L’Iliade et l’Odyssée

L’Odyssée – Scène 10 : Les projetsde Télémaque

L’île boisée où Ulysse avait pris pied étaitla demeure d’une belle déesse, la nymphe Calypso. Elle descendit enpersonne au rivage à sa rencontre. Et elle le conduisit à saconfortable demeure, une caverne haute. Elle traita Ulysse avec lesplus tendres égards, car elle désirait beaucoup le voir rester.

Mais Ulysse désirait ardemment rentrer chezlui et revoir sa femme Pénélope. Tous les jours il descendait aurivage et regardait la mer vide. Mais jamais aucune voile nepassait. Aussi le soir il revenait vers la caverne, où la charmanteCalypso l’attendait, chantant devant son métier à tisser, et luiréservant ses plus tendres sourires. Comme les mois s’accumulantdevenaient des années, il sentait s’évanouir lentement ce quifaisait pour lui la joie de vivre.

Tous les dieux le plaignaient – tous saufPoséidon, toujours irrité contre Ulysse. Cependant, il arriva quePoséidon partit faire une visite aux lointains Éthiopiens, quihabitent aux extrémités de la terre. Tandis qu’il festoyait aveceux, les autres dieux se réunirent dans le palais de Zeus. Là,Athéna leur exposa le cas du malheureux Ulysse.

« Envoyons Hermès dire à Calypso qu’ellelaisse partir Ulysse, supplia la déesse Athéna. Et moi j’irai àIthaque encourager un peu le fils d’Ulysse, et lui conseiller derésister à la foule de prétendants qui font la cour à sa mère etdévorent son patrimoine. »

Les dieux furent d’accord. Aussi Athénamit-elle ses sandales d’or qui la transportaient à la vitesse duvent par-dessus la terre et la mer. Elle arriva à Ithaque, sur leseuil de la maison d’Ulysse, déguisée en voyageur. Et ce fut lefils d’Ulysse, Télémaque, assis le coeur lourd parmi lesprétendants, qui la vit et l’accueillit le premier.

Télémaque la conduisit dans une haute salle,et fit asseoir son hôte sur une chaise joliment sculptée, avec untabouret pour ses pieds. Il fit apporter par une servante de l’eaudans une cruche d’or, avec un bassin d’argent pour se laver lesmains. Puis il appela un serviteur qui offrit des plats de viandedécoupée, et l’intendante apporta un panier de pain et toutessortes de friandises. Car Télémaque voulait que l’inconnue mange enpaix avant l’arrivée des bruyants prétendants.

Les prétendants entrèrent bientôt, avec desairs de bravaches, se laissèrent tomber sur les sièges, attendantd’être servis et nourris.

« Qui sont tous ces gens ? demandaAthéna. Est-ce un banquet ou un repas de noces ? Ces hommes nese conduisent pas comme des invités bien courtois. »

« Puisque tu me le demandes, ô mon hôte,dit Télémaque, il faut que je te dise que ceci était autrefois unehonorable maison. Mais son maître, mon père, est allé devant Troieet n’en est pas revenu. Nous n’avons jamais eu de nouvelle nousdisant s’il était vivant ou mort. Aussi, tous les nobles de cesîles, Doulichion, Samé et Zacynthe, comme de la rocheuse Ithaque,font la cour à ma mère et dissipent mon patrimoine. Quant à elle,elle ne peut se résoudre à se marier, et pourtant elle ne lesrepousse jamais catégoriquement. Ils restent donc ici et ruinentnotre maison, et voudraient bien aussi être la cause de maruine. »

« Il est grand temps que ton pèrerevienne, dit Athéna, pour chasser ces hommes grossiers. Ou bien ilte faudra le faire toi-même. Car tu es maintenant l’homme de lamaison. »

Le repas fini, Athéna partit. Mais elle avaitsemé dans le coeur de Télémaque un germe d’audace. Et tandis qu’ilrestait là silencieux, parmi les prétendants bruyants, ilréfléchissait.

Dans le cours de la soirée, l’aède chanta unpoème mélancolique sur la guerre de Troie. Pénélope, de sa chambrehaute, l’entendit. Elle ne put s’empêcher de descendre l’escalier,escortée de deux suivantes. Le visage recouvert d’un voile léger,elle s’arrêta près d’une colonne, et, en larmes, pria l’aède dechanter une autre chanson.

Mais Télémaque l’interrompit. « Ne blâmepas l’aède, dit-il. Ulysse n’est pas le seul noble guerrier quin’est pas revenu de la guerre de Troie. Retourne maintenant à tachambre et à ton travail : le métier et le fuseau. Laisse laparole aux hommes, et surtout à moi car je suis le maître de cettemaison. »

Il parlait ainsi pour faire impression sur leshardis prétendants, mais Pénélope fut secrètement réjouie del’audace de son fils. Elle retourna tranquillement à sachambre.

Cette nuit-là, quand les prétendants eurentcessé leurs danses joyeuses et leurs chants, et se furent retirésdans leurs maisons, Télémaque alla à sa chambre. Et toute la nuit,enveloppé dans des toisons laineuses, il réfléchit aux sagesparoles d’Athéna et à ce qu’il devait faire.

Le lendemain matin il fit convoquer uneassemblée dans la ville, pour protester contre les manières hardieset insolentes des prétendants. À la fin de son discours, Antinoos,un des prétendants, marcha vers le centre de l’assemblée ets’empara du bâton de l’orateur.

« Ainsi tu voulais nous faire honte,Télémaque, de cette façon méchante. Mais je vais te dire que lafaute n’en est pas aux prétendants ; c’est plutôt celle de tamère, cette femme rusée. Il y a plus de trois ans maintenantqu’elle nous tient tous en suspens. Elle nous encourage tous, etnous promet ceci et cela dans des messages particuliers, maisjamais elle n’en pense un mot. »

« Voici sa dernière ruse : elle apréparé sur son métier un grand ouvrage, un linceul pour tongrand-père, le noble Laerte, dit-elle. Elle nous a demandéd’attendre patiemment qu’il soit fini. Nous fûmes tous d’accord.Elle y travaillait tout le jour, mais, pendant la nuit, à lalumière des torches, elle défaisait tout son ouvrage. Pendant troisans, elle nous a trompés de cette façon. Mais lorsque commença laquatrième année, une de ses servantes nous a révélé le secret. Nousl’avons enfin prise en flagrant délit. Alors, elle a finil’ouvrage. »

« Mais maintenant, je te le dis, nous nela quitterons pas avant qu’elle ait choisi l’un de nous, et l’aitépousé. »

Alors le devin d’Ithaque, qui connaissaitl’avenir, donna un avertissement à l’ensemble des prétendants.

« Je vois un sombre destin s’approcher devous, dit le devin. Souvenez-vous, j’ai prédit depuis longtempsqu’Ulysse reviendrait, après avoir perdu tous ses hommes.Maintenant, ce temps est arrivé, et votre perte estproche. »

Mais Eurymaque, un autre des principauxprétendants, se leva pour répondre :

« Rentre chez toi, et fais des prophétiesà tes enfants, dit-il avec dédain. Je puis faire une meilleureprophétie : je déclare qu’Ulysse est mort depuis longtemps. Safortune sera rapidement dévorée si sa femme n’accepte pas un de sesprétendants et ne l’épouse pas, avec un vrai festin de noces, quesa famille devrait être heureuse de fournir. »

Télémaque sut alors qu’ils ne partiraient pas.C’était à lui de préparer un plan.

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