Fromont jeune et Risler aîné

Chapitre 1LE JUSTICIER

Les personnes qui vivent toujours enfermées, attachées à leurcoin de vitre par le travail ou les infirmités, de même qu’elles sefont un horizon des murs, des toits, des fenêtres voisines,s’intéressent aussi aux gens qui passent.

Immobiles, elles s’incarnent dans la vie de la rue, et tous cesaffairés qui leur apparaissent, quelquefois tous les jours auxmêmes heures, ne se doutent pas qu’ils servent de régulateur ad’autres existences, que des yeux amis les guettent, auxquels ilsmanquent, s’il leur arrive de prendre par un autre chemin.

Les dames Delobelle, recluses toute la journée, avaient de cesobservations muettes. Comme la fenêtre était étroite, la mère, dontles yeux commençaient à s’user à force de travail, se mettait prèsdu jour, contre le rideau de mousseline relevé, le grand fauteuilde sa fille à côté d’elle, mais un peu plus loin. Elle luiannonçait leurs passants de la journée. C’était une distraction, unsujet à causerie ; et les longues heures de travailparaissaient plus courtes, espacées par des apparitions régulièresde gens très occupés par eux aussi. Il y avait deux petites sœurs,un monsieur en paletot gris, un enfant qu’on menait au collège etqu’on en ramenait, et un vieil employé à jambe de bois, dont le passonnait sur le trottoir sinistrement.

Celui-là on le voyait à peine : il passait quand la nuitétait déjà tombée, mais on l’entendait, et chaque fois ce bruitarrivait à la petite boiteuse comme un écho violent de ses penséesles plus tristes. Tous ces amis de la rue occupaient sans le savoirles deux femmes. S’il pleuvait on disait : « Ils vontêtre mouillés… Lenfant sera-t-il rentré avantl’averse ? » Et aux changements de saisons, que le soleilde mars inondât les trottoirs ruisselants ou que la neige dedécembre les couvrit de ses bourrelets blancs et de ses plaquesnoires, l’apparition d’un vêtement nouveau sur un de leurs amisfaisait penser aux deux recluses : « C’est l’été »ou bien « Voici l’hiver ».

Or ce jour-là était la fin d’un jour de mai, une de ces soiréeslumineuses et douces, où la vie des maisons se répand dehors parles croisées ouvertes. Désirée et sa mère activaient leursaiguilles et leurs doigts, épuisant le jour qui tombait, jusqu’àson dernier rayon, avant d’allumer la lampe. On entendait des crisd’enfants jouant dans les cours, des pianos assourdis, et la voixde quelque petit marchand du trottoir traînant sa charrette àmoitié vide. On sentait du printemps dans l’air, un vague parfum dejacinthe et de lilas. La maman Delobelle venait de poser sonouvrage, et avant de fermer la croisée, les coudes appuyés à larampe, écoutait toutes ces rumeurs d’une grande ville laborieuse,heureuse de circuler dans les rues, sa journée finie. De temps ontemps, sans se retourner, elle parlait à sa fille :

– Tiens ! voilà monsieur Sigismond. Comme il sort debonne heure, ce soir, de la fabrique… C’est peut-être l’effet desjours qui rallongent, mais il me semble qu’il n’est pas, encoresept heures… Avec qui est il donc le vieux caissier ?… Quec’est drôle !… On dirait… Mais oui… On dirait monsieur Frantz…Ce n’est pas possible pourtant… Monsieur Frantz est bien loind’ici, en ce moment : et puis il n’avait pas de barbe… C’estégal ! Ça lui ressemble beaucoup… Regarde donc, fillette.

Mais fillette ne quitte pas son fauteuil ; elle ne bougemême pas. Les yeux perdus, l’aiguille en l’air, immobilisée dansson joli geste d’activité, elle est partie pour le pays bleu, cettecontrée merveilleuse où l’on va librement, sans souci d’aucuneinfirmée. Ce nom de Frantz, prononcé machinalement par sa mère, auhasard d’une ressemblance, c’est pour elle tout un passéd’illusions, de chaudes espérances, passagères comme la rougeur quilui montait aux joues, quand le soir, en rentrant, il venait causerun moment avec elle. Comme tout cela est loin déjà ! Direqu’il habitait la petite chambre à côté, qu’on entendait son pasdans l’escalier, et sa table qu’il traînait près de la fenêtre pourdessiner. Quel chagrin et quelle douceur elle avait à l’écouterparler de Sidonie, assis à ses pieds sur la chaisebasse, pendant qu’elle montait ses mouches et ses oiseaux.

