Un mariage polaire – Au Pôle Nord, chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 14

Chapitre 7LES ESQUIMAUX

 

Le camp présentait une grande animation ;on y travaillait ferme.

Une petite forge était en pleine activité etdes ouvriers battaient le fer sur l’enclume.

Une partie des équipages des deux naviresétait à terre.

Auprès du camp, se dressaient huittentes-huttes d’Esquimaux.

LES TENTES-HUTTES

Les hommes de cette race élèvent d’abord unmur en pierres sèches à hauteur d’homme à peu près et ils appuientdessus les charpentes d’un toit voûté.

Il semblerait que n’ayant pour ainsi dire pasd’outils, les moyens d’élever cette charpente manquent auxEsquimaux.

Ils ne se servent pas de bois qu’il leurserait difficile de travailler.

Mais ils ont des os de morses et ils les lientles uns aux autres, avec des nerfs très solides qu’ils couvrentd’un mastic dont la base est la colle de poisson ; cetteligature qui durcit comme du fer, fait de plusieurs os une seulepièce de charpente.

Quand la carcasse du toit est formée, ilsétendent dessus une tente en peau de morue ou en peau dephoque.

Très souvent la carcasse du toit est faite decôtes de baleines.

C’est l’habitation d’été.

LES MAISONS DE NEIGE

L’hiver, ils en ont une autre beaucoup pluschaude.

Ils creusent une vaste chambre dans unamoncellement de neige qu’ils tapent fortement à l’intérieur àl’aide d’omoplates de morse, un instrument à beaucoup de fins.

Avec leurs couteaux de pierre, ils grattent,ils arrangent à leur idée l’omoplate.

Emmanchée d’un os long, par ligature, ellesert de pelle ; avec un manche court, elle devient une battepour battre la neige ; deux omoplates réunies par un mancheforment pagaie ; posée sur trois pieds, l’omoplate devient unsiège ; au fond des maisons de neige se dresse un vaste litpour toute la famille.

Il est fait d’un cadre en os, carré long,soutenu par des pieux en os ; des os forment d’un côté ducadre à l’autre une carcasse de soutien sur laquelle on place desomoplates bien ajustées l’une contre l’autre.

Sur ce, un matelas de mousse, des peaux, etl’Esquimau a un lit d’autant plus moelleux et chaud, que les peauxsupérieures sont des peaux de canard-eider (édredon) garnies deleurs plumes, les couvertures sont de même nature.

Rien de plus léger, rien qui conserve mieux etmaintienne mieux la chaleur.

LES KAYAKS

Les Européens, gens de civilisation, nes’imaginent pas quel parti les Esquimaux savent tirer des animauxqu’ils chassent ou qu’ils pèchent.

Nous avons vu les os remplacer le bois pourles charpentes et pour la menuiserie.

C’est encore avec des os que les Esquimauxfont la légère charpente de leurs admirables périssoires, leskayaks.

Ils soudent plusieurs grands os de morse defaçon à former la quille.

À cette quille, ils lient des côtes de morsepour figurer l’avant et l’arrière et les membrures ou côtés dupetit bateau.

Ils réunissent le tout par un bandage en oslégers.

Ils couvrent ensuite ce squelette de bateau depeaux de morse qui l’enveloppent complètement, sauf le trou danslequel l’homme introduit ses jambes et ses reins. Le haut du corpsseul déborde.

Il y a un tillac (ou plancher) d’os etd’omoplates pour s’asseoir.

Ce banc s’encastre dans les membrures dumaître-beau (c’est-à-dire l’endroit le plus large) ilconsolide de beaucoup la charpente.

Les femmes, avec leurs aiguilles en os etleurs fils en nerfs, font des coutures imperméables, car l’eaugonfle les nerfs.

L’Esquimau entre dans son kayak et il laceavec un cordonnet en peau de phoque les bords de sa blouse percéed’œils, sur les bords de l’ouverture de la peau, formant le trou del’homme.

De cette façon, l’imperméabilité du kayakdevient absolue.

Avec sa pagaie en main, les harpons couchéssur le plat du bateau et liés avec les paquets de lanières de cuirde morse qui se dévident, quand le harpon a frappé morse oubaleine, le pêcheur esquimau se lance hardiment sur la mer et ybrave la fureur des flots.

Sur sa blouse de peau, l’eau glisse sans leglacer, car, en dessous, il est chaudement enveloppé de son paletotde peau d’eider, plumes en dedans.

Oh ! il est bien armé contre lefroid !

LE HARPON.

C’est l’arme par excellence.

C’est un os terminé soit par une arête depoisson, soit par une pierre aiguisée, soit par l’épée d’ivoired’un espadon, chevalier des mers.

L’arme que ces espadons portent est souventlongue de deux mètres.

Les Esquimaux en font souvent un harpon dechasse contre l’ours blanc.

C’est alors une lance.

L’Esquimau et son kayak ne font qu’un ;il est curieux de voir le pêcheur lancer son esquif sur un glaçon,et, par l’élan imprimé, le faire monter dessus.

Se servant alors de son harpon, il pousse cetraîneau improvisé jusqu’à l’autre côté du glaçon, qui se trouvefranchi.

Et la navigation recommence.

La sûreté de main avec laquelle l’Esquimaulance son harpon est prodigieuse.

Toujours il frappe au bon endroit.

Il est curieux de constater qu’un seul hommesur une si frêle barque peut se rendre maître d’une baleinemonstrueuse.

ARCS ET FLÈCHES

Outre son harpon, l’Esquimau a l’arc et laflèche.

L’arc est une côte d’animal, la flèche un osdroit épointé.

La corde est un boyau.

Le carquois est en peau.

Un Esquimau lance sa flèche et touche le but àdeux cents mètres.

Ce n’est pas à dédaigner.

PÊCHE À LA BALEINE

L’Esquimau est le maître de la baleine, parceque celle-ci est forcée de venir respirer à la surface del’eau.

C’est un mammifère à sang chaud ; lafemelle allaite ses petits.

Il en est de même pour tous les phoques,otaries, vaches marines, éléphants marins ou morses, etc., etc.

L’Esquimau lance son harpon qui mord àfond.

La baleine blessée file avec une vitesseprodigieuse, dévidant la lanière de cuir qui tient au harpon.

Bientôt elle tire sur le kayak ; maisenfin elle s’arrête ; il faut respirer.

L’Esquimau saisit ce moment et lance sonsecond harpon.

Nouvelle fuite.

Mais, avec la perte de sang, survientl’épuisement et la mort.

Comme les plus gros corps dans l’eau mis enmouvement seraient traînés par un fil, l’Esquimau remorque assezfacilement sa prise et la ramène.

Immense joie de la famille !

On se jette frénétiquement sur l’animal, on ledépèce à coups de haches de pierre.

L’hiver, la viande se conserve, parce qu’ellegèle à l’air libre.

LES CACHES

L’été on la met en cache.

Le sol ne dégèle jamais à plus de soixantecentimètres de profondeur.

On creuse à un mètre et l’on se trouve enpleine terre gelée.

On entasse les morceaux de viande dans cetteglacière, on couvre de terre gelée, puis de terre dégelée et laviande se conserve indéfiniment.

LES OMNIAKS

J’ai déjà dit que les côtes de baleineservaient souvent comme charpente.

Les Esquimaux s’en servent pour fabriquer lesgros bateaux de transport qu’ils appellent des omniaks.

Ces bâtiments, revêtus de peau comme leskayaks, ne sont pas pontés et ressemblent à des grandes cuvesallongées.

Ils servent au déplacement d’une famille serendant d’une station d’été à une station d’hiver etréciproquement.

Les femmes et les enfants, avec le matériel,sont dans l’omniak.

Les femmes pagayent.

Les hommes veillent aux kayaks autour de lagrosse embarcation.

Et, pour amuser les femmes et les enfants, ilsse livrent à des jeux nautiques.

Courses, fuites, poursuites, simulacres decombat, et culbutes comme en font les marsouins ; l’Esquimaufait chavirer son kayak qui se relève après une pirouettecomplète.

Ces déplacements sont toujours gais.

DE LA NOURRITURE

On sait que la graisse est un aliment qualifiérespiratoire.

L’aliment respiratoire est celui qui, en sedécomposant, donne au corps la chaleur, tandis que l’alimentplastique forme et nourrit les muscles, les tissus et les os.

Or, en hiver, par les terribles froids,l’Esquimau a besoin de beaucoup de calorique, donc de beaucoupd’aliment respiratoire.

Graisse et huile de baleine et de phoque,graisse d’ours et de morse.

Ce que consomme un Esquimau est vraimenteffrayant.

La baleine à l’étuvée est un mets peu délicat,mais supportable.

L’ours blanc est un bon rôti ; le fromagede tête et de pattes d’ours est excellent.

Mais la base de la nourriture, le pot-au-feude l’Esquimau, c’est la viande de morse.

L’Esquimau mange aussi du renne, du bœufmusqué, du lièvre blanc, des oiseaux, surtout des gelinottes, etc.,etc.

Le poisson, la morue surtout et le maquereauvarient son ordinaire.

Il y a des crustacés.

Comme légumes, certaines algues, lecochléaria, des lichens, des pousses vertes, etc.

