Zaïre

Scène VI

 

ZAÏRE, OROSMANE.

OROSMANE.

Paraissez, tout est prêt, et l’ardeur qui m’anime
Ne souffre plus, madame, aucun retardement;
Les flambeaux de l’hymen brillent pour votre amant:
Les parfums de l’encens remplissent la mosquée;
Du dieu de Mahomet la puissance invoquée
Confirme mes serments et préside à mes feux.
Mon peuple prosterné pour vous offre ses voeux:
Tout tombe à vos genoux; vos superbes rivales,
Qui disputaient mon coeur, et marchaient vos égales,
Heureuses de vous suivre et de vous obéir,
Devant vos volontés vont apprendre à fléchir.
Le trône, les festins, et la cérémonie,
Tout est prêt: commencez le bonheur de ma vie.

ZAÏRE.

Où suis-je, malheureuse? ô tendresse! ô douleur!

OROSMANE.

Venez.

ZAÏRE.

Oùme cacher?

OROSMANE.

Que dîtes-vous?

ZAÏRE.

Seigneur!

OROSMANE.

Donnez-moi votre main; daignez, belle Zaïre…

ZAÏRE.

Dieu de mon père, hélas! que pourrai-je lui dire?

OROSMANE.

Que j’aime à triompher de ce tendre embarras!
Qu’il redouble ma flamme et mon bonheur!

ZAÏRE.

Hélas!

OROSMANE.

Ce trouble à mes désirs vous rend encor plus chère;
D’une vertu modeste il est le caractère.
Digne et charmant objet de ma constante foi,
Venez, ne tardez plus.

ZAÏRE.

Fatime, soutiens-moi…
Seigneur…

OROSMANE.

O ciel! eh quoi!

ZAÏRE.

Seigneur, cet hyménée
Était un bien suprême à mon âme étonnée.
Je n’ai point recherché le trône et la grandeur.
Qu’un sentiment plus juste occupait tout mon coeur!
Hélas! j’aurais voulu qu’à vos vertus unie,
Et méprisant pour vous les trônes de l’Asie,
Seule et dans un désert, auprès de mon époux,
J’eusse pu sous mes pieds les fouler avec vous.
Mais… seigneur… ces chrétiens…

OROSMANE.

Ces chrétiens… Quoi! madame,
Qu’auraient donc de commun cette secte et ma flamme!

ZAÏRE.

Lusignan, ce vieillard accablé de douleurs,
Termine en ces moments sa vie et ses malheurs.

OROSMANE.

Eh bien quel intérêt si puissant et si tendre
A ce vieillard chrétien votre coeur peut-il prendre?
Vous n’êtes point chrétienne; élevée en ces lieux,
Vous suivez dès longtemps la foi de mes aïeux.
Un vieillard qui succombe au poids de ses années
Peut-il troubler ici vos belles destinées?
Cette aimable pitié, qu’il s’attire de vous,
Doit se perdre avec moi dans des moments si doux.

ZAÏRE.

Seigneur, si vous m’aimez, si je vous étais chère…

OROSMANE.

Si vous l’êtes, ah! Dieu!

ZAÏRE.

Souffrez que l’on diffère…
Permettez que ces noeuds, par vos mains assemblés…

OROSMANE.

Que dites-vous? ô ciel! est-ce vous qui parlez?
Zaïre!

ZAÏRE.

Je ne puis soutenir sa colère.

OROSMANE.

Zaïre!

ZAÏRE.

Il m’est affreux, seigneur, de vous déplaire;
Excusez ma douleur… Non, j’oublie à la fois
Et tout ce que je suis, et tout ce que je dois.
Je ne puis soutenir cet aspect qui me tue.
Je ne puis… Ah! souffrez que loin de votre vue,
Seigneur, j’aille cacher mes larmes, mes ennuis,
Mes voeux, mon désespoir, et l’horreur où je suis.
(Elle sort.)

 

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