Tout en travaillant, elle l’encourageait, le consolait, carSidonie avait causé bien des petits chagrins à ce pauvre Frantzavant de lui en faire un grand. Le son de sa voix quand il parlaitde l’autre, l’éclat de ses yeux en y pensant, la charmaient malgrétout, si bien que quand il était parti désespéré, il avait laisséderrière lui un amour plus grand encore que celui qu’il emportait,un amour que la chambre toujours pareille, la vie sédentaire etimmobile garderaient intact avec tout son parfum amer, tandis quele sien au ciel ouvert des grandes routes se dissiperait,s’évaporerait peu à peu.

… Le jour baisse tout à fait. Une immense tristesse envahit lapauvre fille, avec l’ombre de ce soir si doux. La lueur heureuse dupassé diminue pour elle comme le filet de jour dans l’embrasureétroite de la fenêtre où la mère est restée accoudée.

Tout à coup la porte s’ouvre… Quelqu’un est là, qu’on nedistingue pas bien… Oui cela peut-il être ? Les damesDelobelle ne reçoivent jamais de visites. La mère, qui s’estretournée, a d’abord cru qu’on venait de leur magasin chercherl’ouvrage de la semaine.

– Mon mari vient d’aller chez vous, monsieur… Nous n’avonsplus rien ici. Monsieur Delobelle a tout reporté.

L’homme s’avance sans répondre, et à mesure qu’il approche de lafenêtre, sa silhouette se dessine. C’est un grand gars solide,bronzé, la barbe épaisse et blonde, la voix forte, l’accent un peulourd.

– Ah ça, maman Delobelle, vous ne me reconnaissez doncpas ?

– Oh ! moi, monsieur Frantz, je vous ai reconnu toutde suite, dit Désirée bien tranquillement, d’un ton froid etposé.

– Miséricorde ! c’est monsieur Frantz.

Vite, vite, la maman Delobelle court à la lampe, allume, fermela croisée.

– Comment ! c’est vous, mon ami Frantz… De quel airtranquille elle dit ça, cette petite… je vous ai bien reconnu…Ah ! le petit glaçon… Elle sera toujours la même.

Un vrai petit glaçon en effet. Elle est pâle, pâle : etdans la main de Frantz, sa main est toute blanche, toutefroide.

Il la trouve embellie, encore plus affinée.

Elle le trouve superbe comme toujours, avec une expression delassitude et de tristesse au fond des yeux, qui le rend plus hommequ’au départ.

Sa lassitude vient de ce voyage précipité, entrepris au reçu dela terrible lettre de Sigismond. Aiguillonné par ce mot dedéshonneur, il est parti sur-le-champ sans attendre son congé,risquant sa fortune et sa place, et de paquebots en chemins de fer,il ne s’est arrêté qu’à Paris. Il y a de quoi être las, surtoutquand on a voyagé avec la hâte d’arriver, et que la penséeimpatiente s’est agitée tout le temps, faisant dix fois le chemindans des doutes, des terreurs, des perplexités continuelles.

Sa tristesse date de plus loin. Elle date du jour où celle qu’ilaimait a refusé de l’épouser pour devenir, six mois après, la femmede son frère ; deux coups terribles l’un après l’autre, et lesecond encore plus douloureux que le premier. Il est vrai qu’avantde faire ce mariage Risler aîné lui a écrit pour lui demander lapermission d’être heureux, et cela dans des termes si touchants, sitendres, que la violence du coup porté en a été un peuatténuée ; puis, à la fin, le dépaysement, le travail, leslongues courses sont venus à bout de son chagrin. Il ne lui en estresté qu’un grand fond de mélancolie. À moins cependant que cettehaine, cette colère qu’il ressent en ce moment contre la femme quidéshonore son frère, ne soit encore quelque chose de son ancienamour.

Mais non ! Frantz Risler ne pense qu’à venger l’honneur desRisler. Ce n’est pas en amant, c’est en justicier qu’ilarrive ; et Sidonie n’a qu’à bien se tenir.

Tout d’abord, en descendant de wagon, le justicier était allédroit à la fabrique, comptant sur la surprise, l’imprévu de sonarrivée pour lui révéler ce qui se passait, d’un coup d’œil.Malheureusement, il n’avait trouvé personne. Les persiennes dupetit hôtel au fond du jardin étaient fermées depuis quinzejours.

Le père Achille lui apprit que ces dames habitaient leurscampagnes respectives, où les deux associés allaient les rejoindretous les soirs.

Fromont jeune avait quitté les magasins de très bonne heure,Risler aîné venait de partir.

Frantz se décida à parler au vieux Sigismond. Mais c’étaitsamedi, soir de paye, et il dut attendre que la longue filed’ouvriers qui commençait à la loge d’Achille pour finir augrillage du caissier, se fût peu à peu écoulée. Quoique impatientet bien triste, ce brave garçon, qui avait eu depuis l’enfance lavie des ouvriers de Paris, éprouvait du plaisir à se retrouver aumilieu de cette animation, de ces mœurs si spéciales. Il y avaitsur tous ces visages honnêtes ou vicieux le contentement de lasemaine finie. On sentait que le dimanche commençait pour eux lesamedi soir, à sept heures, devant la petite lampe du caissier.

