Le Prisonnier de la planète Mars

Chapitre 3DISPARU

 

Le lendemain, Pitcher attendit vainement sonami toute la journée, il ne s’alarma pas tout d’abord ; mais,quand trois jours se furent écoulés et qu’à l’hôtel où Robert étaitdescendu on lui dit être sans nouvelles de lui, il commença à avoirde sérieuses inquiétudes.

Robert m’aurait écrit, pensa-t-il, il étaittrop heureux de me revoir ; nous sommes d’anciens camarades,jamais l’ombre d’une fâcherie n’a obscurci notre vieille amitié. Ilfaut qu’il lui soit arrivé malheur.

Pitcher ne descendait guère dans Londres quedeux ou trois fois par mois, pour porter des pièces aux amateurs etaux grands marchands, et pour remettre ses manuscrits aux savantsconnus, qui les signaient à sa place.

Ralph était un homme de cœur, il n’hésita pasune minute à abandonner ses oiseaux pour se mettre à la recherchede Robert. Il endossa une pèlerine en drap imperméable et, munid’un revolver et d’une grosse canne, il partit en expédition.

Je vais aller directement rue d’Yarmouth,dit-il, et demander moi-même le signataire de la lettre, cetArdavena, dont j’ai heureusement retenu le nom. Là, j’apprendraisûrement quelque chose de plus.

Après une course de deux heures il atteignitenfin la rue d’Yarmouth et fit halte, très essoufflé, devant uneporte cochère toute vermoulue, dont la peinture tombait parécailles. Il frappa vainement du marteau de fer sur le heurtoir,cogna même aux persiennes, si pourries qu’elles s’effritèrent sousson poing.

Très mécontent de ne recevoir aucune réponse,il s’adressa à une fruitière que son vacarme avait attirée dans larue et qui, les mains sur les hanches, le considérait d’un airgoguenard.

– Mon bon monsieur, fit la dame avec unfort accent irlandais, vous perdez votre temps et vos peines. Il ya plus de cent ans que la maison est inhabitée. Vous n’avez qu’àregarder tous les carreaux sont cassés, le toit est crevé, c’estune vilaine baraque et cela vaut de l’argent pourtant.

Peu satisfait du renseignement, Pitcherinterrogea successivement un épicier, un fish-monger et deuxpolicemen, des balayeuses, qu’il gratifia de pièces de six pencesans obtenir aucun éclaircissement.

Il regagna très tard sa boutique. Mrs. Pitcherle reçut fort mal.

– Et voilà comme tu passes tes journées,lui dit-elle ; ton ami est un aventurier, une espèced’inventeur, quoi ! Il a trouvé une bonne affaire, il estparti et se moque de toi à l’heure qu’il est. Il faut que tu soisvraiment naïf, mon pauvre enfant. Il se retrouvera bien, n’aie paspeur.

– Je ne comprends pas que tu parlesainsi, fit le naturaliste. Est-ce que tu peux savoir ? Et sinotre ami avait été attaqué par les rôdeurs deDrury-Lane !

– Eh bien ! grand niais, tu irasporter plainte chez le constable. Tu l’aurais fait dès aujourd’hui,si tu écoutais un peu plus les conseils de ta vieille mère.

Pitcher reconnut de bonne grâce qu’il avaittort, alluma une pipe et monta à son atelier pour travailler à ladissection d’un aptéryx de la Nouvelle-Zélande, qu’il devaitétudier le lendemain.

Les jours suivants, il continua sonenquête ; mais ni sa perspicacité naturelle, ni les effortsdes plus habiles détectives, ni même l’initiative des agences derenseignements (private-police) ne fournirent aucune donnée utilesur ce qu’avait pu devenir l’ingénieur Robert Darvel.

Tout ce que Pitcher put apprendre, c’est quel’hôtel abandonné qui portait le numéro 15 de la Rue Yarmouthétait, par suite d’un procès compliqué entre des héritiers françaiset des héritiers anglais habitant l’Inde, sous séquestre depuis delongues années.

Un mois se passa sans apporter aucune lumièresur le sort de Robert Darvel.

Pitcher avait cessé ses recherches ;mais, depuis ce temps, il était mélancolique. Il ne se passaitguère de nuit sans qu’il rêvât de son ami disparu. Il se reprochaitamèrement de ne pas l’avoir accompagné. Il y avait désormais unpoint noir dans son bonheur. Et mistress Pitcher en exhalait touthaut des plaintes acerbes.

– Depuis que ce M. Robert t’a vu,répétait-elle, tu es tout changé. Tu ne manges plus ; nousavions bien besoin de cela… On était si heureux, si tranquilles.Maintenant tu n’as plus le cœur au travail, tu t’ennuies, tu estriste… Ah ! nous n’avons vraiment pas eu de chance.

…………………………………

Un matin en s’éveillant, après une nuitremplie de cauchemars, Pitcher fut épouvanté de trouver sur satable de nuit, à côté de l’encrier et de la plume, qu’il était sûrd’avoir laissés dans son atelier, une feuille de papier surlaquelle étaient tracées quelques lignes signées RobertDarvel :

« Ne vous inquiétez pas de ce que je suisdevenu, disait l’ingénieur. Je suis en train de résoudre unmerveilleux problème, je reviendrai d’ici peu. Surtout ne vousfaites aucun chagrin à cause de moi et ne cherchez pas à savoir parquel moyen j’ai réussi à vous donner de mes nouvelles ».

Bah ! s’était d’abord écrié lenaturaliste, c’est une plaisanterie : Robert est venu et il adû passer par la fenêtre pour me faire cette blague-là.

Mais la fenêtre était à vingt pieds du sol etun « massif » hargneux qui ne connaissait queses maîtres errait toutes les nuits dans le petit jardin.

L’honnête Pitcher eut quelques instants unefrayeur légitime. Toutes les histoires de survie, d’apparitions, despiritisme qu’il avait entendues ou lues lui revinrent enmémoire.

Si la maison est hantée, que va diremaman ?

Mais il y avait en lui un tel fondsd’optimisme et de candeur qu’il finit par conclure que Robert avaitfait sans doute une nouvelle et miraculeuse invention.

– Ce Darvel est si malin, s’écria-t-il,qu’il a dû trouver quelque chose de peu banal. Il m’en donnel’étrenne, c’est tout naturel. Ce doit être une machine dans legenre du télégraphe sans fil.

Et Pitcher rentra dans son atelier, pourmettre la dernière main à l’empaillage d’un super ménure-lyre,destiné au cabinet d’histoire naturelle du muséum d’Édimbourg.

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