UN COUP DE SOLEIL
C’était au mois de juin. Tout paraissait enfête.
La foule circulait bruyante et sans souci.
Je ne sais trop pourquoi j’étais heureuxaussi ;
Ce bruit, comme une ivresse, avait troublé matête.
Le soleil excitait les puissances ducorps,
Il entrait tout entier jusqu’au fond de monêtre,
Et je sentais en moi bouillonner cestransports
Que le premier soleil au cœur d’Adam fitnaître.
Une femme passait ; elle me regarda.
Je ne sais pas quel feu son œil sur moidarda,
De quel emportement mon âme fut saisie,
Mais il me vint soudain comme une frénésie
De me jeter sur elle, un désir furieux
De l’étreindre en mes bras et de baiser sabouche !
Un nuage de sang, rouge, couvrit mes yeux,
Et je crus la presser dans un baiserfarouche.
Je la serrais, je la ployais, larenversant.
Puis, l’enlevant soudain par un effortpuissant,
Je rejetais du pied la terre, et dansl’espace
Ruisselant de soleil, d’un bond, jel’emportais.
Nous allions par le ciel, corps à corps, faceà face.
Et moi, toujours, vers l’astre embrasé jemontais,
La pressant sur mon sein d’une étreinte siforte
Que dans mes bras crispés je vis qu’elle étaitmorte…