La Galerie du Palais

Scène IX

Dorimant,Lysandre,Cléante

Dorimant

Eh bien, elle s’appelle ?

Cléante

Ne m’informez de rien qui touche cettebelle.

Trois filous rencontrés vers le milieu dupont,

Chacun l’épée au poing, m’ont voulu faireaffront,

Et sans quelques amis qui m’ont tiré depeine,

Contr’eux ma résistance eût peut-être étévaine ;

Ils ont tourné le dos, me voyant secouru,

Mais ce que je suivais tandis est disparu.

Dorimant

Les traîtres ! trois contre un !t’attaquer ! te surprendre !

Quels insolents vers moi s’osent ainsiméprendre ?

Cléante

Je ne connais qu’un d’eux, et c’est là leretour

De quelques tours de main qu’il reçut l’autrejour,

Lorsque, m’ayant tenu quelques proposd’ivrogne,

Nous eûmes prise ensemble à l’hôtel deBourgogne.

Dorimant

Qu’on le trouve où qu’il soit ; qu’unegrêle de bois

Assemble sur lui seul le châtiment destrois ;

Et que sous l’étrivière il puisse tôtconnaître,

Quand on se prend aux miens, qu’on s’attaque àleur maître !

Lysandre

J’aime à te voir ainsi décharger toncourroux :

Mais voudrais-tu parler franchement entrenous ?

Dorimant

Quoi ! tu doutes encor de ma justecolère ?

Lysandre

En ce qui le regarde, elle n’est quelégère :

En vain pour son sujet tu faisl’intéressé ;

Il a paré des coups dont ton cœur estblessé :

Cet accident fâcheux te vole unemaîtresse ;

Confesse ingénument, c’est là ce qui tepresse.

Dorimant

Pourquoi te confesser ce que tu voisassez ?

Au point de se former, mes desseinsrenversés,

Et mon désir trompé, poussent dans cescontraintes,

Sous de faux mouvements, de véritablesplaintes.

Lysandre

Ce désir, à vrai dire, est un amournaissant

Qui ne sait où se prendre, et demeureimpuissant ;

Il s’égare et se perd dans cetteincertitude ;

Et renaissant toujours de ton inquiétude,

Il te montre un objet d’autant plussouhaité,

Que plus sa connaissance a de difficulté.

C’est par là que ton feu davantages’allume :

Moins on l’a pu connaître, et plus on enprésume ;

Notre ardeur curieuse en augmente le prix.

Dorimant

Que tu sais cher ami, lire dans lesesprits !

Et que, pour bien juger d’une secrèteflamme,

Tu pénètres avant dans les ressorts d’uneâme !

Lysandre

Ce n’est pas encor tout, je veux tesecourir.

Dorimant

Oh, que je ne suis pas en état deguérir !

L’amour use sur moi de trop de tyrannie.

Lysandre

Souffre que je te mène en une compagnie

Où l’objet de mes vœux m’a donnérendez-vous ;

Les divertissements t’y sembleront sidoux,

Ton âme en un moment en sera si charmée

Que, tous ses déplaisirs dissipés enfumée,

On gagnera sur toi fort aisément ce point

D’oublier un objet que tu ne connaispoint.

Mais garde-toi surtout d’une jeune voisine

Que ma maîtresse y mène ; elle est etbelle et fine,

Et sait si dextrement ménager sesattraits,

Qu’il n’est pas bien aisé d’en éviter lestraits.

Dorimant

Au hasard, fais de moi tout ce que bon tesemble.

Lysandre

Donc, en attendant l’heure, allons dînerensemble.

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