Un mariage polaire – Au Pôle Nord, chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 14

Chapitre 4HÔTELS POLAIRES

 

Un blanc et deux nègres s’avançaient.

Quand ils furent à cinquante mètres,Nez-Subtil grogna en manière d’avertissement d’avoir à s’arrêter etles deux autres chiens appuyèrent cette petite démonstrationprudente.

Alors Langue-de-Fer se dirigea seul vers legroupe dont le blanc seul se détacha.

Ils s’arrêtèrent à vingt pas l’un de l’autreet Langue-de-Fer déclara :

– Nous sommes d’honnêtes trappeurs.

» Moi, je suis Langue-de-Fer.

» Mon ami se nomme Francœur.

» Le Sioux est le fameux chef Œil-de-Lynxqui a scalpé récemment avec nous toute la bande des bandits-mineursde Klondike que conduisait Mina, la vipère, un Brésilien.

Cela dit, le trappeur attendit. Alors le blancprit la parole :

– Nous sommes, dit-il, les membres del’expédition d’Ussonville.

– Qu’est-ce que cette expédition ?

– Une troupe qui veut aller au pôle.

– On veut donc toujours y aller au pôle ?Il y a des gens qui sont vraiment enragés.

» En est-il mort despôlaires !

» Ça ne décourage pas les autres.

» Peut-on visiter votre camp ?

– Oui, mais vous attacherez vos chiens.

– Certainement.

» Mais comment vousappelez-vous ?

– Je suis le capitaine Drivau.

– Très bien.

Langue-de-Fer siffla ses amis, les deuxgroupes se joignirent et gagnèrent le camp.

En chemin, le capitaine Drivau demanda auxdeux trappeurs :

– De quel établissementdépendez-vous ?

– Du Fort-Confidence, sur le grand lac desOurs, à l’ouest.

– Mais c’est bien loin.

» Le fort Peel-River est beaucoup plusrapproché que celui-là.

Langue-de-Fer se mit à ricaner.

– Vous ne connaissez pas le directeurNilson ? fit-il d’un ton amer.

» C’est le pire gredin que la terre aitjamais porté et il est exécré.

» Un sale voleur.

» Un juif serait honteux de se conduirecomme cet Anglais qui est pire que le pire Yankee.

» Cet homme déshonore lesAnglo-Canadiens ; il est pour eux une honte.

» Nous sommes heureux qu’il ne soit pascomme nous un Canadien-Français.

» Ce scélérat ne tient aucun de sesengagements et il nie les dépôts.

» Il nous vend les denrées, la poudre, cedont nous avons besoin, le quintuple de ce que ça vaut par lecontrat-charte entre factoreries-forts et trappeurs attachés à laCompagnie.

» Aussi fabriquons-nous un traîneau à lafin de l’hiver pour transporter nos fourrures àFort-Confidence, y attelant nos chiens et nous-mêmes.

» C’est un long voyage, mais nous évitonstoutes relations avec les scélérats des forts voisins ; carcelui d’Anderson ne vaut pas mieux que celui du Peel-River.

» Celui du Fort-Lapierre serait encoreplus coquin que les autres, s’il n’y avait pas celui duFort-Remparts.

» Celui-là est plus dangereux que celuide l’Ours-Blanc auquel il ressemble.

– Alors, nous sommes bien entourés ! fitDrivau en riant.

– Vous êtes au milieu d’une bande descélérats ; chaque fort est un repaire de bandits et cesgredins ont à leur service de la vermine indienne qui pulluleautour des forts.

» Ces bandes ignorantes se laissentduper, chassent presque pour rien.

» Savez-vous pourquoi ?

– Non.

– C’est pourtant facile à deviner.

» Ils tiennent tous ces Indiens par letafia et l’eau-de-vie de pommes de terre.

» Ces ivrognes ne peuvent s’en passer etils vendent des peaux de martres-zibelines de toute beauté pour unebouteille de rhum.

» Mais, capitaine, j’entends des coups demarteau sur des plaques de fer ; qu’est-ce que vous faitesdonc à terre ? des réparations ?

– Non.

» Nous allons construire un hôtel en tôlede fer galvanisé.

– Votre langue fourche.

– Mais non.

– Vous avez dit : un hôtel.

– Mais oui.

– Vous êtes Français ?

– Parisien.

– Alors blagueur.

– Pas du tout, du moins en ce moment.

Francœur intervint.

– Hôtel ! hôtel ! fit-il.

» Quel genre d’hôtel ?

– Hôtel pour voyageurs au pôle nord.

– Il n’y aura pas foule.

– Erreur !

» Le nouvel hôtel du Spitzberg fait desaffaires d’or avec ses touristes cent millionnaires qui neregardent pas à la dépense.

» Nous allons faire concurrence auSpitzberg et nous réussirons.

» D’hôtel en hôtel, en traîneau l’hiver,en carrioles légères l’été, par traites de cinquante lieues, onarrivera très vite au pôle.

» Il y aura great attraction,grande attraction, comme disent les Anglais.

» Les tenanciers de nos hôtels gagnerontbeaucoup d’argent.

– Vous aussi, alors ?

– Oh, non ! Pas la peine.

Les deux trappeurs, d’ancienne race normande,âpre au gain, furent étonnés.

– Pas la peine ! fit Langue-de-Fer.

– Pas la peine ! répéta Francœur.

Ils étaient comme suffoqués.

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