Là-bas

Chapitre 20

 

Il ne s’embête pas, le chanoine, dit des Hermies, lorsque Durtallui eut conté les détails de la messe noire. C’est un véritablesérail d’hystéro-épileptiques et d’éthéromanes qu’il s’est formé;mais tout cela manque d’ampleur. Certes, au point de vue descontumélies et des blasphèmes, des besognes sacrilèges et desgalimafrées sensorielles, ce prêtre semble exorbitant, presqueunique; mais le côté sanglant et incestueux des vieux sabbats faitdéfaut. Docre est, au demeurant, fort au-dessous de Gilles De Rais;ses oeuvres sont incomplètes, fades, molles, si l’on peut dire.

– Tu es bon, toi; ce n’est pas facile de se procurer des enfantsque l’on puisse impunément égorger, sans que des parents chiaillentet sans que la police ne s’en mêle!

– Sans doute et c’est à des difficultés de ce genre qu’ilconvient évidemment d’attribuer la célébration pacifique de cettemesse. Mais, je repense, pour l’instant, à ces femmes que tu m’asdécrites, à celles qui se jettent la face sur des réchauds afin dehumer la fumée des résines et des plantes; elles usent des procédésdes Aïssaouas qui se précipitent également la tête sur desbraseros, alors que la catalepsie, nécessaire à leurs exercices,tarde; quant aux autres phénomènes que tu me cites, ils sont connusdans les hospices et, sauf l’effluence démoniaque, ils ne nousapprennent rien de neuf; – maintenant, autre chose, reprit-il, pasun mot de tout cela devant Carhaix, car s’il savait que tu asassisté à un office en l’honneur du diable, il serait capable de tefermer sa porte!

Ils descendirent du logis de Durtal et s’acheminèrent vers lestours de Saint-Sulpice.

– Je ne me suis pas inquiété des victuailles puisque tu t’enchargeais, dit Durtal, mais j’ai envoyé, ce matin, à la femme deCarhaix, en sus des desserts et du vin, de vrais pains d’épices deHollande et deux liqueurs un peu surprenantes, un élixir de longuevie que nous prendrons, en guise d’apéritif, avant le repas, et unflacon de crème de céleri. Je les ai découverts chez undistillateur probe.

– Oh!

– Oui, mon ami, probe; tu verras, cet élixir de longue vie estfabriqué, suivant une très ancienne formule du codex, avec del’aloès socotrin, du petit cardamome, du safran, de la myrrhe et untas d’autres aromates. C’est inhumainement amer, mais c’estexquis!

– Soit; au reste, c’est bien le moins que nous fêtions ladélivrance de Gévingey.

– Tu l’as revu?

– Oui; il se porte à ravir; nous lui ferons raconter saguérison.

– Je me demande avec quoi il vit encore, celui-là?

– Mais avec les ressources que lui procure sa scienced’astrologue.

– Il y a donc des gens riches qui se font tirer deshoroscopes?

– Dame, il faut le croire; – à te dire vrai, je pense queGévingey n’est pas très à son aise. Sous l’Empire, il futl’astrologue de l’impératrice qui était fort superstitieuse etajoutait foi autant que Napolèon, du reste, aux prédictions et auxsorts; mais depuis la chute de l’empire, sa situation a bienbaissé. Il passe cependant pour être le seul en France qui aitconservé les secrets de Cornélius Agrippa et de Crémone, deRuggiéri et de Gauric, de Sinibald le spadassin et de Trithème.

Ils étaient arrivés, tout en discourant, dans l’escalier, à laporte du sonneur.

L’astrologue était installé déjà et la table était prête. Tousfirent un peu la grimace lorsqu’ils goûtèrent l’active et noireliqueur que leur versa Durtal.

Joyeuse de retrouver ses anciens convives, la maman Carhaixapporta la soupe grasse.

Elle emplit les assiettes et comme l’on servait un plat delégumes et que Durtal choisissait un poireau, des Hermies dit, enriant:

– Prends garde, Porta, un thaumaturge de la fin du seizièmesiècle nous apprend que ce légume, longtemps considéré tel qu’unemblème de la virilité, perturbe la quiétude des plus chastes!

– Ne l’écoutez pas, fit la femme du sonneur. Et vous? MonsieurGévingey, une carotte?

Durtal regardait l’astrologue. Il avait toujours sa tête en painde sucre, ses cheveux de ce brun tourné, sale, qu’ont les poudresd’hydroquinone et d’ipéca, ses yeux effarés d’oiseau, ses énormesmains cerclées de bagues, ses manières obséquieuses et solennelles,son ton de sacerdoce, mais sa mine était presque fraîche; sa peaus’était déplissée, ses yeux semblaient plus clairs, mieux vernis,depuis son retour de Lyon.

Durtal le félicita de l’heureuse issue de sa cure.

