Là-bas

Chapitre 21

 

Durtal avait pris la résolution de ne pas répondre aux lettresque lui adressait la femme de Chantelouve. Depuis leur rupture,chaque jour, elle lui envoyait une missive en ignition; mais, commeil put le constater bientôt, ces cris de ménade s’apaisèrent et cefurent des plaintes et des roucoulements, des reproches et despleurs. Elle l’accusait maintenant d’ingratitude, se repentait del’avoir écouté, de l’avoir fait participer à des sacrilèges dontelle aurait là-haut à rendre compte; elle demandait aussi à levoir, une fois encore; puis, pendant une semaine, elle se tut;enfin, lasse sans doute du silence de Durtal, elle lui notifia leurséparation dans une dernière épître.

Après avoir avoué qu’il avait, en effet, raison, que ni leurtempérament, ni leur âme ne s’accordaient, ironiquement, ellefinissait par lui dire:

« Merci du bon petit amour, réglé de même qu’un papier à musique,que vous m’avez servi; mais ce n’est pas là ma mesure, mon coeurgante plus grand…  »

– Son coeur! et il se mit à rire, – puis, il continua:

« Je comprends certes que vous n’ayez pas pour mission et pourbut de le combler, mais vous pouviez au moins me concéder unefranche camaraderie qui m’eût permis de laisser mon sexe chez moiet d’aller causer quelquefois, le soir, avec vous; cette chose sisimple en apparence, vous l’avez rendue impossible. – Adieu et pourjamais. Je n’ai plus qu’à faire un nouveau pacte avec la solitude àlaquelle j’ai tenté d’être infidèle…  »

– La solitude! Eh bien et ce cocu paterne et narquois qu’est sonmari! Au fait, reprit-il, c’est lui qui doit-être, à l’heureactuelle, le plus à plaindre! Je lui procurais des soiréessilencieuses, je lui restituais une femme assouplie et satisfaite;il profitait de mes fatigues, ce sacristain! Ah! quand j’y songe,ses yeux papelards et sournois, quand il me regardait, en disaientlong!

Enfin, ce petit roman est terminé; la bonne chose que d’avoir lecoeur en grève! L’on ne souffre ni des mésaises d’amour, ni desruptures! Il me reste bien un cerveau mal famé qui, de temps entemps, prend feu, mais les postes-vigies des pompières l’éteignent,en un clin d’oeil.

Autrefois, quand j’étais jeune et ardent, les femmes sefichaient de moi; maintenant que je suis rassis, c’est moi qui mefiche d’elles. C’est le vrai rôle, celui-là, mon vieux, dit-il àson chat qui écoutait, les oreilles droites, ce soliloque. Au fond,ce que Gilles De Rais est plus intéressant que Mme Chantelouve;malheureusement, mes relations avec lui tirent à leur fin aussi;encore quelques pages et le livre est achevé. – Allons, bon, voilàcet affreux Rateau qui vient troubler mon ménage.

Et, en effet, le concierge entra, s’excusa d’être en retard,enleva sa veste, et jeta un regard de défi aux meubles.

Puis il s’élança sur le lit, se colleta, comme un lutteur, avecles matelas, en prit un à bras-le-corps, le souleva de terre, sebalança avec, puis d’un coup de reins, l’étala, en soufflant, surle sommier.

Durtal passa, suivi de son chat, dans l’autre pièce, maissubitement Rateau interrompit son pugilat et vint lesrejoindre.

– Monsieur sait ce qui m’arrive? balbutia-t-il, d’un tonpiteux.

– Non.

– Madame Rateau m’a quitté.

– Elle vous a quitté! mais elle a au moins soixante ans!

Rateau leva les yeux au ciel.

– Et, elle est partie avec un autre?

Rateau abaissa, désolé, le plumeau qu’il tenait en main.

– Diable! Mais, votre femme avait donc, malgré son âge, desexigences que vous ne pouviez satisfaire?

Le concierge secoua la tête et il finit par avouer que c’étaittout le contraire.

– Oh! fit Durtal, en considérant ce vieil escogriffe, tanné parl’air des soupentes et le trois-six – Mais, si elle désire ne plusêtre adorée, pourquoi s’est-elle enfuie avec un homme?

Rateau eut une grimace de mépris et de pitié.

– C’est un impotent, un propre à rien, un feignant sur l’articlequ’elle a choisi.

– Ah!

