La divine comédie – Tome 3 – Le Paradis

CHANT VII

 

« Hosanna sanctus DeusSabaoth

superillustrans claritate tua

felices ignes horummalacoth. »[60]

 

Ainsi, faisant retour aux notes de sonchant,

je vis bientôt après chanter cettesubstance

sur laquelle se joint une doubleclarté[61].

 

Avec d’autres esprits, elle reprit sadanse

et comme un grand envol d’étincellesrapides

ils plongèrent au fond des distancessoudaines.

 

Il me restait un doute et je pensais :« Dis-lui !

dis-le-lui ! dis-le-lui ! » medisais-je, à ma dame

qui sait calmer ma soif avec de doucesgouttes.

 

Cependant, la ferveur qui s’empare de moi

quand j’entends seulement prononcer Bou ice,

me tenait engourdi, comme lorsqu’ons’endort.

 

Béatrice ne put me voir dans cet état

et elle commença, m’éclairant d’un sourire

qui me rendrait heureux même au milieu dufeu :

 

« Ma perspicacité qui voit toutm’avertit

que tu ne parviens pas à comprendrepourquoi

il convient de punir une justevengeance[62]

Pour les éléments, des causes médiates ontconcouru à leur formation. De la même manière, l’âme végétative etl’âme sensitive sont un effet de l’influence des cieux et de leursétoiles ; seule l’âme rationnelle est l’œuvre immédiate deDieu..

 

Mais j’aurai vite fait de supprimer tesdoutes ;

écoute-moi donc bien, parce que mesparoles

t’apporteront le don de vérités profondes.

 

N’ayant pas accepté de mettre un freinutile

à son vouloir, celui qui fut homme sansnaître[63],

damna toute sa race en se damnantlui-même.

 

Par lui, l’espèce humaine est demeuréeinfirme,

dans une grande erreur, pendant beaucoup desiècles,

jusqu’au jour où de Dieu le Verbe estdescendu

 

et daigna réunir la nature éloignée

de son premier auteur à sa proprepersonne,

par la seule vertu de l’amour éternel.

 

Réfléchis maintenant à ce que je tedis :

cette même nature, unie au créateur

telle qu’il l’avait faite, était bonne et sanstache ;

 

mais par sa propre faute elle se vitensuite

bannir du Paradis, pour avoir délaissé

la route véridique et son propre chemin.

 

Ainsi, le châtiment imposé par la croix

fut, en considérant la nature empruntée,

plus juste que nul autre, avant ou biendepuis ;

 

mais on ne fit jamais une plus grandeoffense,

si l’on pense à Celui qui la dut supporter

et à qui s’ajoutait la nature nouvelle.

 

C’est pourquoi l’acte unique eut des effetsdivers :

cette mort plut à Dieu en même temps qu’auxJuifs ;

elle ébranla la terre et fit s’ouvrir leciel.

 

II ne te sera plus difficile d’admettre

qu’on dise désormais qu’une justevengeance

fut vengée à son tour par une juste cour.

 

Mais je vois maintenant ton esprits’embrouiller

de penser en penser, jusqu’à former unnœud

dont il est désireux de se voir dépêtrer.

 

Tu te dis : « Je comprends très bience que j’entends ;

mais j’ignore toujours pourquoiprécisément

Dieu choisit ce moyen pour racheter leshommes. »

 

Frère, ce décret-là demeure enseveli

aux regards de tous ceux qui n’ont pas encorpu

sublimer leur esprit aux flammes del’amour.

 

Pourtant, comme ce but a bien souvent été

regardé, soupesé, bien mal interprété,

je te dirai pourquoi ce moyen fut plusdigne.

 

La divine bonté, qui brûle en elle-même

et qui repousse au loin tout penserégoïste,

dispense son éclat aux beautés éternelles.

 

Ce qui dérive d’elle immédiatement

ne connaît pas de fin : la marque de soncoin

demeure inaltérable, une fois mis lesceau.

 

Ce qui dérive d’elle immédiatement

est libre tout à fait, car il n’est passoumis

aux vertus des objets nouvellement créés.

 

Plus l’objet lui ressemble, et plus il doitlui plaire,

car cette sainte ardeur qui rayonne surtout

a d’autant plus d’éclat qu’elle l’imitemieux.

