L’Hôtel Saint-Pol

XXIV – LA RUE BARBETTE

Jean sans Peur avait dit au chevalier dePassavant que Louis d’Orléans serait escorté de porteurs de torchesdont il n’y avait pas à tenir compte. Il avait dit la vérité.

L’escorte du duc d’Orléans, armée ou non, necomptait pas, comme on va le voir. Ce que cherchait Jean deBourgogne, c’était l’homme capable de porter à Louis le coupmortel : l’homme qui tue, sans que nul puisse dire qu’il a étéenvoyé par Bourgogne ; l’homme qu’on peut au besoin accuser etfaire condamner, de façon à établir la parfaite innocence deBourgogne.

Passavant manqua donc tout à coup à Jean sansPeur, et peu s’en fallut que celui-ci ne renonçât alors àl’occasion que lui offrait la reine. Pendant quelques minutes, ilfut affolé de rage et de terreur.

Ce fut pendant le combat de la grande sallequ’il se décida à employer des gens de sa maison. Ocquetonville,Courteheuse, Guines et Scas se trouvaient tout désignés pour labesogne. À tout risque, il fallait les employer ou renoncer aumeurtre.

Ces quelques mots étaient nécessaires pourétablir comment Jean sans Peur, qui était la prudence et la ruseincarnées, commit la faute énorme d’envoyer rue Barbette des gensqu’on pouvait reconnaître, malgré la précaution prise de changer devêtement et de ne porter aucun insigne de Bourgogne.

Vers le milieu de la rue Barbette, où nousconduisons maintenant le lecteur, le cabaret des Templiers dressaitau-dessus d’un perron aux marches déchaussées une façade lézardée,à demi ruinée.

C’était un logis peu fréquenté, mal faméd’ailleurs. L’hôte passait pour tirer le plus clair de ses revenusde mystérieuses accointances avec les truands de la rue desFrancs-Bourgeois, toute proche.

À l’heure où Jean sans Peur exposait auchevalier de Passavant la petite entreprise qu’il méditait contrele duc d’Orléans, le cabaret était fermé depuis longtemps.

Nous devons dire qu’à cet endroit la rueBarbette, étroit boyau à la chaussée bourbeuse, s’élargissait selonun de ces caprices des rues d’alors, indépendantes et vagabondes.Six cavaliers eussent marché là de front. Un peu plus loin, la rueredevenait boyau.

C’est cette sorte de poche que Jean sans Peuravait adoptée. C’était le piège où Louis d’Orléans pouvait êtreisolé de son escorte – s’il en avait une. En tout cas, on pouvait yexécuter à l’aise la bonne manœuvre.

Dans le cabaret fermé, muet, sombre, une salleétait vaguement éclairée par la lueur d’une torche plantée sur unsupport en fer. Cette torche jetait ses vagues reflets sur deuxtables grossières. Autour de chaque table, neuf hommes. En tout,dix-huit, y compris le chef d’équipe.

Leur besogne était simple. À un coup quidevait être frappé sur la porte extérieure, ils devaient se jeterdans la rue comme des gens ivres et paralyser l’escorte du ducd’Orléans. Le reste ne les regardait pas… Si on ne frappait pas àla porte, c’est qu’on n’aurait pas besoin d’eux, et en ce cas ilsdevaient continuer à boire tout tranquillement, sans s’inquiéterdes cris qu’ils pourraient entendre dans la rue.

C’étaient de banales figures de bêtes féroces.Le chef seul pouvait paraître intéressant. Il ignorait d’ailleurspour qui on l’avait embauché et quel gentilhomme devait passer dansla rue.

Poursuivant notre chemin le long de la ruenoyée de ténèbres, nous arrivons à la porte Barbette.

En avant de cette porte, à vingt pas avant d’yarriver, se dressait un logis d’assez belle apparence qui avaitappartenu à Jean de Montaigu. Celui-ci, depuis quelques années,avait vendu cette maison. Le nom de l’acquéreur était ignoré ;on ne le sut que plus tard.

Nous n’avons aucune raison pour taire cenom :

L’acquéreur s’appelait Isabeau de Bavière.

