L’Hôtel Saint-Pol

XIII – L’HOMME DE LA CITÉ

Ce même jour, vers dix heures du soir, sousdes rafales de pluie, dans la lueur livide des éclairs qui, enlettres de feu, sur le livre noir du ciel, écrivaient des chosesmystérieuses, une barque, prise au même endroit que, douze ansauparavant, traversa la Seine. Comme douze ans avant, la reineIsabeau de Bavière et Amaury de Bois-Redon prirent pied dans lacité.

Ils eussent pu passer par le pontNotre-Dame.

Mais il eût fallu pour cela parlementer avecle poste d’archers du guet, et se faire reconnaître.

C’étaient donc les mêmes personnages.Seulement Bois-Redon avait monté en grade : il étaitmaintenant capitaine du palais de la reine, c’est-à-dire uneimportante figure militaire de l’Hôtel Saint-Pol.

Ils arrivèrent à la maison de la rue aux Fèveset, bientôt, furent introduits.

Tout changeait. Bois-Redon était devenu ungéant. La beauté de la reine plus forte, plus sombre peut-être,avait atteint à sa perfection. Nevers était duc de Bourgogne. Hardyétait un jeune homme. Roselys, devenue Odette de Champdivers, unejeune fille. Tout, donc, se modifiait en pénétrant plus avant dansla vie. Saïtano seul était resté Saïtano ; ni plus vieux, niplus maigre, il était le Saïtano d’autrefois, toujours avec sonregard de feu, ses doigts longs, sa houppelande d’un rouge fanéparsemée de suspectes taches noirâtres qu’on pouvait prendre pourdes taches de sang.

– Belle nuit, dit-il, pour venir chez lesorcier. C’est par des nuits pareilles que je poursuis avec plusd’ardeur mon inlassable recherche. Les esprits de ceux qui ne sontplus aiment alors à tourbillonner dans l’espace. Les génies quiprésident à la science des hommes accourent alors. Et de les sentirautour de moi, dans l’atmosphère embrasée, cela m’aide et m’excite.Mais pour vous, madame, je renonce volontiers à cette nuitd’études.

– Ainsi, dit Isabeau, vous n’avez pasperdu l’espoir de trouver la liqueur de longue vie ?

– Je la trouverai, madame. Jerecommencerai l’expérience qu’avec tant de peine j’avais préparéeet qui a si misérablement avorté… l’enfant mort était vivant,madame !

– Oui, je sais, vous m’avez dit cela.

– Que me faut-il ? s’écria Saïtanoen frappant sur un manuscrit déposé sur une table. C’est écritlà ! Ce livre, madame, je l’ai volé à l’homme qui passe pourle plus grand génie de la science… comme si je n’étais pas unsavant, moi ! Je l’ai pris à celui qui, peut-être, a trouvé,lui !…

– Qui cela ? fit curieusement lareine.

– Nicolas Flamel ! dit Saïtano enfrissonnant de jalousie. Eh bien, dans ce livre écrit tout entierde la main de Nicolas Flamel, je vois qu’il me faut le sang detrois enfants vivants et un enfant mort de mort violente sanseffusion de sang. C’est difficile, madame. En ces temps, les mèressurveillent leurs enfants… Depuis douze ans, madame, vous m’avezcent fois promis de m’aider…

– Oui, dit la reine pensive. Ce serait eneffet une royauté splendide, plus étonnante que toutes les royautésde l’univers. Et ne serait-il pas maître du monde, celui qui auraitl’éternité devant lui !

– Il serait Dieu ! dit Saïtano.

– Saïtano, reprit Isabeau, ce qui estpromis est promis. Tout ce qu’il faut faire pour la recherche duGrand-Œuvre, je le ferai. Reine à l’Hôtel Saint-Pol, je ne suis icique ton élève. Mais pour la réussite même de la grande expérience,il faut que je puisse étendre sur toi ma protection occulte, commeje l’ai déjà fait, saisir au besoin et condamner le prévôt qui tesoupçonnerait, comme je l’ai déjà fait, arrêter et jeter dans unefosse l’official qui commencerait à instruire ton procès, comme jel’ai déjà fait. Et pour cela, Saïtano, il faut que je garde lepouvoir. Or, mon pouvoir est menacé…

Comme il avait fait jadis, Saïtano sourit, seleva, alla à l’armoire de fer, en sortit un flacon et le tendit àla reine en disant : Ceci vous attendait…

Et comme Isabeau le regardait,étonnée :

– Votre pouvoir, madame, est menacé parcequ’une jeune fille habite l’Hôtel Saint-Pol…

Isabeau frémit. Un frisson de haine lasecoua.

– C’est vrai, dit-elle d’une voix sourde.Alors… ce poison… est pour elle ?…

– Ce serait enfantin, madame. Noustuerons Odette de Champdivers quand son heure sera venue. Noustuerons le roi de France quand son heure sera venue, c’est-à-direquand votre veuvage n’aura rien à redouter ni du duc d’Orléans, nidu duc de Berry, ni… du duc de Bourgogne !…

Et Saïtano pâlit à son tour ! La haineflamboya dans ses yeux. Il porta la main à sa joue, éclata de rire,et continua :

– Chacun aura son tour ! Allez,madame, soyez sans peur, soyez sans pitié, car les hommes n’aimentque ce qui est redoutable ; la race, voyez-vous est accoutuméeau fouet !

– À quoi, alors est destinée cetteliqueur ?

– À combattre l’influence d’Odette deChampdivers, à rendre au roi Charles VI cette précieusedémence qui faisait de vous le monarque le plus puissant du mondechrétien. Allez, madame. Pour le moment, mieux vaut pour vous unmari fou qu’un mari mort… Allez, et laissez-moi à mes études.

– Oh ! dit Isabeau, tu asraison ! Charles mort, c’est un nouveau roi sur le trône, etmoi chassée, arrêtée peut-être ! Charles redevenu dément,c’est toute ma puissance retrouvée !

Saïtano sourit, prit un flambeau, et escortajusqu’à la porte de la rue la reine et Bois-Redon. Un coup de ventéteignit le flambeau. Un instant, Saïtano regarda s’éloigner sesvisiteurs. Il les vit, à la lueur d’un éclair, tourner le coin dela rue aux Fèves. Un coup de tonnerre ébranla la maison. Dans lemême instant, comme Saïtano rentrait, une main rude repoussa laporte qu’il voulait fermer et l’ouvrit toute grande… Un jeune hommeapparut, vêtu de velours gris sous son manteau ruisselant de pluie,repoussa dans l’intérieur Saïtano stupéfait, ferma la porte,s’inclina, et dit :

– Bonsoir maître. L’enfant mort voussalue !…

Saïtano recula de deux pas, et darda sonregard aigu sur le chevalier de Passavant. Il n’avait pas besoin dele reconnaître : Ces mots « l’enfant mort voussalue » étaient une présentation suffisante. Saïtano fit bonnecontenance.

– Vous venez avec le tonnerre, dit-ilgoguenard.

– Et comme le tonnerre, fit Passavantavec simplicité.

– Que voulez-vous ?

Sans répondre, Passavant entra dans ladeuxième salle, prit un autre flambeau resté allumé sur la table,et pénétra dans la troisième salle. Il s’arrêta, devant la table demarbre. Sombre, agité de sentiments où la peur tenait sa place,Saïtano l’avait suivi. Passavant tira sa rapière et, de la lameflexible, fouetta la table.

– Ce fut ici, dit-il en frémissant.

Saïtano, au geste de cet ennemi qui mettaitflamberge au vent, s’était ramassé pour une lutte suprême. Sastupeur effarée s’évanouit. Que Jean sans Peur eût laissé vivre« le témoin », il remit à plus tard de se l’expliquer.Sans dire un mot, il saisit dans un coin une forte épée, et,laissant tomber son manteau, apparut ce qu’il était :admirablement campé dans sa maigre stature, tout en nerfs, l’œilfroid, la main souple. Passavant se mit à rire. Si brave que fûtSaïtano, ce rire fit pointer la sueur à la racine de sescheveux.

– Où sont « les troisvivants ? » demanda Passavant.

– Je ne les ai jamais revus, ditfroidement Saïtano.

– Oui, ils eurent assez peur, les pauvresdiables, et sans doute l’envie de venir rôder par ici leur a passépour toujours. Moi aussi j’ai eu peur. J’ai bien souvent eu froiddans le dos en songeant à cette seconde où je vis s’abattre sur mapoitrine votre main armée de la petite griffe d’acier. Mais jereviens tout de même. Me reconnaissez-vous ?

– Je vous reconnais à vos paroles.

– Oui. Le visage a changé. Savez-vous ceque je suis venu faire ici ?

– Vous venger, sans doute. Mais on ne metue pas aussi facilement que vous l’avez cru.

En même temps Saïtano se rua l’épée haute etporta un coup furieux en criant : Meurs donc puisque tu étaisdestiné à mourir ici !… Le coup ne toucha pas, l’épée éraflale manteau ; sans se donner la peine de se mettre en garde,Passavant saisit cette épée à pleine main, l’arracha à sonadversaire, la brisa sur son genou et en jeta les tronçons. Celadura le temps d’un éclair. Dans le même instant, il se plaça d’unbond devant la porte et coupa toute retraite. Désarmé, vaincu dèsle premier contact, sûr d’être tué, Saïtano se croisa les bras,jeta un farouche regard à Passavant et attendit.

Le jeune homme n’était pas venu chercher unduel dans l’antre de Saïtano. Mais cette brusque attaque modifiases idées. Il sourit, et dit :

– Je ne suis pas fâché que vous m’ayezprouvé que j’ai bon pied, bon œil, bonne parade. Mais savez-vous,maître, que vous êtes une vipère qu’il faut écraser ? Ma foi,puisque je vous tiens là, je vais simplement et proprement voustuer.

– Faites ! dit Saïtano. Vous pouvezme tuer. Vous avez une arme et je n’en ai pas. Mais vousn’arriverez pas à me faire peur.

– Nous allons voir.

Passavant jeta les yeux autour de lui. Le seauy était toujours, et la grosse éponge, sinistres ustensiles en tellieu. Sur une tablette, la boîte à outils. Dans un coin, un paquetde cordes. Le jeune homme saisit ces cordes et marcha droit surSaïtano qui se ramassa, tendit ses muscles. Une main de fer lesaisit à la gorge et le colla au mur. Là, il y eut une courtelutte, des grognements confus, et Saïtano écumant, livide de rage,se trouva solidement garrotté… Mais il n’avait pas peur, ethaleta :

– Tu n’avais pas besoin de me lier pourme tuer, truand !

Dans cette seconde, la peur s’abattit sur lui.Il frissonna. Ses yeux devinrent hagards. Il râla :

– Oh ! le démon ! Que va-t-ilfaire !…

Simplement, Passavant l’avait saisi dans sesbras nerveux, et tout lié, bras et jambes, l’avait étendu de sonlong… sur la table de marbre !… Aussitôt il déchirait lesvêtements avec son poignard et mettait la poitrine à nu !…Puis il déposait sur la table un flambeau près de la tête deSaïtano, et enfin, ouvrant la boîte aux outils, il choisissait lagriffe, la fameuse griffe d’acier… le scalpel !

– Ma foi, dit-il avec sa terriblesimplicité souriante et narquoise, je vais vous faire ce que vousavez sans doute fait à bien d’autres ; je vais, de la pointede cette lame, chercher votre cœur tout vif, et vous l’arracherpalpitant encore.

Saïtano eut un rugissement de terreur ;ses yeux se strièrent de rouge.

– Pour le coup, je crois, mon maître, quevous avez peur… dites ?

Et il planta la pointe du scalpel dans lapoitrine du patient, comme on la lui avait plantée, à lui. Saïtano,d’un frénétique effort, souleva sa tête, fixa ses yeux exorbitéssur le scalpel, et il écuma :

– Oui !… Oui, démon !… Oui,j’ai peur !

– C’est bien ! dit Passavant.Consentez-vous à répondre à mes questions ? Non ? Je vousarrache le cœur. Oui ? Je vous fais grâce de la vie.Choisissez.

– Je répondrai ! haleta Saïtano.

Passavant trancha les liens, comme il avaitfait jadis aux « trois vivants ». Saïtano se mit debout,courut à l’armoire de fer, versa dans un gobelet une douzaine degouttes d’un liquide incolore, et dès qu’il eut bu, son visagereprit sa couleur naturelle, ses nerfs s’apaisèrent. Passavants’assit sur un coin de la table de marbre, les jambes pendantes, larapière devant lui en travers sur ses genoux, et dit :

– Je n’étais pas venu pour vous tuer, nipour vous écorcher vif, ni vous faire peur. C’est vous qui m’avezforcé à ces gestes violents en vous jetant sur moi le fer aupoing.

– Et que me voulez-vous donc ? fitSaïtano étonné.

– Je vais vous le dire.

– Interrogez ! fit Saïtano redevenumaître de lui.

– Eh bien, donc, la nuit où je fus portéici, mon logis fut envahi. Dans l’oratoire, se trouvait une femmedont je ne pus voir le visage…

– Savez-vous qui était cette femme ?interrompit Saïtano.

– Non. Car c’est à elle, non à vous, queje me fusse adressé. Il y avait aussi un homme, un seigneur…

– Celui-là, au moins, vous savez qui ilétait ? demanda de nouveau Saïtano avec une sorted’anxiété.

– Non. Car c’est devant lui que je metrouverais maintenant, l’épée à la main.

Saïtano respira. La reine – son alliée –n’avait pas été reconnue. Passavant n’avait pas non plus reconnuJean sans Peur. Et celui-là, Saïtano le gardait pour lui : Ilavait juré contre le duc de Bourgogne une de ces vengeances quin’admettent pas le partage.

– Continuez, dit-il froidement.

– Cet homme, cette femme, lesconnaissez-vous ?

– Non. Que suis-je ? Un instrument,un outil, comme ceux que vous voyez dans cette boîte.

– Quoi qu’il en soit, j’ai toujours penséqu’il y avait étroite relation entre l’invasion de mon logis parces gens et l’aventure qui m’arriva à moi. Je suppose donc que, sivous êtes un simple instrument, s’il est des choses que vousignorez, il en est d’autres que vous devez savoir.

– Lesquelles ? Voyons…

– Voici. Dans mon logis vivait avec moi,près de moi, une noble demoiselle nommée Laurence d’Ambrun.Savez-vous ce qu’elle devint ?

– Non, dit nettement Saïtano.

Passavant tressaillit, passa une main sur sonfront, et, d’une voix moins assurée :

– Près de moi, aussi, dans le logis demes pères, vivait une enfant, une petite fille âgée de cinq à sixans, et nommée Roselys. Savez-vous ce qu’elle devint ?

– Oui ! dit Saïtano avec la mêmenetteté.

À l’instant, Passavant fut debout, courut àSaïtano et lui prit les deux mains. Son émotion était profonde.

– Parlez, dit-il.

– C’est chose promise. Et puis, bien quevous m’ayez un peu durement traité, vous m’intéressez. Je vois quele sort de cette enfant vous touche au cœur, est-ce vrai ?

– Pour savoir ce qu’elle est devenue, jeconsentirais à rentrer dans cet enfer d’où je suis sorti…

– Où donc étiez-vous ? demandaSaïtano avec une avide curiosité.

– Dans un cachot. Douze ans j’ai vécu là,si cela peut s’appeler vivre, sans air, sans lumière, sans espoir…J’y ai été jeté la nuit même où vous m’avez fait arrêter par desgens d’armes qui me conduisirent à l’Hôtel Saint-Pol, et j’en suissorti la nuit dernière.

– Ah ! Ah ! fit Saïtano quiremit ses forces en garde. Et vous dites que vous n’avez pas un peuenvie de me tuer ? de vous venger de moi ?…

– Pourquoi faire ? dit Passavant.Vous l’avez dit. Vous n’êtes qu’un instrument. Je l’ai toujourspensé. Non, non, c’est de Roselys que je suis venu vousparler ! Dites-moi ce que vous savez, et je vous jure, moi,qu’à tout jamais j’oublierai le mal que vous m’avez fait.

Saïtano baissa la tête, pensif. Il nes’expliquait pas la générosité du jeune homme. Il en cherchait lesmotifs et ne les trouvait pas. Enfin, haussant lesépaules :

– Je vais vous dire tout ce que je sais.J’ai peut-être tort. Mais vous m’intéressez, ajouta-t-il avec unsingulier sourire pâle. Donc, l’enfant… commentl’appelez-vous ?