Il faut avoir vécu parmi les commerçants pour connaître tout lecharme de ce repos d’un jour et sa solennité. Beaucoup de cespauvres gens enchaînés à des labeurs malsains attendent ce dimanchebéni comme une bouffée d’air respirable, nécessaire à leur santé età leur vie. Aussi quel épanouissement, quel besoin de gaietébruyante ! Il semble que l’oppression du travail de la semainese dissipe en même temps que la vapeur des machines qui s’échappeen sifflant et en fumant au-dessus des ruisseaux.

Tous les ouvriers s’éloignaient du grillage, en comptantl’argent éclatant dans leurs mains noires. C’était des déceptions,des murmures, des réclamations, des heures manquées, de l’argentpris à l’avance ; et dans le tintement des gros sous onentendait la voix de Sigismond calme et impitoyable défendant lesintérêts des patrons jusqu’à la férocité.

Frantz connaissait tous les drames de la paye, les faussesintonations et les vraies. Il savait que l’un réclamait pour lafamille, pour payer le boulanger, le pharmacien, des mois d’école.L’autre pour le cabaret, et pis encore. Les ombres tristes,accablées, passant et repassant devant le portail de la fabrique,jetant de longs regards au fond des cours, il savait ce qu’ellesattendaient, qu’elles guettaient toutes un père ou un mari pour leramener bien vite au logis d’une voix grondeuse et persuasive.

Oh ! les enfants nu-pieds, les tout petits enveloppés devieux châles, les femmes sordides, dont les visages noyés de larmesarrivent à la blancheur de linge des bonnets qui les entourent…

Oh ! le vice embusqué, rôdant autour de la paye, les bougesqui s’allument au fond des rues noires, les vitres troubles descabarets où les mille poisons de l’alcool étalent leurs couleursfausses.

Frantz connaissait toutes ces misères ; mais jamais ellesne lui avaient paru si lugubres, si poignantes que ce soir-là. Lapaye était finie, Sigismond sortait de son bureau. Les deux amis sereconnurent, s’embrassèrent : et, dans le silence de lafabrique, en arrêt pour vingt-quatre heures, muette de tous sesbâtiments vides, le caissier expliqua à Frantz l’état des choses.Il lui raconta la conduite de Sidonie, les dépenses folles,l’honneur du ménage détruit à jamais. Les Risler venaient d’acheterune campagne à Asnières, l’ancienne maison d’une actrice, et s’yétaient installés d’une façon somptueuse. Ils avaient chevaux,voitures, un luxe, un train de vie ! Ce qui inquiétait surtoutle brave Sigismond, c’était la retenue de Fromont jeune. Depuisquelque temps, il ne prenait presque plus d’argent à la caisse, etpourtant Sidonie dépensait plus que jamais.

– Chai bas gonfianze !… disait le malheureuxcaissier en remuant la tête… chai bas gonfianze…

Puis, baissant la voix, il ajoutait :

– Mais ton frère, mon petit Frantz, ton frère ?… Quinous l’expliquera ? Il s’en va dans tout cela les yeux enl’air, les mains dans les poches, l’idée à sa fameuse invention quimalheureusement ne sort pas vite… Tiens ! veux-tu que je tedise ? C’est un coquin ou c’est une bête.

Tout en parlant ils se promenaient de long en large dans lepetit jardin, s’arrêtaient, reprenaient leur marche. Frantz croyaitvivre dans un mauvais rêve La rapidité du voyage, ce changementbrusque de lieu et de climat, le flot de paroles de Sigismond quin’arrêtait pas, l’idée nouvelle qu’il fallait se faire de Risler etde Sidonie, cette Sidonie qu’il avait tant aimée, toutes ces chosesl’étourdissaient, le rendaient comme fou.

Il était tard. La nuit venait, Sigismond lui proposa del’emmener coucher à Montrouge ; il refusa, prétextant lafatigue, et, resté seul dans le Marais, à cette heure douteuse ettriste du jour qui finit et du gaz qu’on n’a pas encore allumé, ilalla machinalement vers son ancien logis de la rue de Braque.

À la porte de l’allée, un écriteau était pendu :Chambre de garçon à louer.

C’était justement la chambre où il avait vécu si longtemps avecson frère. Il reconnut la carte géographique piquée au mur parquatre épingles, la fenêtre du palier et la petite plaque des damesDelobelle : Oiseaux et mouches pour modes. La portede ces dames était entr’ouverte ; il n’eut qu’à la pousserpour entrer.

