyez donc là-bas, au sommet de la côte, ce cavalier qui accourtvers nous… Malgré la raideur de la descente, il a lancé son chevalau galop.

– Aussi vrai que le bonElldud[33] a inventé la charrue, cet homme vase casser le cou.

– Où peut-il aller ainsi, père ? Lesoleil se couche ; il fait grand vent, le temps est à l’orage,et ce chemin ne mène qu’aux grèves désertes…

– Mon fils, cet homme n’est pas de laGaule bretonne ; il porte un bonnet de fourrure, une casaquepoilue, et ses jambes sont enveloppées de peaux tannées assujétiesavec des bandelettes rouges.

À sa droite pend une courte hache, à sa gaucheun long couteau dans sa gaîne.

– Son grand cheval noir ne bronche pasdans cette descente… Mais où va-t-il ainsi ?

– Mon père, cet homme est sans douteégaré ?

– Ah ! mon fils, – queTeutâtès t’entende[34] !…Nous offririons l’hospitalité à ce cavalier ; son costumeannonce qu’il est étranger… Quels beaux récits il nous ferait surson pays et sur ses voyages !…

– Que le divin Ogmi[35], dont la parole enchaîne les hommes pardes liens d’or, nous soit favorable, père ! Depuis silongtemps un étranger conteur ne s’est assis à notrefoyer !

– Et nous n’avons aucune nouvelle de cequi se passe dans le reste de la Gaule.

– Malheureusement !

– Ah ! mon fils ! si j’étaistout-puissant comme Hésus[36],j’aurais chaque soir un nouveau conteur à mon souper.

– Moi, j’enverrais des hommes partoutvoyager, afin qu’ils revinssent me réciter leurs aventures.

– Et si j’avais le pouvoird’Hésus, quelles aventures surprenantes je leurménagerais, à mes voyageurs, pour doubler l’intérêt de leurs récitsau retour !…

– Mon père ! mon père ! voicile cavalier près de nous.

– Oui… il arrête son cheval, car la routeest étroite, et nous lui barrons le passage avec notre chariot…Allons, Guilhern, le moment est propice ; ce voyageur doitêtre nécessairement égaré, offrons-lui l’hospitalité pour cettenuit… nous le garderons demain, et peut-être plusieurs joursencore… Nous aurons fait une chose bonne, et il nous donnera desnouvelles de la Gaule et des pays qu’il peut avoir parcourus.

– Et ce sera aussi une grande joie pourma sœur Hêna, qui vient demain à la maison pour la fête de sanaissance.

– Ah ! Guilhern ! je n’avaispas songé au plaisir qu’aurait ma fille chérie à écouter cetétranger… Il faut absolument qu’il soit notre hôte !

– Et il le sera, père !… Oh !il le sera… – reprit Guilhern d’un air très-déterminé.

Joel, étant alors, de même que son fils,descendu de son chariot, s’avança vers le cavalier. Tous deux, enle voyant de près, furent frappés de ses traits majestueux. Rien deplus fier que son regard, de plus mâle que sa figure, de plus digneque son maintien ; sur son front et sur sa joue gauche, onvoyait la trace de deux blessures à peine cicatrisées. À son airvaleureux, on l’eût pris pour un de ces chefs que les tribuschoisissent pour les commander en temps de guerre. Joel et son filsn’en furent que plus désireux de le voir accepter leurhospitalité.

– Ami voyageur, lui dit Joel, – la nuitvient ; tu t’es égaré, ce chemin ne mène qu’à des grèvesdésertes ; la marée va bientôt les couvrir, car le ventsouffle très-fort… continuer ta route par la nuit qui s’annonce,serait très-périlleux ; viens donc dans ma maison :demain tu continueras ton voyage.

– Je ne suis point égaré ; je saisoù je vais, je suis pressé ; range tes bœufs, fais-moipassage, – répondit brusquement le cavalier, dont le front étaitbaigné de sueur à cause de la précipitation de sa course. Par sonaccent il paraissait appartenir à la Gaule du centre, vers laLoire. Après avoir ainsi parlé à Joel, il donna deux coups de talonà son grand cheval noir pour s’approcher davantage des bœufs duchariot, qui, s’étant un peu détournés, barraient absolument lepassage.

– Ami voyageur, tu ne m’as donc pasentendu ? – reprit Joel. – Je t’ai dit que ce chemin ne menaitqu’à la grève… que la nuit venait, et que je t’offrais mamaison.

