Un mariage polaire – Au Pôle Nord, chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 14

Chapitre 11COUP DE THÉÂTRE

 

Plusieurs jours après, une troupe de quinzecavaliers se présentait devant le fort Peel River et en demandaitl’entrée.

Cette troupe comprenait trois amazones dontdeux étaient négresses.

Ce détail fit comprendre au directeur Nilsonqu’il avait affaire à des gens de l’Hôtel-Polaire duMackensie-Fleuve.

– Ah ! dit il, je vais bien les recevoir,ces gens-là !

» Ils m’ont tué trop d’Indiens pour queje leur fasse des politesses.

Alors il se présenta sur le rempart et ildemanda d’un ton brutal.

– Que voulez-vous ?

Un cavalier de taille colossalerépondit :

– Vous parler.

– Je vous écoute !

– Ouvrez d’abord la porte de votre fort quenous y entrions.

– Je n’ai pas à vous recevoir.

– Très bien.

Les cavaliers se mirent un peu à l’écart etles deux négresses, qui étaient les deux Taki, se mirent à sonnerdes fanfares dans leurs trompes d’ivoire.

Peu après, une détonation retentissait,c’était un obusier-revolver qui tirait et que Nilson entrevit àtravers un bouquet d’arbres.

Un obus siffla, éclata sur le port et fit ungrand raffut.

Le personnel en fut épouvanté.

Alors un cavalier se détacha, un drapeau blancà la main.

Tout le personnel monta sur le rempart et lecavalier dit :

– Vous voyez.

» Nous avons une clef pour ouvrir lefort ; ça ne serait ni long, ni difficile.

Montrant l’obusier :

– Mais le serrurier qui manie la clef vousferait payer cher son travail.

» Ouvrez donc.

Nilson furieux :

– Mais enfin de quel droit…

Le cavalier en riant :

– Le droit du plus fort.

– Ainsi vous avouez…

– Tout.

» Ouvrez !

Nilson sentait bien qu’il fallait obéir.

– Je cède donc à la force !s’écria-t-il.

» J’en prends tout le monde à témoin.

– Maître Nilson !

– Monsieur ?

– Ça ne vous va pas les airs tragiques !Votre physionomie ne s’y prête pas.

Les trappeurs du fort se mirent à rire de laréflexion.

Ils n’aimaient pas Nilson.

Et puis, comme on dit, ce cavalier leurallait ; il avait une désinvolture amusante.

– Monsieur, s’écria Nilson, il ne s’agit ni detragédie, ni de comédie.

» Vous violez le droit !

» La Compagnie vous intentera unprocès.

» Oh ! ça vous coûtera cher.

– Pas si cher qu’à vous la reddition de compteque vous serez forcé de lui rendre.

» Car, entre nous, cher monsieur Nilson,vous êtes vraiment par trop voleur.

Les trappeurs étaient ravis.

Nilson s’écria :

– Vous m’insultez !

– Quoique vous soyez un renard, j’avoue quej’insulte l’âne jusqu’à la bride.

– Bon !

» J’aurai ma revanche.

– Jamais, monsieur Nilson.

» Vous méritez la corde !

» Certainement vous serez pendu, et, loinde se venger, les pendus portent bonheur avec leur corde ; jeme procurerai un bout de la vôtre.

Les trappeurs rirent de plus belle.

Et le cavalier, qui était Drivau,dit :

– Ouvrez, monsieur Nilson.

Il en est temps.

Nilson obéit.

Alors Drivau entra, salua les trappeurs etleur dit amicalement :

– Ah ! mes camarades, cette canaille vousa exploités longtemps.

» Vous allez être vengés.

Nilson, pâle de colère, commençait cependantpar devenir inquiet.

Le peloton de cavaliers s’avança et entra dansle fort.

M. d’Ussonville mit pied à terre ets’avançant devant Nilson, lui dit :

– Eh bien, monsieur l’assassin !

» À quoi cela vous a-t-il servi d’envoyervos Indiens pour nous massacrer ?

– Monsieur, vous avez été sommé de déguerpiret vous ne l’avez pas voulu.

» Les Indiens ont voulu reprendre leurterritoire usurpé.

» Moi, représentant de la Compagnie, jene devais pas intervenir entre les Indiens et vous.

» Vous violiez aussi les droits de laCompagnie.

M. d’Ussonville froidement :

– La Compagnie, c’est moi !

Nilson regarda le commandant.

– Vous plaisantez ! fit-il.

– Non, monsieur.

» J’ai acheté, avec mes amis, presquetoutes les actions de la Compagnie.

» Dès lors, j’ai été le maître.

» Voici, monsieur, une pièce en règle quime donne pleins pouvoirs.

Il força Nilson à prendre connaissance decette pièce.

– Je suis, dit-il, vous le voyez, inspecteurgénéral.

» J’ai le droit de vous casser et je vouscasse comme voleur.

Nilson était atterré.

M. d’Ussonville se tourna vers lestrappeurs et leur dit :

– Consultez-vous.

» Vous allez me désigner le moins mauvaisdes commis.

» J’en ferai le directeur.

D’une seule voix les trappeurscrièrent :

– Prenez Pierron.

» C’est un brave homme.

– Une exception alors.

Et gravement saluant :

– Honneur à vous, monsieur Pierron.

» Je vous salue avec plaisir ; letémoignage des trappeurs est, flatteur pour vous.

» Je vous recommande d’être juste etraisonnable.

» Vous êtes directeur.

– Monsieur l’inspecteur, je le serai, soyez-encertain.

– Vous me ferez un état des vols commis parNilson.

» Il rendra gorge.

» Et il partira par le vapeur deravitaillement.

Drivau riant :

– Vous voyez, cher monsieur Nilson, quej’avais bien raison.

» Vous allez vous faire pendreailleurs !

» Quel vilain pendu vous ferez.

Hilarité générale.

M. d’Ussonville mit tout en ordre, couchaau fort et en partit le lendemain pour visiter les autresforts.

Et partant, il cassa les directeurs et lesremplaça.

Justice fut ainsi faite.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer