Scène III
OROSMANE, CORASMIN.
OROSMANE.
Ah! c’est trop tôt chercher ce solitaire asile,
C’est trop tôt abuser de ma bonté facile;
Et plus j’y pense, ami, moins je puis concevoir
Le sujet si caché de tant de désespoir.
Quoi donc! par ma tendresse élevée à l’empire,
Dans le sein du bonheur que son âme désire,
Près d’un amant qu’elle aime, et qui brûle à ses pieds,
Ses yeux, remplis d’amour, de larmes sont noyés!
Je suis bien indigné de voir tant de caprices:
Mais moi-même, après tout, eus-je moins d’injustices?
Ai-je été moins coupable à ses yeux offensés?
Est-ce à moi de me plaindre? on m’aime, c’est assez.
Il me faut expier, par un peu d’indulgence,
De mes transports jaloux l’injurieuse offense.
Je me rends: je le vois, son coeur est sans détours;
La nature naïve anime ses discours.
Elle est dans l’âge heureux où règne l’innocence;
A sa sincérité je dois ma confiance.
Elle m’aime sans doute; oui, j’ai lu devant toi,
Dans ses yeux attendris, l’amour qu’elle a pour moi;
Et son âme, éprouvant cette ardeur qui me touche,
Vingt fois pour me le dire a volé sur sa bouche.
Qui peut avoir un coeur assez traître, assez bas,
Pour montrer tant d’amour, et ne le sentir pas?