Un habitant de la planète Mars

LETTRE VIII

D’astre en astre. – Suite. – À bord de la planèteMars. – Mers, continents et glaces. – Comment les hommes existenten Mars depuis longtemps – Êtres inférieurs. – La momie. – Jupiterest bien Jupiter. – Encore liquide. – Ne placez donc pas deshabitants partout ! – Où l’on voudrait bien être homme deJupiter. – Leur suprématie. – Saturne. – Neptune, Uranus. – La viedans les astres. – Résumé. – Terrains à vendre dansl’avenir.

M. GREENWIGHT. J’abrège, messieurs, et jecite de suite les éléments caractéristiques de Mars.

Densité, 5.1. Pesanteur, 1/2. Rotation, 24heures.

Masse, 1/8 de celle de la Terre.

C’est assez dire que Mars est en avance surnous, et que son refroidissement doit être considérable. Il y alongtemps déjà que les conditions vitales analogues à celles de laTerre ont disparu de sa surface. Sa rotation est à peu de choseprès celle de notre globe ; mais sa pesanteur est beaucoupplus petite ; les forces de combinaison y sont moindres, et sadensité devrait être inférieure à celle de la Terre, si lerefroidissement plus avancé n’y avait condensé davantage lamatière. Aussi y a-t-il à peu près égalité.

La pesanteur, moindre à sa surface, tend àdémontrer que les organismes ont dû apparaître à une températureplus basse que sur terre, de même qu’ils disparaîtront aussi à uneplus basse. Ils doivent exister encore parfaitement, et les êtresqui vivent maintenant appartiennent, dans l’échelle organique, à unrang plus élevé que l’homme actuel de la Terre ; il fautremonter à une époque beaucoup antérieure pour retrouver l’analoguede l’espèce humaine actuelle. Ai-je besoin de dire néanmoins queles organismes de Mars doivent céder le pas à ceux de laTerre ? la vie y est plus rapide, l’être moins susceptible deperfectionnement.

La momie que nous avons sous les yeux ayantété trouvée au-dessous des alluvions anciennes remonte à unepériode géologique terrestre assez reculée, et Mars pouvait bienêtre à cette époque dans la phase de son évolution qui correspondenviron à celle actuelle de la Terre.

La momie de la planète Mars, si tant estqu’elle en provienne, devrait donc à peu de chose près représenterle type humain de Mars homologue du type humain de la Terre, etd’après les objets, les amphores, découverts par M. Paxton, onaurait assez le droit de supposer que ce type appartenait auxpremiers hommes de la planète.

On pourrait même, d’après la forme des vases,en conclure jusqu’à un certain point que l’esprit humain passeaussi partout par les mêmes phases et suit les mêmestransformations : mais je n’anticipe pas, ceci trouvera saplace ailleurs.

Que mes confrères les chimistes de l’assembléeme permettent seulement de recommander à leur attention legroupement moléculaire de l’aérolithe, la densité de lamatière.

D’après ce que j’ai dit, il doit y avoir à cepoint de vue des différences avec les corps terrestres de mêmenature, puisque ces éléments varient avec l’âge d’un astre ;la substance dont est faite la momie, les os, ne doit pas non plusavoir exactement la même densité, ni le même équivalent que lescomposés similaires terrestres.

J’ajouterai enfin, messieurs, que l’examentélescopique de Mars semble y faire découvrir des continents, desmers, des glaces… ce qui tend à confirmer pleinement mesprévisions[16].

L’atmosphère semble plus dense que la nôtre.Ceci tient tout à la fois au refroidissement et à la moindrepuissance d’agrégation possédée par l’astre ; il lui faudraplus de temps pour absorber son atmosphère. Comme je l’avais faitobserver à M. Rink, l’aspect physique de Mars semble prouverque malgré les différences des éléments caractéristiques de chaqueplanète, la matière y paraît affecter à peu près les mêmesformes : nous retrouvons dans Mars des liquides, des glaces,et des matériaux solides analogues, tout à fait analogues auxnôtres, si l’aérolithe peut réellement nous en offrir unéchantillon.

Enfin, la juxtaposition des glaces et desliquides met parfaitement en évidence le rôle important durayonnement solaire dans la production et la conservation de lavie. Sans le Soleil, Mars serait trop refroidi sans doute pourconserver à sa surface de la matière à l’état liquide.

Vous le voyez, messieurs, je me contente dedégrossir les caractères physiques de l’astre ; je laisse auxsavants compétents le soin de pousser plus avant la partiephysiologique et biologique du sujet ; j’achève vite monvoyage d’exploration.

Jupiter se présente après Mars.

Éléments : densité 1.3, à peu près celledu Soleil 1.4.

Rotation 9 h.