Dans son palais de l’Hôtel Saint-Pol, parfois,elle se sentait à l’étroit ; derrière chaque porte, ellesoupçonnait une oreille ; dans les fentes des tentures, ellecroyait toujours voir un œil qui la guettait. Au logis Montaigu,elle était chez elle. Là, il n’y avait plus de reine. Tantôtcourtisane somptueuse, tantôt charmante hôtesse, elle y recevaitsecrètement ceux que ses passions ou sa politique faisaient sesamis d’un jour ou d’une nuit. Le logis transformé à prix d’or étaitdevenu sous son inspiration une merveilleuse retraite où tout étaitcombiné pour le plaisir – et pour le repos quand on était las deplaisir.

C’est dans cette maison que Louis d’Orléanspénétra ce soir-là vers neuf heures.

Cinq ou six de ses gentilshommes armésjusqu’aux dents l’escortèrent jusque-là, et cette cavalcade futéclairée le long du chemin par quatre pages portant destorches.

Arrivé devant le logis, le duc garda seulementses pages et renvoya ses gentilshommes.

– Monseigneur, dit Hélion de Lignac, nousreviendrons vous prendre pour vous ramener à l’hôtel d’Orléans.Vers quelle heure ?

– Bah ! Rentrez chez vous,messieurs. Qu’ai-je à craindre depuis que je suis réconcilié avecmon cousin de Bourgogne ? Rentrez, rentrez… car, sur maparole, j’ignore à quelle heure je m’en irai.

– Les rues sont peu sûres, observa Lignacen insistant.

– Hé ! s’écria Colin de Puisieux, nevois-tu pas que monseigneur attendra peut-être le grand jour pours’en aller ?

Le duc d’Orléans éclata de rire et gaiementfit un signe de la main à ses gentilshommes qui tournèrentbride.

Louis d’Orléans entra donc dans la maison avecses quatre pages qui furent aussitôt conduits dans une salle où lesattendait une bonne table. Par une jolie suivante tout attifée desatin, le duc fut mené auprès de l’hôtesse.

– Mon cousin, dit froidement Isabeau, quiétait assise dans un vaste fauteuil gothique, enveloppée dans lemanteau royal de velours bleu fleurdelysé d’or, je vous ai faitvenir pour vous dire que j’ai fort parlé de vous avec le roi. Ilest nécessaire que vous sachiez ce qui s’est dit.

Le duc éprouva la violente déception d’unaffamé qui voit fuir devant lui la table à laquelle on vient de leconvier. Il attendait un mot d’amour. Il frémit en se disant qu’ilallait être question de politique. À ce moment, Isabeau continualentement :

– Le roi, en ce moment même, discute aveclui-même à votre sujet. S’il repousse les conseils que je lui aidonnés, il n’y aura rien de changé à votre situation à la cour deFrance. Mais s’il prend les résolutions que j’attends, il vousenverra chercher aussitôt…

– Où cela, madame ? Chez moi ?fit le duc emporté par un intérêt soudain.

– Non pas. Ici même. Il ne vous sait pasici. Mais Bois-Redon sait, lui. Et cela suffit. Donc, si le roivous demande, Bois-Redon accourra ici.

Sans savoir pourquoi, le duc d’Orléans sesentit froid au cœur. C’était pourtant des paroles bien simples.Bois-Redon devait venir le chercher si le roi demandait à le voir.Quoi de plus naturel ? Et il se sentit glacé. Pourquoi ?Pour rien. C’était le destin qui le prévenait… car ces simplesparoles d’Isabeau, c’était sa condamnation à mort.

Presque aussitôt, cette étrange impressions’effaça.

Plus étroitement, Isabeau s’enveloppait dansles larges replis bleu sombre. Elle était aussi peu femme quepossible. Elle était la reine.

– Puis-je savoir, reprit Orléans étonné,ce qui s’est dit entre mon frère et vous ?

– Duc, dit Isabeau avec la même lenteur,je vous ai fait venir pour vous le dire : le roi, fatigué,malade, obligé de s’avouer impuissant dans sa puissance, le roiveut se retirer.

Orléans ne comprit pas tout de suite. Mais sonesprit se mit à bouillonner.

– Se retirer, continua Isabeau. Pour deuxans, cinq ans peut-être. Jusqu’à complète guérison. C’est-à-dire,ajouta-t-elle plus bas, se retirer pour toujours sans doute.