– Il était temps, monsieur, que je recourusse aux bons soins duDr Johannès, car j’étais bien bas. Ne possédant point le don de lavoyance et ne connaissant aucune cataleptique extralucide qui pûtme renseigner sur les préparatifs clandestins du chanoine Docre,j’étais dans l’impossibilité, pour me défendre, d’user de la loides contresignes et du choc en retour.

– M1ais, fit des Hermies, en admettant que vous ayez pu, parl’intermédiaire d’un esprit volant, suivre les opérations de ceprêtre, comment seriez-vous parvenu à les déjouer?

– Voici: la loi des contresignes consiste, lorsqu’on sait lejour, l’heure de l’attaque, à la devancer, en fuyant de chez soi,ce qui dépayse et annule le vénéfice; ou à dire, une demi-heureauparavant: frappez, me voici! Ce dernier moyen a pour butd’éventer les fluides et de paralyser les pouvoirs de l’assaillant.En magie, tout acte connu, publié, est perdu. Quant au choc enretour, il faut également être avisé, si l’on veut, sans être toutd’abord atteint, refouler les sorts sur la personne qui lesdépêche.

J’étais donc certain de périr; un jour s’était écoulé déjàdepuis mon envoûtement; deux de plus, et je laissais à Paris mesos.

– Pourquoi cela?

– Parce que tout individu, frappé par la voie magique, n’a quetrois jours pour se garantir. Passé ce délai, le mal devient trèssouvent incurable. Aussi, lorsque Docre m’annonça qu’il mecondamnait, de sa propre autorité, à la peine de mort et lorsque,deux heures après, je me suis senti, en rentrant chez moi, bienmalade, je n’ai pas hésité à boucler ma valise et à me rendre àLyon.

– Et là? questionna Durtal.

– Là, j’ai vu le Dr Johannès; je lui ai raconté la menace deDocre, le mal dont je souffrais. Il m’a dit simplement: ce prêtresait enrober les plus virulents des poisons dans les pluseffroyables des sacrilèges; la lutte sera têtue, mais je levaincrai; et il a aussitôt appelé une dame qui habite chez lui, unevoyante.

Il l’a endormie et elle a, sur ses injonctions, expliqué lanature du sortilège que j’ai subi; elle a reconstitué la scène, m’alittéralement vu empoisonner par le sang des menstrues d’une femmenourrie d’hosties poignardées et de drogues habilement dosées etmêlées à ses boissons et à ses mets; cette sorte d’envoûtement estsi terrible qu’à part le Dr Johannès, aucun thaumaturge en Francen’ose tenter ces cures!

Aussi, le docteur a-t-il fini par me dire: votre guérison nepeut être obtenue que par une puissance infrangible; il n’y a pas àlanterner, nous allons, et tout de suite, recourir au sacrifice degloire de Melchissédec.

Et il a fait dresser un autel, composé d’une table, d’untabernacle de bois, en forme de maisonnette, surmonté d’une croix,cerclé sous le fronton, comme d’un cadran d’horloge, par la figureronde du tétragramme. Il a fait apporter le calice d’argent, lespains azymes et le vin. Lui-même a revêtu ses habits sacerdotaux,passé à son doigt l’anneau qui a reçu les bénédictions suprêmes,puis il a commencé de lire sur un missel spécial les prières dusacrifice.

Presque aussitôt, la voyante s’est écriée: – Voici les espritsévoqués pour le maléfice et qui ont porté le poison, selon lecommandement du maître de la goétie, du chanoine Docre!

Moi, j’étais assis près de l’autel. Le Dr Johannès a placé samain gauche sur ma tête et, étendant vers le ciel son autre main,il a supplié l’archange Saint Michel de l’assister, il a adjuré lesglorieuses légions des glaivataires et des invincibles, de dominer,d’enchaîner ces Esprits du Mal.

Je me sentais allégé; cette sensation de morsure étouffée, quime torturait à Paris, diminuait.

Le Dr Johannès a continué de réciter ses oraisons, puis quandest venu le moment de la prière déprécatoire, il m’a pris le main,l’a posée sur l’autel et, par trois fois, il a clamé:

« Que les projets et que les desseins de l’ouvrier d’iniquité quia fait l’envoûtement contre vous soient anéantis; que touterésomption obtenue par la voie satanique soit foulée aux pieds; quetoute attaque dirigée contre vous soit nulle et dénuée d’effets;que toutes les malédictions de votre ennemi soient transformées enbénédictions des plus hauts sommets des collines éternelles; queses fluides de mort soient transmués en ferments de vie… enfin, queles Archanges des Sentences et des châtiments décident du sort dece misérable prêtre qui a mis sa confiance dans les oeuvres deTénèbres et de Mal! »

« Pour vous, a-t-il repris, vous êtes délivré, le ciel vous aguéri; que votre coeur en rende au Dieu vivant et au Christ Jésusles plus ardentes actions de grâce, par la glorieuse Marie! »

Et il m’a offert un peu de pain azyme et de vin. J’étais, eneffet, sauvé. Vous qui êtes médecin, Monsieur Des Hermies, vouspouvez attester que la science humaine était impuissante à meguérir; – et maintenant, voyez-moi!

– Oui, fit des Hermies embarrassé, je constate, sans en discuterles moyens, les résultats de cette cure, et, je l’avoue, ce n’estpas la première fois qu’à ma connaissance, de pareils effets seproduisent! – Non, merci, répondit-il à la femme de Carhaix quil’invitait à reprendre d’un plat de purée de pois sur laquelle dessaucisses au raifort étaient couchées.

– Mais, dit Durtal, permettez-moi de vous poser quelquesquestions. Certains détails m’intéressent. Comment étaient lesornements sacerdotaux de Johannès?

– Son costume se composait d’une longue robe de cachemirevermillon, serrée à la taille par une cordelière blanche et rouge.Il avait par-dessus cette robe un manteau blanc de même étoffe,découpé sur la poitrine, en forme de croix, la tête en bas.

– La tête en bas! s’écria Carhaix.

– Oui, cette croix renversée comme la figure du pendu dans leTarot, signifie que le prêtre Melchissédec doit mourir au vieilhomme et vivre dans le Christ, afin d’être puissant de la puissancemême du verbe fait chair et mort pour nous.

Carhaix parut mal à l’aise. Son catholicisme farouche et défiantse refusait à admettre des cérémonies imprescrites. Il se tut, nese mêla plus à la conversation, se borna à remplir les verres, àassaisonner la salade, à faire circuler les plats.

– Et cette bague dont vous avez parlé, comment était-elle?demanda des Hermies.

– C’est un anneau symbolique d’or pur. Il a l’image d’un serpentdont le coeur en relief et piqué d’un rubis, est relié par unechaînette à un petit annelet qui scelle les mâchoires de labête.

– Ce que je voudrais bien savoir, moi, fit Durtal, c’estl’origine et le but de ce sacrifice. Qu’est-ce que Melchissédecvient faire là dedans?

– Ah! dit l’astrologue, Melchissédec est une des plusmystérieuses figures qui traversent les livres saints. Il était roide Salem, sacrificateur du Dieu fort. Il bénit Abraham et celui-cilui octroya la dîme des dépouilles des rois vaincus de Sodome et deGomorrhe. Tel est le récit de la Génèse. Mais Saint Paul le citeaussi. Il le déclare sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayantni commencement de jours, ni fin de vie, étant ainsi fait semblableau Fils de Dieu et sacrificateur pour toujours.

D’autre part, Jésus est appelé dans l’ecriture non seulementprêtre éternel, mais encore, dit le psalmiste, à la façon et selonl’ordre de Melchissédec.

Tout cela est assez obscur, comme vous voyez; les exégètesreconnaissent, en lui, les uns, la figure prophétique du Sauveur,les autres, celle de Saint Joseph et tous admettent que lesacrifice de Melchissédec offrant à Abraham le pain et le vin dontil avait tout d’abord fait oblation au Seigneur, préfigure, suivantl’expression d’Isodore De Damiette, l’exemplaire des mystèresdivins, autrement dit de la Sainte Messe.

– Bien, fit des Hermies, mais cela ne nous explique point lesvertus d’alexipharmaque, d’antidote, qu’attribue à ce sacrifice leDr Johannès.

– Vous m’en demandez tant! s’exclama Gévingey. Il faudrait quece fût le docteur même qui vous répondît; néanmoins, vous pouvezadmettre ceci, messieurs:

La théologie nous enseigne que la Messe, telle qu’elle secélèbre, est le renouvellement du Sacrifice du Calvaire; mais leSacrifice de Gloire n’est point cela; c’est, en quelque sorte, lamesse future, l’office glorieux que connaîtra sur la terre le Règnedu divin Paraclet. Ce sacrifice est offert à Dieu par l’hommerégénéré, rédimé par l’effusion de l’esprit saint, de l’amour. Or,l’être hominal dont le coeur a été ainsi purifié et sanctifié estinvincible et les enchantements de l’enfer ne sauraient prévaloircontre lui, s’il fait usage de ce sacrifice pour dilapider lesesprits du mal. Cela vous explique la puissance du Dr Johannès dontle coeur s’unifie, dans cette cérémonie, avec le divin coeur deJésus.

– Cette démonstration n’est pas très limpide, objectatranquillement le sonneur.

– Il faudrait admettre alors, reprit des Hermies, que Johannèsest un être amendé, en avance sur les temps, un apôtre que l’EspritSaint vivifie.

– Et cela est, affirma fermement l’astrologue.

– Tenez, voulez-vous me passer le pain d’épices, demandaCarhaix.

– Voici comment il faut l’apprêter, dit Durtal; vous en coupezune tranche, en dentelle, puis vous prenez une tranche de painordinaire également mince, vous les enduisez de beurre, les couchezl’une sur l’autre et les mangez; vous me direz si ce sandwich n’apoint le goût exquis des noisettes fraîches.

– Enfin, s’enquit des Hermies, à part cela, que devient, depuissi longtemps que je ne l’ai vu, le Dr Johannès?

– Il mène une existence tout à la fois douillette et atroce. Ilvit chez des amis qui le révèrent et qui l’adorent. Il se reposeauprès d’eux des tribulations de toute sorte qu’il a subies. Ceserait parfait s’il n’avait à repousser presque quotidiennement lesassauts que tentent contre lui les magiciens tonsurés de Rome.

– Mais pourquoi?

– Ce serait trop long à vous expliquer. Johannès est missionnépar le ciel pour briser les manigances infectieuses du satanisme etpour prêcher la venue du Christ glorieux et du divin Paraclet. Orla curie diabolique qui cerne le Vatican a tout intérêt à sedébarrasser d’un homme dont les prières entravent ses conjurationset réduisent à néant ses sorts.

– Ah! s’exclama Durtal. Et serait-il indiscret de vousquestionner pour savoir comment cet ancien prêtre prévoit etréfrène ces étonnants attentats?

– Pas le moins du monde. – C’est par le vol et le cri decertains oiseaux que le docteur est averti de ces chocs. Lestiercelets, les éperviers mâles sont ses sentinelles. Il sait,selon qu’ils volent vers lui ou s’éloignent, selon qu’ils sedirigent vers l’Orient ou l’Occident, selon qu’ils poussent un seulou plusieurs cris, l’heure du combat et il se met en garde. Ainsiqu’il me le racontait, un jour, les éperviers sont facilementinfluencés par les esprits et il use d’eux, comme le magnétiseur sesert de la somnambule, comme les spirites se servent des ardoiseset des tables.

– Ils sont les fils télégraphiques des dépêches magiques, fitdes Hermies.

– Oui, au reste, ces procédés ne sont point neufs, car ils seperdent dans la nuit des temps; l’ornithomancie est séculaire; onen trouve trace dans les livres saints et le Zohar atteste que l’onpeut recevoir de nombreux avertissements, si l’on sait observer lesvols et les cris des oiseaux.

– Mais, dit Durtal, pourquoi l’épervier est-il choisi depréférence aux autres volucres?

– Parce qu’il a toujours été, depuis les âges les plus désuets,le messager des charmes. En Egypte, le dieu à tête d’épervier étaitle dieu qui possédait la science des hiéroglyphes; autrefois, dansce pays, les hiérogrammates avalaient le coeur et le sang de cetoiseau, pour se préparer aux rites magiques; aujourd’hui encore,les sorciers des rois Africains plantent dans leur chevelure uneplume d’épervier; et ce volucre, ainsi que vous l’appelez, estsacré dans l’Inde.

– Comment votre ami s’y prend-il, demanda la femme de Carhaix,pour élever et loger des bêtes qui sont, en somme, des bêtes deproie?

– Il ne les élève, ni ne les loge. Ces éperviers ont fait leursnids dans ces hautes falaises qui bordent la Saône, près de Lyon.Ils viennent le voir quand besoin est.

C’est égal, pensait, une fois de plus, Durtal, en regardantcette salle à manger si tépide et si seule, et en se rappelant lesextraordinaires conversations qui s’étaient tenues dans cette tour,ce qu’on est loin ici des idées et du langage du Paris moderne! -Tout cela nous réfère au moyen age, dit-il, en complétant sa penséetout haut.

– Heureusement! s’écria Carhaix qui se leva pour aller sonnerses cloches.

– Oui, fit des Hermies, et ce qui est aussi, à cette heure deréalité positive et brutale, bien étrange, ce sont ces bataillesqui se livrent, dans le vide, au delà des humains, au-dessus desvilles, entre un prêtre de Lyon et des prélats de Rome.

– Et, en France, entre ce prêtre et les Rose-croix et lechanoine Docre.

Durtal se rappela que Mme Chantelouve lui avait, en effet,assuré que les chefs des Rose-croix s’efforçaient de nouer commerceavec le diable et d’apprêter des malengins.

– Vous croyez que ces individus satanisent? demanda-t-il àGévingey.

– Ils le voudraient, mais ils ne savent rien. Ils se bornent àreproduire tels que des mécaniques, quelques opérations fluidiqueset vénénifères que leur ont révélées les trois brahmes qui sontvenus, il y a quelques années, à Paris.

