Zaïre

Scène II

 

ZAÏRE, CHATILLON, NÉRESTAN.

ZAÏRE, à Nérestan.

C’est vous, digne Français, à qui je viens parler.
Le soudan le permet, cessez de vous troubler;
Et rassurant mon coeur, qui tremble à votre approche,
Chassez de vos regards la plainte et le reproche.
Seigneur, nous nous craignons, nous rougissons tous deux;
Je souhaite et je crains de rencontrer vos yeux.
L’un à l’autre attachés depuis notre naissance,
Une affreuse prison renferma notre enfance;
Le sort nous accabla du poids des mêmes fers,
Que la tendre amitié nous rendait plus légers.
Il me fallut depuis gémir de votre absence;
Le ciel porta vos pas aux rives de la France:
Prisonnier dans Solyme, enfin je vous revis;
Un entretien plus libre alors m’était permis.
Esclave dans la foule, où j’étais confondue,
Aux regards du soudan je vivais inconnue:
Vous daignâtes bientôt, soit grandeur, soit pitié,
Soit plutôt digne effet d’une pure amitié,
Revoyant des Français le glorieux empire,
Y chercher la rançon de la triste Zaïre
Vous l’apportez: le ciel a trompé vos bienfaits;
Loin de vous, dans Solyme, il m’arrête à jamais.
Mais quoi que ma fortune ait d’éclat et de charmes,
Je ne puis vous quitter sans répandre des larmes.
Toujours de vos bontés je vais m’entretenir,
Chérir de vos vertus le tendre souvenir,
Comme vous, des humains soulager la misère,
Protéger les chrétiens, leur tenir lieu de mère;
Vous me les rendez chers, et ces infortunés…

NÉRESTAN.

Vous, les protéger! vous, qui les abandonnez!
Vous, qui des Lusignan foulant aux pieds la cendre…

ZAÏRE.

Je la viens honorer, seigneur, je viens vous rendre
Le dernier de ce sang, votre amour, votre espoir:
Oui, Lusignan est libre, et vous l’allez revoir.

CHATILLON.

O ciel! nous reverrions notre appui, notre père!

NÉRESTAN.

Les chrétiens vous devraient une tête si chère!

ZAÏRE.

J’avais sans espérance osé la demander
Le généreux soudan veut bien nous l’accorder:
On ramène en ces lieux.

NÉRESTAN.

Que mon âme est émue!

ZAÏRE.

Mes larmes, malgré moi, me dérobent sa vue;
Ainsi que ce vieillard, j’ai langui dans les fers;
Qui ne sait compatir aux maux qu’on a soufferts!

NÉRESTAN.

Grand Dieu! que de vertu dans une âme infidèle!

 

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