Destination inconnue d’ AGATHA CHRISTIE

3

— Alors, avez-vous passé quelques instants agréables, avec votre charmant Américain ?

C’est par ces mots que Tom Betterton accueillit Hilary quand elle rentra. Il fumait, allongé sur son lit. Elle rougit.

— Nous sommes arrivés ici ensemble, répondit-elle, et nous voyons de même sur bien des choses.

Il se mit à rire.

— Mais, Olive, je ne vous fais pas de reproches !

Puis, la regardant pour la première fois avec un sympathique intérêt, il ajouta :

— Vous savez que vous êtes très jolie, Olive ?

C’était elle qui, dès le début, lui avait demandé de l’appeler par le prénom de sa femme.

— Très jolie, poursuivit-il, continuant à l’examiner du regard. Autrefois, je m’en serais aperçu tout de suite. Mais ces choses-là, maintenant, on dirait que je ne les remarque plus !

— C’est peut-être mieux comme ça !

— Peut-être. Pourtant, autrefois, j’étais un homme comme les autres. Dieu sait, aujourd’hui, ce que je suis devenu !

Elle s’assit près de lui.

— Voyons, Tom, qu’est-ce qui ne va pas ? Il faut me le dire.

— Je vous l’ai dit. Je n’arrive plus à concentrer ma pensée. Comme scientifique, je suis lessivé. C’est cette prison…

— Mais les autres, la plupart d’entre eux du moins, résistent, tiennent le coup !

— Ils réagissent autrement que moi, voilà tout.

Il y eut un silence.

— Ce qu’il vous manque, reprit-elle, c’est un ami, un vrai !

— J’ai Murchinson, bien qu’il soit assez renfermé. Et, depuis peu, Torquil Ericsson.

— Ericsson ?

Elle semblait étonnée.

— Oui. C’est un type extrêmement brillant. Je donnerais cher pour être aussi intelligent que lui !

— Moi, dit Hilary, je le trouve bizarre. Il me fait un peu peur.

— Torquil ? Un gars qui est la douceur même ! Un enfant, par bien des côtés. Il ne connaît rien du monde…

— Possible ! Mais il me fait peur !

— Ce sont vos nerfs qui vous lâchent, Olive !

— Ça viendra sans doute, mais je n’en suis pas encore là. Croyez-moi, Tom, méfiez-vous de Torquil Ericsson !

Il la regardait avec une certaine stupeur.

— Mais pourquoi, Olive ?

— Je ne sais, dit-elle. Une idée que j’ai…

CHAPITRE XVII

1

Leblanc haussa les épaules.

— Ils ont quitté l’Afrique, c’est certain !

— Pas certain !

— Disons probable. Après tout, leur destination définitive, nous la connaissons ! Nous sommes bien d’accord ?

— Si leur voyage doit se terminer où nous pensons, pourquoi partir d’Afrique ? L’Europe était plus indiquée.

— C’est exact. Seulement, il y a un autre aspect de la question. Irait-on jamais imaginer que le rassemblement aurait lieu en Afrique et que c’est de là-bas qu’on prendrait le départ ?

— Ça ne me paraît pas convaincant.

Insistant gentiment, Jessop poursuivit :

— De plus, seul un petit avion a pu se poser sur ce terrain. Il lui aurait fallu refaire du carburant avant de franchir la Méditerranée et, quel que soit l’endroit où il aurait rempli ses réservoirs, nous aurions retrouvé sa trace.

— Nos hommes ont cherché partout.

— Ceux qui opèrent avec les compteurs Geiger ne peuvent pas ne pas arriver à un résultat. Le nombre des appareils à examiner n’est pas tellement considérable. Une trace de radioactivité et notre avion est identifié…

— À condition que votre agent ait pu suivre vos instructions !

Jessop ne voulait pas perdre confiance.

— Nous réussirons, dit-il. Je me demande, toutefois…

— Quoi donc ?

— Nous avons présumé qu’ils montaient vers le Nord, vers la Méditerranée. Et s’ils se sont dirigés vers le Sud ?

— Où seraient-ils allés ? Il n’y a, par là, que les montagnes du Haut-Atlas et, au-delà, les sables du désert…

2

— Sidi, vous me jurez que vous tiendrez votre promesse ? J’aurai un poste d’essence en Amérique, à Chicago ? C’est sûr ?

— C’est sûr, Mohammed. À condition, bien entendu, que nous sortions d’ici.

— Le succès dépend de la volonté d’Allah !

— Alors, espérons qu’Allah veut que tu aies un jour un poste d’essence à Chicago. Au fait, pourquoi Chicago ?

— Sidi, le frère de ma femme, est allé en Amérique et il a un poste d’essence à Chicago. Est-ce que je vais, moi, rester jusqu’à la fin de mes jours dans ce pays arriéré ? Je ne manque de rien, ici, mais ce n’est pas la vie moderne, ce n’est pas l’Amérique !

Peters regarda pensivement son interlocuteur, un noir, de belle allure dans sa longue robe blanche.

— Je ne sais si ta décision est sage, dit-il, mais je maintiens ma promesse. Naturellement, si nous sommes découverts…

Mohammed sourit, montrant entre ses lèvres épaisses deux magnifiques rangées de dents d’une blancheur éclatante.

— Pour moi, ce sera la mort, certainement. Pour vous, ce n’est pas sûr, Sidi. Vous, vous êtes une valeur !

— On tue assez facilement par ici, n’est-ce pas ?

Mohammed haussa les épaules avec mépris.

— La mort, c’est si peu de chose ! Là encore, il en va selon la volonté d’Allah !

— Tu sais ce que tu dois faire ?

— Je le sais, Sidi. Le soir tombé, je vous conduis sur la terrasse. Je dois aussi mettre dans votre chambre des vêtements semblables aux miens et à ceux des autres serviteurs. Après, il y aura d’autres instructions.

— Parfait. Maintenant, ramène-moi en bas ! Il se pourrait que quelqu’un remarque que, depuis un moment, cet ascenseur ne fait que monter et descendre.

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