– Moi, jeta la femme de Carhaix qui prit congé de ses hôtes ets’alla coucher, je suis bien satisfaite de ne pas être mêlée àtoutes ces aventures qui me font peur et de pouvoir prier et vivreen paix.

Alors, tandis que des Hermies préparait, ainsi que d’habitude,le café et que Durtal apportait les petits verres, Gévingey bourrasa pipe et, quand le bruit des cloches mourut, dispersé, comme bupar les pores du mur, il huma une longue bouffée de tabac etdit:

– J’ai passé quelques jours délicieux dans cette famille où vitle Dr Johannès, à Lyon. Après les secousses que je reçus, ce futpour moi un inégalable bienfait que de parfaire ma convalescencedans ce milieu de dilection, très doux. Et puis, Johannès est undes hommes les plus savants en théologie et en sciences occultesque je connaisse. Personne, sinon son antipode, l’abominable Docre,n’a ainsi pénétré les arcanes du satanisme; l’on peut même direqu’ils sont, tous les deux, en France, à l’heure qu’il est, lesseuls qui aient franchi le seuil terrestre et obtenu, au point devue du surnaturel, chacun dans son camp, des résultats certains.Mais, en sus de l’intérêt de sa conversation si habile et sipleine, qu’elle me surprenait même lorsqu’elle abordait cetteastrologie judiciaire où pourtant j’excelle, Johannès me ravissaitpar la beauté de ses aperçus sur la transformation future despeuples.

Il est bien vraiment, je vous le jure, le prophète dont lamission de souffrance et de gloire a été entérinée, ici bas, par leTrès-Haut.

– Je veux bien, moi, fit, en souriant Durtal, mais cette théoriedu Paraclet, c’est, si je ne me trompe, la très ancienne hérésie deMontanus qu’a formellement condamnée l’Eglise.

– Oui, mais tout cela dépend de la façon dont on conçoit lavenue du Paraclet, jeta le sonneur qui rentrait. C’est aussi ladoctrine orthodoxe de Saint Irénée, de Saint Justin, de ScotErigène, d’Amaury de Chartres, de Sainte Doucine, de l’admirablemystique qu’était Joachin De Flore! Cette croyance a été celle dumoyen age tout entier et j’avoue qu’elle m’obsède, qu’elle meravit, qu’elle répond aux plus ardents de mes souhaits. Au fait,reprit-il, en s’asseyant et se croisant les bras, si le troisièmerègne est illusoire, quelle consolation peut-il bien rester auxchrétiens, en face du désarroi général d’un monde que la chariténous oblige à ne pas haïr?

– Je suis, d’ailleurs, obligé d’avouer que, malgré le sang duGolgotha, je me sens personnellement très peu racheté, dit desHermies.

– Il y a trois règnes, reprit l’astrologue, en tassant la cendredans sa pipe, avec son doigt. Celui de l’ancien testament, du père,le règne de la crainte. – Celui du nouveau testament, du fils, lerègne de l’expiation. – Celui de l’évangile johannite, du SaintEsprit, qui sera le règne du rachat et de l’amour. – C’est lepassé, le présent et l’avenir; c’est l’hiver, le printemps etl’été; l’un, dit Joachim de Flore, a donné l’herbe, l’autre lesépis, le troisième donnera le froment. Deux des personnes de laSainte Trinité se sont montrées, la troisième doit logiquementparaître.

– Oui, et les textes de la bible abondent, pressants, formels,irréfutables, dit Carhaix. Tous les prophètes, Isaïe, Ezéchiel,Daniel, Zacharie, Malachie en ont parlé. Les actes des apôtressont, sur ce point, très nets. Ouvrez-les, vous y lirez au premierchapitre, ces lignes: – « Ce Jésus qui, en se séparant de vous,s’est élevé jusqu’au ciel, viendra de la même manière que vous l’yavez vu monter. » – Saint Jean annonce aussi cette nouvelle dansl’Apocalypse qui est l’evangile du second avènement du Christ: -« Le Christ viendra, dit-il, et règnera mille ans. » – Saint Paul netarit pas en révélations de cette nature. Dans l’épître à Timothée,il évoque le Seigneur, – « qui jugera les vivants et les morts, aujour de son avènement glorieux de son règne. » – Dans sa deuxièmelettre aux Thessaloniciens, il écrit, après la venue du messie: -« Jésus vaincra l’antéchrist par l’éclat de son avènement. » – Or, ildéclare que cet antéchrist prophétise n’est pas l’avènement déjàréalisé par la naissance à Bethléem du sauveur. Dans l’evangileselon Saint Mathieu, Jésus répond à Caïphe qui lui demande s’il estbien le Christ, fils de Dieu: « Tu l’as dit et même je vous dis quevous verrez après le fils de l’homme, assis à la droite de lapuissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel.  » – Et, dans unautre verset, l’apôtre ajoute: – « Tenez-vous toujours prêt parceque le fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensezpas. »

Et il y en a bien d’autres dont je retrouverais le texte, enouvrant le saint livre. Non, il n’y a pas à discuter, les partisansdu règne glorieux s’appuient avec certitude sur des passagesinspirés et ils peuvent, sous certaines conditions et sans crainted’hérésie, soutenir cette doctrine qui, Saint Jérôme l’atteste,était, au quatrième siècle, un dogme de foi reconnu par tous. -Mais, voyons, si nous goûtions un peu à ce flacon de crème decéleri que vante monsieur Durtal.