 

Or, quant à l’homme, il peut tirer desavantages

de chacun de ces dons[64] ;et si l’un seul lui manque,

on le voit aussitôt déchoir de sanoblesse.

 

Le seul péché lui fait perdre sa liberté

et toute ressemblance avec le Biensuprême,

en sorte qu’il reçoit bien moins de saclarté ;

 

il ne retrouvera jamais sa dignité,

sans bien remplir d’abord ce que vidaient sesfautes,

payant d’un juste deuil ses coupablesplaisirs.

 

Votre nature humaine ayant dans sonancêtre

péché toute à la fois, fut à la fin privée

de cette dignité comme du paradis ;

 

et si tu réfléchis avec attention,

elle ne les pouvait recouvrer nullement,

si ce n’est en passant par l’un de ces deuxgués :

 

ou bien que Dieu lui-même, usant debienveillance,

pardonnât, ou que l’homme eût enfinracheté

par ses propres moyens son ancienne folie.

 

Plonge donc ton regard au sein de cetabîme

du conseil éternel ; autant que tupourras,

suis attentivement le fil de mondiscours !

 

Pour l’homme, il ne pouvait, à cause de sesbornes,

se racheter jamais, ne pouvant pasdescendre

et de son repentir fournir le témoignage,

 

autant qu’en sa révolte il prétendaitmonter ;

et pour cette raison il n’était pas à même

de satisfaire au ciel par ses propresmoyens.

 

II fallait donc que Dieu, par l’emploi de sesvoies,

j’entends par l’une seule ou par les deuxconjointes[65],

vînt restituer l’homme à sa vie intégrale.

 

Cependant, l’œuvre étant d’autant plusagréable

à celui qui l’a fait, qu’elle fait mieux lapreuve

de la bonté du cœur qui la conçut d’abord,

 

la divine Bonté qui modèle le monde

voulut bien vous remettre à la hauteurd’avant,

usant des deux moyens à la fois, dans cebut.

 

Depuis le jour premier jusqu’à la nuitdernière

on ne vit ni verra jamais de procédé

plus noble et généreux, dans aucun des deuxsens ;

 

car, se donnant lui-même afin que l’hommepût

se relever enfin, Dieu fut plus libéral

que s’il avait voulu simplement pardonner.

 

Pour sa justice aussi, tous les autresmoyens

étaient insuffisants, tant que le Fils deDieu

n’allait s’humilier en s’incarnant pourvous.

 

Enfin, pour bien répondre à toutes tesdemandes,

je m’en vais t’éclairer certains autresdétails,

pour que tu puisses voir aussi clair quemoi-même.

 

Tu dis : « Je vois bien l’eau, jevois aussi le feu,

l’air ainsi que la terre et que tous leursmélanges,

qui se corrompent tous et ne durent qu’untemps.

 

Pourtant, tous ces objets furent aussicréés ;

et, si ce qu’on m’a dit était la vérité,

nulle corruption ne devrait lestoucher. »

 

Les anges seulement, frère, et ce pur pays

où l’on est à présent, furent d’abordcréés

tout tels que tu les vois et dans leur êtreentier ;

 

mais tous ces éléments que tu viens denommer,

ainsi que les objets qui se composentd’eux,

ne sont que le produit d’une vertu créée.

 

Leur matière, en effet, était chosecréée ;

la puissance informante elle aussi futcréée

dans chaque astre qui tourne autour de leurdestin[66]

Pour les éléments, des causes médiates ontconcouru à leur formation. De la même manière, l’âme végétative etl’âme sensitive sont un effet de l’influence des cieux et de leursétoiles ; seule l’âme rationnelle est l’œuvre immédiate deDieu..

 

L’âme de l’animal ou celle de la plante

vient aux complexions dûment potentiées

de l’éclat et du cours de ces sainteslumières ;

 

la suprême Bonté cependant fit votre âme

immédiatement, la rendant amoureuse

d’elle, pour qu’elle en soit sans cessedésirée.

 

Partant de tout cela, tu pourras mieuxcomprendre

la résurrection de vos corps, si tu penses

comment on a formé la chair de tous leshommes,

 

le jour où furent faits les deux premiersparents. »[67]

 

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer