Acte III
Scène I
Père Ubu, Mère Ubu
PÈRE UBU
De par ma chandelle verte, me voici roi dansce pays. Je me suis déjà flanqué une indigestion et on vam’apporter ma grande capeline.
MÈRE UBU
En quoi est-elle, Père Ubu ? car nousavons beau être rois, il faut être économes.
PÈRE UBU
Madame ma femelle, elle est en peau de mouton,avec une agrafe et des brides en peau de chien.
MÈRE UBU
Voilà qui est beau, mais il est encore plusbeau d’être rois.
PÈRE UBU
Oui, tu as eu raison, Mère Ubu.
MÈRE UBU
Nous avons une grande reconnaissance au duc deLithuanie.
PÈRE UBU
Qui donc ?
MÈRE UBU
Eh ! le capitaine Bordure.
PÈRE UBU
De grâce, Mère Ubu, ne me parle pas de cebouffre. Maintenant que je n’ai plus besoin de lui il peut biense brosser le ventre, il n’aura point son duché.
MÈRE UBU
Tu as grand tort, Père Ubu, il va se tournercontre toi.
PÈRE UBU
Oh ! je le plains bien, ce petit homme,je m’en soucie autant que de Bougrelas.
MÈRE UBU
Eh ! crois-tu en avoir fini avecBougrelas ?
PÈRE UBU
Sabre à finances, évidemment ! queveux-tu qu’il me fasse, ce petit sagouin de quatorze ans ?
MÈRE UBU
Père Ubu, fais attention à ce que je te dis.Crois-moi, tâche de t’attacher Bougrelas par tes bienfaits.
PÈRE UBU
Encore de l’argent à donner. Ah ! non, ducoup ! vous m’avez fait gâcher bien vingt-deux millions.
MÈRE UBU
Fais à ta tète, Père Ubu, il t’en cuira.
PÈRE UBU
Eh bien, tu seras avec moi dans lamarmite.
MÈRE UBU
Écoute, encore une fois, je suis sûre que lejeune Bougrelas l’emportera, car il a pour lui le bon droit.
PÈRE UBU
La Mère Ubu se sauve poursuivie par le Père Ubu.