L’Odyssée – Scène 8 : Charybde etScylla
Dès qu’ils eurent laissé derrière eux l’îledes Sirènes, des nuages de vapeur s’élevèrent devant eux. La mergrondait si fort que les hommes eurent peur et leurs mainslâchèrent les rames. Le navire trembla sur les eaux agitées, maisUlysse se mit à marcher de long en large parmi les hommes, lesencourageant, et indiquant au pilote comment il fallaitgouverner.
Devant lui, il y avait deux périls entrelesquels il devait choisir – ainsi l’avait dit l’enchanteresseCircé.
Le premier était une falaise verticale, tropraide et trop lisse pour qu’un mortel puisse l’escalader : àson flanc, l’ouverture béante et sombre d’une caverne. C’étaitl’habitation de Scylla, monstre horrible à six longs cous. Au boutde chaque cou, une tête horrible et affamée s’abaissait pourarracher une victime à tout navire qui passait.
L’autre falaise était plus basse, mais encoreplus dangereuse. Là vivait la redoutable Charybde, aspirant leseaux trois fois par jour, et les vomissant ensuite. Bien que Scylladût saisir à coup sûr six de ses matelots pour en nourrir seshideuses têtes, il était cependant préférable de passer de son côtéplutôt que de l’autre.
Ulysse ne dit rien de Scylla à l’équipage.Circé l’avait averti qu’on ne pouvait lui échapper, et il nevoulait pas que ses hommes soient pris de panique et se cachent,laissant aller le navire à la dérive.
Ils continuèrent donc, droit vers Charybde.Évitant le moment où elle engloutissait tout dans ses profondeursagitées, ils passèrent à côté au moment où elle rejetait l’eaubouillonnante, aspergeant d’écume jusqu’au sommet des falaises. Leshommes ne regardèrent même pas du côté de Scylla ; mais lessix têtes furent projetées en avant, saisirent six des meilleursmatelots et les entraînèrent vers leur destin fatal.
Lançant des cris de détresse, alors qu’ilsétaient enlevés en l’air, ils agitèrent désespérément leurs membreset appelèrent Ulysse au secours. De même qu’un pêcheur jette saprise palpitante sur le rivage, ainsi les longs cous jetèrent leshommes dans la caverne, où Scylla les dévora.