– Roselys.

– Oui. Eh bien, elle fut remise à unefemme qui avait son rôle à jouer pour Roselys comme j’avais, moi,mon rôle à jouer pour vous. Cette femme est morte, ne la cherchezpas, reprit-il en voyant le mouvement que faisait le jeune homme.J’ai eu l’occasion de la voir deux ou trois jours avant sa mort.Elle m’avait appelé pour la soigner, car je suis un peu guérisseur.Et elle me raconta ce qui était advenu de Roselys… C’est simple etbref : cette femme emmena l’enfant loin de Paris, dans unbourg dont elle ne me dit pas le nom, et l’exposa sous le porche del’église, comme fille sans nom…

Le chevalier de Passavant bondit :

– Exposée !… Quoi !…Exposée !… Comme si elle n’eût eu personne au monde !… Sifrêle, si facile à troubler, à effrayer… c’est horrible !

– Oui, dit Saïtano. Vous le dites :frêle, facile à troubler. Elle fut, en effet, si effrayée de cettenuit, si honteuse peut-être d’avoir été exposée… – exposée auxinjures, aux rires, aux sarcasmes – qu’elle en éprouva une violentecommotion de tout son petit être, et, trois mois après avoir étérecueillie… elle expira !

Passavant devint blanc comme un mort, baissala tête, porta la main à ses yeux, et d’une voix de détresse, commesi tout lui eût désormais manqué, comme s’il eût alors seulementcompris la place que Roselys occupait dans son âme, ilmurmura :

– Morte !… Roselys estmorte !…

Longtemps, le chevalier de Passavant sedébattit contre la douleur. Il ne pleurait pas. Il l’avaitdit : Tiens ! je ne puis plus pleurer ? Et c’étaitvrai. Les larmes consolatrices, les larmes apaisantes, les larmesqui entraînent avec elles un peu de la souffrance qui lesprovoquent, lui manquaient. Sa douleur n’en fut que plus rude. Oui,il comprit alors que Roselys, endormie dans son souvenir, au fondde la nuit de son cachot, n’en avait pas moins toujours étéprésente dans les profondeurs de son souvenir. Il compritqu’enfant, il l’avait aimée, et qu’elle était l’unique amour de savie. Il éprouva cette sorte de vide au cœur si semblable auterrible vide de la maison lorsqu’on revient d’accompagner aucimetière un être cher.

Peu à peu, soit qu’à force de vivre replié surlui-même, il eut appris à se dompter ou du moins à dompter sesattitudes, soit qu’il eût quelque honte à livrer à cet étranger – àcet ennemi – le secret de son intimité la plus profonde, il secalma, reprit sa physionomie habituelle – mélange d’ingénuité, dejeunesse, de fierté, de tristesse à peine, et d’humeurnarquoise.

– Je vous remercie, dit-il. C’est tout ceque je voulais savoir de vous. Avant de m’en aller, je tiens à vousdire que vous n’avez rien à craindre de moi. Pourtant, il fautaussi que je sache le nom de celle qui…

– La femme est morte, je vous l’ai dit.Ne la cherchez pas.

– Vous ne me comprenez pas. Je veuxparler de celle qui recueillit… l’enfant. Comment traita-t-elleRoselys ? Pourquoi la recueillit-elle ?

– En adoptant l’enfant, dit Saïtano,cette femme obéit à l’inspiration du cœur le plus noble qui soit.Elle la soigna comme une mère. Elle fit tout pour la sauver… Etcependant, elle savait qu’en agissant ainsi, elle s’exposerait à lahaine et à la vengeance.

– Le nom de cette femme ! s’écriaPassavant. Oh ! Je veux aller la trouver, la bénir, ladéfendre si elle est menacée, mettre ma vie à son service…

– Elle le mérite, dit Saïtano. C’est unesainte.

– Eh bien, parlez. Qui est cettefemme ?

Saïtano parut hésiter, et enfin :

– Vous le voulez ?

– Je le veux !…

– Eh bien, c’est… Isabeau de Bavière,reine de France !…

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