– Se retirer ! murmura le ducd’Orléans. Mais où ?

– Il n’y a qu’un lieu où ceux qui ontporté la couronne puissent entrer de plain-pied. C’est le couvent.Un roi, duc, c’est un homme. Mais cet homme est bien près de Dieu.De l’Hôtel Saint-Pol au couvent des Célestins, il n’y a qu’unpas.

Louis d’Orléans demeura écrasé, ébloui de cequ’il entrevoyait. Isabeau l’acheva :

– Il faut un roi, dit-elle. Il faut quequelqu’un ramasse cette couronne que, d’un coup de pied, il aenvoyée se briser contre une colonne. Duc, j’ai dit que cequelqu’un ce serait vous… oh ! ne vous étonnez pas, ou dumoins pas encore. Vous m’avez crue votre ennemie… Vous vous êtestrompé. Mais fussé-je votre adversaire dans la bataille autour dutrône, j’en sais assez sur le compte de tous, même de Berry, mêmede Bourgogne, pour être certaine que vous seul saurez vous montrermagnanime pour la « veuve » de Charles VI.N’êtes-vous pas, d’ailleurs, tout désigné ? Le frère du roi deFrance n’est-il pas le premier personnage du royaume, et si le rois’en va, qui donc peut, sans susciter une guerre civile, prendredans ses mains ce sceptre à demi brisé, qui donc, sinonvous ?

Le duc écoutait avec enivrement ces parolesqui, d’avance, le sacraient roi de France.

– Et c’est vous, balbutia-t-il, qui avez…à mon frère…

– C’est moi qui vous ai désigné, ditsimplement Isabeau. Le roi parti, je ne suis plus rien. J’airegardé autour de moi. J’ai choisi celui en qui j’ai cru voir lagénérosité qui pardonne.

– Générosité ! s’écria ardemment leduc. Ah ! madame, ni générosité, ni pardon ! Reine vousêtes, reine vous resterez. C’est tout. Si mon frère cherche au pieddes autels la paix qu’il n’a pas trouvée sur le trône, s’il medésigne pour lui garder intact le patrimoine de puissance qui estson bien tant qu’il est vivant, je vous jure que mon premier actesera de vous proclamer régente…

– Générosité ! Générosité !prononça la reine gravement. Vous êtes bien tel que je vous aitoujours jugé…

À ce moment, derrière la porte fermée, unmurmure de voix, des bruits de pas étouffés. Le regard d’Isabeauétincela. Et soudain, Louis d’Orléans, pour la deuxième fois,éprouva un serrement de cœur atroce. Il eut la sensation vaguequ’il se jouait autour de lui une hideuse comédie.

Les bruits s’éteignirent.

Le duc jeta autour de lui un long regard desoupçon.

– Madame, dit-il enfin avecprécipitation, toute parole de reconnaissance en ce moment seraitinutile… mes actes seuls, quand il en sera temps, vous prouverontcette reconnaissance.

– Oh ! songea Isabeau avec unefureur de rage et de désespoir, il va fuir !…

Bois-Redon n’arrivait pas !… Leguet-apens n’était pas prêt !… L’homme sur qui Jean sans Peuravait compté avait donc refusé !…

Dans ces quelques secondes, pendant lesquellesparla le duc d’Orléans, des pensées de drame se heurtèrent, dansl’esprit de la reine. Elle se vit poignardant elle-même le frère duroi, puisque Bourgogne en était incapable. Et, par contre-choc defureur, ce fut surtout Jean sans Peur qu’elle couvrit demalédictions. Le duc d’Orléans disait :

– Permettez-moi donc de me retirer. Ilsera plus séant que votre capitaine des gardes me trouve en monhôtel… si mon frère me fait appeler. Je serai debout toute la nuitpour attendre…

En parlant ainsi, le duc reculait vers laporte. L’aiguë et terrible sensation qu’il était en danger de mortdevenait d’une effroyable précision. À tel point qu’il portasoudain la main à sa dague. Il s’inclina profondément, et, d’un tonbref :

– Adieu, madame. Ce que j’ai dit se fera,je le jure.

Il se redressa et demeura figé sur place.

