Monsieur Parent

2.

Parent vécut seul, tout à fait seul. Pendant les premièressemaines qui suivirent la séparation, l’étonnement de sa vienouvelle l’empêcha de songer beaucoup. Il avait repris sonexistence de garçon, ses habitudes de flânerie, et il mangeait aurestaurant, comme autrefois. Ayant voulu éviter tout scandale, ilfaisait à sa femme une pension réglée par les hommes d’affaires.Mais, peu à peu, le souvenir de l’enfant commença à hanter sapensée. Souvent, quand il était seul, chez lui, le soir, ils’imaginait tout à coup entendre Georges crier « papa ». Son cœuraussitôt commençait à battre et il se levait bien vite pour ouvrirla porte de l’escalier et voir si, par hasard, le petit ne seraitpas revenu. Oui, il aurait pu revenir comme reviennent les chienset les pigeons. Pourquoi un enfant aurait-il moins d’instinctqu’une bête ?

Après avoir reconnu son erreur, il retournait s’asseoir dans sonfauteuil, et il pensait au petit. Il y pensait pendant des heuresentières, des jours entiers. Ce n’était point seulement uneobsession morale, mais aussi, et plus encore, une obsessionphysique, un besoin sensuel, nerveux de l’embrasser, de le tenir,de le manier, de l’asseoir sur ses genoux, de le faire sauter etculbuter dans ses mains. Il s’exaspérait au souvenir enfiévrant descaresses passées. Il sentait les petits bras serrant son cou, lapetite bouche posant un gros baiser sur sa barbe, les petitscheveux chatouillant sa joue. L’envie de ces douces câlineriesdisparues, de la peau fine, chaude et mignonne offerte aux lèvres,l’affolait comme le désir d’une femme aimée qui s’est enfuie.

Dans la rue, tout à coup, il se mettait à pleurer en songeantqu’il pourrait l’avoir, trottinant à son côté avec ses petitspieds, son gros Georget, comme autrefois, quand il le promenait. Ilrentrait alors ; et, la tête entre ses mains, sanglotaitjusqu’au soir.

Puis, vingt fois, cent fois en un jour il se posait cettequestion : « Était-il ou n’était-il pas le père de Georges ? »Mais c’était surtout la nuit qu’il se livrait sur cette idée à desraisonnements interminables. À peine couché, il recommençait,chaque soir, la même série d’argumentations désespérées.

Après le départ de sa femme, il n’avait plus douté tout d’abord: l’enfant, certes, appartenait à Limousin. Puis, peu à peu, il seremit à hésiter. Assurément, l’affirmation d’Henriette ne pouvaitavoir aucune valeur. Elle l’avait bravé, en cherchant à ledésespérer. En pesant froidement le pour et le contre, il y avaitbien des chances pour qu’elle eût menti.

Seul Limousin, peut-être, aurait pu dire la vérité. Mais commentsavoir, comment l’interroger, comment le décider àavouer ?

Et quelquefois Parent se relevait en pleine nuit, résolu à allertrouver Limousin, à le prier, à lui offrir tout ce qu’il voudrait,pour mettre fin à cette abominable angoisse. Puis il se recouchaitdésespéré, ayant réfléchi que l’amant aussi mentirait sansdoute ! Il mentirait même certainement pour empêcher le pèrevéritable de reprendre son enfant.

Alors que faire ? Rien !

Et il se désolait d’avoir ainsi brusqué les événements, den’avoir point réfléchi, patienté, de n’avoir pas su attendre etdissimuler, pendant un mois ou deux, afin de se renseigner par sespropres yeux. Il aurait dû feindre de ne rien soupçonner, et leslaisser se trahir tout doucement. Il lui aurait suffi de voirl’autre embrasser l’enfant pour deviner, pour comprendre. Un amin’embrasse pas comme un père. Il les aurait épiés derrière lesportes ! Comment n’avait-il pas songé à cela ? SiLimousin, demeuré seul avec Georges, ne l’avait point aussitôtsaisi, serré dans ses bras, baisé passionnément, s’il l’avaitlaissé jouer avec indifférence, sans s’occuper de lui, aucunehésitation ne serait demeurée possible : c’est qu’alors il n’étaitpas, il ne se croyait pas, il ne se sentait pas le père.

De sorte que lui, Parent, chassant la mère, aurait gardé sonfils, et il aurait été heureux, tout à fait heureux.

Il se retournait dans son lit, suant et torturé, et cherchant àse souvenir des attitudes de Limousin avec le petit. Mais il ne serappelait rien, absolument rien, aucun geste, aucun regard, aucuneparole, aucune caresse suspects. Et puis la mère non plus nes’occupait guère de son enfant. Si elle l’avait eu de son amant,elle l’aurait sans doute aimé davantage.

On l’avait donc séparé de son fils par vengeance, par cruauté,pour le punir de ce qu’il les avait surpris.