Mais l’étranger, commençant à se mettre encolère, s’écria :

– Je n’ai pas besoin de ton hospitalité…range tes bœufs… Tu vois qu’à cause des rochers je ne peux passerni d’un côté ni de l’autre… Allons, vite, je suis pressé…

– Ami, – dit Joel, – tu es étranger, jesuis du pays : mon devoir est de t’empêcher de t’égarer… Jeferai mon devoir…

– Par Ritha-Gaür ! quis’est fait une saie[37] avec labarbe des rois qu’il a rasés[38] ! –s’écria l’inconnu de plus en plus courroucé, – depuis que la barbem’a poussé, j’ai beaucoup voyagé, beaucoup vu de pays, beaucoup vud’hommes, beaucoup vu de choses surprenantes… mais jamais je n’airencontré de fous aussi fous que ces deux fous-là !

Joel et son fils, qui aimaient passionnément àentendre raconter, apprenant par l’étranger lui-même qu’il avait vubeaucoup de pays, beaucoup d’hommes, beaucoup de chosessurprenantes, conclurent de là qu’il devait avoir de charmants etnombreux récits à faire, et se sentirent un très-violent désird’avoir pour hôte un tel récitateur. Aussi, Joel, loin de dérangerson chariot, s’avança tout auprès du cavalier, et lui dit de savoix la plus douce, quoique naturellement il l’euttrès-rude :

– Ami, tu n’iras pas plus loin ! Jeveux me rendre très-aimable aux dieux, et surtout àTeutâtès, le dieu des voyageurs, en t’empêchant det’égarer, et en te faisant passer une bonne nuit sous un bon toit,au lieu de te laisser errer sur la grève, où tu risquerais d’êtrenoyé par la marée montante.

– Prends garde… – reprit l’inconnu enportant la main à la hache suspendue à son côté. – Prendsgarde !… Si à l’instant tu ne ranges pas tes bœufs, j’en faisun sacrifice aux dieux, et je t’ajoute à l’offrande !…

– Les dieux ne peuvent que protéger unfervent tel que toi, – répondit Joel, qui en souriant avait échangéquelques mots à voix basse avec son fils ; – aussi les dieuxt’empêcheront-ils de passer la nuit sur la grève… Tu vas voir…

Et Joel, ainsi que son fils, se précipitant àl’improviste sur le voyageur, le prirent chacun par une jambe, et,comme ils étaient tous deux extrêmement grands et robustes, ils lesoulevèrent comme debout au-dessus de la selle de son cheval,auquel ils donnèrent un coup de genou dans le ventre, de sortequ’il se porta en avant, et que Joel et Guilhern n’eurent plus qu’àdéposer par terre, et avec beaucoup de respect, le cavalier sur sespieds. Mais celui-ci, dont la rage était au comble, ayant voulurésister et tirer son couteau, Joel et Guilhern le continrent,prirent une grosse corde dans leur chariot, lièrent solidement,mais avec grande douceur et amitié, les mains et les jambes del’inconnu, et, malgré ses furieux efforts, le rendant ainsiincapable de bouger, le placèrent au fond du chariot, toujours avecbeaucoup de respect et d’amitié, car la mâle dignité de sa figureles frappait de plus en plus[39].

Alors Guilhern monta le cheval du voyageur, etsuivit le chariot que conduisait Joel, hâtant de son aiguillon lamarche de ses bœufs, car le vent soufflait de plus en plusfort ; on entendait la mer se briser à grand bruit sur lesrochers de la côte ; quelques éclairs brillaient à travers lesnuages noirs, tout enfin annonçait une nuit d’orage.

Et cependant, malgré cette nuit menaçante,l’inconnu ne semblait point reconnaissant de l’hospitalité que Joelet son fils s’empressaient de lui offrir. Couché au fond duchariot, il était pâle de rage ; tantôt il grinçait des dents,tantôt il soufflait comme quelqu’un qui a fort chaud ; mais,concentrant son courroux en lui-même, il ne disait mot. Joel (ildoit l’avouer) aimait beaucoup à entendre raconter ; mais ilaimait aussi beaucoup à parler. Aussi dit-il àl’étranger :

– Mon hôte, car tu l’es maintenant, jeremercie Teutâtès, le dieu des voyageurs, de m’avoirenvoyé un hôte… Il faut que tu saches qui je suis ; oui jedois te dire qui je suis, puisque tu vas t’asseoir à mon foyer.

Et quoique le voyageur fît un mouvement decolère, semblant signifier qu’il lui était indifférent de savoirquel était Joel, celui-ci continua néanmoins :

– Je me nomme Joel… je suis filsde Marick, qui était fils de Kirio…Kirio était fils de Tiras… Tiras étaitfils de Gomer… Gomer était fils de Vorr…Vorr était fils de Glenan… Glenan, filsd’Erer, qui était le fils de Roderik, choisi pourêtre le BRENN[40] de l’armée gauloise confédérée, quifit, il y a deux cent soixante-dix-sept ans, payer rançon à Romepour punir les Romains de leur traîtrise. J’ai été nommébrenn de ma tribu, qui est la tribu de Karnak. De père enfils nous sommes laboureurs, nous cultivons nos champs de notremieux, et selon l’exemple donné par COLL[41] à nosaïeux… Nous semons plus de froment et d’orge que de seigle etd’avoine.