– C’est par rapport à la loge que c’est désagréable; lepropriétaire, il ne veut pas d’un concierge qui soit sansfemme!

Seigneur! quelle aubaine! pensa Durtal. – Tiens j’allais merendre chez toi, dit-il à Des Hermies qui, trouvant la clef laisséesur la porte par Rateau, était entré.

– Eh bien! Puisque ton ménage n’est pas fini, descend comme unDieu de ton nuage de poussière et viens chez moi.

Chemin faisant, Durtal raconta à son ami les mésaventuresconjugales de son concierge.

– Oh! fit des Hermies, que de femmes seraient heureuses delaurer l’occiput d’un vieillard si combustible! -mais, quelledégoûtation! Reprit-il, en montrant, autour d’eux les murs desmaisons couverts d’affiches.

C’était une véritable débauche de placards; partout sur despapiers de couleur, s’étalaient, en grosses capitales, les noms deBoulanger et de Jacques.

– Ce sera, Dieu merci, terminé dimanche!

– Il y a bien une ressource maintenant, reprit des Hermies, pouréchapper à l’horreur de cette vie ambiante, c’est de ne plus leverles yeux, de garder à jamais l’attitude timorée des modesties.Alors, en ne contemplant que les trottoirs, l’on voit, dans lesrues, les plaques des regards électriques de la Compagnie Popp. Ily a des signaux, des blasons d’alchimiste en relief sur cesrondelles, des roues à crans, des caractères talismaniques, despantacles bizarres avec des soleils, des marteaux et des ancres; çapeut permettre de s’imaginer qu’on vit au Moyen Age!

– Oui, mais il faudrait, pour n’être pas dissipé par l’horriblefoule, avoir des oeillères comme des chevaux et en avant, sur lecrâne, les visières de ces képis à la conquête d’Afrique,qu’arborent maintenant les collégiens et les officiers.

Des Hermies soupira. – Entre, dit-il, en ouvrant sa porte; ilss’installèrent dans des fauteuils et allumèrent des cigarettes.

– Je ne suis tout de même pas encore bien remis de laconversation qui eut lieu chez Carhaix, avec Gévingey, l’autresoir, fit Durtal, en riant. Ce Dr Johannès est bien étrange! Je nepuis pas m’empêcher d’y songer. Voyons, crois-tu sincèrement aumiracle de ses cures?

– Je suis obligé d’y croire; je ne t’ai pas tout dit, car unmédecin qui raconte de telles histoires semble, quand même, fol; ehbien, sache-le, ce prêtre opère des guérisons impossibles.

Je l’ai connu lorsqu’il faisait encore partie du clergéparisien, à propos justement d’un de ces sauvetages auxquelsj’avoue ne rien comprendre.

La bonne de ma mère avait une grande fille paralysée des bras etdes jambes, souffrant mort et passion dans la poitrine, poussantdes hurlements dès qu’on la touchait. C’était venu, à la suite d’onne sait quoi, en une nuit; elle était, depuis près de deux années,dans cet état. Renvoyée comme incurable des hôpitaux de Lyon, ellevint à Paris, suivit un traitement à la salpêtrière, s’en alla,sans que personne ait jamais su ce qu’elle avait et sans qu’aucunemédication ait jamais pu la soulager. Un jour, elle me parla de cetabbé Johannès qui avait, disait-elle, guéri des gens aussi maladesqu’elle. Je n’en croyais pas un mot, mais, étant donné que ceprêtre n’acceptait aucun argent, je ne la détournai point de levisiter et, par curiosité, je l’accompagnai lorsqu’elle s’yrendit.

On la monta sur une chaise et ce petit ecclésiastique, vif,agile, lui prit la main. Il y posa, une, deux, trois pierresprécieuses, chacune à son tour, puis tranquillement il lui dit:mademoiselle, vous êtes victime d’un maléfice deconsanguinéité.

J’eus une forte envie de rire.

– Rappelez-vous, reprit-il, vous avez dû avoir, il y a deux ans,puisque vous êtes paralysée depuis cette époque, une querelle avecun parent ou une parente.

C’était vrai, la pauvre Marie avait été indûment accusée du vold’une montre provenant d’une succession par une tante qui avaitjuré de se venger.

– Elle demeurait à Lyon, votre tante?

Elle fit signe que oui.