C’était une liqueur épaisse, sucrée autant que l’anisette, maisencore plus féminine et plus douce; seulement, quand on avait avalécet inerte sirop, dans les lointains des papilles, un léger fumetde céleri passait.

– Ce n’est pas mauvais, s’exclama l’astrologue, mais c’est bienmoribond et il versa dans son verre une vivante lampée de rhum.

– Quand on y songe, reprit Durtal, le troisième règne est aussiannoncé par ces mots du pater « que votre Règne arrive! »

– Certes, dit le sonneur.

– Voyez-vous, jeta Gévingey, l’hérésie existerait surtout etalors elle deviendrait tout à la fois démente et absurde, si l’onadmettait, comme le font quelques paraclétistes, une incarnationauthentique et charnelle. Tenez, rappelez-vous le fareinisme qui asévi, depuis le dix-huitième siècle, à Fareins, un village duDoubs, où se réfugia le jansénisme chassé de Paris, après lafermeture du cimetière de saint-Médard. Là, un prêtre, FrançoisBonjour, recommence les crucifixions des miraculées, les scènesgalvaniques qui infestèrent la tombe du diacre Pâris; puis, cetabbé s’éprend d’une femme qui prétend être enceinte des oeuvres duprophète Elie, lequel doit, d’après l’apocalypse, précéder ladernière arrivée du Christ. Cet enfant vient au monde, puis unsecond qui n’est autre que le Paraclet. Celui-là exerça le métierde négociant en laines à Paris, fut colonel de la garde nationalesous le règne de Louis-philippe et mourut dans l’aisance, en 1866.C’était un Paraclet de magasin, un rédempteur à épaulettes et àtoupet!

Après lui, en 1866, une dame Brochard, de Vouvray, affirme à quiveut l’entendre que Jésus s’est réincarné en elle. En 1889, un bonfol du nom de David fait paraître à Angers, une brochure intitulée »la Voix de Dieu », dans laquelle il se décerne le modeste titre de » messie unique de l’esprit saint créateur  » et nous révèle qu’ilest entrepreneur de travaux publics et qu’il porte une barbe blonded’une longueur de 1 mètre 10. à l’heure actuelle, sa successionn’est pas tombée en déshérence; un ingénieur nommé Pierre Jean arécemment parcouru à cheval les provinces du midi en annonçantqu’il était le saint-esprit; à Paris, Bérard, un conducteurd’omnibus, de la ligne de Panthéon-courcelles, atteste égalementqu’il corporise le Paraclet, tandis qu’un article de revue avèreque l’espoir de la rédemption fulgure en la personne du poèteJhouney; enfin, en Amérique, de temps à autre, des femmesparaissent qui soutiennent qu’elles sont le messie et qui recrutentdes adhérents parmi les illuminés des revivals.

– Cela vaut, fit Carhaix, la théorie de ceux qui confondent Dieuet la création. Dieu est immanent dans ses créatures; il est leurprincipe de vie suprême, la source du mouvement, la base de leurexistence, dit saint Paul; mais il est distinct de leur vie, deleur mouvement, de leur âme. Il a son moi personnel, il est celuiqui est, dit Moïse.

Le Saint-Esprit aussi, par le Christ en gloire, va être immanentdans les êtres. Il sera le principe qui les transforme et lesrégénère; mais cela n’exige point qu’il s’incarne. Le Saint-Espritprocède du père par le fils; il est envoyé pour agir mais il nepeut se matérialiser; soutenir le contraire c’est de la folie pure!C’est choir dans les schismes des gnostiques et des fratricelles,dans les erreurs de Duclin De Novare et de sa femme Marguerite,dans les immondices de l’abbé Beccarelli, dans les abominations deSégarelli De Parme qui, sous prétexte de se rendre enfant pourmieux symboliser l’amour simple et naïf du Paraclet, se faisaitemmaillotter, coucher entre les bras d’une nourrice qu’il têtait,avant de se vautrer dans les bas-fonds!

– Mais enfin, dit Durtal, tout cela me semble peu clair. Si jevous comprends, l’esprit saint agira par une effusion en nous; ilnous transmuera, nous rénovera l’âme, par une sorte de purgationpassive, pour parler la langue théologique.