Et il se décidait à aller, dès l’aurore, requérir les magistratspour se faire rendre Georget.

Mais à peine avait-il pris cette résolution qu’il se sentaitenvahi par la certitude contraire. Du moment que Limousin avaitété, dès le premier jour, l’amant d’Henriette, l’amant aimé, elleavait dû se donner à lui avec cet élan, cet abandon, cette ardeurqui rendent mères les femmes. La réserve froide qu’elle avaittoujours apportée dans ses relations intimes avec lui, Parent,n’était-elle pas aussi un obstacle à ce qu’elle eût été fécondéepar son baiser !

Alors il allait réclamer, prendre avec lui, conserver toujourset soigner l’enfant d’un autre. Il ne pourrait pas le regarder,l’embrasser, l’entendre dire « papa » sans que cette pensée lefrappât, le déchirât : « Ce n’est point mon fils. » Il allait secondamner à ce supplice de tous les instants, à cette vie demisérable ! Non, il valait mieux demeurer seul, vivre seul,vieillir seul, et mourir seul.

Et chaque jour, chaque nuit recommençaient ces abominableshésitations et ces souffrances que rien ne pouvait calmer niterminer. Il redoutait surtout l’obscurité du soir qui vient, latristesse des crépuscules. C’était alors, sur son cœur, comme unepluie de chagrin, une inondation de désespoir qui tombait avec lesténèbres, le noyait et l’affolait. Il avait peur de ses penséescomme on a peur des malfaiteurs, et il fuyait devant elles ainsiqu’une bête poursuivie. Il redoutait surtout son logis vide, sinoir, terrible, et les rues désertes aussi où brille seulement, deplace en place, un bec de gaz, où le passant isolé qu’on entend deloin semble un rôdeur et fait ralentir ou hâter le pas selon qu’ilvient vers vous ou qu’il vous suit.

Et Parent, malgré lui, par instinct, allait vers les grandesrues illuminées et populeuses. La lumière et la foule l’attiraient,l’occupaient et l’étourdissaient. Puis, quand il était las d’errer,de vagabonder dans les remous du public, quand il voyait lespassants devenir plus rares, et les trottoirs plus libres, laterreur de la solitude et du silence le poussait vers un grand caféplein de buveurs et de clarté. Il y allait comme les mouches vont àla flamme, s’asseyait devant une petite table ronde, et demandaitun bock. Il le buvait lentement, s’inquiétant chaque fois qu’unconsommateur se levait pour s’en aller. Il aurait voulu le prendrepar le bras, le retenir, le prier de rester encore un peu, tant ilredoutait l’heure où le garçon, debout devant lui, prononceraitd’un air furieux : « Allons, monsieur, on ferme ! »

Car, chaque soir, il restait le dernier. Il voyait rentrer lestables, éteindre, un à un, les becs de gaz, sauf deux, le sien etcelui du comptoir. Il regardait d’un œil navré la caissière compterson argent et l’enfermer dans le tiroir ; et il s’en allait,poussé dehors par le personnel qui murmurait : « En voilà unempoté ! On dirait qu’il ne sait pas où coucher. »

Et dès qu’il se retrouvait seul dans la rue sombre, ilrecommençait à penser à Georget et à se creuser la tête, à setorturer la pensée pour découvrir s’il était ou s’il n’était pointle père de son enfant.

Il prit ainsi l’habitude de la brasserie où le coudoiementcontinu des buveurs met près de vous un public familier etsilencieux, où la grasse fumée des pipes endort les inquiétudes,tandis que la bière épaisse alourdit l’esprit et calme le cœur.

Il y vécut. À peine levé, il allait chercher là des voisins pouroccuper son regard et sa pensée. Puis, par paresse de se mouvoir,il y prit bientôt ses repas. Vers midi, il frappait avec sasoucoupe sur la table de marbre, et le garçon apportait vivementune assiette, un verre, une serviette et le déjeuner du jour. Dèsqu’il avait fini de manger, il buvait lentement son café, l’œilfixé sur le carafon d’eau-de-vie qui lui donnerait bientôt unebonne heure d’abrutissement. Il trempait d’abord ses lèvres dans lecognac, comme pour en prendre le goût, cueillant seulement lasaveur du liquide avec le bout de sa langue. Puis il se le versaitdans la bouche, goutte à goutte, en renversant la tête ;promenait doucement la forte liqueur sur son palais, sur sesgencives, sur toute la muqueuse de ses joues, la mêlant avec lasalive claire que ce contact faisait jaillir. Puis, adoucie par cemélange, il l’avalait avec recueillement, la sentant couler, toutle long de sa gorge, jusqu’au fond de son estomac.