L’étranger paraissait toujours plus colère quesoucieux de ces détails ; cependant Joel continua de lasorte :

– Il y a trente-deux ans, j’ai épouséMargarid, fille de Dorlenn ; j’ai eu d’elleune fille et trois garçons : l’aîné, qui est là derrière nous,conduisant ton bon cheval noir, ami hôte… l’aîné se nommeGuilhern ; il m’aide, ainsi que plusieurs de nos parents, àcultiver nos champs… J’élève beaucoup de moutons noirs, quipaissent dans nos landes, ainsi que des porcs à demi sauvages,méchants comme des loups [42], et quine couchent jamais sous un toit… Nous avons quelques bonnesprairies dans la vallée d’Alrè… J’élève aussi des chevaux,fils de mon fier étalon Tom-Bras, (ardent). Mon filsGuilhern s’amuse, lui, à élever des chiens pour la chasse et pourla guerre : ceux de chasse sont issus de la race d’un limiernommé Tyntammar ; ceux de guerre[43]sont fils de mon grand dogue Deber-Trud (le mangeurd’hommes). Nos chevaux et nos chiens sont si renommés, que de plusde vingt lieues d’ici on vient nous en acheter. Tu vois, mon hôte,que tu pouvais tomber en pire maison.

L’étranger poussa comme un grand soupir decolère étouffée, mordit ce qu’il put mordre de ses longuesmoustaches blondes, et leva les yeux vers le ciel.

Joel continua en aiguillonnant sesbœufs :

– Mikaël, mon second fils, estarmurier à quatre lieues d’ici, à Alrè… Il ne fabrique passeulement des armes de guerre, mais aussi des coutres de charrue,de grandes faux gauloises[44] et deshaches très-estimées, car il tire son fer des montagnes d’Arrès… Cen’est point tout, ami voyageur… non, ce n’est point tout… Mikaëlfait autre chose encore… Avant de s’établir à Alrè, il est allé àBourges travailler chez un de nos parents, qui descend dupremier artisan qui ait eu l’invention d’appliquer l’étain sur lefer et sur le cuivre[45], étamageoù excellent maintenant les artisans de Bourges… Aussi, mon filsMikaël est-il revenu digne de ses maîtres… Ah ! si tu lesvoyais, tu les croirais d’argent, ces mors de chevaux ! cesornements de chariot, et ces superbes casques de guerre, quefabrique Mikaël ! ! ! Il a terminé dernièrement uncasque dont le cimier représente une tête d’élan avec ses cornes…rien de plus magnifique et de plus redoutable !…

– Ah ! – murmura l’étranger entreses dents, – que l’on a bien raison de dire : L’épée duGaulois ne tue qu’une fois, sa langue vous massacre sanscesse !…

– Ami hôte, – reprit Joel, – jusqu’ici jen’ai aucune louange à donner à ta langue, aussi muette que celled’un poisson ; mais j’attendrai ton loisir, afin que tu medises, à ton tour, qui tu es, d’où tu viens, où tu vas, ce que tuas vu dans tes voyages, quels hommes surprenants tu as rencontrés,puis ce qui se passe enfin à cette heure dans les autres contréesde la Gaule que tu viens de traverser, sans doute ? Enattendant tes récits, je vais terminer de t’instruire sur moi etsur ma famille.

À cette menace, l’étranger se raidit de tousses membres, comme s’il eût voulu rompre ses liens ; mais ilne put y parvenir : la corde était solide, et Joel, ainsi queson fils, faisaient très-bien les nœuds.

– Je ne t’ai point encore parlé de montroisième fils, Albinik le marin, – continua Joel ; –il trafique avec l’île de la Grande-Bretagne, ainsi que sur toutela côte de la Gaule, et va jusqu’en Espagne porter des vins deGascogne et des salaisons d’Aquitaine… Malheureusement il est enmer depuis assez longtemps avec sa gentille femme Meroë ;aussi tu ne les verras pas ce soir dans ma maison… Je t’ai ditqu’en outre de mes trois fils j’avais une fille… celle-là,oh ! celle-là, vois-tu !… – ajouta Joel d’un air glorieuxet attendri, – c’est la perle de la famille !… Ce n’est pointmoi seul qui dis cela, c’est ma femme, ce sont mes fils, ce sonttous nos parents, c’est toute ma tribu ; car il n’y a qu’unevoix pour chanter les louanges d’Hêna, fille de Joel…d’Hêna, l’une des neuf vierges de l’île de Sên.