Masse, 342 fois celle de la Terre.

Pesanteur, 2 1/2.

Après le soleil, c’est certainement Jupiterqui a conservé la plus grande quantité de mouvement ; il esttrès-jeune, dans l’enfance, et c’est à peine si sa surface commenceà se solidifier. Aussi sa densité est-elle faible et son atmosphèredoit-elle être puissante et dense. On voit en effet des bandes surson disque qui ne laissent aucun doute sur l’enveloppe gazeuse etconsidérable qui entoure l’astre.

Qu’on ne vienne pas nous dire avec étourderieque Jupiter possède des habitants ; c’est tout au plus si nouspensons que les organismes les plus inférieurs ont déjà pu s’ydévelopper. Plus tard, nous y retrouverons les êtres successifs del’échelle, tous correspondant aux températures diverses de l’astre.Mais au point actuel de son évolution, Jupiter n’est pas encoreaccessible à la vie ou tout au moins à l’existence d’êtres déjàcomplexes. Les organismes s’y développeront, du reste, peu àpeu ; tout porte à admettre vu sa grande quantité demouvement, qu’ils seront supérieurs à ceux de la Terre, et mêmesupérieurs à ceux de tous les astres de notre système. Mais nous neserons plus assurément et depuis fort longtemps quand l’homme, deJupiter analogue à l’homme actuel terrestre fera son apparition.Faune et flore y seront certainement plus complexes et plusperfectionnées que partout ailleurs. La mythologie a euraison : Jupiter est bien Jupiter.

Il a quatre satellites, quatre petitesplanètes réchauffées par ce soleil secondaire. Elles doivent êtrehabitées maintenant par des organismes inférieurs.

Après Jupiter, vient Saturne :

Masse, 103.

Rotation, 10 heures.

Densité, 0.7.

Pesanteur, 1.

Après Jupiter, c’est cette planète qui est laplus jeune ; elle doit être cependant solidifiée à sa surface.La grande quantité de mouvement qu’elle possède encore, sarotation, grande par rapport à son diamètre, expliquent sa faibledensité. Saturne ne peut vraisemblablement être encore habité quepar des organismes inférieurs.

Cette planète présente, vous le savez, unesingulière anomalie : elle est entourée d’un grand anneau àl’équateur et qui flotte dans l’espace sans la toucher. La matière,à l’origine, s’était portée vers l’équateur de l’astre, poussée parla force centrifuge ; puis, quand le refroidissement acommencé, il aura été inégal et le bourrelet équatorial se seraséparé en continuant sa route et suivant la rotation de l’astre,comme s’il faisait encore partie intégrante de toute la masse. Plusle refroidissement se sera produit, et plus l’anneau se seraécarté ; il s’est même fendu lui-même en plusieurs anneauxsecondaires, ce qui me paraît une preuve irrécusable de sasolidification.

Ayant peu de masse, en effet, il aura viteperdu assez de quantité de mouvement pour se solidifier. Il y acela de curieux que cet anneau est en somme un satellite, et queles organismes ont dû s’y développer et subsistent sans douteencore. Ils doivent être peu avancés dans l’échelle des êtres,mais, s’ils ont l’entendement fait pour concevoir la beauté duspectacle qui les entoure, ils ont dû plus d’une fois tomber enextase devant ce magnifique globe qui court avec eux au milieu desespaces en les éclairant et les chauffant.

L’inverse se manifestera bientôt, et lesfuturs habitants de Saturne jouiront de la vue singulière de cetimmense anneau qui les séparera du ciel comme un gigantesquegarde-fou. Saturne a sept satellites sans doute trop refroidis pourpermettre à la vie de s’y développer encore.

Neptune, qui vient ensuite, a une masse de87 ;

Une densité très-faible, 1,8 ;

Et une pesanteur de 1 1/3. Elle reçoittrès-peu de chaleur du Soleil : aussi doit elle être refroidiedéjà assez pour permettre le développement d’organismes. On n’a pudéterminer, à cause de son éloignement, sa vitesse derotation ; à sa faible densité, nous pensons qu’elle doit êtreconsidérable.

Uranus n’a qu’une masse de 77, plus vieilleque Neptune, par conséquent plus éloignée encore.

Densité très-faible, analogue à celle deSaturne, 0.9 ;

Pesanteur 2/3 ; rotation inconnue, maisassurément très-rapide.

La matière y est peu condensée, malgré lerefroidissement plus grand que pour les planètes précédentes,cependant assez sans doute pour donner naissance à desorganismes.

J’achève et je résume, messieurs, cette troplongue excursion à travers les molécules constitutives du corpscéleste dont nous faisons partie. J’ai décrit brièvement lesconditions d’habitabilité des planètes. Je les place ici enquelques mots pour que chacun de vous juge bien de quel astre peutêtre descendu l’étrange individu découvert par MM. Paxton etDavis. Ici, comme ailleurs, la théorie nous aura sans doute guidésvers la vérité.

