Scène VI
BRUTUS, ARONS, TITUS, TULLIE,
MESSALA, ALBIN, PROCULUS,
LICTEURS.
BRUTUS, à Tullie.
Madame, il faut partir.
Dans les premiers éclats des tempêtes publiques,
Rome n’a pu vous rendre a vos dieux domestiques;
Tarquin même en ce temps, prompt à vous oublier,
Et du soin de nous perdre occupé tout entier,
Dans nos calamités confondant sa famille,
N’a pas même aux Romains redemandé sa fille.
Souffrez que je rappelle un triste souvenir:
Je vous privai d’un père, et dus vous en servir.
Allez, et que du trône, où le ciel vous appelle,
L’inflexible équité soit la garde éternelle.
Pour qu’on vous obéisse, obéissez aux lois;
Tremblez en contemplant tout le devoir des rois;
Et si de vos flatteurs la funeste malice
Jamais dans votre coeur ébranlait la justice,
Prête alors d’abuser du pouvoir souverain,
Souvenez-vous de Rome, et songez à Tarquin:
Et que ce grand exemple, où mon espoir se fonde,
Soit la leçon des rois et le bonheur du monde.
(A Arons.)
Le sénat vous la rend, seigneur; et c’est a vous
De la remettre aux mains d’un père et d’un époux.
Proculus va vous suivre a la porte Sacrée.
TITUS, éloigné.
O de ma passion fureur désespérée!
(Il va vers Arons.)
Je ne souffrirai point, non… permettez, seigneur…
(Brutus et Tullie sortent avec leur suite;
Arons et Messala restent.)
Dieux! ne mourrai-je point de honte et de douleur!
(A Arons.)
Pourrai-je vous parler?
ARONS.
Seigneur, le temps me presse.
Il me faut suivre ici Brutus et la princesse;
Je puis d’une heure encor retarder son départ:
Craignez, seigneur, craignez de me parler trop tard.
Dans son appartement nous pouvons l’un et l’autre
Parler de ses destins, et peut-être du vôtre.
(Il sort.)