Dans son esprit, la terreur s’évanouit,pareille à un sinistre crépuscule, et à l’horizon opposé se leval’astre rutilant de la passion qui le submergea de lumière.

– Quoi ? Que sepassait-il ?

Un simple geste d’Isabeau. Elle avait ouvertle manteau royal. Et ce ne fut plus le palladium, synthèse deroyauté. Ce fut la somptueuse enveloppe, l’écume d’azur d’où Vénusémerge en sa splendeur blanche et rose. Sous son manteau, elleapparut ce qu’elle était : un chef-d’œuvre de la chairpalpitante, intensément vivante. Car elle n’avait pour voile que lemanteau royal.

La voix sèche, rauque, les lèvres brûlantes,l’œil égaré, elle prononça :

– Vous ne me demandez même pas« pourquoi » c’est vous que j’ai choisi pour régner surle royaume de France et sur moi !

Le duc d’Orléans fléchit les genoux. La têtelui tourna. Il tendit ses bras vers l’idole et râla :

– Puissances du ciel ! Serait-ildonc vrai que vous m’aimez !…

– Ah ! rugit Isabeau au fondd’elle-même, te voilà donc, honnête sacripant ! Cette femmeque tu convoites de toute ton âme, que tu veux de tout ton sang,c’est la femme de ton frère ! Hommes ! ô hommes ! Etvous hurlez votre vertu ! Et qu’est-ce que l’assassinat de cevoleur auprès du vol qu’il médite !…

Et elle ouvrit ses bras, fouettée peut-êtrepar sa propre frénésie, cherchant peut-être dans le baiser de cetamant qu’elle allait tuer quelque fièvre inconnue encore d’elledans sa longue et ardente recherche de l’impossible.

Les enivrantes minutes s’ajoutèrent l’une àl’autre dans le silence du temple.

L’heure coula sans que Louis d’Orléans lasentît couler. Les heures, peut-être…

Qui sait si à ce moment Isabeau n’était pasarrivée à se persuader à soi-même qu’elle aimait Louisd’Orléans ? Qui sait pourquoi son regard se troubla, pourquoielle pâlit, pourquoi sa chair frissonna, à cette minute d’indiciblehorreur où la jolie suivante, ayant gratté à la porte et étantentrée, annonça l’arrivée de Bois-Redon ?

Sur ses lèvres, avec un dernier baiser,l’amant déposa son serment d’éternel amour.

Bois-Redon entra.

La reine, à l’instant, fut debout ; elleeut un mouvement nerveux vers son capitaine des gardes, et un autrevers l’amant. Ses lèvres tremblèrent… Elle ne dit rien. Bois-Redonprononça :

– Sa Majesté le roi veut voir à l’instantmonseigneur le duc d’Orléans…

Louis sentit son cœur se gonfler d’une sincèregratitude pour cette splendide maîtresse qui lui donnait un trône.Il se tourna vers Bois-Redon. La reine saisit sa main etmurmura :

– Restez…

Orléans pâlit ; pour la troisième fois,le destin l’avertit. Il eut froid dans ses veines. Isabeau fit unrude effort sur elle-même, étrangla sa pitié naissante, et avec unsourire effrayant :

– Restez encore un peu…

Le duc fut rassuré. « Encore unpeu » corrigeait « restez ». Il secoua latête :

– Capitaine, courez dire au roi que je merends à ses ordres.

De nouveau seul avec Isabeau, il l’étreignitdans ses bras et, d’un accent affolé :

– Peut-être serai-je roi, bégaya-t-il.Mais vous, je jure que vous serez la reine du roi…

Et il s’élança.

Ses quatre pages, déjà, étaient prévenus. Ilsétaient à cheval dans la rue ; chacun d’eux portait unetorche. D’un rapide regard, le duc sonda les noires profondeurs dela rue ; tout était paisible.

– À l’Hôtel Saint-Pol ! dit-il en semettant en selle.