– Rien d’étonnant, continua le prêtre; à Lyon, dans le peuple,il y a beaucoup de rebouteurs qui connaissent la science dessortilèges pratiquée dans les campagnes; mais rassurez-vous, cesgens-là ne sont pas forts. Ils en sont à l’enfance de cet art;alors, mademoiselle, vous désirez guérir?

Et après qu’elle eut dit oui, il reprit doucement: eh bien, celasuffit, vous pouvez partir.

Il ne la toucha pas, ne lui prescrivit aucun remède. Je sortis,persuadé que cet empirique était ou un fumiste ou un fou, maisquand trois jours, après, les bras se levèrent, quand cette fillene souffrit plus et qu’au bout d’une semaine elle put marcher, jedus bien me rendre à l’évidence; j’allai revoir ce thaumaturge, jedécouvris le joint pour lui être, en une circonstance, utile, etc’est ainsi que nos relations commencèrent.

– Mais enfin, quels sont les moyens dont il dispose?

– Il procède, ainsi que le Curé d’Ars, par la prière: puis ilévoque les milices du ciel, rompt les cercles magique, chasse, »classe » suivant son expression, les esprits du mal. Je sais bienque c’est confondant, et que, lorsque je parle de la puissance decet homme à mes confrères, ils sourient d’un air supérieur ou meservent le précieux arguments qu’ils ont inventé pour expliquer lesguérisons opérées par le Christ ou par la vierge. ça consiste àfrapper l’imagination du malade, à lui suggérer la volonté deguérir, à le persuader qu’il est bien portant, à l’hypnotiser, enquelque sorte, à l’état de veille, moyennant quoi, les jambestordues se redressent, les plaies disparaissent, les poumons desphtisiques se bouchent, les cancers deviennent des bobos anodins etles aveugles voient clair! Et voilà tout ce qu’ils ont trouvé pournier le surnaturel de certaines cures! On se demande vraimentpourquoi ils n’usent pas eux-mêmes de cette méthode, puisque c’estsi simple!

– Mais est-ce qu’ils ne l’ont pas essayée?

– Oui, pour quelques maux. J’ai même assisté aux épreuves que leDr Luys a tentées. Eh bien, c’est du joli! Il y avait, à lacharité, une malheureuse fille paralysée des deux jambes. Onl’endormait, on lui commandait de se lever; elle se remuait envain. Alors deux internes la prenaient sous les bras et ellepliait, douloureuse, sur ses pieds morts. Ai-je besoin de te direqu’elle ne marchait point et qu’après l’avoir traînée ainsi,pendant quelques pas, on la recouchait, sans qu’aucun résultat fûtjamais acquis?

– Mais voyons, le Dr Johannès ne guérit point indistinctementtous les gens qui souffrent?

– Non, il ne s’occupe que des maladies issues des maléfices. Ilse déclare inapte à refréner les autres qui regardent que lesmédecins, dit-il. C’est le spécialiste des maux sataniques. Ilsoigne surtout les aliénés qui sont, d’après lui, pour la plupart,des gens vénéficiés, possédés par des Esprits, et par conséquentrebelles au repos et aux douches!

– Et ces pierreries dont tu me parlais, quel usage enfait-il?

– Avant de te répondre, il me faut préalablement t’expliquer lesens de l’aptitude de ces pierres. Je ne t’apprendrai rien, en teracontant qu’Aristote, que Pline, que tous les savants du paganismeleur attribuèrent des vertus médicales et divines. Suivant eux,l’agate et la cornaline égaient; la topaze console; le jaspe guéritles maladies de langueur; l’hyacinthe chasse l’insomnie; laturquoise empêche ou atténue les chutes; l’améthyste combatl’ivresse.

Le symbolisme catholique s’empare, à son tour, des pierreries etvoit en elles les emblèmes des vertus chrétiennes. Alors, le saphirreprésente les aspirations élevées de l’âme; la calcédoine, lacharité; la sarde et l’onyx, la candeur; le béryl allégorise lascience théologique; l’hyacinthe, l’humilité, tandis que le rubisapaise la colère, que l’émeraude lapidifie l’incorruptible foi.

Puis, la magie… – et des Hermies, se leva et prit dans sabibliothèque un tout petit volume, relié comme un paroissien, etdont il montra le titre à Durtal.

