Scène III
Éraste
C’est là donc ce qu’enfin me gardait toncaprice ?
C’est ce que j’ai gagné par deux ans deservice ?
C’est ainsi que mon feu, s’étant tropabaissé,
D’un outrageux mépris se voitrécompensé ?
Tu m’oses préférer un traître qui teflatte ;
Mais dans ta lâcheté ne crois pas quej’éclate,
Et que par la grandeur de mesressentiments
Je laisse aller au jour celle de mestourments.
Un aveu si public qu’en ferait ma colère
Enflerait trop l’orgueil de ton âmelégère,
Et me convaincrait trop de ce désir abject
Qui m’a fait soupirer pour un indigneobjet.
Je saurai me venger, mais avec l’apparence
De n’avoir pour tous deux que del’indifférence.
Il fut toujours permis de tirer sa raison
D’une infidélité par une trahison.
Tiens, déloyal ami, tiens ton âme assurée
Que ton heur surprenant aura peu de durée,
Et que, par une adresse égale à tesforfaits,
Je mettrai le désordre où tu crois voir lapaix.
L’esprit fourbe et vénal d’un voisin deMélite
Donnera prompte issue à ce que je médite.
À servir qui l’achète il est toujours toutprêt,
Et ne voit rien d’injuste où brillel’intérêt.
Allons sans perdre temps lui payer mavengeance,
Et la pistole en main presser sadiligence.