Scène X
Pleirante,Célidée
Pleirante
Ta compagne est du moins aussi fine quebelle.
Célidée
Elle a bien su, de vrai, se défaire devous.
Pleirante
Et fort habilement se parer de mes coups.
Célidée
Peut-être innocemment, faute d’y riencomprendre.
Pleirante
Mais faute, bien plutôt, d’y vouloir rienentendre.
Je suis des plus trompés si Dorimant luiplaît.
Célidée
Y prenez-vous, monsieur, pour lui quelqueintérêt ?
Pleirante
Lysandre m’a prié d’en porter la parole.
Célidée
Lysandre !
Pleirante
Oui, ton Lysandre.
Célidée
Et lui-même cajole…
Pleirante
Quoi ? que cajole-t-il ?
Célidée
Hippolyte, à mes yeux.
Pleirante
Folle, il n’aima jamais que toi dessous lescieux ;
Et nous sommes tout prêts de choisir lajournée
Qui bientôt de vous deux terminel’hyménée.
Il se plaint toutefois un peu de tafroideur ;
Mais, pour l’amour de moi, montre-lui plusd’ardeur ;
Parle : ma volonté sera-t-elleobéie ?
Célidée
Hélas ! qu’on vous abuse après m’avoirtrahie !
Il vous fait, cet ingrat, parler pourDorimant,
Tandis qu’au même objet il s’offre pouramant,
Et traverse par là tout ce qu’à sa prière
Votre vaine entremise avance vers la mère.
Cela, qu’est-ce, monsieur, que se jouer devous ?
Pleirante
Qu’il est peu de raison dans ces espritsjaloux !
Eh quoi ! pour un ami s’il rend unevisite,
Faut-il s’imaginer qu’il cajoleHippolyte ?
Célidée
Je sais ce que j’ai vu.
Pleirante
Je sais ce qu’il m’a dit,
Et ne veux plus du tout souffrir decontredit.
Mon choix de votre hymen en sa faveurdispose.
Célidée
Commandez-moi plutôt, monsieur, toute autrechose.
Pleirante
Quelle bizarre humeur ! quelleinégalité
De rejeter un bien qu’on a tantsouhaité !
La belle, voyez-vous ! qu’on perde cescaprices ;
Il faut pour m’éblouir de meilleursartifices.
Quelque nouveau venu vous donne dans lesyeux,
Quelque jeune étourdi qui vous flatte un peumieux :
Et parce qu’il vous fait quelque feintecaresse,
Il faut que nous manquions, vous et moi, depromesse ?
Quittez, pour votre bien, ces fantasquesrefus.
Célidée
Monsieur…
Pleirante
Quittez-les, dis-je, et ne contestez plus…