– Que dis-tu ? – s’écria le voyageuren se dressant soudain sur son séant, seul mouvement qui lui fûtpermis, parce qu’il avait les jambes liées et les mains attachéesderrière le dos. – Que dis-tu ? ta fille ? une des neufvierges de l’île de Sên ?…

– Cela paraît te surprendre beaucoup, ett’adoucir un peu, ami hôte ?…

– Ta fille, – reprit l’étranger, commes’il ne pouvait croire à ce qu’il entendait, – ta fille… une desneuf druidesses de l’île de Sên[46] ?…

– Aussi vrai qu’il y a demain dix-huitannées qu’elle est née ; car nous nous apprêtons à fêter sanaissance, et tu pourras être de la fête. L’hôte, assis à notrefoyer, est de notre famille… Tu verras ma fille ; elle est laplus belle, la plus douce, la plus savante de ses compagnes, sanspour cela médire d’aucune d’elles.

– Allons, – reprit moins brusquementl’inconnu, – je te pardonne la violence que tu m’as faite.

– Violence hospitalière, ami.

– Hospitalière ou non, tu m’as empêchépar la force de me rendre à l’anse d’Érer, où une barquem’attendait jusqu’au coucher du soleil pour me conduire à l’île deSên.

À ces mots Joel se mit à rire.

– De quoi ris-tu ? – lui demandal’étranger.

– Si tu me disais qu’une barque ayant unetête de chien, des ailes d’oiseau et une queue de poisson, t’attendpour te conduire dans le soleil, je rirais de même de tesparoles.

– Je ne te comprends pas.

– Tu es mon hôte ; je net’injurierai point en te disant que tu mens. Mais je tedirai : Ami, tu plaisantes en parlant de cette barque qui tedoit conduire à l’île de Sên. Jamais homme… excepté le plus anciendes druides… n’a mis, ne met et ne mettra le pied dans l’île deSên…

– Et quand tu vas y voir tafille ?

– Je n’entre pas dans l’île ; jetouche à l’îlot de Kellor. Là j’attends ma fille Hêna, qui vient mejoindre.

– Ami Joel, – dit le voyageur, – tu asvoulu que je fusse ton hôte ; je le suis, et, comme tel, je tedemande un service. Conduis-moi demain, dans ta barque, à l’îlot deKellor.

– Tu ne sais donc pas que desEwagh’s[47] veillentla nuit et le jour ?

– Je le sais ; c’est l’un d’eux quidevait ce soir venir me chercher, à l’anse d’Érer, pour me conduireauprès de Talyessin, le plus ancien des druides, qui est àcette heure à l’île de Sên, avec son épouse Auria[48].

– C’est la vérité, – dit Joel trèssurpris. – La dernière fois que ma fille est venue à la maison,elle m’a dit que le vieux Talyessin était dans l’île depuis lenouvel an, et que la femme de Talyessin avait pour elle les bontésd’une mère.

– Tu vois que tu peux me croire, amiJoel. Conduis-moi donc demain à l’îlot de Kellor ; je parleraià un des Ewagh’s. Le reste me regarde.

– J’y consens ; je te conduirai àl’îlot de Kellor.

– Maintenant, tu peux me débarrasser demes liens. Je te jure, par Hésus, que je ne chercherai pasà échapper à ton hospitalité…

– Ainsi soit fait, – dit Joel endétachant les liens de l’étranger. – Je me fie à la promesse de monhôte.

Lorsque Joel disait cela, la nuit était venue.Mais, malgré les ténèbres et les difficultés du chemin, l’attelage,sûr de sa route, arrivait proche de la maison de Joel. Son filsGuilhern, qui, toujours monté sur le cheval du voyageur, avaitsuivi le chariot, prit une corne de bœuf, percée à ses deux bouts,s’en servit comme d’une trompe, et y souffla par trois fois.Bientôt de grands aboiements de chiens répondirent à cesappels.

– Nous voici arrivés à ma maison, – ditJoel à l’étranger. – Tu dois t’en douter aux aboiements des chiens…Tiens, cette grosse voix qui domine toutes les autres est celle demon vieux Deber-Trud (le mangeur d’hommes), d’où descendla vaillante race de chiens de guerre que tu verras demain. Monfils Guilhern va conduire ton cheval à l’écurie ; il ytrouvera bonne litière de paille nouvelle et bonne provende devieille orge.

Au bruit de la trompe de Guilhern, un de sesparents était sorti de la maison avec une torche de résine à lamain. Joel, guidé par cette clarté, dirigea ses bœufs, et lechariot entra dans la cour.

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