Certainement il n’y avait pas pour lui dans tout Paris un abriplus sûr, un coin mieux fait pour accueillir et calmer son âmetroublée que cet intérieur laborieux et immuable. Dans l’agitationactuelle de sa vie déroutée, c’était comme le port aux eauxtranquilles et profondes, le quai plein de soleil et de paix, oùles femmes travaillent en attendant les maris et les pères, pendantqu’au dehors le vent gronde, la mer bouillonne. C’était surtout,sans qu’il s’en rendît bien compte, un enlacement de sûresaffections, et ce doux miracle de tendresse qui nous rend précieux,même quand nous n’aimons pas, l’amour que l’on ressent pournous.

Ce cher petit glaçon de Désirée l’aimait tant. Elle avait desyeux si brillants, en lui parlant de choses indifférentes. Commeles objets trempés de phosphore resplendissent tous également, lesmoindres mots qu’elle disait illuminaient sa jolie figure épanouie.Quel bon repos c’était pour lui après les brutalités deSigismond.

Ils causaient tous deux avec animation, pendant que la mamanDelobelle mettait le couvert :

– Vous dînerez avec nous, n’est-ce pas, monsieurFrantz ?… Le père est allé reporter l’ouvrage ; mais ilrentrera sûrement pour dîner.

Il rentrera sûrement pour dîner !

L’excellente femme disait cela avec une certaine fierté. Eneffet, depuis la déconvenue de sa direction, l’illustre Delobellene mangeait plus dehors, même les soirs où il allait toucher lapaye. Le malheureux directeur avait pris tant de repas à crédit àson restaurant, qu’il n’osait plus y retourner. En revanche, il nemanquait jamais, le samedi, de ramener avec lui deux ou troisconvives affamés et inattendus, des « vieux camarades »,des « déveinards », C’est ainsi que ce soir-là il fit sonentrée, escorté d’un financier du théâtre de Metz et d’un comiquedu théâtre d’Angers, tous deux en disponibilité.

Le comique, rasé, ridé, ratatiné au feu de la rampe, avait l’aird’un vieux gamin ; le financier portait des espadrilles sansle moindre linge apparent. Delobelle les annonça pompeusement dèsla porte, mais la vue de Frantz Risler interrompit laprésentation.

– Frantz !… mon Frantz !…, cria le vieux cabotind’une voix mélodramatique en battant l’air de ses mainsconvulsives ; puis, après une longue et emphatique accolade,il présenta ses convives les uns aux autres.

– Monsieur Robricart, du théâtre de Metz.

– Monsieur Chandezon, du théâtre d’Angers.

– Frantz Risler, ingénieur.

Dans la bouche de Delobelle, ce mot d’ingénieur prenait desproportions !

Désirée eut une jolie moue, en voyant les amis de son père.C’eût été si beau d’être en famille un jour comme aujourd’hui. Maisle grand homme se moquait bien de cela. Il avait assez à faire àdébarrasser ses poches. D’abord il en tira, un superbe pâté ;« pour ces dames », disait-il, oubliant qu’il l’adorait.Un homard parut ensuite ; puis un saucisson d’Arles, desmarrons glacés, des cerises, les premières !

Pendant que le financier enthousiasmé, rehaussait un col dechemise invisible, que le comique faisait « gnouf !gnouf ! » d’un geste oublié des Parisiens depuis dix ans,Désirée pensait avec terreur au trou immense que ce repas improviséallait creuser dans les pauvres ressources de la semaine, et lamaman Delobelle, affairée, bouleversait tout le buffet pour trouverle nombre de couverts suffisant.

Le repas fut très gai Les deux comédiens dévoraient à la grandejoie de Delobelle qui remuait avec eux de vieux souvenirs decabotinage. Rien de plus lugubre. Imaginez des débris de portants,des lampions éteints, un vieux fonds d’accessoires moisis ettombant en miettes.

Dans une espèce d’argot familier, trivial, tutoyeur, ils serappelaient leurs innombrables succès, car tous trois, à lesentendre, avaient été acclamés, chargés de couronnes, portés entriomphe par des villes entières. Tout en parlant, ils mangeaientcomme mangent les comédiens, assis de trois quarts, face au public,avec cette fausse hâte des convives de théâtre devant un souper decarton, cette façon d’alterner les mots et les bouchées, dechercher des effets en posant son verre, en rapprochant sa chaise,d’exprimer l’intérêt, l’étonnement, la joie, la terreur, lasurprise, à l’aide d’un couteau et d’une fourchette savammentmanœuvrés. La maman Delobelle les écoutait en souriant.

On n’est pas la femme d’un acteur depuis trente ans, sans avoirun peu pris l’habitude de ces singulières façons d’être.

