Scène IV
TULLIE, ALGINE.
TULLIE.
Ciel! que je dois d’encens à ta bonté propice!
Mes pleurs t’ont désarmé, tout change, et ta justice,
Aux feux dont j’ai rougi rendant leur pureté,
En les récompensant, les met en liberté.
(A Algine.)
Va le chercher, va, cours. Dieux! il m’évite encore:
Faut-il qu’il soit heureux, hélas! et qu’il l’ignore?
Mais… n’écouté-je point un espoir trop flatteur?
Titus pour le sénat a-t-il donc tant d’horreur?
Que dis-je? hélas! devrais-je au dépit qui le presse
Ce que j’aurais voulu devoir à sa tendresse?
ALGINE.
Je sais que le sénat alluma son courroux,
Qu’il est ambitieux, et qu’il brûle pour vous.
TULLIE.
Il fera tout pour moi, n’en doute point; il m’aime.
(Algine sort.)
Va, dis-je… Cependant ce changement extrême…
Ce billet!… De quels soins mon coeur est combattu!
Éclatez, mon amour, ainsi que ma vertu!
La gloire, la raison, le devoir, tout l’ordonne.
Quoi! mon père à mes feux va devoir sa couronne!
De Titus et de lui je serais le lien!
Le bonheur de l’État va donc naître du mien!
Toi que je peux aimer, quand pourrai-je t’apprendre
Ce changement du sort où nous n’osions prétendre?
Quand pourrai-je, Titus, dans mes justes transports,
T’entendre sans regrets, te parler sans remords?
Tous mes maux sont finis: Rome, je te pardonne;
Rome, tu vas servir si Titus t’abandonne;
Sénat, tu vas tomber si Titus est à moi:
Ton héros m’aime; tremble, et reconnais ton roi.