Scène IX
Lysandre
Célidée ! Ah, tu fuis ! tu fuisdonc, et tu n’oses
Faire tes yeux témoins d’un trépas que tucauses !
Ton esprit, insensible à mes feuxinnocents,
Craint de ne l’être pas aux douleurs que jesens :
Tu crains que la pitié qui se glisse en tonâme
N’y rejette un rayon de ta premièreflamme,
Et qu’elle ne t’arrache un soudainrepentir,
Malgré tout cet orgueil qui n’y peutconsentir.
Tu vois qu’un désespoir dessus mon frontexprime
En mille traits de feu mon ardeur et toncrime ;
Mon visage t’accuse, et tu vois dans mesyeux
Un portrait que mon cœur conserve beaucoupmieux.
Tous mes soins, tu le sais, furent pourCélidée :
La nuit ne m’a jamais retracé d’autreidée,
Et tout ce que Paris a d’objets ravissants
N’a jamais ébranlé le moindre de mes sens.
Ton exemple à changer en vain mesollicite ;
Dans ta volage humeur j’adore tonmérite ;
Et mon amour, plus fort que mesressentiments,
Conserve sa vigueur au milieu destourments,
Reviens, mon cher souci, puisqu’après tesdéfenses
Mes plus vives ardeurs sont pour toi desoffenses.
Vois comme je persiste à te désobéir,
Et par là, si tu peux, prends droit de mehaïr.
Fol, je présume ainsi rappelerl’inhumaine,
Qui ne veut pas avoir de raisons à sahaine ?
Puisqu’elle a sur mon cœur un pouvoirabsolu,
Il lui suffit de dire : « Ainsi jel’ai voulu. »
Cruelle, tu le veux ! C’est donc ainsiqu’on traite
Les sincères ardeurs d’une amour siparfaite ?
Tu me veux donc trahir ? Tu le veux, etta foi
N’est qu’un gage frivole à qui vit sous taloi ?
Mais je veux l’endurer sans bruit, sansrésistance ;
Tu verras ma langueur, et non moninconstance ;
Et de peur de t’ôter un captif par mamort,
J’attendrai ce bonheur de mon funestesort.
Jusque-là mes douleurs, publiant tavictoire,
Sur mon front pâlissant élèveront tagloire,
Et sauront en tous lieux hautementtémoigner
Que, sans me refroidir, tu m’as pudédaigner.