Un mariage polaire – Au Pôle Nord, chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 14

Chapitre 15UN MONSIEUR BLANC

 

D’Ussonville, le lendemain matin, demanda prèsde lui Œil-de-Lynx.

– On me prévient, lui dit-il, que vous vousmariez avec mistress Morton.

– La sqaws blanche m’a trouvé beau guerrier etelle m’a accepté pour mari ; j’en suis très content, parcequ’elle a les secrets de la peinture ; elle est vieille et,comme toutes les vieilles elle a le visage ridé.

» Mais elle sait si bien se servir dupinceau, de certaines couleurs et de certaines pâtes, que les ridesdisparaissent.

» Elle a le teint frais d’une jeunefille, plus frais même, plus éclatant.

» C’est tout à fait extraordinaire.

Œil-de-Lynx s’arrêta un moment, se gratta lefront et reprit :

– Vois-tu, commandant, une femme comme ça vautmieux qu’une jeune.

» Une jeune !

» Ça vieillit si vite.

» Et l’on garde toute sa vie une femmevieille et enlaidie.

» Mais celle-là se rajeunit sans cesse etn’enlaidit jamais.

» Cependant, je lui dirai que je ne veuxla voir que peinte.

» Une fois je l’ai entrevue : ellen’avait pas encore fait toilette.

» Commandant, je le jure par leGrand-Esprit, elle n’était pas belle !

» Je ne veux pas qu’elle paraisse jamaisainsi devant mes yeux.

– Oui, dit gravement d’Ussonville, c’est uneaffaire qui ne regarde que vous et elle : vous en causereztous les deux.

» Je vous ai fait venir pour vousannoncer une bonne nouvelle.

» Puisque vous allez vous marier avec uneblanche, vous allez devenir, vous êtes devenu un gentleman, unmonsieur blanc.

» Mes camarades et moi, nous avons décidéde vous accepter comme tel.

» Vous vous assoirez à notre table.

Malgré sa couleur chocolat au lait,Œil-de-Lynx pâlit.

De lui-même, il vit tout aussitôt une desheureuses conséquences de cette transformation ; nous devrionsdire promotion, puisqu’il montait en grade humanitaire.

Il dit :

– S’il en est ainsi, il faut que je change decostume.

» Un gentleman ne s’habille pas comme unSioux.

– J’y ai pensé.

» Le tailleur nous attend chez lecapitaine Santarelli qui est votre ami, je crois.

– Je l’aime beaucoup.

– Eh bien, allez le voir.

» Il va faire de vous un monsieurblanc.

Le Sioux s’en alla enchanté.

L’indien est orgueilleux.

Il se drape, vis à vis du blanc, dans unedignité de commande.

Certes, il est très dangereux de l’offenser,d’avoir l’air de faire fi de lui.

Mais il ne se dissimule pas la supériorité dublanc.

Pour lui, tout blanc est un grand médecin, unsorcier.

On juge de la joie de l’Œil-de-Lynx, épousantune femme blanche, grande artiste en l’art de peinture et passantau rang des messieurs blancs, sans compter l’immense fortune de safemme qu’il était incapable de calculer.

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