Mélite

Scène III

 

Tircis

Tu fuis, perfide, et ta légèreté

T’ayant fait criminel, te met ensûreté !

Reviens, reviens défendre une placeusurpée :

Celle qui te chérit vaut bien un coupd’épée.

Fais voir que l’infidèle, en se donnant àtoi,

A fait choix d’un amant qui valait mieux quemoi,

Soutiens son jugement, et sauve ainsi deblâme

Celle qui pour la tienne a négligé maflamme.

Crois-tu qu’on la mérite à force decourir ?

Peux-tu m’abandonner ses faveurs sansmourir ?

Ô lettres, ô faveurs, indignement placées,

À ma discrétion honteusementlaissées !

Ô gages qu’il néglige ainsi quesuperflus !

Je ne sais qui de nous vous diffamez leplus ;

Je ne sais qui des trois doit rougirdavantage :

Car vous nous apprenez qu’elle est unevolage,

Son amant un parjure, et moi sansjugement,

De n’avoir rien prévu de leurdéguisement :

Mais il le fallait bien que cette âmeinfidèle,

Changeant d’affection, prît un traître commeelle ;

Et que le digne amant qu’elle a surechercher

À sa déloyauté n’eût rien à reprocher.

Cependant j’en croyais cette fausseapparence

Dont elle repaissait ma frivoleespérance ;

J’en croyais ses regards, qui, tout remplisd’amour,

Étaient de la partie en un si lâche tour.

Ô ciel ! vit-on jamais tant desupercherie,

Que tout l’extérieur ne fût quetromperie ?

Non, non, il n’en est rien ; une tellebeauté

Ne fut jamais sujette à la déloyauté.

Faibles et seuls témoins du malheur qui metouche,

Vous êtes trop hardis de démentir sabouche.

Mélite me chérit, elle me l’a juré ;

Son oracle reçu, je m’en tiens assuré.

Que dites-vous là contre ? êtes-vous pluscroyables ?

Caractères trompeurs, vous me contez desfables,

Vous voulez me trahir ; mais vos effortssont vains :

Sa parole a laissé son cœur entre mesmains.

À ce doux souvenir ma flamme serallume :

Je ne sais plus qui croire ou d’elle ou de saplume :

L’une et l’autre en effet n’ont rien que deléger ;

Mais du plus ou du moins je n’en puis quejuger.

Loin, loin, doutes flatteurs que mon feu mesuggère ;

Je vois trop clairement qu’elle est la pluslégère ;

La foi que j’en reçus s’en est allée enl’air,

Et ces traits de sa plume osent encorparler,

Et laissent en mes mains une honteuseimage

Où son cœur, peint au vif, remplit le mien derage.

Oui, j’enrage, je meurs, et tous mes senstroublés

D’un excès de douleur se trouventaccablés ;

Un si cruel tourment me gêne et medéchire,

Que je ne puis plus vivre avec un telmartyre.

Mais cachons-en la honte, et nous donnons dumoins

Ce faux soulagement, en mourant sanstémoins.

Que mon trépas secret empêche l’infidèle

D’avoir la vanité que je sois mort pourelle.

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