Mais un petit coin de la table se trouvait séparé du reste desconvives comme par une nuée qui interceptait les mots bêtes, lesgros rires, les vanteries. Frantz et Désirée se parlaient àdemi-voix, sans rien entendre de ce qui se disait autour d’eux. Deschoses de leur enfance, des anecdotes de voisinage, tout un passévague, qui ne valait que par la communauté des souvenirs évoqués,par l’étincelle pareille montant à leurs yeux, faisaient les fraisde leur douce causerie. Tout à coup le nuage se déchira, et laterrible voix de Delobelle interrompit le dialogue :

– Tu n’as pas vu ton frère ? demanda-t-il à Frantzpour n’avoir pas l’air de trop le laisser de côté… tu n’as pas vusa femme non plus ?… Ah ! tu vas en trouver une Madame.Des toilettes, mon cher, et un chic ! Je ne te dis que ça. Ilsont un vrai château à Asnières. Les Chèbe sont là-bas aussi…Ah ! tout ça, mon vieux, ça nous distance. On est riche, ondédaigne les camarades… Jamais un mot, jamais une visite. Pour moi,tu comprends, je m’en moque, mais c’est vraiment blessant pour cesdames.

– Oh ! papa, dit Désirée vivement, vous savez bien quenous autres, nous aimons trop Sidonie pour lui en vouloir.

Le comédien donna un grand coup de poing furieux sur latable :

– Eh ! c’est bien le tort que vous avez… Il faut envouloir aux gens qui ne cherchent qu’à vous blesser, à voushumilier.

Il avait encore sur le cœur les fonds refusés à son projet dethéâtre, et d’ailleurs, ne cachait pas sa rancune :

– Si tu savais, disait-il à Frantz, si tu savais quelgaspillage il y a là-dedans. C’est une pitié… Et rien de solide,rien d’intelligent. Moi qui te parle, j’ai demandé à ton frère unepetite somme pour me faire un avenir et lui assurer à lui desbénéfices considérables. Il m’a refusé net…, Parbleu ! madameest bien trop exigeante. Elle monte à cheval, va aux courses envoiture et vous mène son mari du même train que son petit paniersur le quai d’Asnières… Entre nous, je ne le crois pas bienheureux, ce brave Risler… Cette petite femme-là lui en fait voir detoutes les couleurs…

L’ex-comédien termina sa tirade par un clignotement d’yeux àl’adresse du comique et du financier, et pendant un moment il y eutentre eux un échange de mines, de grimaces convenues, des« hé ! hé ! » des « hum !hum ! » toute la pantomime des sous-entendus.

Frantz était atterré. Malgré lui, l’horrible certitude luiarrivait de tous côtés, Sigismond avait parlé avec sa nature,Delobelle avec la sienne. Le résultat était le même. Heureusementle dîner finissait. Les trois acteurs se levèrent de table et s’enallèrent à la brasserie de la rue Blondel, Frantz resta avec lesdeux femmes.

En le voyant là, tout près d’elle, affectueux et doux, Désiréeeut tout à coup un élan de reconnaissance pour Sidonie. Elle se ditqu’après tout c’était à sa générosité qu’elle devait ce semblant debonheur, et cette pensée lui donna du cœur pour défendre sonancienne amie.

– Voyez-vous, monsieur Frantz, il ne faut pas croire toutce que mon père vous a raconté de votre belle-sœur. Il exagèretoujours un peu, ce cher papa. Moi, je sais bien que Sidonie estincapable de tout le mal dont on l’accuse. Je suis sûre que soncœur est resté le même et qu’elle aime toujours ses amis, quoiqu’elle les néglige un peu… C’est la vie, cela. On est séparé sansle vouloir. N’est-ce pas vrai, monsieur Frantz ?

Oh ! comme il la trouvait jolie, pendant quelle lui parlaitainsi. Jamais il n’avait autant remarqué ces traits fins, ce teintaristocratique ; et, quand il partit ce soir-là, attendri parl’empressement qu’elle avait mis à défendre Sidonie, par toutes lescharmantes raisons féminines qu’elle donnait au silence, àl’abandon de son amie, Frantz Risler pensait, avec un sentiment deplaisir égoïste et naïf, que cette enfant l’avait aimé, qu’ellel’aimait peut-être encore et lui gardait au fond de son cœur cetteplace chaude, abritée, où l’on revient comme au refuge quand la vienous a blessé.

Toute la nuit, dans son ancienne chambre, bercé par le mouvementdu voyage, par ce bruit de vagues et de grand vent qui suit leslongues traversées, il rêva du temps de sa jeunesse, de la petiteChèbe, de Désirée Delobelle, de leurs jeux, de leurs travaux, del’École Centrale dont les grands bâtiments dormaient tout près delui, mornes, dans les rues noires du Marais. Puis, le matin venu,comme la lumière tombant des fenêtres sans rideau tourmentait sesyeux et lui ramenait le sentiment du devoir et des préoccupationsde la journée, il rêva que c’était l’heure d’aller à l’École et queson frère, avant de descendre à la fabrique, entrouvrait la portepour lui crier :

« Allons ! paresseux, allons !… »

Cette bonne voix aimante, trop vivante, trop réelle pour lerêve, lui fit ouvrir les yeux tout à fait.