La petite troupe s’avança au pas, le long dela rue Barbette. Les pages marchaient en avant. Le duc, à quelquespas derrière eux, les rênes flottantes, un vague sourire auxlèvres, songeait…

Brusquement, les pages poussèrent un cri dedétresse, des ombres bondirent dans le brouillard…

– Holà, drôle ! cria le duc. Holà,truands ! Au large, au large !…

Pendant un temps d’une inappréciable rapidité,il eut dans les yeux la vision fantastique de ces ombres quisurgissent, de ces lueurs d’acier qui zébraient les ténèbres ;un de ses pages s’abattit, puis un autre. Tout à coup, il éprouvaau flanc une violente douleur, il lui sembla que sa raisons’envolait, que tout lui manquait. Il s’abandonna, s’abattit, tombade cheval en murmurant :

– Ah ! traîtres, vous m’aveztué !…

Un coup l’atteignit à l’épaule, un autre à latête… Il eut encore la force de se soulever sur les deux mains etde haleter :

– Je suis le duc d’Orléans…

– Nous le savons ! répondit une voixsombre.

Le duc retomba, sur le dos, le visage tournévers le ciel. Il eut cette dernière vision de Valentine, del’épouse fidèle lui jetant un dernier regard de pardon, et celas’enveloppa de l’éclair d’une hache qui se levait…

– Adieu… Valentine… pardon… oh !…pard…

Ce fut fini. La hache, à toute volée,l’atteignit au crâne. La cervelle jaillit, éclaboussa les marchesdisloquées du vieux perron des « Templiers deNotre-Dame ». Il y eut un tourbillon parmi la nuée des démons.Brusquement tout cela s’évanouit. Il n’y eut plus là que quatrehommes. L’un d’eux saisit le cadavre par les pieds et le traînajusqu’à une torche qui brûlait encore sur la chaussée. Cet hommesaisit cette torche, la leva, éclaira une seconde le visage livide,éclaboussé de sang, le crâne défoncé, et il dit :

– C’est bien. Allons-nous-en.

Ocquetonville, s’étant assuré que le ducd’Orléans était bien mort, éteignit la torche sous son pied. Alors,suivi de Scas, de Guines et de Courteheuse, il s’enfuit. Au fonddes ténèbres, les quatre hommes damnés s’enfuirent, se glissèrentau long des murs, en se disant :

– Ce fut vite et bien fait. Jamais nul nesaura !

Là-bas, sur la chaussée bourbeuse de la rueBarbette, il y avait trois corps étendus : celui du ducd’Orléans, ceux de deux pages ; les deux autres s’étaientenfuis comme ils avaient pu, sauvant leur peau.

Les assassins étaient déjà loin. Ilss’arrêtèrent, ruisselants de sueur, et quelques minutes, leurgroupe immobile haleta dans le silence. Enfin, Guillaume de Scasparla :

– Je suis sûr que Thibaud Le Poingre nousouvrira.

– Et s’il ne veut pas ouvrir, ditCourteheuse, nous défoncerons sa porte.

– Il est sûr que je crève de soif, grondaOcquetonville.

– Moi aussi, dit Guines.

Ils ne dirent pas un mot de l’affaire et sedirigèrent vers le cabaret de la « Truie Pendue ». Maischacun d’eux songeait : Nul ne saura. Nul ne peut savoir.

Vers ce moment, dans la rue Barbette, il y eutun bruit de pas précipités. Une silhouette se dessina sur l’écrande la nuit. Quelqu’un venait d’arriver en tempête sur le champ demassacre.

Les trois corps étaient là sur la chaussée.L’inconnu heurta un de ces corps et trébucha. Le corps fit unmouvement. C’était l’un des pages laissés pour morts. Il jeta unefaible plainte, se dressa péniblement et râla :

– À moi !… Ah ! je mourrai doncsans pouvoir désigner les meurtriers ! Personne ne viendradonc !

– Si ! dit l’inconnu. Je suis prêt àvous entendre, moi ! Le duc d’Orléans ?…

– Mort !

– Malheur ! Trop tard !… Le nomdes meurtriers, au moins ?

– Puis-je me fier à vous ?

– Je suis quelqu’un qui doit la vie àLouis d’Orléans. Parlez.

– Qui êtes-vous ? insista lepage.

L’inconnu s’était agenouillé après du mourant.Il rapprocha sa tête de la jeune tête livide, et dit :

– Je suis quelqu’un que Jean de Bourgognea tué cette nuit. Vous pouvez parler…

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