– Oui, il doit nous purifier et l’âme et le corps.

– Comment le corps?

– L’action du Paraclet, reprit l’astrologue, doit s’étendre auprincipe de la génération; la vie divine doit sanctifier cesorganes qui, dès lors, ne peuvent plus procréer que des êtresd’élection, exempts des boues originelles, des êtres qu’il ne seraplus nécessaire d’éprouver dans le fourneau de l’humiliation, commedit la bible. Telle était la doctrine du prophète Vintras, cetextraordinaire illettré qui a écrit de si solennelles et de siardentes pages. Elle a été continuée, amplifiée, après sa mort, parson successeur, par le Dr Johannès.

– Mais alors c’est le paradis terrestre! s’écria desHermies.

– Oui, c’est le règne de la liberté, de la bonté, del’amour!

– Voyons, voyons, fit Durtal, je m’y perds, moi. D’une part,vous annoncez l’arrivée du saint-esprit, de l’autre l’avènementglorieux du Christ. Ces deux règnes se confondent-ils oudoivent-ils se succéder?

– Il convient de distinguer, répondit Gévingey, entre la venuedu Paraclet et le retour victorieux du Christ. L’une précèdel’autre. Il faut d’abord qu’une société soit recréée, embrasée parla troisième hypostase, par l’amour, pour que Jésus descende, ainsiqu’il l’a promis, des nuées, et règne sur des peuples formés à sonimage.

– Et le Pape qu’en faites-vous dans tout cela?

– Ah! c’est là un des points les plus curieux de la doctrineJohannite. Les temps, depuis la première apparition du messie, sedivisent, vous le savez, en deux périodes, la période du sauveurvictimal et expiant, celle où nous sommes, et l’autre, celle quenous attentons, la période du Christ, lavé de ses crachats,flamboyant dans la suradorable splendeur de sa personne. Eh bien!Il y a un pape différent pour chacune de ces ères; les livressaints annoncent, ainsi que mes horoscopes, du reste, ces deuxSouverains Pontificats.

C’est un axiome de la théologie que l’esprit de Pierre vit enses successeurs. Il y vivra, plus ou moins effacé, jusqu’àl’expansion souhaitée du Saint-Esprit. Alors Jean qui a été mis enréserve dit l’Evangile, commencera son ministère d’amour, vivradans l’âme des nouveaux Papes.

– Je ne comprends pas bien l’utilité d’un pape, alors que Jésussera visible, fit des Hermies.

– Il n’a, en effet, de raison d’être et il ne peut exister quependant l’époque réservée aux effluences du divin Paraclet. Le jouroù dans le tourbillon des glorieux météores, Jésus paraît, lepontificat de Rome cesse.

– Sans approfondir ces questions sur lesquelles on pourraitdiscuter pendant des ans, j’admire, s’écria Durtal, la placidité decette utopie qui s’imagine que l’homme est perfectible! – Mais non,à la fin, la créature humaine est née égoïste, abusive, vile.Regardez donc autour de vous et voyez! Une lutte incessante, unesociété cynique et féroce, les pauvres, les humbles, hués, piléspar les bourgeois enrichis, par les viandards! Partout le triomphedes scélérats ou des médiocres, partout l’apothéose des gredins dela politique et des banques! Et vous croyez qu’on remontera uncourant pareil? Non, jamais, l’homme n’a changé; son âme purulaitau temps de la genèse, elle n’est, à l’heure actuelle, ni moinsfétide. La forme seule de ses péchés varie; le progrès c’estl’hypocrisie qui raffine les vices!

– Raison de plus, riposta Carhaix; si la société est telle quevous la dépeignez, il faut qu’elle croule! Oui, moi aussi, je pensequ’elle est putréfiée, que ses os se carient, que ses chairstombent; elle ne peut plus être, ni pansée, ni guérie. Il est doncnécessaire qu’on l’inhume et qu’une autre naisse. Dieu seul peutaccomplir un tel miracle!

– Évidemment, fit Des Hermies, si l’on admet que l’ignominie deces temps est transitoire, l’on ne peut compter pour la fairedisparaître que sur l’intervention d’un Dieu, car ce n’est pas lesocialisme et les autres billevesées des ouvriers ignares ethaineux, qui modifieront la nature des êtres et réformeront lespeuples. C’est au-dessus des forces humaines, ces choses-là!

– Et les temps attendus par Johannès sont proches, clamaGévingey. En voici des preuves bien manifestes. Raymond Lulleattestait que la fin du vieux monde serait annoncée par ladiffusion des doctrines de l’antéchrist, et ces doctrines, il lesdéfinit: ce sont le matérialisme et le réveil monstrueux de lamagie. Cette prédiction s’applique à notre temps, je pense. D’autrepart, la bonne nouvelle doit se réaliser, à dit saint Mathieu,lorsque « le comble de l’abomination sera constaté dans le lieuSaint ». Et il y est! Voyez ce pape peureux et sceptique, plat etretors, cet épiscopat de simoniaques et de lâches, ce clergé jovialet mou. Voyez combien ils sont ravagés par le satanisme, et dites,dites, si l’église peut dégringoler plus bas!

