Scène III
Chloris,Philandre
Chloris
Ne m’importune plus, Philandre, je t’enprie ;
Me rapaiser jamais passe ton industrie.
Ton meilleur, je t’assure, est de n’y pluspenser ;
Tes protestations ne font quem’offenser :
Savante, à mes dépens, de leur peu dedurée,
Je ne veux point en gage une foi parjurée,
Un cœur que d’autres yeux peuvent si tôtbrûler,
Qu’un billet supposé peut si tôt ébranler.
Philandre
Ah ! ne remettez plus dedans votremémoire
L’indigne souvenir d’une action sinoire ;
Et pour rendre à jamais nos premiers vœuxcontents,
Étouffez l’ennemi du pardon que j’attends.
Mon crime est sans égal ; mais enfin, machère âme…
Chloris
Laisse là désormais ces petits mots deflamme,
Et par ces faux témoins d’un feu malallumé
Ne me reproche plus que je t’ai trop aimé.
Philandre
De grâce, redonnez à l’amitié passée
Le rang que je tenais dedans votre pensée
Derechef, ma Chloris, par ces douxentretiens,
Par ces feux qui volaient de vos yeux dans lesmiens,
Par ce que votre foi me permettaitd’attendre…
Chloris
C’est où dorénavant tu ne dois plusprétendre.
Ta sottise m’instruit, et par là je voisbien
Qu’un visage commun, et fait comme lemien,
N’a point assez d’appas, ni de chaîne assezforte,
Pour tenir en devoir un homme de ta sorte.
Mélite a des attraits qui savent toutdompter :
Mais elle ne pourrait qu’à peinet’arrêter :
Il te faut un sujet qui la passe oul’égale ;
C’est en vain que vers moi ton amour seravale ;
Fais-lui, si tu m’en crois, agréer tesardeurs.
Je ne veux point devoir mon bien à sesfroideurs.
Philandre
Ne me déguisez rien, un autre a pris maplace ;
Une autre affection vous rend pour moi deglace.
Chloris
Aucun jusqu’à ce point n’est encorearrivé ;
Mais je te changerai pour le premiertrouvé.
Philandre
C’en est trop, tes dédains épuisent masouffrance.
Adieu. Je ne veux plus avoir d’autreespérance,
Sinon qu’un jour le ciel te fera ressentir
De tant de cruautés le juste repentir.
Chloris
Adieu. Mélite et moi nous aurons de quoirire
De tous les beaux discours que tu me viens dedire.
Que lui veux-tu mander ?
Philandre
Va, dis-lui de ma part
Qu’elle, ton frère et toi, reconnaîtrez troptard
Ce que c’est que d’aigrir un homme de masorte.
Chloris
Ne crois pas la chaleur du courroux quit’emporte ;
Tu nous ferais trembler plus d’un quartd’heure ou deux.
Philandre
Tu railles, mais bientôt nous verrons d’autresjeux :
Je sais trop comme on venge une flammeoutragée.
Chloris
Le sais-tu mieux que moi, qui suis déjàvengée ?
Par où t’y prendras-tu ? de quelair ?
Philandre
Il suffit.
Je sais comme on se venge.
Chloris
Et moi comme on s’en rit.