Celui-ci lut sur la première page: « La Magie naturelle qui estles secrets et miracles de nature, mise en quatre livres parJean-Baptiste Porta, Néapolitain. » et, en bas « à Paris, par NicolasBonfous, rue neuve Nostre Dame, à l’enseigne Saint Nicolas,1584. »

Puis, reprit des Hermies, en feuilletant ce bouquin, la magienaturelle ou plutôt la simple thérapeutique de ce temps, prête denouveaux sens aux gemmes; tiens, écoute:

Après avoir tout célébré une pierre inconnue, « l’Alectorius » quirend invincible son possesseur, lorsqu’on l’a tout d’abord tirée duventre d’un coq, chaponné depuis quatre ans, ou arrachée duventricule d’une géline, Porta nous apprend que la calcédoine faitgagner les procès, que la cornaline calme le flux du sang et « estassez utile aux femmes qui sont malades de leurs fleurs », quel’hyacinthe garantit de la foudre et éloigne les pestilences et lesvenins, que la topaze dompte les passions lunatiques, que laturquoise profite contre la mélancolie, la fièvre quarte et lesdéfaillances du coeur. Il atteste enfin que le saphir préserve dela peur et conserve les membres vigoureux, alors que l’émeraudependue au col, contregarde le mal de saint Jean et se brise, dèsque la personne qui la porte n’est pas chaste.

Tu le vois, l’antiquité, le christianisme, la science duseizième siècle ne s’entendent guère sur les vertus spécifiques dechaque pierre; presque partout, les significations, plus ou moinscocasses, diffèrent.

Le Dr Johannès a révisé ces croyances, adopté et rejeté nombred’entre elles; enfin il a, de son côté, admis de nouvellesacceptions. Pour lui, l’améthyste guérit bien l’ivresse, maissurtout l’ivresse morale, l’orgueil; le rubis enraye lesentraînements génésiques, le béryl fortifie la volonté, le saphirélève les pensées vers Dieu.

Il croit, en somme, que chaque pierre correspond à une espèce demaladie et aussi à un genre de péché; et il affirme que lorsqu’onsera parvenu à s’emparer chimiquement du principe actif des gemmes,non seulement l’on aura des antidotes mais encore des préservatifsà bien des maux. En attendant que ce rêve, qui peut paraître untantinet louffoque, se réalise et que des chimistes lapidairesfichent notre médecine en bas, il use des pierres précieuses pourformuler les diagnostics des maléfices.

– Mais comment?

– Il prétend qu’en posant telle ou telle pierre dans la main ousur la partie malade de l’envoûté, un fluide s’échappe de la pierrequ’il tient dans ses doigts et le renseigne. Il me narrait, à cepropos, qu’un jour, entre chez lui une dame qu’il ne connaissaitpoint et qui souffrait, depuis son enfance, d’une maladieincurable. Impossible d’obtenir d’elle des réponses qui fussentprécises. En tout cas, il ne découvrait trace d’aucun vénéfice;après avoir essayé presque toute la série de ses pierres, il pritle lapis-lazuli qui correspond, selon lui, au péché de l’inceste;il le lui mit dans la main et le palpa.

– Votre maladie, dit-il, est la suite d’un inceste. – Mais,répondit-elle, je ne suis pas venue chez vous pour me confesser; -et elle finit néanmoins par avouer que son père l’avait violée,alors qu’elle était impubère. Tout cela est désordonné, contraire àtoutes les idées reçues, presque insane, mais, l’on ne s’en trouvepas moins en face d’un fait: ce prêtre guérit des malades que, nousautres médecins, nous jugeons perdus!

– Si bien que l’unique astrologue qui nous reste à Paris,l’étonnant Gévingey, serait mort sans son aide. C’est égale, disdonc, il est est bien, celui-là. Comment, diable, se peut-il quel’Impératrice Eugénie lui ait commandé des horoscopes?

– Mais, je te l’ai raconté. L’on s’occupait fort de magie auxTuileries, sous l’Empire. L’Américain Home y fut révéré à l’égald’un Dieu; en sus de ses séances de spiritisme, c’est lui quiévoquait les esprits infernaux, dans cette cour. ça a même assezmal tourné, un jour. Un certain marquis l’avait supplié de luifaire revoir sa femme qui était morte; Home le mena vers un lit,dans une chambre et le laissa seul. Que survint-il? quels fantômeseffrayants, quelles Ligeïa de sépulcre surgirent? Toujours est-ilque le malheureux fut foudroyé au pied du lit. Cette histoire a étérécemment rapportée par le Figaro, d’après des renseignementsincontestables.

