V
Certains soirs, échappant à tous, ellepartait
Pour aller se baigner dans l’eau fraîche. Lalune
Illuminait le sable et la mer qui montait.
Elle hâtait le pas, et sur la blonde dune
Aux lointains infinis et sans rien devivant,
Sa grande ombre rampait très vite en lasuivant.
En un tas sur la plage elle posait seshardes,
S’avançait toute nue et mouillait son piedblanc
Dans le flot qui roulait des écumesblafardes,
Puis, ouvrant les deux bras, s’y jetait d’unélan.
Elle sortait du bain heureuse etruisselante,
Se couchait tout du long sur la dune,enfonçant
Dans le sable son corps magnifique etpuissant,
Et, quand elle partait d’une marche pluslente,
Son contour demeurait près du flotincrusté.
On eût dit à le voir qu’une haute statue
De bronze avait été sur la grève abattue,
Et le ciel contemplait ce moule de Beauté
Avec ses milliers d’yeux. – Puis la vaguefurtive
L’atteignant refaisait toute plate larive !