LA VIE DANS LES ASTRES.

Soleil. – Inhabité encore.

Mercure. – Habité, êtres inférieurs,homologues des espèces futures terrestres.

Vénus. – Habitée ; êtrescomplètement analogues à ceux de la Terre ; faune et florecorrespondantes.

La Terre. – Habitée depuis longtempsdéjà et le sera longtemps encore.

La Lune. – Plus habitée ; l’aété.

Mars. – Habité ; êtres analoguesà ceux de la Terre, plus petits et inférieurs ; homologues, ily a longtemps déjà, des espèces terrestres, maintenant habité pardes êtres correspondant dans l’échelle organique aux futurshabitants de la Terre.

Jupiter. – Non habité encore.Satellites habités.

Saturne, – Êtres inférieurs,Satellites peut-être encore habités.

Neptune. – Habité sans doute par desêtres inférieurs.

Uranus. – Organismesrudimentaires.

Il suffit, messieurs, de parcourir ce résumépour se convaincre que l’homme interplanétaire, s’il a bienréellement une origine ultra-terrestre, ne peut provenir, d’aprèsce qui précède, que de la planète Vénus ou de la planète Mars.

Tous les géologues seront sans doute de monavis, lorsque je dirai pour ma part que je n’hésite pas entre lesdeux hypothèses, et que j’opte pour Mars.

Vénus et la Terre se suivent degré par degréou à peu près : or, l’homme ne devait pas exister sur Terrequand l’aérolithe y est tombé, puisque l’apparition de l’espècehumaine sur notre globe est postérieure au dépôt qui recouvrait lebolide : donc, le type analogue ne devait pas existerdavantage dans Vénus.

Au contraire, il ressort de ce qui précède quel’homologue de l’espèce humaine terrestre dans Mars a dû faire sonapparition à une époque beaucoup antérieure à la nôtre : iln’y a donc rien d’étonnant à la rencontrer dans une couchegéologiquement ancienne. Enfin, si, ce qu’il est bien permis desupposer, les dimensions des organismes dans chaque monde sontproportionnelles à leurs volumes, la petitesse relative de la momielui donne pour origine Mars.

On voit donc qu’en définitive la théories’accorde très-bien avec les images grossières de notre systèmesolaire figurées sur la plaque trouvée dans l’aérolithe. Lapremière idée, quand on voit Mars, dont le volume est plus petitque celui des planètes environnantes, dessiné plus gros ;lorsque l’on voit, à côté et à peu près avec les distances qui lesséparent, le Soleil, Mercure, Vénus, la Terre, la première idée quivient à l’esprit est assurément de rapporter cette représentationgrossière à des êtres habitant Mars.

Sous ce rapport, j’admets donc très-bien lesconjectures de MM. Paxton et Davis. Comme de plus lesconsidérations les plus éloignées de ce point de départ nousramènent par une autre route aux mêmes conclusions, je ne puism’empêcher de signaler à toute l’attention de l’assemblée cesfrappantes coïncidences : il y a là un argument sérieux enfaveur de l’hypothèse de la chute d’un véritable habitant de laplanète Mars.

Telle est, messieurs, la thèse que je voulaisdévelopper et que je vous remercie d’avoir écoutée avec autantd’indulgence.

M. STECK. Monsieur le président, jedemande la permission de faire observer à M. Greenwight qu’ila oublié la Lune.

L’être momifié qui a été découvert ici,compliquerait sans faire un pas en avant. J’aime mieux dire à monhonorable contradicteur que, suivant toute probabilité, l’homologuelunaire de l’espèce humaine terrestre serait aussi proportionnelleau volume du satellite ; or, si l’on compare les volumes de laTerre, de la Lune, de Mars, on trouve que les dimensions de l’hommeà la surface de la terre et de l’homme interplanétaire sont entreelles comme les volumes de notre globe et de Mars ; quand onveut comparer avec la Lune on trouve une hauteur beaucoup tropconsidérable ; les habitants de la Lune ont dû êtrecertainement plus petits que nous et dans une proportion assezgrande.

C’est pour cette raison, qui en vaut bien uneautre, en pareille occurrence, que j’avais négligé de mettre enligne de compte notre satellite. Du reste, j’invoquerai ici l’appuides chimistes. La densité de l’aérolithe pourra apporter quelqueslumières dans la question.

M. LIESSE. Demain, nous ferons connaîtrela densité des principaux échantillons de l’aérolithe.

Plusieurs membres vont féliciterM. Greenwight. La séance est levée à cinq heures.

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