Oh! il ne faut pas jouer avec les choses outre-tombe et tropnier les esprits du mal. J’ai connu jadis un garçon riche, enragéde sciences occultes. Il fut président d’une société de théosophieà Paris et il écrivit même un petit livre sur la doctrineésotérique, dans la collection de l’isis. Eh bien, il ne voulutpas, comme les Péladan et les Papus, se contenter de ne riensavoir, et il se rendit en Ecosse où le Diabolisme sévit. Là, ilfréquenta l’homme qui, moyennant finances, vous initie aux arcanessataniques et il tenta l’épreuve. Vit-il celui que dans « Zanoni »Bulwer Lytton appelle « le gardien du seuil du mystère »? Jel’ignore, mais ce qui est avéré c’est qu’il s’évanouit d’horreur etrevint en France épuisé, à moitié mort.

– Diantre! fit Durtal. Tout n’est pas rose, dans ce métier;mais, voyons, lorsqu’on entre dans cette voie, l’on ne peut doncévoquer que les Esprits du Mal?

– T’imagines-tu que les Anges qui n’obéissent, ici-bas, qu’auxSaints, reçoivent les ordres du premier venu?

– Mais enfin, il doit y avoir, entre les Esprits de Lumière etles Esprits de Ténèbres, un moyen terme, des Esprits ni célestes,ni démoniaques, mitoyens, ceux, par exemple, qui débitent de sifétides âneries dans les séances des spirites!

– Un prêtre me disait, un soir, que les larves indifférentes,neutres, habitent un territoire invisible et naturel, quelque chosecomme une petite île qu’assiègent, de toutes parts, les bons et lesmauvais esprits. Elles sont de plus en plus refoulées, finissentpar se fondre dans l’un ou l’autre camp. Or, à force d’évoquer ceslarves, les occultistes qui ne peuvent, bien entendu, attirer lesanges, finissent par amener les esprits du mal et, qu’ils leveuillent ou non, sans même le savoir, ils se meuvent dans lediabolisme. C’est là, en somme, où aboutit à un moment donné, leSpiritisme!

– Oui, et si l’on admet cette dégoûtante idée qu’un médiumimbécile peut susciter les morts, à plus forte raison, doit-onreconnaître l’étampe de Satan, dans ces pratiques.

– Sans aucun doute; de quelque côté que l’on se tourne, leSpiritisme est une ordure!

– Alors, tu ne crois pas, en somme, à la théurgie, à la magieblanche?

– Non, c’est de la blague! C’est un oripeau qui sert auxgaillards tels que les rose-croix, à cacher leurs plus répugnantsessais de magie noire. Personne n’ose avouer qu’il satanise; lamagie blanche, mais malgré les belles phrases dont l’assaisonnentles hypocrites ou les niais, en quoi veux-tu qu’elle consiste? Oùveux-tu qu’elle mène? D’ailleurs l’Église, que ces compérages nesauraient duper, condamne indifféremment l’une et l’autre de cesmagies.

– Ah! dit Durtal, en allumant une cigarette, après un silence,ça vaut mieux que de causer de politique ou de courses, mais quellepétaudière! Que croire? La moitié de ces doctrines est folle etl’autre est si mystérieuse qu’elle entraîne; attester le satanisme?Dame, c’est bien gros et, pourtant cela peut sembler quasi sûr;mais alors, si on est logique avec soi-même, il faut croire aucatholicisme et, dans ce cas, il ne reste plus qu’à prier; carenfin, ce n’est pas le Bouddhisme et les autres cultes de cegabarit qui sont de taille à lutter contre la religion duChrist!

– Eh bien, crois!

– Je ne peux pas; il y a là dedans un tas de dogmes qui medécouragent et me révoltent!

– Je ne suis pas certain non plus de bien grand’chose, repritDes Hermies, et pourtant il y a des moments où je sens que çavient, où je crois presque. Ce qui est, en tout cas, avéré pourmoi, c’est que le surnaturel existe, qu’il soit chrétien ou non. Lenier, c’est nier l’évidence, c’est barboter dans l’auge dumatérialisme, dans le bac stupide des libres-penseurs!

– C’est tout de même embêtant de vaciller ainsi! Ah! Ce quej’envie la foi robuste de Carhaix.

– Tu n’es pas difficile, répondit des Hermies, la foi, maisc’est le brise-lames de la vie, c’est le seul môle derrière lequell’homme démâté puisse s’échouer en paix!

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer