Un mariage polaire – Au Pôle Nord, chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 14

Chapitre 1PRINTEMPS POLAIRE – L’ÉTÉ AU PÔLE L’épisode qui précède ce récit apour titre : Le Trappeur La Renardière.

 

Le printemps vient de commencer.

Mai !

Au delà du cercle polaire.

De longs, de très longs jours déjà et trèschauds relativement.

Au soleil, quinze degrés.

Mais à l’ombre, deux ou trois degrésseulement, et, par places, zéro degré.

Des nuits courtes, mais encore trèsfroides ; à partir de onze heures du soir, dix degrés, quinzeet même vingt à minuit.

Les mousses robustes, les herbes trèsrésistantes gèlent à fond chaque nuit, dégèlent au matin etréjouissent les yeux pendant le jour de leurs vertsinvraisemblables.

Des verts tendres et resplendissants.

Des verts qui choquent à forced’éblouir !

Le ciel est sillonné de longues migrationsd’oiseaux qui vont au sud.

Ce qu’il en passe par jour est inouï ;ils font nuages.

Ce sont des cygnes, des oies, descanards-eiders, des échassiers, surtout des vanneaux, des perdrix,des cailles polaires, des milliards de petits oiseaux, exquis dureste.

Tout ce monde ailé se précipite à la grandecurée.

Elle sera courte.

Juin, juillet, août, quelques jours enseptembre, puis les vols recommencent à tire-d’ailes vers lemidi.

Mais quelles bombances pendant le rapide étépolaire !

Cet au-delà du cercle, qui sembleéternellement morne et glacé, regorge de pâture animale etvégétale.

Dans les lacs, dans les fleuves, dans lesruisseaux la vie surabonde, tout coup de filet est une pêchemiraculeuse, tout coup de fusil est un massacre.

Les truites foisonnent.

Les saumons vont par bancs.

Chairs exquises.

Grands et petits crustacés, moules, huîtres,coquillages de toutes sortes ; crevettes exquises, coquillagesfins sont ramenés à terre à chaque coup d’avanneau à en fairecrever l’engin.

On dirait que le pôle, soustrait aux ravagesde l’homme, est un immense réservoir vital, la suprême ressource duglobe.

En mer, aux embouchures des fleuves, assezhaut même en amont, les phoques, les otaries, toutes les espèces dece genre varié disputent le poisson aux loutres à superbesfourrures.

Et les morses aux dents d’ivoire, massesgigantesques, éléphants des eaux, se livrent des combats bruyantset acharnés.

En mer, des colonnes d’eau montent etretombent en écume.

Ce sont les souffleurs, ce sont les baleinesqui tes projettent.

Ces monstres aquatiques sont des magnifiquesmanifestations de l’énormité animale dans la nature, et l’homme, enface des baleines de quarante mètres de long, reste haletantd’admiration.

Mais voici les redoutables bœufs musqués entroupeaux, les grands mâles en arrière toujours et ensurveillance.

Les loups blancs paraissent.

À leurs hurlements faméliques répondent lesmugissements des bœufs qui font voler les herbes sous leurs coupsde sabots, piaffants et furieux.

Ils sont formés en cercle, cornes basses, lesvaches et les veaux au milieu. Les loups s’élancent. La faim lespousse. Ils osent…

Mais tes plus hardis, poignardés par lescornes, sautent en l’air.

La bande est repoussée. Elle disparaît.

Alors les taureaux écrasent les morts, lespiétinent, les réduisent en bouillie sanglante ; puis, leurcolère apaisée, ils se remettent à paître.

Mais voici qu’un renne ou un cerf passe augalop, vision rapide.

Les loups chassent…

Ils forceront l’animal.

Curée sanglante.

Mais voici une forme longue, basse, lourde etblanche qui se traîne avec des ondulations à chaque pas.

C’est l’ours blanc.

Il vous voit et se dresse.

Ne le manquez pas.

Il a la vitalité d’un lion.

Tuez-le net !

Une balle dans la tête et brisez le crâne, outirez au défaut de l’épaule, vous traverserez le cœur et le poumongauche.

Si l’hémorragie intérieure résultant dudernier coup n’étouffait pas l’animal, il se jetterait survous.

Une fuite ?

Mais cet animal qui vous paraît si lent, vousforcera à la course.

Si vous n’avez pas le temps de recharger, sivotre arme n’est pas à répétition, défendez-vous à la baïonnette,et, une fois la bête enfilée, reculez toujours, car son poids vousrenverserait.

Mais gare aux loups blancs !

Leurs meutes sont terribles pour l’homme, quiest coiffé en peu d’instants.

Défiez-vous de l’aigle si vous avez unchien ; pour enlever le chien, il cherchera à vous renverser,puis à vous tuer.

Défiez-vous des corbeaux si vous emportezquelque quartier de gibier.

De tous les coins du ciel, ils fondront survous et vous attaqueront.

Mais surtout ne sortez pas sans être ganté, sichaud qu’il fasse !

Tout autour de votre chapeau, serrez un bonmoustiquaire en double mousseline.

Sinon, sachez-le, vous serez dévoré par lesmoustiques dont les piqûres vous donneront’une fièvre souventmortelle.

Mais vous vous accoutumerez aux gants et aumoustiquaire.

Celui-ci vous manquera quand la brised’automne aura engourdi les insectes.

Quant aux gants, vous les renforcerez en hiverd’une bonne paire de moufles.

Mais les jours iront toujours s’allongeant, etvous verrez le soleil de minuit !

Vous jouirez alors d’impressionsdélicieuses ; les soirées vous paraîtront d’une douceurinfinie et les rayons pâlis de l’astre du jour vous semblerontéclairer des crépuscules lunaires.

On se croirait dans une autre planète où nebrilleraient faiblement et comme tamisées que des lumièresstellaires.

La chaleur s’attiédit et les fraîches brisescaressent des sommeils bercés de rêves.

Ce n’est pas la nuit, mais tout dort ;vous avez entendu le dernier chant des oiseaux avant qu’ils ne semissent la tête sous l’aile.

Ils vous réveilleront par de joyeux préludesaux fanfares du jour.

Ah ! ceux qui parlent du pôle, de sessolitudes glacées, ignorent son été si plein de caresses etd’attractions que les étrangers amoureux des lointainsdéplacements, les grands touristes qui allaient au nord de laNorvège, vont maintenant au Spitzberg, et, demain, iront plus hautencore… au Pôle… pour y passer confortablement la saisonbalnéaire.

Le rêve est en train de se réaliser.

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