Risler était debout près de son lit, guettait son réveil avec unadorable sourire un peu ému, et la preuve que c’était bien Risler,c’est que dans sa joie de revoir son frère Frantz, il ne trouvaitrien de mieux à dire que : « Je suis content… Je suiscontent… »

Quoique ce jour-là fût un dimanche, Risler, selon son habitude,était venu à la fabrique profiter du silence et de la tranquillitépour travailler à son imprimeuse. Sitôt en arrivant, lepère Achille lui avait appris que son frère était descendu rue deBraque, et il accourait joyeux, surpris, un peu vexé de n’avoir pasété averti d’avance et surtout que Frantz l’eût privé de lapremière soirée du retour. Ce regret revenait à chaque instant danssa causerie à bâtons rompus, où tout ce qu’il avait à diredemeurait inachevé, interrompu par mille questions diverses, desexplosions de tendresse et de joie. Frantz s’excusa sur la fatigue,le plaisir qu’il avait eu à se retrouver dans leur anciennechambre.

– C’est bon, c’est bon, disait Risler ; maismaintenant, je ne te lâche plus… tu vas venir à Asnières tout desuite… Je me donne congé aujourd’hui… Tu comprends, il n’y a plusde travail possible du moment que tu arrives… C’est la petite quiva être surprise… et contente… Nous parlions si souvent de toi…Quel bonheur ! Quel bonheur !…

Et le pauvre homme s’épanouissait de joie, devenait bavard, lui,le silencieux, admirait son Frantz, trouvait qu’il avait grandi.Pourtant l’élève de l’École Centrale était déjà d’une belle tailleau départ ; seulement ses traits s’étaient accentués, sesépaules élargies, et il y avait loin du grand garçon à tournure deséminariste parti deux ans auparavant pour Ismaïlia, à ce beauforban, tanné, sérieux et doux.

Pendant que Risler le contemplait, Frantz, de son côté,observait très attentivement son frère, et, le trouvant toujours lemême, aussi naïf, aussi tendre, aussi distrait par moments, il sedisait :

« Non ! ce n’est pas possible… il n’a pas cessé d’êtrehonnête homme. »

Alors, songeant à ce qu’on osait supposer, toute sa colère setournait contre cette femme, hypocrite et vicieuse, qui trompaitson mari si effrontément, si impunément, qu’elle arrivait à lefaire passer pour son complice. Oh ! quelle explicationterrible il allait avoir avec elle, comme il allait lui parlerdurement. « Je vous défends, madame, vous m’entendez bien, jevous défends de déshonorer mon frère !… »

Il pensait à cela tout le temps de la route, en voyant filer lesarbres encore grêles le long des talus du chemin de fer deSaint-Germain. Assis en face de lui, Risler bavardait, bavardaitsans s’arrêter. Il parlait de la fabrique, de leurs affaires. Ilsavaient gagné quarante mille francs chacun l’année dernière ;mais ce serait bien autre chose quand l’Imprimeusemarcherait. « Une imprimeuse rotative, mon petit Frantz,rotative et dodécagone, pouvant donner d’un seul tour de rouel’empreinte d’un dessin de douze à quinze couleurs, rouge sur rose,vert foncé sur vert clair, sans confusion, sans absorption, sansqu’un trait nuise à son voisin, sans qu’une nuance écrase ou boivel’autre… Comprends-tu ça frérot ?… Une mécanique qui seraartiste comme un homme… C’est une révolution dans les papierspeints. »

– Mais, demandait Frantz, un peu inquiet, l’as-tu trouvée,ton Imprimeuse, ou la cherches-tu encore ?

– Trouvée !… archi-trouvée !… Demain, je temontrerai tous mes plans. J’ai même inventé, par la même occasion,une accrocheuse automatique pour pendre le papier aux tringles duséchoir… La semaine prochaine, je m’installe chez nous, tout enhaut, dans les greniers, et je fais fabriquer mystérieusement mapremière mécanique, moi-même, sous mes yeux. Il faut que dans troismois les brevets soient pris et que l’Imprimeusefonctionne… Tu verras, mon petit Frantz, ce sera notre fortune àtous… tu penses si je serai content de pouvoir rendre à ces Fromontun peu du bien qu’ils m’ont fait… Ah ! tiens, vraiment, le bonDieu m’a comblé dans la vie…

Là-dessus le voilà parti à énumérer tous ses bonheurs. Sidonieétait la meilleure des créatures, un amour de petite femme qui luifaisait beaucoup d’honneur. Ils avaient un intérieur charmant. Ilsvoyaient du monde, du très beau monde. La petite chantait comme unrossignol, grâce à la méthode si expressive de madame Dobson.Encore un bien bon être que cette madame Dobson… Une seule chose letourmentait, ce pauvre Risler : c’était sa brouilleincompréhensible avec Sigismond. Frantz l’aiderait peut-être àéclaircir ce mystère.

– Oh ! oui, je t’y aiderai, frère, répondait Frantzles dents serrées ; et le rouge de la colère lui montait aufront à l’idée qu’on avait pu soupçonner cette franchise, cetteloyauté qui s’étalaient devant lui dans leur expression spontanéeet naïve. Heureusement il arrivait, lui, le justicier ; et ilallait remettre toutes choses en place.

Cependant on approchait de la maison d’Asnières. Frantz l’avaitdéjà remarquée de loin à un caprice d’escalier en tourelle toutluisant d’ardoises neuves et bleues. Elle lui parut faite exprèspour Sidonie, la vraie cage de cet oiseau au plumage capricieux etvoyant.

C’était un chalet à deux étages, dont les glaces claires, lesrideaux doublés de rose s’apercevaient du chemin de fer, miroitantau fond d’une pelouse verte, où pendait une énorme boule de métalanglais.

La rivière coulait tout près, encore parisienne, encombrée dechaînes, d’établissements de bains, de gros bateaux, et secouant àla moindre vague des tas de petits canots très légers, liés auport, avec la poussière du charbon sur leurs noms prétentieux ettout frais peints. De ses fenêtres, Sidonie pouvait voir lesrestaurants du bord de l’eau, silencieux en semaine, débordant ledimanche d’une foule bigarrée et bruyante, dont les gaietés semêlaient aux plongeons lourds des rames et partaient des deux rivespour se rejoindre au-dessus de la rivière dans ce courant derumeurs, de cris, d’appels, de rires, de chansons qui, les jours defête, monte et redescend ininterrompu sur dix lieues de Seine.

En semaine, on voyait errer des gens débraillés, désœuvrés etflâneurs, des hommes en chapeaux de grosse paille larges etpointus, en vareuses de laine, des femmes qui s’asseyaient surl’herbe usée des talus, inactives, avec l’œil qui rêve des vachesau pâturage. Tous les forains, les joueurs d’orgues, les harpistes,les saltimbanques en tournée, s’arrêtaient là comme à une banlieue.Le quai en était encombré, et les petites maisons qui le bordaient,s’ouvrant toujours à leur approche, des camisoles blanches, malattachées, des chevelures en désordre, une pipe flâneuse semontraient aux fenêtres, guettant comme un regret de Paris toutvoisin ces trivialités ambulantes.

C’était triste et laid. L’herbe à peine poussée jaunissait sousles pas. La poussière était noire ; et pourtant, chaque jeudi,la haute cocotterie passait par là, se rendant au Casino, au grandtrain de ses roues fragiles et de ses postillons d’emprunt. Toutcela plaisait à cette enragée Parisienne de Sidonie ; puis,dans son enfance, la petite Chèbe avait beaucoup entendu parlerd’Asnières par l’illustre Delobelle, qui aurait voulu avoir dansces parages, comme tant d’autres comédiens, une maisonnette, uncoin de campagne où l’on rentre par les trains de minuit et demi,après la sortie des théâtres.

Tous les rêves de la petite Chèbe, Sidonie Risler les réalisait.Les deux frères arrivèrent près de la porte du quai, où la clefrestait d’habitude. Ils entrèrent, traversant des massifs encorejeunes. Çà et là une salle de billard, la maison du jardinier, unepetite serre vitrée apparaissaient comme les différentes parties deces chalets suisses qu’on donne en jeu aux enfants ; le touttrès léger, à peine planté au sol, prêt à s’envoler au moindre ventde faillite ou de caprice : une villa de cocotte ou deboursier.

Frantz regardait autour de lui, un peu ébloui. Au fond, sur unperron entouré de vases fleuris, le salon ouvrait ses hautespersiennes. Un fauteuil américain, des pliants, une petite table oùle café était encore servi, s’étalaient auprès de la porte. Àl’intérieur, on entendait des accords plaqués au piano, et unmurmure de voix assourdies.

– C’est Sidonie qui va être étonnée, disait le bon Risleren marchant doucement sur le sable, elle ne m’attend pas avant cesoir… En ce moment, elle fait de la musique avec madame Dobson.