En somme, Nansen et son compagnon déclarentque la vie à la façon esquimaude est très supportable pourl’Européen.

Ils ont ainsi vécu pendant un an et ne s’ensont pas plus mal portés.

Nansen et son ami avaient même beaucoupengraissé dans leur long hivernage.

En somme, les Esquimaux ne sont pas lesmalheureux que l’on suppose.

LES VÊTEMENTS

Très bien couverts et parfaitement à l’abri dufroid le plus rigoureux.

L’Esquimau a une culotte en peau de renardbleu, poil en dedans, qui descend dans ses bottes à la russe.

Au lieu de linge, il porte une sorte dechemise en peau de canard-eider (édredon) garnie de ses plumes,chemise-veste d’une légèreté extrême, mais très chaude.

Par dessus, il a une blouse en peau d’ours oude renard, poil en dedans.

Enfin un manteau en fourrure à capuchon qui serabat sur le bonnet.

Le tout beaucoup moins lourd qu’on nel’imaginerait à première vue.

Des gants fourrés et des moufles abritent lesmains.

Les pieds sont protégés par d’excellentschaussons fourrés et des bottes.

En traîneau, l’Esquimau disparaît sous descouvertures fourrées.

Certainement l’Esquimau, ainsi armé contre lefroid, souffre par 4o degrés au-dessous de zéro, moins que nous par10 degrés.

LES BOTTES

Une paire de bottes esquimaudes est un longpoème qui en dit long sur la patience des femmes de cette race.

Ces bottes sont faites en peau de morse etcette peau est d’une épaisseur dont nos cuirs les plus forts nesauraient donner l’idée.

Pour cambrer ces peaux, les femmes les mâchentet elles forment ainsi le talon et le cou-de-pied !

Elles ont des mâchoires puissantes garnies dedents superbes.

Les différentes pièces d’une botte sontcousues avec des nerfs qui remplacent le fil et la couture estimperméable.

On ne sent jamais l’humidité.

Du reste, on oint ces bottes avec de l’huilede baleine.

Mais l’art s’affirme dans ces chefs-d’œuvre dela chaussure.

Les femmes tirent de deux plantes une teinturebleue et une autre rouge. Elles teignent des nerfs et marient cesdeux couleurs en dessinant des arabesques piquées qui sont trèsjolies.

Une paire de bottes est le plus précieuxcadeau qu’une Esquimaude puisse faire.

Dans les établissements groenlandais, lesDanois paient très cher une paire de bottes indigènes, chaussurestrès précieuses.

Je dois dire que M. d’Ussonville n’avaitpu encore botter tout son monde à l’esquimaude.

Mais tous avaient des mocassins.

LES MOCASSINS

En principe, voici comment se fabrique unmocassin.

Quand un chasseur en veut une paire, il abatune grosse bête, ours, daim, bison ; il fait une incision dansle haut de l’épaule de façon à pouvoir détacher la peau sans lafendre en long.

Il la rabat, comme on fait pour dépouiller unlapin.

Il enfile sa jambe nue dans cette peau, poilen dedans ; le genou de l’animal forme le talon dumocassin.

Le chasseur, avec une écorce souple et forte,noue la peau au bout de son pied et coupe le surplus.

Il serre le haut au-dessus du mollet et lemocassin est fait.

C’est, on le voit, très simple.

Cette chaussure est forte et elle restetoujours très souple.

Mais, dans les villes canadiennes, on coudl’extrémité des mocassins.

Ceux qui sont en peau de daim passent pourêtre les meilleurs.

LES TRAÎNEAUX

Les Esquimaux les fabriquent avec des côtes debaleine et font les sièges avec des omoplates, à moins qu’ilsn’aient du bois, ce qui arrive souvent.

Les grands fleuves et les rivières, dans lesinondations, chassent des arbres et les transportent dans lamer.

Là, les courants et les vents les dispersentsur les côtes.

Les Esquimaux les recueillent.

Le traîneau est toujours très simplementconstruit.

Les Esquimaux y attellent jusqu’à quatorzechiens, par quatre ou cinq pour un rang, les meilleurs à gauche età droite.

Chaque chien a un collier auquel on attacheune corde qui passe sous le ventre et se noue à la barre dutraîneau.

On dirige l’attelage avec un fouet à manchecourt, à longue lanière en cuir de morse terminée par desnœuds.

Le maniement de ce fouet est très fatiguant,très difficile à apprendre.

Mais quand on a le tour de poignet,on atteint toujours au bon endroit le chien que l’on veutchâtier.

Pour faire tourner l’attelage à droite, onfrappe du fouet la neige à gauche et réciproquement.

Un traîneau bien attelé peut parcourir cinq etmême six lieues à l’heure.

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