Après chaque repas, il sirotait ainsi, pendant plus d’une heure,trois ou quatre petits verres qui l’engourdissaient peu à peu.Alors il penchait la tête sur son ventre, fermait les yeux etsomnolait. Il se réveillait vers le milieu de l’après-midi, ettendait aussitôt la main vers le bock que le garçon avait posédevant lui pendant son sommeil ; puis, l’ayant bu, il sesoulevait sur la banquette de velours rouge, relevait son pantalon,rabaissait son gilet pour couvrir la ligne blanche aperçue entreles deux, secouait le col de sa jaquette, tirait les poignets de sachemise hors des manches, puis reprenait les journaux qu’il avaitdéjà lus le matin.

Il les recommençait, de la première ligne à la dernière, ycompris les réclames, demandes d’emploi, annonces, cote de laBourse et programmes des théâtres.

Entre quatre et six heures il allait faire un tour sur lesboulevards, pour prendre l’air, disait-il ; puis il revenaits’asseoir à la place qu’on lui avait conservée et demandait sonabsinthe.

Alors il causait avec les habitués dont il avait fait laconnaissance. Ils commentaient les nouvelles du jour, les faitsdivers et les événements politiques : cela le menait à l’heure dudîner. La soirée se passait comme l’après-midi jusqu’au moment dela fermeture. C’était pour lui l’instant terrible, l’instant où ilfallait rentrer dans le noir, dans la chambre vide, pleine desouvenirs affreux, de pensées horribles et d’angoisses. Il nevoyait plus personne de ses anciens amis, personne de ses parents,personne qui pût lui rappeler sa vie passée.

Mais comme son appartement devenait un enfer pour lui, il pritune chambre dans un grand hôtel, une belle chambre d’entresol afinde voir les passants. Il n’était plus seul en ce vaste logispublic ; il sentait grouiller des gens autour de lui ; ilentendait des voix derrière les cloisons ; et quand sesanciennes souffrances le harcelaient trop cruellement en face deson lit entr’ouvert et de son feu solitaire, il sortait dans leslarges corridors et se promenait comme un factionnaire, le long detoutes les portes fermées, en regardant avec tristesse les souliersaccouplés devant chacune, les mignonnes bottines de femme blottiesà côté des fortes bottines d’hommes ; et il pensait que tousces gens-là étaient heureux, sans doute, et dormaient tendrement,côte à côte ou embrassés, dans la chaleur de leur couche.

Cinq années se passèrent ainsi ; cinq années mornes, sansautres événements que des amours de deux heures, à deux louis, detemps en temps.

Or un jour, comme il faisait sa promenade ordinaire entre laMadeleine et la rue Drouot, il aperçut tout à coup une femme dontla tournure le frappa. Un grand monsieur et un enfantl’accompagnaient. Tous les trois marchaient devant lui. Il sedemandait : « Où donc ai-je vu ces personnes-là ? » et, tout àcoup, il reconnut un geste de la main : c’était sa femme, sa femmeavec Limousin, et avec son enfant, son petit Georges.

Son cœur battait à l’étouffer ; il ne s’arrêta pascependant ; il voulait les voir ; et il les suivit. Oneût dit un ménage, un bon ménage de bons bourgeois. Henriettes’appuyait au bras de Paul, lui parlait doucement en le regardantparfois de côté. Parent la voyait alors de profil, reconnaissait laligne gracieuse de son visage, les mouvements de sa bouche, sonsourire, et la caresse de son regard. L’enfant surtout lepréoccupait. Comme il était grand, et fort ! Parent ne pouvaitapercevoir la figure, mais seulement de longs cheveux blonds quitombaient sur le col en boucles frisées. C’était Georget, ce hautgarçon aux jambes nues, qui allait, ainsi qu’un petit homme, à côtéde sa mère.

Comme ils s’étaient arrêtés devant un magasin, il les vitsoudain tous les trois. Limousin avait blanchi, vieilli,maigri ; sa femme, au contraire, plus fraîche que jamais,avait plutôt engraissé ; Georges était devenu méconnaissable,si différent de jadis !

Ils se remirent en route. Parent les suivit de nouveau, puis lesdevança à grands pas pour revenir et les revoir, de tout près, enface. Quand il passa contre l’enfant, il eut envie, une envie follede le saisir dans ses bras et de l’emporter. Il le toucha, commepar hasard. Le petit tourna la tête et regarda ce maladroit avecdes yeux mécontents. Alors Parent s’enfuit, frappé, poursuivi,blessé par ce regard. Il s’enfuit à la façon d’un voleur, saisi dela peur horrible d’avoir été vu et reconnu par sa femme et sonamant. Il alla d’une course jusqu’à sa brasserie, et tomba,haletant, sur sa chaise.

Il but trois absinthes, ce soir-là.

