Mélite

Scène II

Chloris,Mélite

 

Chloris

Je chéris tellement celles de votre sorte,

Et prends tant d’intérêt en ce qui leurimporte,

Qu’aux pièces qu’on leur fait je ne puisconsentir,

Ni même en rien savoir sans les avertir.

Ainsi donc, au hasard d’être la mal venue,

Encor que je vous sois, peu s’en faut,inconnue,

Je viens vous faire voir que votreaffection

N’a pas été fort juste en son élection.

Mélite

Vous pourriez, sous couleur de rendre un bonoffice,

Mettre quelque autre en peine avec cetartifice ;

Mais pour m’en repentir j’ai fait un trop bonchoix ;

Je renonce à choisir une secondefois ;

Et mon affection ne s’est point arrêtée

Que chez un cavalier qui l’a trop méritée.

Chloris

Vous me pardonnerez, j’en ai de bonstémoins ;

C’est l’homme qui de tous la mérite lemoins.

Mélite

Si je n’avais de lui qu’une faibleassurance,

Vous me feriez entrer en quelquedéfiance ;

Mais je m’étonne fort que vous l’osiezblâmer,

Ayant quelque intérêt vous-même àl’estimer.

Chloris

Je l’estimai jadis, et je l’aime etl’estime

Plus que je ne faisais auparavant soncrime.

Ce n’est qu’en ma faveur qu’il ose voustrahir,

Et vous pouvez juger si je le puis haïr,

Lorsque sa trahison m’est un clairtémoignage

Du pouvoir absolu que j’ai sur soncourage.

Mélite

Le pousser à me faire une infidélité,

C’est assez mal user de cette autorité.

Chloris

Me le faut-il pousser où son devoirl’oblige ?

C’est son devoir qu’il suit alors qu’il vousnéglige.

Mélite

Quoi ! le devoir chez vous oblige auxtrahisons !

Chloris

Quand il n’en aurait point de plus justesraisons,

La parole donnée, il faut que l’on latienne.

Mélite

Cela fait contre vous ; il m’a donné lasienne.

Chloris

Oui, mais ayant déjà reçu mon amitié,

Sur un vœu solennel d’être un jour samoitié,

Peut-il s’en départir pour accepter lavôtre ?

Mélite

De grâce, excusez-moi, je vous prends pour uneautre,

Et c’était à Chloris que je croyaisparler.

Chloris

Vous ne vous trompez pas.

Mélite

Donc, pour mieux me railler,

La sœur de mon amant contrefait marivale ?

Chloris

Donc, pour mieux m’éblouir, une âmedéloyale

Contrefait la fidèle ? Ah ! Mélite,sachez

Que je ne sais que trop ce que vous mecachez.

Philandre m’a tout dit : vous pensezqu’il vous aime :

Mais, sortant d’avec vous, il me contelui-même

Jusqu’aux moindres discours dont votrepassion

Tâche de suborner son inclination.

Mélite

Moi, suborner Philandre ! ah ! quem’osez-vous dire ?

Chloris

La pure vérité.

Mélite

Vraiment, en voulant rire,

Vous passez trop avant ; brisons là, s’ilvous plaît.

Je ne vois point Philandre, et ne sais quel ilest.

Chloris

Vous en croirez du moins votre propreécriture.

Tenez, voyez, lisez.

Mélite

Ah, dieux, quelle imposture !

Jamais un de ces traits ne partit de mamain.

Chloris

Nous pourrions demeurer ici jusqu’àdemain,

Que vous persisteriez dans laméconnaissance :

Je les vous laisse. Adieu.

Mélite

Tout beau ! mon innocence

Veut apprendre de vous le nom del’imposteur,

Pour faire retomber l’affront sur sonauteur.

Chloris

Vous pensez me duper, et perdez votrepeine.

Que sert le désaveu, quand la preuve estcertaine ?

À quoi bon démentir ? à quoi bondénier… ?

Mélite

Ne vous obstinez point à mecalomnier ;

Je veux que si jamais j’ai dit mot àPhilandre…

Chloris

Remettons ce discours : quelqu’un vientnous surprendre ;

C’est le brave Lisis, qui semble sur lefront

Porter empreints les traits d’un déplaisirprofond.

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