– Les promesses sont formelles, elle ne peut périr, et, accoudésur la table, d’un ton suppliant, les yeux au ciel, l’accordantmurmura: Notre Père, que votre règne arrive!

– Il se fait tard, partons, jeta Des Hermies. Alors, pendantqu’ils endossaient leurs paletots, Carhaix questionna Durtal.

– Qu’espérez-vous si vous n’avez pas foi dans la venue duChrist?

– Moi je n’espère rien.

– Je vous plains, alors; vrai, vous ne croyez à aucuneamélioration pour l’avenir?

– Je crois, hélas! que le vieux ciel divague sur une terreépuisée et qui radote!

Le sonneur leva les bras et hocha tristement la tête.

Lorsqu’ils eurent quitté Gévingey, au bas de la tour, DesHermies, après avoir marché quelque temps en silence, dit:

– Cela ne t’étonne point que tous les événements dont on aparlé, ce soir, se soient passés à Lyon. – et comme Durtal leregardait:

– C’est que, vois-tu, je connais Lyon; les cerveaux y sontfumeux ainsi que les brouillards du Rhône qui couvrent, le matin,les rues. Cette ville semble superbe aux voyageurs qui aiment leslongues avenues, les préaux gazonnés, les grands boulevards, toutel’architecture pénitentiaire des cités modernes; mais Lyon estaussi le refuge du mysticisme, le havre des idées préternaturelleset des droits douteux. C’est là qu’est mort Vintras, en lequels’était, paraît-il, incarnée l’âme du prophète Elie; c’est là queles Naundorff ont gardé leurs derniers partisans; là que lesenvoûtements sévissent, car à la Guillotière, on fait maléficier,pour un louis, les gens! Ajoute que c’est également, malgré safoison de radicaux et d’anarchistes, un opulent magasin, d’uncatholicisme protestant et dur, une manufacture janséniste, unebourgeoisie bigote et grasse.

Lyon est célèbre par ses charcuteries, ses marrons et ses soies;et aussi par ses églises! Tous les sommets de ses voies en escaladesont sillonnés par des chapelles et des couvents de notre-dame deFourvière les domine tous. De loin, ce monument ressemble à unecommode du dix-huitième siècle, renversée, les pieds en l’air, maisl’intérieur qu’on parachève encore, déconcerte. – Tu devrais allerla visiter, un jour. – Tu y verrais le plus extraordinaire mélanged’assyrien, de roman, de gothique, tout un je ne sais quoi,inventé, plaqué, rajeuni, soudé, par Bossan, le seul architecte quiait, en somme, su élever un intérieur de cathédrale, depuis centans! Sa nef fulgure d’émaux et de marbres, de bronzes et d’or; desstatues d’anges coupent les colonnes, interrompent avec une grâcesolennelle, les eurythmies connues. C’est asiatique et barbare;cela rappelle les architectures que Gustave Moreau élance, autourde ses hérodiades, dans son oeuvre.

Et des files de pèlerins se succèdent sans trève. On prieNotre-Dame pour l’extension des affaires; on la supplie d’ouvrir denouveaux débouchés aux saucissons et aux soies. On fait l’article àla Vierge; on la consulte sur les moyens de vendre les denréesdéfraîchies et d’écouler les pannes. Au centre de la ville même,dans l’église de Saint-Boniface, j’ai relevé une pancarte où l’oninvite les fidèles à ne pas distribuer, par respect pour le SaintLieu, d’aumônes aux pauvres. Il ne convenait pas, en effet, que lesoraisons commerciales fussent troublées par les ridicules plaintesdes indigents!

– Oui, dit Durtal, et ce qui est bien étrange aussi, c’est quela démocratie est l’adversaire le plus acharné du pauvre. Larévolution, qui semblait, n’est-ce pas, devoir le protéger, s’estmontrée pour lui le plus cruel des régimes. Je te ferai parcourirun jour, un décret de l’an II; non seulement, il prononce despeines contre ceux qui tendent la main, mais encore contre ceux quidonnent!

– Et voilà pourtant la panacée qui va tout guérir, fit desHermies, en riant. Et il désigna du doigt, sur les murs, d’énormesaffiches dans lesquelles le général Boulanger objurguait lesParisiens, de voter aux prochaines élections, pour lui.

Durtal leva les épaules. Tout de même, dit-il, ce peuple estbien malade. Carhaix et Gévingey ont peut-être raison, lorsqu’ilsprofessent qu’aucune thérapeutique ne serait assez puissante pourle sauver!

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