Pendant quatre mois, il garda au cœur la plaie de cetterencontre. Chaque nuit il les revoyait tous les trois, heureux ettranquilles, père, mère, enfant, se promenant sur le boulevard,avant de rentrer dîner chez eux. Cette vision nouvelle effaçaitl’ancienne. C’était autre chose, une autre hallucinationmaintenant, et aussi une autre douleur. Le petit Georges, son petitGeorges, celui qu’il avait tant aimé et tant embrassé jadis,disparaissait dans un passé lointain et fini, et il en voyait unnouveau, comme un frère du premier, un garçonnet aux mollets nus,qui ne le connaissait pas, celui-là ! Il souffraitaffreusement de cette pensée. L’amour du petit était mort ;aucun lien n’existait plus entre eux ; l’enfant n’aurait pastendu les bras en le voyant. Il l’avait même regardé d’un œilméchant.

Puis, peu à peu, son âme se calma encore ; ses torturesmentales s’affaiblirent ; l’image apparue devant ses yeux etqui hantait ses nuits devint indécise, plus rare. Il se remit àvivre à peu près comme tout le monde, comme tous les désœuvrés quiboivent des bocks sur des tables de marbre et usent leurs culottespar le fond sur le velours râpé des banquettes.

Il vieillit dans la fumée des pipes, perdit ses cheveux sous laflamme du gaz, considéra comme des événements le bain de chaquesemaine, la taille de cheveux de chaque quinzaine, l’achat d’unvêtement neuf ou d’un chapeau. Quand il arrivait à sa brasseriecoiffé d’un nouveau couvre-chef, il se contemplait longtemps dansla glace avant de s’asseoir, le mettait et l’enlevait plusieursfois de suite, le posait de différentes façons, et demandait enfinà son amie, la dame du comptoir, qui le regardait avec intérêt : «Trouvez-vous qu’il me va bien ? »

Deux ou trois fois par an il allait au théâtre ; et, l’été,il passait quelquefois ses soirées dans un café-concert desChamps-Élysées. Il en rapportait dans sa tête des airs quichantaient au fond de sa mémoire pendant plusieurs semaines etqu’il fredonnait même en battant la mesure avec son pied, lorsqu’ilétait assis devant son bock.

Les années se suivaient, lentes, monotones et courtes parcequ’elles étaient vides.

Il ne les sentait pas glisser sur lui. Il allait à la mort sansremuer, sans s’agiter, assis en face d’une table debrasserie ; et seule la grande glace où il appuyait son crâneplus dénudé chaque jour reflétait les ravages du temps qui passe etfuit en dévorant les hommes, les pauvres hommes.

Il ne pensait plus que rarement, à présent, au drame affreux oùavait sombré sa vie, car vingt ans s’étaient écoulés depuis cettesoirée effroyable.

Mais l’existence qu’il s’était faite ensuite l’avait usé,amolli, épuisé ; et souvent le patron de sa brasserie, lesixième patron depuis son entrée dans cet établissement, lui disait: « Vous devriez vous secouer un peu, monsieur Parent ; vousdevriez prendre l’air, aller à la campagne, je vous assure que vouschangez beaucoup depuis quelques mois. »

Et quand son client venait de sortir, ce commerçant communiquaitses réflexions à sa caissière. « Ce pauvre M. Parent file unmauvais coton, ça ne vaut rien de ne jamais quitter Paris.Engagez-le donc à aller aux environs manger une matelote de tempsen temps, puisqu’il a confiance en vous. Voilà bientôt l’été, ça leretapera. »

Et la caissière, pleine de pitié et de bienveillance pour ceconsommateur obstiné, répétait chaque jour à Parent : « Voyons,monsieur, décidez-vous à prendre l’air ! C’est si joli, lacampagne quand il fait beau ! Oh ! moi ! si jepouvais, j’y passerais ma vie ! »

Et elle lui communiquait ses rêves, les rêves poétiques etsimples de toutes les pauvres filles enfermées d’un bout à l’autrede l’année derrière les vitres d’une boutique et qui regardentpasser la vie factice et bruyante de la rue, en songeant à la viecalme et douce des champs, à la vie sous les arbres, sous leradieux soleil qui tombe sur les prairies, sur les bois profonds,sur les claires rivières, sur les vaches couchées dans l’herbe, etsur toutes les fleurs diverses, toutes les fleurs libres, bleues,rouges, jaunes, violettes, lilas, roses, blanches, si gentilles, sifraîches, si parfumées, toutes les fleurs de la nature qu’oncueille en se promenant et dont on fait de gros bouquets.

Elle prenait plaisir à lui parler sans cesse de son désiréternel, irréalisé et irréalisable ; et lui, pauvre vieux sansespoirs, prenait plaisir à l’écouter. Il venait s’asseoirmaintenant à côté du comptoir pour causer avec Mlle Zoé et discutersur la campagne avec elle. Alors, peu à peu, une vague envie luivint d’aller voir, une fois, s’il faisait vraiment si bon qu’ellele disait, hors les murs de la grande ville.

