III
Quand le feu prend soudain dans un village, onvoit
L’incendie égrener, ainsi qu’une semence,
Ses flammes à travers le pays ; chaquetoit
S’allume à son voisin comme une torcheimmense,
Et l’horizon entier flamboie. Un feud’amour
Qui ravageait les cœurs, brûlait les corps,et, comme
L’incendie, emportait sa flamme d’homme enhomme,
Eut bientôt embrasé le pays d’alentour.
Par les chemins des bois, par les ravinescreuses,
Où la poussait, le soir, un instincthasardeux,
Son pied semblait tracer des routesamoureuses,
Et ses amants luttaient sitôt qu’ils étaientdeux.
Elle s’abandonnait sans résistance, née
Pour cette œuvre charnelle, et le jour ou lanuit,
Sans jamais un soupir de bonheur oud’ennui,
Acceptait leurs baisers comme unedestinée.
Quiconque avait suivi de la bouche ou desyeux
Tous les sentiers perdus de son corpsmerveilleux,
Cueillant ce fruit d’ivresse éternelle quesème
La Beauté dans ces flancs de déesse qu’elleaime,
Gardait au fond du cœur un longfrémissement
Et, grelottant d’amour comme on tremble defièvre,
Il la cherchait sans cesse avecacharnement,
Laissant tomber des mots éperdus de salèvre.