L’Iliade et l’Odyssée

L’Iliade – Scène 13 : La mortd’Hector

Hector restait là, devant les portes, résolu àse battre avec Achille. Mais ce fut le roi Priam qui, le premier,vit Achille arriver en courant dans la plaine. Ses armes brillaientcomme l’astre éclatant de l’arrière-saison qu’on appelle le Chiend’Orion. Le vieillard gémit, puis, tendant ses bras vers Hector, illui dit :

« Rentre donc dans nos murs pour sauvernotre ville. Aie aussi pitié de moi, ton vieux père, qui ne suispas trop vieux pour souffrir si mes fils sont tués, ma villedétruite, ma maison pillée, mes filles traînées en esclavage. Carc’est moi qui recevrai le dernier la mort, en attendant que moncorps soit livré aux chiens. »

Tout en parlant, le vieillard arrachait sescheveux blancs. Mais Hector restait inébranlable. Sa mère, de soncôté, le suppliait en pleurant, sans le persuader davantage. Ilétait toujours là, son bouclier appuyé contre le mur, regardantapprocher le redoutable Achille.

« Mieux vaut, se disait-il, vider au plustôt notre querelle. Sachons à qui de nous Zeus entend donner lagloire. »

Cependant Achille s’approchait, pareil au dieude la guerre, et ses armes brillaient comme du feu.

Hector frémit en le voyant si près. Il n’eutplus le courage de rester où il était. Laissant derrière lui lesportes, il prit la fuite.

Achille s’élança derrière lui, comme unépervier fond sur une colombe. Ils passèrent la guette et lefiguier, et prirent la grand-route ; enfin, ils arrivèrent auxsources du Xanthe.

Et la course continua : devant, c’étaitun brave qui fuyait, mais c’était un bien plus brave encore qui lepoursuivait. La lutte était acharnée, car la vie d’Hector en étaitl’enjeu. Trois fois ils firent le tour de la ville. Tous les dieuxles contemplaient. Zeus se désolait pour Hector et aurait voulu lesauver, mais Athéna s’y opposait absolument.

« Quoi ! s’écria-t-elle. Un simplemortel, marqué depuis longtemps par le destin, tu voudrais lesoustraire à la mort ? »

C’était comme dans un rêve, quand deux hommesse poursuivent : l’un ne peut pas se dérober à l’autre, nil’autre l’atteindre. Enfin, quand ils revinrent auprès desfontaines pour la quatrième fois, Apollon, qui avait aidé Hectordans sa fuite, l’abandonna. Et Athéna s’approcha de lui, sous lestraits d’un de ses frères, et lui offrit perfidement son aide.

« Frère, lui dit-elle, Achille te faitrude violence en te poursuivant tout autour de la ville.Allons ! arrêtons-nous et résistons sur place. »

Encouragé par ces paroles, Hector se tournavers Achille et lui dit :

« Je ne veux plus te fuir, Achille.Combattons. Je t’aurai, ou tu m’auras. Mais d’abord, faisons unepromesse devant les dieux. Si Zeus m’accorde la victoire, jerendrai ton corps aux Grecs, une fois que je l’aurai dépouillé deses armes. Promets-moi d’en faire autant. »

Achille jeta sur lui un regard furieux etrépondit : « Ne viens pas me parler d’accords. Il n’y apas de pacte loyal entre les lions et les hommes, ni entre lesloups et les agneaux. Entre toi et moi il ne peut y avoir que de lahaine. Rappelle à toi tout ton courage, car je vais te faire payertous les chagrins que tu m’as causés. »

Il dit, et lança sa longue pique. Mais Hectors’accroupit : la pique passa au-dessus de lui, et vint seficher dans la terre. Athéna l’arracha et la rendit à Achille, sansêtre vue d’Hector.

Hector brandit sa pique et la lança. Elleatteignit le milieu du bouclier, mais rebondit à distance. Hectors’irrita de voir que son trait était parti pour rien. Il appelapour demander une seconde lance à son frère, mais celui-ci n’étaitplus près de lui. Alors Hector comprit que les dieux l’avaienttrompé et que sa mort était proche.

« Eh bien ! je vais l’affrontervaillamment, » se dit-il.

Alors, tirant son glaive, il s’élança surAchille, comme un aigle fond sur un agneau. Achille aussi bondit,plein d’une ardeur sauvage, cherchant un point du corps quel’armure laissait à découvert. Il le trouva sur le cou, près de laclavicule, et c’est là qu’il plongea sa pique.

Hector tomba dans la poussière, et Achilles’écria triomphant :

« Insensé, tu croyais peut-être, quand tudépouillais Patrocle, qu’il ne t’en coûterait rien. Mais un vengeurbeaucoup plus fort se tenait près des vaisseaux : moi, quiviens de t’abattre. Maintenant, Patrocle recevra les honneursfunèbres, tandis que tu seras dévoré par les chiens. »

Hector mourant lui dit encore :

« Songe, avant de faire cela, que lesdieux peuvent t’en tenir rancune. Car toi aussi, tu tomberas devantles portes Scées, sous les coups de Pâris et d’Apollon. »

La mort coupa court à ses paroles, et son âmes’en alla chez Hadès, pleurant sur son destin, quittant la force etla jeunesse.

Achille alors dépouilla le mort de ses armes.Les autres Grecs accoururent autour de lui, admirant sa taille etsa beauté. Et chacun, en passant, lui portait un coup de lance, carHector était désormais inoffensif.

Achille se livra ensuite à une action infâme.Il coupa les tendons des pieds d’Hector, et y passa des lanières decuir qu’il attacha à son char. Puis il monta sur le char ets’élança dans la plaine, traînant le corps d’Hector derrièrelui : ses cheveux sombres se déployaient et sa tête jadischarmante gisait dans la poussière.

Les Troyens avaient peine à empêcher Priam desortir des portes.

Cependant les sanglots, les gémissementsparvinrent jusqu’à la chambre où se tenait la femme d’Hector,tissant un châle de pourpre sur lequel elle semait toutes sortes defleurs. La navette tomba de sa main, et elle sortit en courant dela maison, comme une folle, suivie de deux servantes.

Dès qu’elle eut rejoint le mur et la foule,elle s’arrêta, debout sur le rempart, et jeta les yeux de touscôtés. Elle aperçut Hector traîné devant la ville. Alors une nuitsombre enveloppa ses yeux, et elle tomba en arrière, pâmée.

Les Troyennes accoururent autour d’elle. Quandelle put à nouveau parler, elle s’écria : « Hector, voicique tu me laisses veuve dans le palais. Et voici notre filsAstyanax orphelin. Qu’adviendra-t-il de lui ? La peine et leschagrins vont être son partage. »

Ainsi parlait-elle en pleurant, et les femmesgémissaient avec elle.

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