Un matin il demanda :

– Savez-vous où on peut bien déjeuner aux environs deParis ?

Elle répondit :

– Allez donc à la Terrasse de Saint-Germain. C’est sijoli !

Il s’y était promené autrefois au moment de ses fiançailles. Ilse décida à y retourner.

Il choisit un dimanche, sans raison spéciale, uniquement parcequ’il est d’usage de sortir le dimanche, même quand on ne fait rienen semaine.

Donc il partit, un dimanche matin, pour Saint-Germain.

C’était au commencement de juillet, par un jour éclatant etchaud. Assis contre la portière de son wagon, il regardait courirles arbres et les petites maisons bizarres des alentours de Paris.Il se sentait triste, ennuyé d’avoir cédé à ce désir nouveau,d’avoir rompu ses habitudes. Le paysage changeant et toujourspareil le fatiguait. Il avait soif ; il serait volontiersdescendu à chaque station pour s’asseoir au café aperçu derrière lagare, boire un bock ou deux et reprendre le premier train quipasserait vers Paris. Et puis le voyage lui semblait long, trèslong. Il restait assis des journées entières pourvu qu’il eût sousles yeux les mêmes choses immobiles, mais il trouvait énervant etfatigant de rester assis en changeant de place, de voir remuer lepays tout entier, tandis que lui-même ne faisait pas unmouvement.

Il s’intéressa à la Seine cependant, chaque fois qu’il latraversa. Sous le pont de Chatou il aperçut des yoles qui passaientenlevées à grands coups d’aviron par des canotiers aux brasnus ; et il pensa : « Voilà des gaillards qui ne doivent pass’embêter ! »

Le long ruban de rivière déroulé des deux côtés du pont du Pecqéveilla, dans le fond de son cœur, un vague désir de promenade aubord des berges. Mais le train s’engouffra sous le tunnel quiprécède la gare de Saint-Germain pour s’arrêter bientôt au quaid’arrivée.

Parent descendit, et, alourdi par la fatigue, s’en alla, lesmains derrière le dos, vers la Terrasse. Puis, parvenu contre labalustrade de fer, il s’arrêta pour regarder l’horizon. La plaineimmense s’étalait en face de lui, vaste comme la mer, toute verteet peuplée de grands villages, aussi populeux que des villes. Desroutes blanches traversaient ce large pays, des bouts de forêts leboisaient par places, les étangs du Vésinet brillaient comme desplaques d’argent, et les coteaux lointains de Sannois etd’Argenteuil se dessinaient sous une brume légère et bleuâtre quiles laissait à peine deviner. Le soleil baignait de sa lumièreabondante et chaude tout le grand paysage un peu voilé par lesvapeurs matinales, par la sueur de la terre chauffée s’exhalant enbrouillards menus, et par les souffles humides de la Seine, qui sedéroulait comme un serpent sans fin à travers les plaines,contournait les villages et longeait les collines.

Une brise molle, pleine de l’odeur des verdures et des sèves,caressait la peau, pénétrait au fond de la poitrine, semblaitrajeunir le cœur, alléger l’esprit, vivifier le sang.

Parent, surpris, la respirait largement, les yeux éblouis parl’étendue du paysage ; et il murmura : « Tiens, on est bienici. »

Puis il fit quelques pas, et s’arrêta de nouveau pour regarder.Il croyait découvrir des choses inconnues et nouvelles, non pointles choses que voyait son œil, mais des choses que pressentait sonâme, des événements ignorés, des bonheurs entrevus, des joiesinexplorées, tout un horizon de vie qu’il n’avait jamais soupçonnéet qui s’ouvrait brusquement devant lui en face de cet horizon decampagne illimitée.

Toute l’affreuse tristesse de son existence lui apparutilluminée par la clarté violente qui inondait la terre. Il vit sesvingt années de café, mornes, monotones, navrantes. Il aurait puvoyager comme d’autres, s’en aller là-bas, là-bas, chez des peuplesétrangers, sur des terres peu connues, au delà des mers,s’intéresser à tout ce qui passionne les autres hommes, aux arts,aux sciences, aimer la vie aux milles formes, la vie mystérieuse,charmante ou poignante, toujours changeante, toujours inexplicableet curieuse.

Maintenant il était trop tard. Il irait de bock en bock, jusqu’àla mort, sans famille, sans amis, sans espérances, sans curiositépour rien. Une détresse infinie l’envahit, et une envie de sesauver, de se cacher, de rentrer dans Paris, dans sa brasserie etdans son engourdissement ! Toutes les pensées, tous les rêves,tous les désirs qui dorment dans la paresse des cœurs stagnantss’étaient réveillés, remués par ce rayon de soleil sur lesplaines.

