VI
Ils restaient là. Le jour s’éteignit. Lesténèbres
Emplirent tout le ciel de leurs houlesfunèbres.
Ils restaient là, roulés comme deux petitstas
De feuilles, grelottant leurs fièvresacharnées,
Si vagues dans la nuit qu’on ne les trouvapas.
Ils formaient un obstacle aux bêteétonnées
En barrant le sentier tracé de chaquesoir.
Les unes s’arrêtaient, timides, pour lesvoir ;
D’autres les parcouraient ainsi que desépaves ;
Des limaces rampaient sur eux, traînant leursbaves ;
Des insectes fouillaient les replis de leurscorps,
Et d’autres s’installaient dessus, les croyantmorts.
Mais un frisson bientôt courut par lesallées.
Une averse entr’ouvrit les feuillesflagellées,
Ruisselante et claquant sur le sol avecbruit.
Et sur les deux vieillards qui grelottaientencore,
La pluie, en flots épais, tomba toute lanuit.
Puis, lorsque reparut la clarté del’aurore,
Sous l’égout persistant des hauts feuillagesverts
On ramassa, tout froids en leurs habitshumides,
Deux petits corps sans vie, effrayants etrigides
Ainsi que les noyés qu’on trouve au fond desmers.