Scène VII
OROSMANE, CORASMIN.
OROSMANE.
Ami, sa perfidie
Au comble de l’horreur ne s’est pas démentie;
Tranquille dans le crime, et fausse avec douceur,
Elle a jusques au bout soutenu sa noirceur.
As-tu trouvé l’esclave? as-tu servi ma rage?
Connaîtrai-je à la fois son crime et mon outrage?
CORASMIN.
Oui, je viens d’obéir; mais vous ne pouvez pas
Soupirer désormais pour ses traîtres appas:
Vous la verrez sans doute avec indifférence,
Sans que le repentir succède à la vengeance;
Sans que l’amour sur vous en repousse les traits.
OROSMANE.
Corasmin, je l’adore encor plus que jamais.
CORASMIN.
Vous? ô ciel! vous?
OROSMANE.
Je vois un rayon d’espérance.
Cet odieux chrétien, l’élève de la France,
Est jeune, impatient, léger, présomptueux;
Il peut croire aisément ses téméraires voeux:
Son amour indiscret, et plein de confiance,
Aura de ses soupirs hasardé l’insolence!
Un regard de Zaïre aura pu l’aveugler:
Sans doute il est aisé de s’en laisser troubler.
Il croit qu’il est aimé, c’est lui seul qui m’offense;
Peut-être ils ne sont point tous deux d’intelligence.
Zaïre n’a point vu ce billet criminel,
Et j’en croyais trop tôt mon déplaisir mortel
Corasmin, écoutez… dès que la nuit plus sombre
Aux crimes des mortels viendra prêter son ombre,
Sitôt que ce chrétien chargé de mes bienfaits,
Nérestan, paraîtra sous les murs du palais,
Ayez soin qu’à l’instant ma garde le saisisse;
Qu’on prépare pour lui le plus honteux supplice,
Et que chargé de fers il me soit présenté.
Laissez, surtout, laissez Zaïre en liberté.
Tu vois mon coeur, tu vois à quel excès je l’aime!
Ma fureur est plus grande, et j’en tremble moi-même.
J’ai honte des douleurs où je me suis plongé;
Mais malheur aux ingrats qui m’auront outragé!