Il sentit que s’il demeurait seul plus longtemps en ce lieu, ilallait perdre la tête, et il gagna bien vite le pavillon Henri IVpour déjeuner, s’étourdir avec du vin et de l’alcool et parler àquelqu’un, au moins.

Il prit une petite table dans les bosquets d’où l’on dominetoute la campagne, fit son menu et pria qu’on le servit tout desuite.

D’autres promeneurs arrivaient, s’asseyaient aux tablesvoisines. Il se sentait mieux ; il n’était plus seul.

Dans une tonnelle, trois personnes déjeunaient. Il les avaitregardées plusieurs fois sans les voir, comme on regarde lesindifférents.

Tout à coup, une voix de femme jeta en lui un de ces frissonsqui font tressaillir les moelles.

Elle avait dit, cette voix : « Georges, tu vas découper lepoulet. »

Et une autre voix répondit : « Oui, maman. » Parent leva lesyeux ; et il comprit, il devina tout de suite quels étaientces gens ! Certes il ne les aurait pas reconnus. Sa femmeétait toute blanche, très forte, une vieille dame sérieuse etrespectable ; et elle mangeait en avançant la tête, parcrainte des taches, bien qu’elle eût recouvert ses seins d’uneserviette. Georges était devenu un homme. Il avait de la barbe, decette barbe inégale et presque incolore qui frisotte sur les jouesdes adolescents. Il portait un chapeau de haute forme, un gilet decoutil blanc et un monocle, par chic, sans doute. Parent leregardait, stupéfait ! C’était là Georges, son fils ? –Non, il ne connaissait pas ce jeune homme ; il ne pouvait rienexister de commun entre eux.

Limousin tournait le dos et mangeait, les épaules un peuvoûtées.

Donc ces trois êtres semblaient heureux et contents ; ilsvenaient déjeuner à la campagne, en des restaurants connus. Ilsavaient eu une existence calme et douce, une existence familialedans un bon logis chaud et peuplé, peuplé par tous les riens quifont la vie agréable, par toutes les douceurs de l’affection, partoutes les paroles tendres qu’on échange sans cesse, quand ons’aime. Ils avaient vécu ainsi, grâce à lui Parent, avec sonargent, après l’avoir trompé, volé, perdu ! Ils l’avaientcondamné, lui, l’innocent, le naïf, le débonnaire, à toutes lestristesses de la solitude, à l’abominable vie qu’il avait menéeentre un trottoir et un comptoir, à toutes les tortures morales età toutes les misères physiques ! Ils avaient fait de lui unêtre inutile, perdu, égaré dans le monde, un pauvre vieux sansjoies possibles, sans attentes, qui n’espérait rien de rien et depersonne. Pour lui la terre était vide, parce qu’il n’aimait riensur la terre. Il pouvait courir les peuples ou courir les rues,entrer dans toutes les maisons de Paris, ouvrir toutes leschambres, il ne trouverait, derrière aucune porte, la figurecherchée, chérie, figure de femme ou figure d’enfant, qui sourit envous apercevant. Et cette idée surtout le travaillait, l’idée de laporte qu’on ouvre pour trouver et embrasser quelqu’un derrière.

Et c’était la faute de ces trois misérables, cela ! lafaute de cette femme indigne, de cet ami infâme et de ce grandgarçon blond qui prenait des airs arrogants.

Il en voulait maintenant à l’enfant autant qu’aux deuxautres ! N’était-il pas le fils de Limousin ? Est-ce queLimousin l’aurait gardé, aimé, sans cela ? Est-ce que Limousinn’aurait pas lâché bien vite la mère et le petit s’il n’avait passu que le petit était à lui, bien à lui ? Est-ce qu’on élèveles enfants des autres ?

Donc, ils étaient là, tout près, ces trois malfaiteurs quil’avaient tant fait souffrir.

Parent les regardait, s’irritant, s’exaltant au souvenir detoutes ses douleurs, de toutes ses angoisses, de tous sesdésespoirs. Il s’exaspérait surtout de leur air placide etsatisfait. Il avait envie de les tuer, de leur jeter son siphond’eau de Seltz, de fendre la tête de Limousin qu’il voyait, à touteseconde, se baisser vers son assiette et se relever aussitôt.

Et ils continueraient à vivre ainsi, sans soucis, sansinquiétudes d’aucune sorte. Non, non. C’en était trop à lafin ! Il se vengerait ; il allait se venger tout de suitepuisqu’il les tenait sous la main. Mais comment ? Ilcherchait, rêvait des choses effroyables comme il en arrive dansles feuilletons, mais ne trouvait rien de pratique. Et il buvait,coup sur coup, pour s’exciter, pour se donner du courage, pour nepas laisser échapper une pareille occasion, qu’il ne retrouveraitsans doute jamais.