Et, poussant vivement la porte, du seuil, avant d’entrer, ilcria de sa grosse voix bon enfant :

– Devine qui j’amène. Madame Dobson, assise toute seuledevant le piano, fit un bond sur son tabouret, et au fond du grandsalon, derrière les plantes exotiques qui montaient au-dessus d’unetable dont elles semblaient continuer le dessin pur et élancé,Georges Fromont et Sidonie se dressèrent précipitamment.

– Ah ! vous m’avez fait peur… dit celle-ci en courantvers Risler.

Les ruches de son peignoir blanc, que des rubans bleustraversaient comme des petits coins de ciel emmêlés de nuages,tourbillonnèrent sur le tapis, et, déjà remise de son embarras,très droite avec un air aimable et son éternel petit sourire, ellevint embrasser son mari et tendit son front à Frantz en luidisant.

– Bonjour, mon frère.

Risler les laissa en face l’un de l’autre et s’approcha deFromont jeune, qu’il était très étonné de trouver là :

– Comment ! Chorche, vous voilà ?… Je vouscroyais à Savigny…

– Mais, oui, figurez-vous… J’étais venu… Je pensais que ledimanche vous restiez à Asnières… C’était pour vous parler d’uneaffaire…

Vivement, en s’entortillant dans ses phrases, il se mit àl’entretenir d’une commande importante. Après quelques parolesinsignifiantes échangées avec Frantz impassible, Sidonie avaitdisparu. Madame Dobson continuait ses trémolos en sourdine, pareilsà ceux qui accompagnent au théâtre les situations critiques.

Le fait est que celle-là était assez tendue. Seulement la bonnehumeur de Risler chassait toute contrainte. Il s’excusait auprès deson associé de ne s’être pas trouvé là, voulait montrer la maison àFrantz. On alla du salon à l’écurie, de l’écurie aux offices, auxremises, à la serre. Tout était neuf, brillant, luisant, troppetit, incommode.

– Mais, disait Risler avec une certaine fierté, il y en apour beaucoup d’argent !

Il tenait à faire admirer l’acquisition de Sidonie dans sesmoindres détails, montrait le gaz et l’eau arrivant à tous lesétages, les sonnettes perfectionnées, les meubles du jardin, lebillard anglais, l’hydrothérapie, et tout cela avec des élans dereconnaissance à l’adresse de Fromont jeune qui, en l’associant àsa maison, lui avait positivement mis dans la main une fortune. Àchaque nouvelle effusion de Risler, Georges Fromont se dérobaithonteux et gêné sous le regard singulier de Frantz.

Le déjeuner manqua d’entrain. Madame Dobson parlait presquetoute seule, heureuse de nager en pleine intrigue romanesque.Connaissant, ou plutôt croyant connaître à fond l’histoire de sonamie, elle comprenait la colère sourde de Frantz, un ancienamoureux furieux de se voir remplacé, l’inquiétude de Georgestroublé par l’apparition d’un rival, encourageait l’un d’un regard,consolait l’autre d’un sourire, admirait la tranquillité deSidonie, et réservait tout son dédain pour cet abominable Risler,le tyran grossier et farouche. Ses efforts tendaient surtout à nepas laisser s’établir autour de la table ce silence terrible queles fourchettes entrechoquées scandent d’une façon ridicule etgênante.

Sitôt le déjeuner fini, Fromont jeune annonça qu’il retournait àSavigny. Risler aîné n’osa pas le retenir, en songeant que sa chèremadame Chorche passerait son dimanche toute seule ; et sansavoir pu dire un mot à sa maîtresse, l’amant s’en alla par le grandsoleil prendre un train de l’après-midi, toujours escorté du mari,qui s’entêta à le reconduire jusqu’à la gare.

Madame Dobson s’assit un moment avec Frantz et Sidonie sous unepetite tonnelle qu’une vigne grimpante étoilait de ses bourgeonsroses ; puis, comprenant qu’elle les gênait, elle rentra dansle salon, et, comme tout à l’heure, pendant que Georges était là,elle se mit à jouer et à chanter doucement, expressivement. Dans lejardin silencieux, cette musique étouffée, glissant à travers lesbranches, faisait comme un roucoulement d’oiseau avant l’orage.

Enfin ils étaient seuls. Sous le treillage de la tonnelle,encore nu et vide de feuilles, le soleil de mai brûlait trop.Sidonie s’abritait de la main en regardant les passants du quai.Frantz regardait dehors, lui aussi, mais d’un autre côté ; ettous deux, en affectant d’être tout à fait indépendants l’un del’autre, se retournèrent au même instant dans une conformité degeste et de pensée.

– J’ai à vous parler, lui dit-il, juste au moment où elleouvrait la bouche.

– Moi aussi, répondit-elle d’un air grave ; mais,venez par ici… nous serons mieux.

Et ils entrèrent ensemble dans un petit pavillon bâti au fond dujardin.

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