Soudain, il eut une idée, une idée terrible ; et il cessade boire pour la mûrir. Un sourire plissait ses lèvres ; ilmurmurait : « Je les tiens. Je les tiens. Nous allons voir. Nousallons voir. »

Un garçon lui demanda : – Qu’est-ce que monsieur désireensuite ?

– Rien. Du café et du cognac, du meilleur.

Et il les regardait en sirotant ses petits verres. Il y avaittrop de monde dans ce restaurant pour ce qu’il voulait faire : doncil attendrait, il les suivrait ; car ils allaient se promenercertainement sur la terrasse ou dans la forêt. Quand ils seraientun peu éloignés, il les rejoindrait, et alors il se vengerait, oui,il se vengerait ! Il n’était pas trop tôt d’ailleurs, aprèsvingt-trois ans de souffrances. Ah ! ils ne soupçonnaientguère ce qui allait leur arriver.

Ils achevaient doucement leur déjeuner, en causant avecsécurité. Parent ne pouvait entendre leurs paroles, mais il voyaitleurs gestes calmes. La figure de sa femme, surtout, l’exaspérait.Elle avait pris un air hautain, un air de dévote grasse, de dévoteinabordable, cuirassée de principes, blindée de vertu.

Puis, ils payèrent l’addition et se levèrent. Alors il vitLimousin. On eût dit un diplomate en retraite, tant il semblaitimportant avec ses beaux favoris souples et blancs dont les pointestombaient sur les revers de sa redingote.

Ils sortirent. Georges fumait un cigare et portait son chapeausur l’oreille. Parent, aussitôt, les suivit.

Ils firent d’abord un tour sur la terrasse et admirèrent lepaysage avec placidité, comme admirent les gens repus ; puisils entrèrent dans la forêt.

Parent se frottait les mains, et les suivait toujours, de loin,en se cachant pour ne point éveiller trop tôt leur attention.

Ils allaient à petits pas, prenant un bain de verdure et d’airtiède. Henriette s’appuyait au bras de Limousin et marchait,droite, à son côté, en épouse sûre et fière d’elle. Georgesabattait des feuilles avec sa badine, et franchissait parfois lesfossés de la route, d’un saut léger de jeune cheval ardent prêt às’emporter dans le feuillage.

Parent, peu à peu, se rapprochait, haletant d’émotion et defatigue ; car il ne marchait plus jamais. Bientôt il lesrejoignit, mais une peur l’avait saisi, une peur confuse,inexplicable, et il les devança, pour revenir sur eux et lesaborder en face.

Il allait, le cœur battant, les sentant derrière lui maintenant,et il se répétait : « Allons, c’est le moment : de l’audace, del’audace ! C’est le moment. »

Il se retourna. Ils s’étaient assis, tous les trois, surl’herbe, au pied d’un gros arbre ; et ils causaienttoujours.

Alors il se décida, et il revint à pas rapides. S’étant arrêtédevant eux, debout au milieu du chemin, il balbutia d’une voixbrève, d’une voix cassée par l’émotion :

– C’est moi ! Me voici ! Vous ne m’attendiezpas ?

Tous trois examinaient cet homme qui leur semblait fou.

Il reprit :

– On dirait que vous ne m’avez pas reconnu. Regardez-moidonc ! Je suis Parent, Henri Parent. Hein, vous ne m’attendiezpas ? Vous pensiez que c’était fini, bien fini, que vous ne meverriez plus jamais, jamais. Ah ! mais non, me voilà revenu.Nous allons nous expliquer, maintenant.

Henriette, effarée, cacha sa figure dans ses mains, en murmurant: « Oh ! mon Dieu ! »

Voyant cet inconnu qui semblait menacer sa mère, Georges s’étaitlevé, prêt à le saisir au collet.

Limousin, atterré, regardait avec des yeux effarés ce revenantqui, ayant soufflé quelques secondes, continua : – Alors nousallons nous expliquer maintenant. Voici le moment venu !Ah ! vous m’avez trompé, vous m’avez condamné à une vie deforçat, et vous avez cru que je ne vous rattraperais pas !

Mais le jeune homme le prit par les épaules, et le repoussant:

– Êtes-vous fou ? Qu’est-ce que vous voulez ? Passezvotre chemin bien vite ou je vais vous rosser, moi !

Parent répondit :

– Ce que je veux ? Je veux t’apprendre ce que sont cesgens-là.

Mais Georges, exaspéré, le secouait, allait le frapper. L’autrereprit :

– Lâche-moi donc. Je suis ton père… Tiens, regarde s’ils mereconnaissent maintenant, ces misérables !

Effaré, le jeune homme ouvrit les mains et se tourna vers samère.

Parent, libre, s’avança vers elle :

– Hein ? Dites-lui qui je suis, vous ! Dites-lui queje m’appelle Henri Parent, et que je suis son père puisqu’il senomme Georges Parent, puisque vous êtes ma femme, puisque vousvivez tous les trois de mon argent, de la pension de dix millefrancs que je vous fais depuis que je vous ai chassés de chez moi.Dites-lui aussi pourquoi je vous ai chassés de chez moi ?Parce que je vous ai surprise avec ce gueux, cet infâme, avec votreamant ! – Dites-lui ce que j’étais, moi, un brave homme,épousé par vous pour ma fortune, et trompé depuis le premier jour.Dites-lui qui vous êtes et qui je suis…

Il balbutiait, haletait, emporté par la colère.

La femme cria d’une voix déchirante :

– Paul, Paul, empêche-le ; qu’il se taise, qu’il setaise ; empêche-le, qu’il ne dise pas cela devant monfils !

Limousin, à son tour, s’était levé. Il murmura, d’une voix trèsbasse :

– Taisez-vous. Taisez-vous. Comprenez donc ce que vousfaites.

Parent reprit avec emportement :

– Je le sais bien, ce que je fais. Ce n’est pas tout. Il y a unechose que je veux savoir, une chose qui me torture depuis vingtans.

Puis, se tournant vers Georges, éperdu, qui s’était appuyécontre un arbre :

– Écoute, toi : Quand elle est partie de chez moi, elle a penséque ce n’était pas assez de m’avoir trahi ; elle a vouluencore me désespérer. Tu étais toute ma consolation ; eh bien,elle t’a emporté en me jurant que je n’étais pas ton père, mais queton père, c’était lui ! A-t-elle menti ? je ne sais pas.Depuis vingt ans je me le demande.

Il s’avança tout près d’elle, tragique, terrible, et, arrachantla main dont elle se couvrait la face : – Eh bien ! je voussomme aujourd’hui de me dire lequel de nous est le père de ce jeunehomme : lui ou moi ; votre mari ou votre amant. Allons,allons, dites !

Limousin se jeta sur lui. Parent le repoussa et, ricanant avecfureur :

– Ah ! tu es brave aujourd’hui ; tu es plus brave quele jour où tu te sauvais sur l’escalier parce que j’allaist’assommer. Eh bien ! si elle ne répond pas, réponds toi-même.Tu dois le savoir aussi bien qu’elle. Dis, es-tu le père de cegarçon ? Allons, allons, parle !

Il revint vers sa femme.

– Si vous ne voulez pas me le dire à moi, dites-le à votre filsau moins. C’est un homme, aujourd’hui. Il a bien le droit de savoirqui est son père. Moi, je ne sais pas, je n’ai jamais su, jamais,jamais ! Je ne peux pas te le dire, mon garçon.

Il s’affolait, sa voix prenait des tons aigus. Et il agitait sesbras comme un épileptique.

– Voilà… voilà… Répondez donc… Elle ne sait pas… Je pariequ’elle ne sait pas… Non… elle ne sait pas… parbleu !… ellecouchait avec tous les deux !… Ah ! ah ! ah !…personne ne sait… personne… Est-ce qu’on sait ces choses-là ?…Tu ne le sauras pas non plus, mon garçon, tu ne le sauras pas, pasplus que moi… jamais… Tiens… demande-lui… demande-lui… tu verrasqu’elle ne sait pas… Moi non plus… lui non plus… toi non plus…personne ne sait… Tu peux choisir… oui… tu peux choisir… lui oumoi… Choisis… Bonsoir… c’est fini… Si elle se décide à te le dire,tu viendras me l’apprendre, hôtel des Continents, n’est-cepas ?… Ça me fera plaisir de le savoir… Bonsoir… Je voussouhaite beaucoup d’agrément…

Et il s’en alla en gesticulant, continuant à parler seul, sousles grands arbres, dans l’air vide et frais, plein d’odeurs desèves. Il ne se retourna point pour les voir. Il allait devant lui,marchant sous une poussée de fureur, sous un souffle d’exaltation,l’esprit emporté par son idée fixe.

Tout à coup, il se trouva devant la gare. Un train partait. Ilmonta dedans. Durant la route, sa colère s’apaisa, il reprit sessens et il rentra dans Paris, stupéfait de son audace.

Il se sentait brisé comme si on lui eût rompu les os. Il allacependant prendre un bock à sa brasserie.

En le voyant entrer, Mlle Zoé, surprise, lui demanda : – Déjàrevenu ? Est-ce que vous êtes fatigué ?

Il répondit : – Oui… oui… très fatigué… très fatigué… Vouscomprenez… quand on n’a pas l’habitude de sortir ! C’est fini,je n’y retournerai point, à la campagne. J’aurais mieux fait derester ici. Désormais, je ne bougerai plus.

Et elle ne put lui faire raconter sa promenade, malgré l’enviequ’elle en avait.

Pour la première fois de sa vie il se grisa tout à fait, cesoir-là, et on dut le rapporter chez lui.

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